jeudi 25 octobre 2012

Max Picard — Le Monde du silence (Chapitre I-VI)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.

Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954.

PRÉFACE

«... quand nous parlons d'humilité, c'est d'ordinaire à la fausse humilité que nous pensons et rien n'est à vrai dire, plus déplaisant, car la fausse humilité est contraire à une certaine dignité essentielle de l'être humain.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. x.

«L'image est comme une station sur le chemin qui mène du silence au mot, elle éveille chez l'homme le souvenir d'un mode d'existence antérieur au moi et comme la nostalgie de ce mode d'existence.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. xi.

«... lorsque des êtres humains causent ensemble, il y a toujours avec eux un tiers qui écoute et qui est le silence. Mais ceci n'est intelligible qu'à condition de distinguer entre la parole et le bavardage. Quand deux êtres bavardent, ce tiers fait défaut, peut-être en réalité parce qu'il n'y a plus personne, mais seulement des espèces de mécaniques qui fonctionnent.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. xii.

«Le silence unifie en quelque façon le présent, le passé et l'avenir. Or dans l'amour il y a plus de silence que de paroles. Et on comprend dès lors que ceux qui s'aiment soient comme soulevés au-dessus du temps. Les dons de prémonition et même de clairvoyance qui leur sont parfois impartis sont justement liés à cette qualité supratemporelle du silence. § Mais on peut aller plus loin. C'est dans le silence qu'il faudrait chercher comme les assises naturelles sur lesquelles peut se développer la vie surnaturelle de la foi.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. xiii.

INTRODUCTION

«... c'est quand cesse la parole que commence le silence. Mais il ne commence pas parce que cesse la parole. Il se manifeste alors seulement. § Le silence est un phénomène pour soi. § Il n'est donc pas identique à la suspension de la parole; il n'est nullement une réduction; il est quelque chose qui constitue un tout, quelque chose qui subsiste par soi; il fait naître à la vie comme la parole et il informe l'homme comme la parole, seulement ce n'est pas dans la même mesure. § Le silence fait partie de la structure fondamentale de l'homme.» — Max PICARD. «Introduction». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 1.

«C'est par la parole et non par le silence que l'homme est d'abord homme. La parole a la suprématie sur le silence. § Mais la parole dépérit quand elle n'est plus en rapport avec le silence.» — Max PICARD. «Introduction». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 1.

«On s'étonnera peut-être qu'avec la parole, on puisse articuler des affirmations sur le silence. Mais on ne s'en étonnera que si l'on conçoit le silence comme un non-existant, comme un néant. Or le silence est, il est une réalité et la parole peut articuler des affirmations sur toute réalité. § Parole et silence font un: la parole est instruite du silence comme le silence de la parole.» — Max PICARD. «Introduction». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 1-2.


CHAPITRE I
Aspect du silence

«Le silence n'a rien de négatif; il n'est pas seulement le fait de ne pas parler; il est chose positive; il est un monde plein pour soi.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 3.

«Le silence a tout en soi; il n'attend rien; il est toujours entièrement là et remplit toujours entièrement l'espace où il apparaît. § Il ne se développe pas, il ne croît pas dans le temps, mais le temps croît dans le silence. Il semble que le temps ait été jeté comme une semence dans le silence, qu'il lève en lui; le silence est comme le sol où le temps s'accomplit.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 3.

«Le silence est aujourd'hui le seul phénomène qui soit «sans utilité». Il n'a pas de place dans le monde présent de l'utile; il n'est rien que là; il ne semble pas avoir d'autre fin; on ne peut l'exploiter.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 4.

«... le silence est en dehors du monde de l'utile; on ne peut rien faire avec lui; le silence ne sert, ne mène littéralement à rien; il est «improductif»; aussi ne compte-t-il pas. § Et cependant, il vient du silence plus de scrous et de salut que de tout ce qui est utile. Lui qui est sans but se place à côté de ce qui n'a que trop un but; il apparaît brusquement à côté de lui; il effraie par son absence de but; il interrompt l'écoulement de ce qui n'a que trop un but. Il donne de la force à ce que l'on ne peut toucher dans les choses; il adoucit le dommage que leur exploitation cause aux choses; il restitue aux choses leur intégralité en les enlevant au monde de l'utile, à sa frangmentation et en les replaçant dans le monde de l'existence intégrale. Il done aux choses de l'inutilité sacrée, car c'est bien ce qu'est le silence: inutilité sacrée.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 4-5.

