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NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site
n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles
sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière
importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que
par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en
découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à
l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en
retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de
Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer,
en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut
bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à
l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
«La Sagesse et la Philosophie sont au fond une seule et même chose; leur objet est absolument le même: ces deux expressions désignent ou une faculté et une disposition naturelles de l'âme humaine, ou l'art et la science qui, par la culture et le développement de cette aptitude naturelle, se proposent de former les Sages et les Philosophes. Cependant l'une désigne plus spécialement la sagesse acquise, et l'autre la sagesse à acquérir.» — J.-B. BOURGEAT. «Préface. Qu'est-ce que la philosophie ?» In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 10.
«Car il est de fait que la religion est le fondement nécessaire de la morale et de la société, et que la civilisation a toujours été en raison directe de la piété des peuples et de la vérité de leurs idées religieuses. La décadence de la lumière et des mœurs a toujours suivi de près la décadence de la religion et de la science théologique, qui s'appuient originairement sur la révélation. C'est là un fait historique constant et universel. Aussi la nécessité de la religion est-elle reconnue par tous les philosophes et par nos adversaires; les plus incrédules reconnaissent du moins sa nécessité politique et veulent qu'elle soit enseignée au peuple et qu'elle soit bonne pour lui.» — J.-B. BOURGEAT. «Introduction». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 25.
«Les Lettrés chinois et, après eux, quelques savants européens ont essayé d'établir que par ces expressions [celle par laquelle les Chinois se figuraient une Puissance originelle, transcendante et active], il fallait entendre non pas la Divinité, mais le ciel matériel, la puissance et les lois de la Nature une et universelle, le destin et les sorts, les forces et les énergies irrésistibles qui président à l'origine, à la formation et à la consommation de toutes les existences dont se compose l'univers. Mais cette interprétation est tout-à-fait moderne, opposée aux traditions antiques, contraire au sens rigoureux des passages rapportés: cela n'est-il pas évident ? Car à quoi bon les prières, les sacrifices, l'éducation, la morale, les lois, la culture et le bon usage de nos facultés, si tout est un et le même, si tout arrive en vertu de la loi unique de la fatalité ou des forces aveugles de la Nature, s'il n'y a pas une Providence équitable qui punit et récompense les bons et les méchants, soit pendant cette vie, soit après la mort.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 130.
«Voici à peu près par quels degrés s'opère cette transformation [de l'identification personnelle à l'éternel et immuable Tao]. «Il faut, dit Lao-tseu, s'efforcer de parvenir au dernier degré de l'incorporéité pour conserver la plus grande immobilité possible, ou l'immobilité absolue. Tous les êtres apparaissent à la vie dans un mouvement continu. Nous les voyons se succéder les uns aux autres, paraissant et disparaissant tour à tour. Ces êtres corporels revêtent dans leurs mouvements différentes formes extérieures; mais chacun d'eux retourne à sa racine, à son principe. Retourner à sa racine, à son principe, signifie rentrer dans l'immobilité absolue. Rentrer dans l'immobilité absolue, signifie rendre son mandat; rendre son mandat signifie devenir éternel et immuable. Savoir que l'on devient éternel et immuable, signifie être éclairé; ne pas savoir que l'on devient éternel et immuable, c'est être livré à l'erreur et à toutes sortes de calamités. Si l'on sait que l'on devient éternel et impérissable, on contient, on embrasse tous les êtres. Embrassant tous les êtres dans une commune affection, on est juste, on est équitable envers tous; étant juste, équitable pour tous, on possède les attributs de la souveraineté; possédant les attributs de la souveraineté, on participe à la nature divine; participant à la nature divine, on devient identifié avec le Tao ou la Raison Suprême; étant identifié avec la Raison Suprême, on subsiste éternellement; le corps même se dissolvant, l'anéantissement n'est pas à craindre.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 152.
«La politique de Lao-tseu est conforme à sa morale. La tranquillité, les bonnes mœurs et le bien-être du peuple sont, selon lui, le but de tout bon gouvernement. C'est le salus populi suprema lex esto des Romains, maxime déjà ancienne dans la Chine du temps de Lao-tseu. Il ne veut pas que le Prince gouverne par la multitude des lois, mais plutôt par le non-agir, c'est-à-dire libéralement, dans toute la signification du mot, par la vertu, en offrant en sa personne le modèle d'une vie vertueuse, modeste, éloignée du faste et d'une magnificence orgueilleuse. Le Prince, à plus forte raison les gouverneurs ne doivent point faire un trop grand cas des objets de luxe ou de fantaisie, des honneurs ou des richesses, des choses rares et précieuses: tout cela, dit-il, n'est propre qu'à exciter la jalousie des peuples, à les irriter par l'excès des impôts qu'il leur faut payer pour entretenir le luxe des Grands, à fomenter dans leur esprit toutes les passions démoralisatrices, à agiter l'État par les révolutions. C'est pourquoi ce philosophe recommande aux Prince, au Saint, au Sage une insensibilité vraiment stoïque à l'égard de tout ce qui vient d'être dit.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 155.
«Il n’y a dans le monde que les hommes souverainement parfaits, dit Khoung-tseu, qui puissent connaître à fond leur propre nature, la loi de leur être et les devoirs qui en dérivent; pouvant connaître à fond leur propre nature et les devoirs qui en dérivent, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du Ciel; pouvant connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du Ciel, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des êtres vivants et végétants, et leur faire accomplir leur loi de vitalité selon leur propre nature, ils peuvent par cela même, au moyen de leurs facultés intelligentes supérieures, aider le Ciel et la Terre dans les transformations et l’entretien des êtres; ils peuvent par cela même constituer un troisième pouvoir avec le Ciel et la Terre.» — KHOUNG-TSEU (Confucius). L’Invariabilité dans le milieu (chapitre XXII). in J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 163.
«Ce portrait du sage [que réalise Confucius] est, sans aucun doute, d'une beauté remarquable: cependant il n'atteint pas jusqu'à l'idée sublime du juste en butte aux contradictions, persécuté à cause de sa justice même, ou condamné injustement sans pouvoir justifier son innocence, par ceux-là même qu'il avait comblés de ses bienfaits. Les Grecs et les Romains approchèrent de cet idéal sublime: le christianisme le réalisa.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 170-171.
«Les traces de civilisation chinoise, indienne ou persanne [sic], que l'on retrouve chez les Égyptiens, ne prouvent rien sur l'antiquité relative de ces peuples et de leur civilisation: on n'en peut pas conclure l'origine chinoise, persanne ou indienne de la population et de la civilisation égyptiennes; pas plus qu'on ne pourrait en déduire que le Chinois, les Hindous et les Persans ne sont que des colonies originairement venues d'Égypte. Les rapports frappants que l'on a découvert dans leurs croyances religieuses et leurs institutions civiles et politiques, dans leurs caractères géographiques, leurs arts, leurs sciences, leurs constitutions sociales et leur organisation physique, ne peuvent jusqu'à présent établir que l'une de ces deux choses, ou toutes les deux simultanément, selon la nature de ces rapports, savoir: 1̊ que Dieu a donné à tous les hommes une commune nature, laquelle développe plus ou moins et tend à se spécifier par des tendances particulières selon les temps, les lieux, les circonstances; 2̊ que ces développements et ces tendances, qui constituent le caractère propre à chaque peuple et à sa civilisation, les divers peuples se les sont communiquées mutuellement, et en ont subi involontairement ou à leur insu l'irrésistible influence.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 194.
«... depuis les travaux scientifiques entrepris par les savants qui ont suivi la grande expédition en Égypte, sous Bonaparte, et continués ensuite avec tant de succès par les Champollions, il n'est plus permis de douter aujourd'hui que les Égyptiens aient mérité la réputation dont ils jouissaient dans toute l'antiquité classique, grecque et romaine, d'avoir été le peuple le plus civilisé, le plus sage, le plus instruit, en même temps que le plus religieux de tous les anciens peuples.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 209.
«L'ordre social en sera-t-il moins respectable et moins respecté, parce qu'on le fera reposer sur la volonté de Dieu, sur la loi naturelle, sur la raison, la révélation, la vertu, la science ? § Nous n'admettons pas que, pour établir la société sur ce fondement sacré et immuable, on puisse légitimement recourir à des révélations mensongères, livrer le peuple à la superstition, corrompre les dogmes et la morale par des mythes et des symboles fabuleux, ou par de faux systèmes philosophiques. Mais l'ancienne Égypte était assez près de l'origine du monde et de la fondation de la société par l'auteur de toutes choses, pour que la volonté divine pût être légitimement proclamée la charte éternelle de l'humanité; puisque, sans aucun doute, il est vrai en toute hypothèse, excepté le système des athées, que Dieu est le principe et la source première de toutes les lois, de tous les devoirs et de tous les droits. Telle est la loi éternelle, naturelle, immuable, indestructible.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 209-210.
«Ce n'est pas que les autres nations n'aient eu aussi leur part de cette divine sagesse que Dieu départit communément à tous les hommes dès le commencement: personne n'est plus que nous disposé à le reconnaître, et ne professe une admiration plus sincère pour tout ce que nous trouvons vrai, bon et beau dans les peuples de l'antiquité. Mais remarquez que cette partie des traditions des anciens peuples, qui comprend ordinairement les idées et les notions premières, les vérités-principes ou de pure intuition, ne nous a paru si souvent vraie, bonne, utile, raisonnable, que par conformité avec nos idées bibliques, et parce que nous l'avons présentée ordinairement dégagée des fausses traditions, des fictions poétiques et des conceptions erronées dont on les enveloppait des yeux du vulgaire ignorant ou dont se repaissait la vanité de ceux qui aspiraient au titre de savant. En général, ces traditions s'accordent-elles avec celles des Israëlites, elles ont alors un caractère de vérité, d'universalité et d'antiquité parfaitement reconnaissable; mais où cet accord cesse, elles cessent aussi d'être d'accord entr'elles et n'offrent plus, en général, que le triste aspect de doctrines arbitraires, fausses, absurdes, ou évidemment mythologiques: ce qui nous conduit naturellement à ce résultat, qu'en fait comme en droit, les traditions bibliques sont le critérium de vérité des traditions de tous les anciens peuples. C'est là seulement que l'on trouve la vraie antiquité du monde et la vraie histoire de son origine, les vrais principes de la religion, de la morale, des lois, des arts, des sciences et de toute sociabilité, les sources de l'inspiration poétique qui célèbre Dieu, la nature, la création, la providence, la famille, le bonheur domestique, la vertu, la justice, l'héroïsme, l'amour de la liberté, tout ce qui est grand, excellent, parfait, selon Dieu et selon les lois immuables de la raison et de la sagesse éternelles.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Asie occidentale». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 231-232.
«Concluons que la constitution des Hébreux contenait tous les principes de ce que l'on appelle aujourd'hui le Libéralisme dans son acception la plus large, savoir: le règne de la loi et de la raison seules, l'acceptation de cette loi par le peuple, le gouvernement par la volonté et l'autorité de la nation, le dogme de la fraternité universelle de tous les hommes, l'égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens devant la loi, leur liberté garantie contre les magistrats, les grands, les riches, les puissants, les forts, par la loi elle-même: toutes choses plus ou moins complètement oubliées ou méconnues chez tous les anciens peuples, où l'on ne voyait que despotisme, esclavage, servitude, oppression ou anarchie.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Asie occidentale». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 239-240.
«J'établis d'abord ce que l'on doit entendre par la philosophie. Je me borne à la définir: «L'idée désintéressée de la science.» Observer pour savoir, sans autre but que de comprendre le monde où nous vivons, ses phénomènes, ses origines et sa fin, voilà l'idée qui naît alors pour la première fois dans l'intelligence humaine, et qui, depuis Thalès, Pythagore et Xénophane jusqu'à nous, n'a fait que se développer de siècles en siècles, et qui se développera désormais sans interruption, tant que les siècles et le temps qu'ils mesurent, dureront pour le genre humain. C'est là si bien ce que fait la philosophie qu'au début elle embrasse toutes les sciences sans exception, et que c'est uniquement par la faiblesse de notre esprit et les nécessités de l'analyse universelle, que peu à peu les sciences particulières se spécialisent, et que la philosophie, qui n'en reste pas moins leur mère féconde, s'isole aussi de ses filles, sans cesser de les nourrir et de s'appuyer sur elles. La philosophie a reconnu assez vite son domaine propre, superposé à celui de toutes les autres sciences, dont elle est à la fois la racine et l'achèvement. Mais à ses premiers jours, elle se confondait avec toutes les sciences qui n'étaient pas encore issues de son sein.» — B. DE SAINT-HILAIRE. «Origines de la philosophie grecque». In Aristote. Traité de l'origine et de la production des choses. Durand. Paris, 1866. p. cxxvii-cxxviii.
«Un discours est, certes, déterminé par ce sur quoi il porte; mais à côté de ce contenu évident il en est un autre, parfois inconscient et toujours implicite, qui lui vient de ses utilisateurs: auteurs et lecteurs, orateurs et public. Affirmer cette dualité ne revient pas à opposer l'objectif et le subjectif, ou le collectif et l'individuel: même si la personnalité subjective y est pour quelque chose, c'est plutôt à un ensemble de positions, d'attitudes et d'idées partagées par la collectivité à un moment de son histoire qu'on a affaire quand on examine la pression des sujets parlants et interprétants sur la formation des discours. Cet ensemble, nous l'appelons aujourd'hui idéologie: et l'étude de la production du discours par le dispositif idéologique permet d'établir la parenté entre textes que sépare par ailleurs leur forme: la même idéologie sera à l'œuvre dans les écrits littéraires, des traités scientifiques et des propos politiques.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 21.