«Il n'ya a point ici de mouvement que la loi ait à ordonner: existence et action font un tout dans le silence. C'est comme si toutes la trajectoire d'une école était brusquement ramassée en une seule lumière: ainsi font un dans le silence existence et action.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 5.

«Le silence remet aux choses qui sont en lui une part de sa puissance ontique. Ce qu'il y a d'ontique dans les choses est renforcé dans le silence. Ce qui, dans les choses, ressortit à l'évolution est comme absent dans le silence. § Par cette puissance de l'ontique, le silence renvoie à un état où seul, l'être compte, à l'état divin. La trace du divin dans les choses est sauvegardée par cette relation avec le monde du silence.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 5.

CHAPITRE II
Le phénomène premier du silence

«Le silence est un phénomène premier, c'est-à-dire qu'il est une donnée primaire que l'on ne peut ramener à rien. Il ne peut être remplacé par rien d'autre; il ne peut être confondu avec rien; il n'y a rien derrière lui, rien à quoi on puisse le rapporter sauf le Créateur lui-même. § Le silence remonte aux origines et, en même temps, son existence va de soi, comme pour les autres phénomènes premiers: l'amour, la fidélité, la mort, la vie. Il a existé bien avant eux tous et, en eux tous, il y a du silence. Mais le silence est le premier des phénomènes premiers.» — Max PICARD. «Le phénomène premier du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 6.

«Dans le silence, l'homme se trouve donc en face du premier commencement; tout peut une fois encore commencer à nouveau; tout peut être refait neuf. À chaque instant, l'homme peut, par le silence, se trouver au premier commencement.» — Max PICARD. «Le phénomène premier du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 7.

«Le silence émerge dans le bruit du monde d'aujourd'hui comme quelque chose qui remonte aux premiers temps.» — Max PICARD. «Le phénomène premier du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 7.


CHAPITRE III
Le silence et la genèse de la parole

«La parole est sortie du silence, de la plénitude du silence. Cette plénitude aurait explosé de soi-même si elle n'avait pu s'écouler dans la parole. § La parole, qui tire son origine du silence, est là comme par une mission; elle tient sa légitimation du silence qui la précéda.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 8.

«La parole naît du silence de manière si naturelle et si inaperçue qu'il semble qu'elle soit seulement silence retourné, revers du silence. Et c'est bien aussi ce qu'est la parole: le verso du silence, comme le silence est le verso de la parole.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 8.

«C'est seulement lorsqu'un homme parle à un autre homme que celui-ci apprend que la parole n'appartient plus au silence, mais à l'homme; c'est par le toi de l'autre qu'il l'apprend; c'est seulement par le toi que la parole appartient intégralement à l'homme et non plus au silence. § Mais quand deux hommes s'entretiennent, il y a toujours un tiers présent: le silence; il écoute.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 8-9.

«L'origine du langage comme de toute créature demeure impénétrable parce que cette origine est dans l'amour parfait du Créateur. C'est seulement en vivant de manière continue dans l'amour total que l'homme pourrait apprendre l'origine du langage et de ce qui est créé.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 9.

«Le silence est là comme un monde; le monde que contient le silence enseigne à la parole à se former soi-même comme un monde: le monde du silence et le monde de la parole se font vis-à-vis.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 10.

«La musique est silence qui rêve et se met à devenir sonore.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 10.

«... grâce à la musique, le lointain de l'espace et le proche, l'illimité et le limité se rejoignent avec une douceur infinie qui constitue un bienfait pour l'âme: elle peut vagabonder bien loin dans la musique et cependant, elle y est partout gardée et ramenée sûrement chez soi.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 11.

«Le langage est donc monde, non pas seulement appendice d'un monde; il a une plénitude qui dépasse tout ce qui a un but pratique; il y a plus en lui qu'il ne serait nécessaire pour que l'on se comprit seulement.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 11.

«Le silence peut exister sans la parole, mais non pas la parole sans le silence. La parole serait sans profondeur si lui manquait l'arrière-plan du silence. Cependant le silence n'est pas plus que la parole, au contraire: le silence pour soi seul, le monde du silence sans la parole est de l'ordre de ce qui précède la Création, il est Création inachevée.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 12.

«C'est donc seulement par la parole que l'homme commence à être.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 12.

«Le silence s'accomplit seulement du fait que la parole naît de lui; c'est seulement par la parole qu'il reçoit sens et dignité. De sauvage, de pré-humain qu'il était, le silence devient, par la parole, domestique, humain.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 12.

«Dans l'esprit de l'homme, le silence se présente comme connaissance du deus absconditus, du Dieu caché. § Dans l'âme de l'homme, le silence est présent comme harmonie muette avec les choses et aussi comme harmonie perceptible, musique. § Dans le corps de l'homme, le silence apparaît comme beauté.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 13.

«Jamais l'homme n'aurait été capable de créer lui-même la parole à partir du silence. La parole est quelque chose de si entièrement différent du silence que jamais l'homme n'aurait pu faire lui-même le saut du silence dans la parole.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 13.

«La Parole, apparue il y a deux mille ans, était en route vers les hommes depuis le commencement des temps et elle fit donc, depuis le premier commencement, une déchirure allant du silence à la parole. Si immense fut cet événement d'il y a deux mille ans que tout le silence fut déchiré de tout temps par la Parole. Le silence en tremblait d'avance et se disloqua.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 14.

CHAPITRE IV
Silence, parole et vérité

«La parole est plus que le silence et cela parce que c'est en elle que se manifeste la vérité. [...] La vérité  n'est dans le silence que dans la mesure où il participe à la vérité qui est dans l'ordre de l'être en général.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 15.

«Sans la vérité, la parole serait seulement un brouillard verbal général au-dessus du silence; sans elle, elle s'affaisserait en un murmure indistinct; c'est seulement la vérité qui donne à la parole netteté, fermeté.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 15.

«Par la vérité, la parole devient indépendante par rapport au silence; elle devient un monde et, désormais, la parole n'a pas seulement un monde derrière soi, celui du silence, elle en porte aussi un avec soi: celui de la vérité.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 15.

«La proximité du silence signifie aussi la proximité du pardon et de l'amour, car la base naturelle du pardon et de l'amour, c'est le silence.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 16.

«Il y a une pente qui va du silence à la parole, à sa vérité et la force de cette pente pousse la vérité à sortir de la parole et à passer dans l'action du monde.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 16.

«Par essence, l'homme n'est pas en état de faire passer entièrement la vérité dans la parole. L'espace de la parole qui n'est pas entièrement rempli par la vérité, il le comble par la tristesse. La tristesse peut alors étendre une parole jusqu'au silence où elle veut l'engloutir.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 17.

«Il y a autour de la vérité une lumière éclatante. Cet éclat est signe que la vérité peut s'étendre, s'étendre partout, car tout éclat veut s'étendre. § Cette lumière éclatante autour de la vérité, c'est la beauté.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 17.

«L'éclat de la beauté qui repose sur le silence, annonce l'éclat qui est en la parole de vérité.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 18.

CHAPITRE V
Le silence dans la parole

«La parole et le silence font un.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 19.

«La parole de l'homme n'est pas déterminée seulement par la vérité, mais encore par la bonté: dans la bonté, la parole se retourne vers son origine.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 19.

«C'est dans la parole qui fut en relation avec le plus grand silence qu'il y a la plus grande bonté.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 19.

«Le silence est la base naturelle de l'immensité de l'esprit.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 20.

«Le silence est pour la parole nature, réconfort, état sauvage. La parole reçoit du silence une fraîcheur nouvelle, elle s'y purifie de l'impiété dont elle est l'origine. Dans le silence, la parole retient son souffle et s'emplit à nouveau de vie originelle.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 20.

«La perfection est atteinte quand la spontanéité originelle du silence de la nature et celle de l,esprit se rencontrent et s'unissent chez un homme ...» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 21.

«C'est la victoire de la parole sur le silence qui compte avant tout; il n'y a point là de triomphe, mais conscience pleine de beauté, fierté de l'homme qui sait que c'est seulement par la parole qu'il est devenu homme et qui, pour ce motif, manie la parole avec fierté.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 21-22.