«L'histoire du discours sur l'autre est accablante. De tout temps les hommes ont cru qu'ils étaient mieux que leurs voisins; seules ont changé les tares qu'ils imputaient à ceux-ci. Cette dépréciation a deux aspects complémentaires: d'une part, on considère son propre cadre de référence comme étant unique, ou tout au moins normal; de l'autre, on constate que les autres, par rapport à ce cadre, nous sont inférieurs. On peint donc le portrait de l'autre en projetant sur lui nos propres faiblesses; il nous est à la fois semblable et inférieur. Ce qu'on lui a refusé avant tout c'est d'être différent: ni inférieur, ni (même) supérieur, mais autre, justement. La condamnation d'autrui s'accommode aussi bien du modèle social hiérarchique (les barbares assimilés deviennent esclaves) que de la démocratie et de l'égalitarisme: les autres nous sont inférieurs parce qu'on les juge, dans le meilleur des cas, par les critères qu'on s'applique à soi-même.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 22.
«Comprendre signifie à la fois, et pour cause, «interpréter» et «inclure»: qu'elle soit déforme passive (la compréhension) ou active (la représentation), la connaissance permet toujours à celui qui la détient la manipulation de l'autre; le maître du discours sera le maître tout court. Est-ce un hasard si, d'une part, il y a un discours orientaliste en Occident mais aucun discours «occidentaliste» en Orient, et si, de l'autre, c'est justement l'Occident qui a dominé l'Orient ? § Le concept est la première arme dans la soumission d'autrui — car il le transforme en objet (alors que le sujet ne se réduit pas au concept); délimiter un objet comme «l'Orient» ou «l'Arabe» est déjà un acte de violence.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 23.
«... notre destin est inséparable de celui des autres, et donc aussi du regard que nous portons sur eux et de la place que nous leur réservons.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 24.
«L'Orientalisme [d'E. Said] ne résout pas toutes les questions qu'il pose. Il refuse l'entité «Orient» mais ne nous dit pas si la civilisation islamique (ou égyptienne, ou indienne, etc.) ne possède pas certains traits différents de la civilisation occidentale (et si oui, lesquels). Il condamne la compréhension assimilatrice et impérialiste pratiquée par la science officielle, mais ne nous apprend pas s'il existe une compréhension différente, où l'autre n'est pas réduit et soumis au même. Il fustige l'intolérance des hommes à l'égard des «barbares» mais ne nous enseigne pas comment concilier l'impératif moral «soyez tolérants» avec la constatation historique: «les hommes ne l'ont jamais été»; il ne nous indique pas le voie d'une nouvelle morale lucide, non utopiste. § Mais c'est peut-être le propre du savoir tel que le voudrait Saïd: plutôt que de nous enfermer dans les réponses, il maintient salutairement les questions.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 24-25.
«... some men worship rank, some worship heroes, some worship power, some worship God, and [...] over these ideals they dispute and cannot unite - but [...] they all worship money.» — Mark Twain. «Concerning the Jews». Harper's Magazine. September, 1899.p. 527-535.
«La même année, 571, se déroulèrent des événements dangereux à l'est: les Arméniens se révoltèrent contre le roi Chosroès [590-628] et appelèrent en renfort Justin [565-578], leur coreligionnaire — requête qu'il ne pouvait ignorer. Début 572, la guerre contre les Perses reprit. L'année suivante, les Perses s'emparèrent de Dara, important évêché chrétien sur le Tigre, pendant qu'ils ravageaient la Syrie — dont on dit qu'ils revinrent avec deux cent quatre-vingt-douze mille prisonniers. Parmi ceux-ci, deux mille délicieuses vierges chrétiennes personnellement choisies par Chosroès; mais les jeunes filles, à l'approche d'une rivière, demandèrent la permission de se baigner et, par pudeur, s'éloignèrent des soldats. Puis, plutôt que de perdre à la fois leur vertu et leur religion, elles se noyèrent.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 107.
«Justinien [668-711], pour sa part, était en route pour l'Arménie. Jamais il n'y arriva: «Rugissant comme un lion», il fit demi-tour et retourna à bride abattue vers la capitale. Mais il était trop tard. Philippicos [†713], arrivé le premier, y avait été accueilli à bras ouverts. Justinien fut arrêté à la douzième borne et exécuté sur place; on envoya sa tête au nouvel empereur comme trophée. Quand la nouvelle de sa mort atteignit la capitale, sa mère, l'impératrice Anastasie, alla précipitamment cacher son petit-fils Tibère dans l'église de la Vierge, à Blachernes. Deux agents de Philippicos les y poursuivirent pourtant et exigèrent que le jeune prince leur fût remis. La vieille impératrice supplia en vain; l'un des hommes s'avança vers l'enfant terrifié qui se tenait d'une main à l'autel et de l'autre à un fragment de la vraie Croix. L'homme arracha le fragment à Tibère et le posa respectueusement sur l'autel; puis il entraîna son petit prisonnier jusqu'au porche d'une église voisine où, dit la chronique, «il l'égorgea comme un mouton». C'est donc avec le meurtre de sang-froid d'un gamin de six ans que la ligné des Héraclides s'éteignit à jamais.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 132.
«Quand il accéda au trône, Jean II Comnène [1087-1143] était à un mois de son trentième anniversaire. Même ses admirateurs admettaient qu'il était physiquement défavorisé, avec des cheveux et un teint si sombre qu'on l'appelait le Maure. Il avait pourtant un autre surnom: Kaloiannis, Jean le Beau. Ce n'était pas ironique: il s'agissait d'une référence non pas à son corps mais à son âme. Il détestait l'inconstance, il méprisait le luxe. Aujourd'hui, la plupart d'entre nous le trouveraient insupportable: dans la Byzance du XIIe siècle, il était aimé. Pour commencer, il n'était pas hypocrite. Sa piété était sincère, son intégrité totale. En second lieu, il avait par nature un côté gentil et indulgent bien rare pour l'époque. Il était aussi généreux: aucun empereur ne dispensa la charité d'une main plus prodigue. Contrairement à son père, il tint sa famille à l'écart.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 306-307.
«Dès le départ [lors d'une réception en son honneur, donnée en 1162], l'empereur [Manuel Comnène (1118-1180)] était décidé à l'émerveiller [le sultan Kilidj Arslan II (1155-1192)]. Il reçut son invité assis sur un trône d'or serti d'escarboucles et de saphirs et bordé de perles. À son cou pendait un rubis de la taille d'une pomme. Deux fois par jour, pendant cette visite de douze semaines, on apporta ses repas au sultan dans de la vaisselle d'or et d'argent qui immédiatement devenait sa propriété. Il y eu des banquets, des tournois, des jeux au cirque, et même un spectacle aquatique qui montra les effets extraordinaires du feu grégeois. Un spectacle donné par le sultan eut malheureusement moins de succès, quand un membre de sa suite proposa de voler. Ayant passé un vêtement entièrement constitué de poches, où l'air devait s'engouffrer et le soutenir, il monta sur une haute plate-forme et s'élança. On dit qu'un instant plus tard, quand on emporta son corps sans vie, la populace ne put se retenir de rire.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 327.
«La chrétienté aussi avait changé. Longtemps divisée, elle était maintenant cloisonnée. Pendant des siècles, avant et après le Grand Schisme, les différends entre les Églises avaient été essentiellement théologiques. Après le sac de Constantinople [du 12 au 15 avril 1204], ce n'était plus vrai. Pour les Byzantins, les barbares qui avaient profané leurs autels, pillé leurs maisons et violé leurs femmes ne pouvaient être considérés comme de véritables chrétiens. Toute tentative d'union forcée ne pouvait tenir longtemps, parce que n'importe quoi leur paraissait préférable à l'idée d'une soumission à Rome. «Mieux vaut le turban du sultan que la mitre du cardinal», disaient-ils. Et ils le pensaient vraiment.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 362.
«Tamerlan, né en 1336, était monté sur le trône des Mongols, à Samarcande, en 1369 et, trente ans plus tard, ses possessions s'étendaient de l'Afghanistan aux frontières de l'Anatolie. Son nom était craint dans toute l'Asie — on savait que l'armée mongole détruisait tout sur son passage — et bien qu'il eût déjà plus de soixante ans, il n'avait rien perdu de son énergie ni de son ambition. Son ultime démonstration de force contre le sultan osmanli avait eu lieu le vendredi 28 juillet 1402, juste au nord d'Ancyre. Le sultan [Bajazet] avait commis l'erreur impardonnable de placer sa cavalerie tatare en première ligne; refusant de combattre des congénères, les cavaliers désertèrent et passèrent à l'ennemi. Au bout d'une ou deux heures, quinze mille Ottomans gisaient mort. Bajazet et ses fils se battirent courageusement aussi longtemps qu'ils le purent. Le prince Mustapha disparut et on le crut mort. Le prince Mousa fut capturé. Les autres s'échappèrent, mais leur père, cerné par des archers mongols, fut fait prisonnier et emmené enchaîné dans la tente du conquérant. On dit que Tamerlan, alors qu'il avançait en Anatolie, faisait porter le sultan dans une cage de fer devant lui, et l'utilisait parfois comme escabeau pour monter à cheval. Il ne tarda pas à réserver le harem de Bajazet à son propre usage et contraignit l'épouse serbe du sultan à le servir nue à sa table. Au bout de huit mois, l'esprit de Bajazet était brisé. En mars 1403, il eut une crise d'apoplexie et mourut quelques jours plus tard.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 411.
«Le pape réussit alors à convaincre les délégués de se rendre à Florence. Ses motifs étaient essentiellement financiers: à Florence, les Médicis pourraient l'aider. Mais le déménagement fut profitable sur d'autres plan. Quand les séances reprirent vers la fin de février 1439, les Grecs — fatigués, anxieux, nostalgiques et affamés — semblaient plus près d'accepter un compromis. Fin mars, ils admirent que la formule latine où ls Saint Esprit procédait du Père et du Fils signifiait la même chose que la formule récemment acceptée par les Grecs où il procédait du Père par le fils. Le Filioque enfin hors du chemin, les autres questions furent vite réglées. Au début de l'été, on était presque arrivé à un accord et, le 5 juillet, le décret officiel d'union — guère plus qu'un énoncé des opinions de l'Église romaine — fut signé par tous les représentants de l'orthodoxie, sauf le métropolite d'Éphèse qui resta inflexible mais à qui l'empereur interdit d'user de son droit de veto. Les Latins ajoutèrent alors leurs propres signatures et, le lendemain, le décret fut publiquement proclamé tant en latin qu'en grec dans la cathédrale de Florence. La version latine commençait par Lætentur Cœli — «Que les Cieux se réjouissent ».» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 419.
«Byzance n'a peut-être pas atteint ses plus hauts idéaux, mais elle n'a certainement pas mérité la réputation épouvantable qu'elle doit à Edward Gibbon, aux XVIIe et XIXe siècles. Les Byzantins vivaient au contraire dans une société profondément religieuse où l'illettrisme — du moins dans les classes moyennes et supérieures — était pratiquement inconnu, et où un empereur après l'autre fonda sa réputation sur son érudition, une société qui seule préserva l'essentiel de l'héritage de l'Antiquité grecque et latine durant les siècles d'obscurité en Occident, quant les lumières du savoir étaient presque éteintes; une société, finalement, qui produisit le phénomène stupéfiant de l'art byzantin. Aussi réduit qu'ait été cet art, en grande partie confiné au grand mystère de la foi chrétienne, il réussit à atteindre un degré d'intensité et d'exaltation sans pareil ni auparavant ni depuis, et ses chefs-d'œuvre — la Déisis dans la nef sud de Sainte-Sophie, l'Anastasis et le Paraclésion de Saint-Sauveur-in-Chroa à Constantinople — comptent parmi les créations les plus sublimes de l'esprit humain. Les instructions données aux peintres et aux mosaïstes de Byzance étaient simples: «Représenter l'esprit de Dieu». C'était un formidable défi que les artistes occidentaux ont rarement affronté; mais à maintes et maintes reprises, dans les églises et les monastères de l'Orient chrétien, cette tâche aboutit à une réussite triomphale.» — J. J. NORWICH. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 433-434.
«En effet, [dans les climats tempérés] l'esprit ne subit pas de chocs ni le corps de modification violente, toutes choses à partir desquelles il est normal qu'on ait un caractère farouche et que l'on participe à la témérité et à la fougue davantage que si l'on vivait dans un climat toujours uniforme; car ce sont les changements du tout au tout qui éveillent sans cesse l'esprit des hommes et ne le laissent pas en repos.» — HIPPOCRATE. «Air, eaux, lieux» In L'art de la médecine. Flammarion. Paris, 1999. p. 134.
«Empédocle lui ayant dit [à Xénophane] que le sage était introuvable, il lui répondit: «C'est normal: car il faut être sage pour pouvoir reconnaître le sage.» — DIOGÈNE LAËRCE. «Xénophane». In Vies et doctrines des philosophes illustres. Livre de Poche. Paris, 1999. p. 1062.
«Quand j’ai ajouté: « C’est de notre temps la religion chrétienne dont la connaissance et la pratique fait la certitude et la sécurité du salut ; » j’ai eu égard au nom et non à la chose qu’il exprime. Car ce qui se nomme aujourd’hui religion chrétienne, existait dans l’antiquité et dès l’origine du genre humain jusqu’à ce que le Christ s’incarnât, et c’est de lui que la vraie religion qui existait déjà, commença à s’appeler chrétienne. En effet lorsque, après sa résurrection et son ascension, les Apôtres se mirent à le prêcher et que beaucoup croyaient déjà, ses disciples commencèrent à être appelés chrétiens à Antioche d’abord, comme il est écrit. C’est pourquoi j’ai dit : « C’est de notre temps la religion chrétienne, » non pas qu’elle n’ait point existé dans les temps antérieurs, mais parce qu’elle a reçu ce nom dans les temps postérieurs.» — AUGUSTIN. Les Rétractations. Livre I, chapitre 13, paragraphe 3.
«L'Écriture nous montre à plusieurs reprises, et d'une manière incontestable, que la crainte est le signe distinctif de l'ancienne Alliance, et l'amour, le signe distinctif de la nouvelle ; celle-ci était cependant en germe dans l'ancienne, et en est comme l'épanouissement.» — AUGUSTIN. Questions sur l'Heptateuque. Livre II, 73.