«L'homme vit à mi-chemin entre le monde du silence dont il vient, et le monde de l'autre silence où il va, de la mort. [...]. § L'innocence, la naïveté, la spontanéité originelle, la parole les reçoit du silence dont elle vient; la brièveté, la fugitivité, la fragilité et le fait que la parole ne correspond jamais entièrement à ce qu'elle dénomme, cela vient du second silence, la mort.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 22.

«Aujourd'hui la parole est éloignée des deux mondes du silence; elle naît du bruit et disparaît dans le bruit; le silence n'est plus aujourd'hui un monde pour soi; il est seulement le lieu où le bruit n'a pas encore pénétré; il est seulement une interruption du bruit; un instant, l'appareil à bruit ne fonctionne pas; voilà le silence aujourd'hui: du bruit qui ne fonctionne pas.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 22.

«... la mort n'est plus aujourd'hui un monde pour soi; elle est seulement quelque chose de négatif: arrêt, extrémité de ce que l'on appelle la vie, vie vidée; voilà ce qu'est aujourd'hui la mort. C'est la mort qui a été tuée elle-même de cette manière.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 23.

«Quant la parole n'est plus en rapport avec le silence, elle ne peut plus se régénérer, elle perd de sa substance.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 23.

«C'est seulement dans le langage des poètes qu'apparaît encore parfois la véritable parole, celle qui est en rapport avec le silence.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 23.

«Une parle s'enfonce dans le silence, elle est oubliée; l'oubli prépare aussi le pardon.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 24.

«La parole [...] vient du silence et y retourne. C'est comme si, derrière le silence, se trouvait la parole absolue vers qui la parole humaine se dirige à travers le silence. C'est comme si la parole humaine était tenue par la parole absolue.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 25.

«Les différentes langues sont comme des tentatives différentes pour trouver la parole absolue ...» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 25.

«S'il n'y avait qu'une seule langue, elle aurait une situation trop triomphale en face du silence. Elle apparaîtrait trop comme un gain, une conquête, et le silence par trop comme une défaite; ce bien unique et extraordinaire pourrait rendre l'homme présomptueux et il devint, en effet, présomptueux lorsqu'il eut une seule langue commune avec tous les hommes.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 25.

«L'extyraordinaire est alors non plus qu'existe une langue unique, mais que les langues soient les intermédiaires transmettant la vérité.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 26.

CHAPITRE VI
L'homme entre le silence et la parole

«La liberté de l'homme décide de la direction de la parole.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 27.

«Par le son, la parole n'est pas seulement tirée du silence et communiquée à autrui; elle est aussi surélevée, placée en tête des autres paroles qui sont encore dans le silence. La parole proférée isole un concept plus qu'il n'est isolé dans le silence.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 27.

«L'homme ne s'aventure pas encore soi-même s'il n'a la parole que dans le silence. Ce n'est que par le son ou quand il écrit la parole que l'homme s'identifie entièrement à la parole.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 27.

«La lueur de transparence de la parole provient de la lueur de ce monde invisible qui tombe sur la parole lorsqu'elle est silencieuse en l'homme.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 28.

«Le silence déclenche en l'homme la tristesse, car il lui rappelle l'état où ne s'était pas encore produite par la parole la chute dans le péché.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 28.

«... l'homme, dans le silence, est comme prêt à restituer la parole à celui dont il l'a reçue, au Créateur. Aussi y a-t-il dans presque chaque silence quelque chose de sacré.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 28.

«Du silence arrive donc, sans cesse, comme par un acte créateur, ce qui est entièrement autre, la parole. Par là, l'acte de l'élément créateur est incorporé à la structure fondamentale de l'homme. § L'élément créateur pénètre ainsi l'homme; il n'est donc point chose singulière en lui, mais chose allant de soi; il est ce par quoi l'homme est homme de même qu'il est homme par la parole; l'élément créateur est, comme la parole chose qui va de soi en l'homme.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 29.

«Ici donc, dans le silence, l'homme vit à mi-chemin entre son anéantissement — car le silence peut être le commencement de la perte de la parole — et sa résurrection.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 29.

«Il semble qu'il [le Pascal du Mémorial et des Pensées] veuille tourjours recommencer là où il fut lui-même réellement commencé; il semble qu'il veuille sans cesse répéter, ne pas quitter cet événement par lequel il reçut la parole comme pour la première fois et par lequel il naquit de nouveau. Ces fragments ne sont pas des fragments, mais la somme de la résurrection de l'homme.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 30.