«Their arms are linked. They cannot be separated. Because freedom without peace is agony, and peace without freedom is slavery, and we will tolerate neither. This is the truth we owe our dead.» — Dr. David JOHNSON, Governor-General of Canada. In a speech given at the Canadian War Memorial, in Ottawa, on Remembrance Day, November 11 2014, referring to the two angels, of Justice and Peace, which are perched at the top of the monument.
«Quoiqu'il en soit, avec son talent de bien regarder et de rechercher le pourquoi des choses, un bref séjour lui a suffi [le vicomte A. de Tocqueville] pour reconnaître dans le Bas-Canada de véritables frères par le sang et par la pensée: «On ne peut contester leur origine, écrira-t-il à un intime [dont le nom est tu], ils sont aussi Français que vous et moi.» Et encore, à son précepteur [l'abbé Lesueur]: «Nous nous sentons chez nous, et partout on nous reçoit en compatriotes, en fils de la vieille France. à mon avis, cette épithète est mal choisie: la vieille France, elle est au Canada, et la nouvelle est chez nous.» — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1964. Vol. 18, no 3. p. 333.
«Les réjouissances devaient se succéder sans interruption les jours suivants. Nous n'en donnerons pas le détail, non plus que des visites particulières que le Commandant [Paul-Henry de Belvèze (1801-1875), capitaine de la Capricieuse, une frégate qui vint accoster à Québec en 1855, rétablissant ainsi les rapports commerciaux entre la Nouvelle-France (le Bas-Canada) et la France] jugea bon de faire à divers notables. L'une d'elles est passée à l'état de la légende: celle qu'il fit à Mlle de la Naudière, fille de l'officier qui s'était distingué sous Montcalm. C'est ce jour-là que l'octogénaire aurait trouvé cette définition — qui parut alors si astucieuse — du patriotisme canadien-français: «Nos bras à l'Angleterre mais nos cœurs toujours à la France!» — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1965. Vol. 18, no 4. p. 524.
«Des érudits, des jurisconsultes, des philologues et des éducateurs vont traiter tour à tour [au Congrès de la langue française, tenu à Québec du 24 au 30 juin 1912] de diverses questions relatives à l'usage de la langue française en Amérique du Nord: parmi tant de communications et de discours, personne ne sera plus écouté qu'Étienne Lamy [(1845-1919). Membre, en 1911, puis Secrétaire perpétuel, en 1913, de l'Académie française]. § Il parle de la langue française, tout simplement, mais il en parle en maître. À grands traits, il rappelle les caractères essentiels du français, «l'une des plus magnifiques parures qu'ait jamais revêtues la pensée humaine», langue universelle et une langue conquérante ... Aurait-elle dégénéré, comme le laisseraient croire certaines productions récentes? Non, car «trop d'œuvres excellentes font oublier les médiocres et les mauvaises». Quoi qu'en disent ses détracteurs, «la France n'a pas quitté les routes de l'idéal» ... Et ces routes, enchaîne habilement Lamy, la ramènent naturellement au Canada, «séparé de la France avant que la France se séparât de son passé, et qui a gardé la plénitude de la vie ancienne». Et pour finir, cette apostrophe: «Canada, la France t'aime, t'admire et te salue» » — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1967. Vol. 20, no 4. p. 617-618.
«"À l'origine, la philosophie était une recherche de l'ordre éternel, tendant à rendre l'homme plus humain, donc une source pure d'inspirations et d'aspirations humaines. Depuis les XVIIe siècle, elle est devenue une arme, donc un instrument. C'est dans cette philosophie 'politisée' qu'un clerc [J. Benda] qui dénonça la trahison des siens prétendit trouver la source de nos maux. Mais il commettait l'erreur fatale de méconnaître la différence essentielle entre intellectuels et philosophes et restait en cela dupe de la supercherie qu'il démasquait: la philosophie ne devient-elle pas 'politique' lorsque la différence entre intellectuels et philosophes — ce qu'on appelait autrefois différence entre 'gentilshommes' et philosophes d'une part, et différence entre sophistes ou rhéteurs et philosophes de l'autre — s'estompe et finit par s'évanouir ?» — STRAUSS, L. Droit naturel et histoire. Plon, Paris, 1954. p. 49. Cité in P.-A. Taguieff. «Civilisation contre barbarie ? Archéologie critique de quelques corruptions idéologiques contemporaines (nationalisme, humanitarisme, impérialisme)». L'Homme et la société. No. 87. 1988. p. 43.
«CSV: Pourquoi une société recourt-elle aux mythes ? À quoi servent-ils ? § J.L. L.Q. : Les humains forment une espèce fabulatrice, ils préfèrent croire à n'importe quoi plutôt qu'à rien, ils ne cessent donc d'interpréter le réel et de donner un sens à ce qui les entoure. Le mythe comme explication partagée du monde est une vérité reçue et admise par tous. Il comporte trois intérêts majeurs: ils soude les membres du groupe, il les rassure en donnant du sens et il justifie l'état du monde. Il dit littéralement: le monde tel qu'il est fait sans doute preuve d'imperfection et d'inégalité, il y a des faibles et des forts, des riches et des pauvres, mais il est juste que les choses soient ainsi et voici pourquoi ... Le récit des origines et de l'état du monde permet de valider aux yeux de tous les règles, les dieux, les intérêts. Inamovible et indiscutable, l'immense majorité des mythes constitue une façon de pérenniser un ordre social établi. Et comme ils relèvent du traditionalisme, de la répétition, de l'opposition à l'esprit d'invention, ils forment un blocage, un frein au changement ...» — J.-L. LE QUELLEC. «Interview par O. Roller». In L'Origine des mythes. Cahiers de science et de vie. Numéro 147. Août 2014. p. 20.
«Par contre, rapporter au hasard et à la fortune une si grande œuvre [l'existence ou la production de l'ordre et du beau dans les choses] n'était pas raisonnable. Aussi, quand un homme [c'est-à-dire Anaxagore] vint dire qu'il y avait dans la nature, comme chez les animaux, une Intelligence (noûs), cause de l'ordre et de l'arrangement universel, il apparut comme seul en son bon sens en face des divagations de ses prédécesseurs.» — Aristote. La Métaphysique. Livre A, 3, 984b 9-19. Vrin. Paris, 1991. Tome I, p. 18.
«Certes, la vérité du sage, comme le secret religieux, est révélation de l'essentiel, dévoilement d'une réalité supérieure qui dépasse de beaucoup le commun des hommes; mais en la livrant à l'écrit on l'arrache au cercle fermé des sectes pour l'exposer en pleine lumière aux regards de la cité entière; c'est reconnaître qu'elle est en droit accessible à tous, c'est accepter de la soumettre, comme le débat politique, au jugement de tous, avec l'espoir qu'en définitive elle sera par tous acceptée et reconnue.» — J.-P. VERNANT. Les origines de la pensée grecque. Presses universitaires de France. Paris, 2009. p. 49.
«La richesse a remplacé toutes les valeurs aristocratiques: mariage, honneurs, privilèges, réputation, pouvoir, elle peut tout procurer. Désormais, c'est l'argent qui compte, l'argent qui fait l'homme. Or contrairement à toutes les autres "puissances", la richesse ne comporte aucune limite: rien en elle qui puisse marquer son terme, le borner, l'accomplir. L'essence de la richesse, c'est la démesure; elle est la figure même que prend l'hubris dans le monde. Tel est le thème qui revient, de façon obsédante, dans la pensée morale du VIe siècle.» — J.-P. VERNANT. Les origines de la pensée grecque. Presses universitaires de France. Paris, 2009. p. 80-81.
«Ils sont tout autant l'expression d'une France insatisfaite, qui, plus que jamais, brûle d'être citoyenne, mais qui, pour l'heure, hormis l'épisode des dons de vaisseaux, ne se voit guère reconnue et épaulée dans son désir d'agir pour le bien public. Cette France qui fait sienne la belle formule de Vallier [dans son poème Le Citoyen], qu'«on ne vit bien pour soi qu'en vivant pour les autres.» — E. DZIEMBOWSKI. La Guerre de Sept Ans (1756-1763). Perrin. Paris, 2015. p. 579.
«Not only was Lord Yang [a Chinese statesman (390-338 B.C.)] unconcerned about the morality of the prince: he believed that a virtuous sage would make a disastrous king. "A state that uses good people to governe the wicked will be plagued by disorder and destroyed, " he declared. "A state that uses the wicked to governe the good always enjoys order and becomes strong." The Confucians, who preached peace, were dangerous. If eveybody practiced the li [a form of social ritual which creates balance and harmony, in Confucianism], they would become so moderate and restrained that a prince would never persuade anybody to fight. Lord Shang was openly contemptuous of the Golden Rule. A trul effective prince would inflict upon the enemy exactly what he would not wish to have done to his own troops. "If in war you perform what the enemy would not venture to perform, you will be strong", he told his officials. "If in enterprises you undertake what the enemy would be ashamed to do, you have the advantage."» — Karen ARMSTRONG. The Great Transformation. The Beginning of Our Religious Traditions. Anchor Books. New York, N.Y., 2006.
«L'Islam n'aime pas le changement. Ce n'est pas être antimusulman que de le constater. Au contraire, chaque croyant traditionaliste vous le réaffirmera. Tradition, jugement: c'est la notion la plus noble en Islam, celle qui donne son nom à la seconde source de la foi: la Sunna. Tout a déjà été révélé par Dieu à Mahomet, «Sceau des Prophètes», venu achever le cycle des révélations antérieures, juive et chrétienne, et les corriger. Jean-Pierre Péroncel-Hugoz [un journaliste et essayiste français, né en 1940] note, dans une belle formule: «Les juifs ont l'espérance, les chrétiens l'Amour et les musulmans la Foi.» Cette foi s'appuie sur la conviction que seule la répétition du passé peut produire un présent acceptable. Les modes d'appréhension et d'organisation du monde ont été une fois pour toutes exprimés dans le Coran. Ce qui a été sera. Une conception radicalement opposée à la démarche occidentale.» — Martine GOZLAN. Pour comprendre l'intégrisme islamiste. Albin Michel. Paris, 2002. p. 103.
«Philosophy has come to mean discussion, trying to use the mind to reach meaning with the help of words — and yet never really succeeding. But in Parmenides' time things were very different. Then the words of a philosopher were words of power. They weren't words in search of meaning but words that contained their own meaning inside them.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 120.
«Life for us has become an endless affair of trying to improve ourselves: achieving more and doing more, learning more, always needing to know more things. The process of learning and being taught has simply become an matter of being fed facts and information — receiving what we didn't have before, always being given soething different from ourselves. § That's why whatever we learn never touches us deeply enough, why nothing really satisfies us. And the more we sense this the more we rush around trying to find other substitutes to fill the void we still feel inside. Everything pushes out outside ourselves — further away from the utter simplicity of our own humanity.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 188.
«This is why the greatest teachers are often utter nobodies. They're nobodies who give nothing at all. But that nothing is worth more than everything else. In some circunstances they might introduce you to a new system of knowledge, or demand that you change your lifestyle — and yet that is not what the teaching is basically about. It's just a trick to keep your mind focused while the real work is done on another level, somewhere else. § Real teachers leave no trace. They're like the wind at night rushing right through you and totally changing you but leaving everything changed, even your greatest weaknesses: blowing away every idea of what you thought you were and leaving you as you always have been, since the beginning.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 191-192.
«But there are no relative degrees. There is only deception. § It can be so tempting to believe that somehow our present illusion is acceptable because it happens to be truer than other possible illusions; is better than the way things used to be. But that's just an illusion. We may hope we are managing in various ways to work ourselves closer to reality. And yet there is no closeness to reality, or farness, because there is nothing separate from reality. there is only the illusion that there is. § The closer to reality we think we are, the more we are deceived. A good deception is not any better than any other deception: it's simply a good deception. And the best deception of all is the one that manages to make itself transparent, gossamer-thin, by showing us it's only a deception. § [...] §. Understanding of the illusion only comes after the understanding of reality, not before. the knowledge of many things, of absolutely anything, comes after the knowledge of the one and only thing: not the other way around. Until we have the experience of reality, in all its stillness, we are still lost.» — Peter KINGSLEY. Reality. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 2013. p. 256-257.
«Devant eux, tout le long de la rue de Rivoli, un cri de triomphe court de bouche en bouche: «Le général boche, le général boche est pris.» Place des Pyramides, une femme d'une quarantaine d'années se jette sur l'ancien commandant du Gross Paris, gonfle ses joues, lui lance un énorme crachat qui l'atteint à la face, juste au-dessous de son monocle. Une volontaire de la Croix-Rouge s'interpose, protège l'Allemand de son corps. Touché par cet acte de compassion inattendu, Choltitz qui passe à ce moment devant la statue dorée de Jeanne d'Arc murmure à sa bienfaitrice: «Madame, vous êtes comme Jeanne d'Arc.»» — L. LAPIERRE et L. COLLINS. Paris brûle-t-il ? Histoire de la libération de Paris. Robert Laffont. Paris, 1964. p. 563.
«Le nom de Salomon exprimait l'idée du bonheur, de la paix et de la perfection. Il est le roi «heureux» et le roi «accompli». Pour dire que son règne avait été un temps de calme et d'ordre, on assura que, dans un songe, il avait demandé à Yahweh, plus que les autres biens, la Sagesse. Au sens oriental du mot, cela veut dire bien des choses. Être sage, c'est avoir l'intelligence des réalités; ainsi écrit-on du roi qu'il connaît les bêtes et les plantes «depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope des murailles, et tous les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles, les poissons». Être sage, c'est posséder le don de «comprendre les proverbes, les sens mystérieux, les maximes et les énigmes» (Prov. I, 1, 7); il entre même un élément ésotérique dans cette puissance, et le roi sage est tenu aussi pour devin. Être sage, c'est encore «acquérir la justice, l'équité, la droiture», ces vertus qui viennent de Dieu, car «la crainte de Yahweh est le commencement de la sagesse»; c'est donc en définitive posséder la connaissance de Dieu.» — DANIEL-ROPS. Histoire Sainte. Le peuple de la Bible. Fayard. Paris, 1945. p. 213.
[Suite à une révolte qui gronde dans la ville de Byzance, le basileus, la basilissa et leur suite se sont réfugiés au Palais et craignent pour leur sécurité, ainsi que leur vie]. «Mais alors, Théodore se dresse. Prodigieuse d’énergie, elle fait front. “Peut-être n’est-ce pas le rôle d’une femme de parler devant des hommes et de conseiller le courage à des lâches ! Mais je suis convaincue que la fuite, en de telles circonstances, ne serait pas le salut. Qui a porté la souveraineté ne doit plus vivre s’il en est dépouillé. Pour moi, je ne renoncerai jamais à mon titre impérial. Tu peux t’enfuir, César, si tu le veux: tu as de l’argent, des vaisseaux, la mer est libre. Mais dis-toi que si tu abandonnes ce palais, tu perdras tout, même la vie. Quant à moi, je m’en tiens à cette vieille maxime: le pourpre est le plus beau linceul !”» — DANIEL-ROPS. L'Église des Temps barbares. Fayard. Paris, 1950. p. 195.
«En cinq ans, tout fut achevé; l'Empereur et le Partiarche, le 27 décembre 537, procédèrent à la consécration solennelle (de la Basilique Sainte-Sophie). En foulant le seuil de porphyre de son chef-d'œuvre, Justinien s'écria: "Je t'ai vaincu, Salomon !”» — DANIEL-ROPS. L'Église des Temps barbares. Fayard. Paris, 1950. p. 202.
«... être heureux à son insu, ou, comme Endymion, dans un sommeil de mort, ou, comme Priam, au sein des pires infortunes, est-ce encore être heureux ?» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 297.
«Aristote admet trois types naturels de gouvernement: royauté, oligarchie aristocratique, république (politeía au sens étroit), selon que la souveraineté appartient à un seul, au petit nombre, ou à tous, et selon que l'essence en est l'autorité, la valeur ou la liberté. Tous trois sont corrects, si le but des gouvernants est l'intérêt commun, mais deviennent fautifs, si ce but est l'intérêt personnel. D'où trois déviations correspondantes: tyrannie, oligarchie de fortune, démagogie, qui portent à l'absolu le principe normal et onht pour essence le despotisme, la ploutacratie, ou la licence et l'arbitraire au profit des indigents.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 312.
«L'acte mental par lequel on s'élève enfin des fonctions sensitive et imaginative à la fonction intellective, c'est l'acceptation d'un objet de croyance ou d'opinion (úpólepsis, pístis, dóxa), bref le jugement, si élémentaire soit-il. La prudence et la science en sont des formes supérieures. En toutes est déjà l'intellection, acte de l'intellect. Or, si cette fonction et ce genre d'âme ne sont pas dans les précédents, ceux-ci servent du moins de conditions matérielles et d'antécédents nécessaires. L'éthique a montré en outre comment meut l'intelligence en s'associant au désir, et comment en elle se réalise le plaisir sous sa forme la plus parfaite. En un sens pourtant ces nécessités inférieures signifient que la pensée est incapable de se suffire à elle-même, qu'elle est gênée et bornée dans le composé que nous sommes. Par elle-même, en effet, comme le sens dans sa sphère propre, elle est en droit infaillible, en tant qu'elle entre en contact avec l'intelligible, son objet. Mais ce qu'il y a d'indéterminé dans ces conditions matérielles introduit en elle la contingence et la possibilité de faillir: l'empire absolu de la nécessité rationnelle ne vaudrait-il pas mieux pour elle qu'une liberté toujours capable d'un mauvais choix ? D'autre part, l'intellect ne peut être la forme des formes, un genre d'âme souverain et ce qu'il y a en nous de plus divin, qu'à la condition d'être solidaire de ce qui est au-dessous de lui; comment ferait-il sortir en effet les formes intelligibles des formes sensibles, si celles-ci n'avaient pas été dégagées de l'étendue par la sensation ?» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 339-340.
«La crainte de la mort étant, avec la crainte des dieux, le principal obstacle à la paix intérieure, il importe de savoir ce qu'est la vie.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 347.
«L'objet de la morale [...]: retrouver en nous la raison naturelle et l'exprimer par nos actes.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 398.
«Le Sage est donc assuré d'être le plus heureux des hommes, aussi heureux dans sa vie bornée que le Zeus éternel. Les insensés sont toujours au contraire au comble de l'infortune. Par elle seule, la vertu suffit en effet à donner le bonheur. Or, la Sagesse unit toutes les vertus dans leur consécution mutuelle indivisible, elle leur donne à toutes l'âme et la vie. Jamais par conséquent le Sage ne se trompe, ni ne trompe; dépourvu de besoins, seul il est toujours riche; parce qu'il est affranchi des passions, seul il est libre; seul il est beau de l'éminente beauté de l'âme; citoyen de l'univers, dont son exilés tous les insensés, il forme une société de droit avec tous ses pareils, donc avec les dieux eux-mêmes; se dictant à lui-même sa loi, seul, il est «dictateur» et roi. En résumé, le Sage est l'homme qui porte en lui la raison même de la nature, et, s'il semble être hors de la nature, c'est précisément parce que, seul, il en est, parmi l'universelle folie, une fidèle image.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 398-399.
«La révélation a supprimé l'effort de la raison.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 414.
«Savoir n'est rien, imaginer est tout. Rien n'existe que ce qu'on imagine.» — A. FRANCE. Le Crime de Sylvestre Bonnard. Calmann-Lévy. Paris, 1923. II, 2.
«Combattre son impulsion est difficile / Car ce qu'elle veut est acheté à prix d'âme.» — Héraclite (Fragment B lxxxv). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 85.
«Qu'il n'y ait chez nous personne de très capable / Sinon, qu'il aille ailleurs et chez d'autres.» — Héraclite (Fragment B cxxi). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 93.
«Le mépris du monde n'est point une misanthropie, mais un refus de ses péchés, de ses compromissions: le quitter pour trouver Dieu par la relation de la prière est en réalité la seule manière de sauver le monde. Le véritable ermite qui réussit sa vie, le vrai moine qui transforme le monde, ce sont ceux qui par leur vie de prière ont attiré autour d'eux des hommes et des femmes rejetant les modes ambiantes et inoculant ainsi l'esprit de la cité de Dieu à la cité terrestre. .» — ROUCHE, M. «Les derniers feux de l'Empire». In Clovis. Fayard. Paris, 1996. p. 149-150.
«What was it that was so unacceptable in the heliocentric system ? It is that man needs the feeling o insecurity, a need based most probably on a hidden insecurity. A moving earth is a less secure place than an unmoveable one. Moreover, the system denied man the central role in the universe: this wa injurious to his ego. It was also in conflct with the tenets of the Christian Church: did Jesus come merely to a very secondary planet, one of many ?» — I. VELIKOVSKY. Mankind in Amnesia. Paradigma. London, 2010. p. 60.
«Man's eternal dream is to go to heaven alive; an urge to cast off the shackles binding him to the rock of his birth and to soar and touch with his mortal body one of the planetary gods or goddesses; a longing for a visit to paradise without first going to the grave, and without passing through purgatory; ascension while alive, like Elias who went up in a chariot of fire (or was consumed in a ball of lightning), but with a return to earth; to participate in the banquet of gods, ...» — I. VELIKOVSKY. Mankind in Amnesia. Paradigma. London, 2010. p. 153.
«The cultivated and the mentally active have an insatiable appetite for novelty, diversity, and distraction. But the saints, however commanding their talents and whatever the nature of their professional activities, are all incessantkly preoccupied with only one subject — spiritual Reality and the means by which they and their fellows can come to the unitive knowledge of that Reality. And as for their actions — these are as monotonously uniform as their thoughts; for in all circunstances they behave selflessly, patiently and with indefatigable charity.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 46.
«The religious experience of sacramentalists and image worshippers may be perfectly genuine and objective; but it is not always or necessarily an experience of God or the Godhead.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 60.
«... the disciplining of the will must have as its accompaniment a no less thorough disciplining of the consciousness. There has to be a conversion, sudden or otherwise, not merely of the heart, but also of the senses and of the the perceiving mind.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 72.
«This coercively controlling minority is composed of private capitalists or governmental bureaucrats or of both classes of bosses acting in collaboration — and of course, the coercive and essentially loveless nature of the control remains the same, whether the bosses call themselves «company directors» or «civil servants». The only difference between these two kinds of oligarchical rulers is that the first derive more of their power from wealth than from position within a conventionally respected hierarchy, while the second derive more power from position than from wealth. Upon this fairly uniform ground work of loveless relationships are imposed others, which vary widely from one society to another, according to local conditions and local habits of thought and feeling.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 94.
«Mistaking the means for the end, the Puritan has fancied himself holy because he is stoically austere. But stoical austerity is merely the exaltation of the more creditable side of the ego at the expense of the less creditable. Holiness, on the contrary, is the total denial of the separative self, in its creditable no less than its deiscreditable aspects, and the abandonment of the will to God. To the extent that there is attachment to «I», «me», «mine», there is no attachment to, and therefore no unitive knowledge of, the divine Ground.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 98.
«Sometimes the Taoist philosophers write as though they believed in Rousseau's Noble Savage, and (being Chinese and tehrefore much more concerned with the concrete and practical than with the merely speculative) they are fond of prescribing methods by which rulers may reduce the complexity of civilization and so preserve their subjects from the corrupting influences of man-made and therefore Tao-eclipsing conventions of thought, feeling and action. But the rulers who are to perform this task for the masses must themselves be sages; and to become a sage,one must get rid of all the rigidities of unregenerate adulthood and become again as a little child. For only that which is soft and docile is truly alive; that which conquers and outlives everything is that which adapts itself to everything, that which always seeks the lowest place — not the hard rock, but the water that wears away the everlasting hills. The simplicity and spontaneity of the perfect sage are the fruits of mortification — mortification of the will and, by recollectedness and meditation, of the mind.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 115.
«Effective poverty (possessing no money) is by no means always affective poverty (being indifferent to money). One man may be poor but desperately concerned with what money can buy, full of cravings, envy and bitter self-pity. Another may have money, but no attachment to money or the things, power or privileges that money can buy. «Evangelical poverty» is a combination of effective with affective poverty; but a genuine poverty of spirit is possible even in those who are not effectively poor.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 120.
«In actual practice how many great men have ever fulfilled, or are ever likely to fulfil, the conditions which alone render power innocuous to the ruler as well as to the ruled ? Obviously, very few. Except by siants, the problem of power is finally insoluble. But since genuine self-government is possible only in very small groups, societies on a national or super-national scale will always be rueld by oligarchical minorities, whose members come to power because they have a lust for power. This means that the problem of power will always arise and, since it cannot be solved except by people like François de Sales, will always make trouble. And this, in its turn, means that we cannot expect the large-scale societies of the future to be much better than were the societies of the past during the brief periods when they were at their best.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 124-125.
«There is only one way to cure the results of belief in a false or incomplete theology and it is the same as the only known way of passing from belief in even the truest theology to knowledge or primordial Fact — selflessness, docility, openness to the datum of Eternity.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 132.
«Among the trinities in which the ineffable One makes itself manifest is the trinity of the Good, the True, and the Beautiful. We perceive beauty in the harmonious intervals between the parts of a whole. In this context the divine Ground might be paradoxically defined as Pure Interval, independent of what is separated and harmonized within the totality.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 137.
«The poet is born with the capacity of arranging words in such a way that something of the quality of the graces and inspirations he has received can make itself felt to other human beings in the white spaces, so to speak, between the lines of his verse. This is a great and precious gift; but if the poet remains content with this gift, if he persists in worshipping the beauty in art and nature without going on to make himself capable, through selflessness, of apprehending Beauty as it is in the divine Ground, then he is only an idolater. True, his idolatry is among the highest of which human beings are capable; but an idolatry, non the less, it remains.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 138.
«La Sagesse et la Philosophie sont au fond une seule et même chose; leur objet est absolument le même: ces deux expressions désignent ou une faculté et une disposition naturelles de l'âme humaine, ou l'art et la science qui, par la culture et le développement de cette aptitude naturelle, se proposent de former les Sages et les Philosophes. Cependant l'une désigne plus spécialement la sagesse acquise, et l'autre la sagesse à acquérir.» — J.-B. BOURGEAT. «Préface. Qu'est-ce que la philosophie ?» In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 10.
«Car il est de fait que la religion est le fondement nécessaire de la morale et de la société, et que la civilisation a toujours été en raison directe de la piété des peuples et de la vérité de leurs idées religieuses. La décadence de la lumière et des mœurs a toujours suivi de près la décadence de la religion et de la science théologique, qui s'appuient originairement sur la révélation. C'est là un fait historique constant et universel. Aussi la nécessité de la religion est-elle reconnue par tous les philosophes et par nos adversaires; les plus incrédules reconnaissent du moins sa nécessité politique et veulent qu'elle soit enseignée au peuple et qu'elle soit bonne pour lui.» — J.-B. BOURGEAT. «Introduction». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 25.
«Les Lettrés chinois et, après eux, quelques savants européens ont essayé d'établir que par ces expressions [celle par laquelle les Chinois se figuraient une Puissance originelle, transcendante et active], il fallait entendre non pas la Divinité, mais le ciel matériel, la puissance et les lois de la Nature une et universelle, le destin et les sorts, les forces et les énergies irrésistibles qui président à l'origine, à la formation et à la consommation de toutes les existences dont se compose l'univers. Mais cette interprétation est tout-à-fait moderne, opposée aux traditions antiques, contraire au sens rigoureux des passages rapportés: cela n'est-il pas évident ? Car à quoi bon les prières, les sacrifices, l'éducation, la morale, les lois, la culture et le bon usage de nos facultés, si tout est un et le même, si tout arrive en vertu de la loi unique de la fatalité ou des forces aveugles de la Nature, s'il n'y a pas une Providence équitable qui punit et récompense les bons et les méchants, soit pendant cette vie, soit après la mort.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 130.
«Voici à peu près par quels degrés s'opère cette transformation [de l'identification personnelle à l'éternel et immuable Tao]. «Il faut, dit Lao-tseu, s'efforcer de parvenir au dernier degré de l'incorporéité pour conserver la plus grande immobilité possible, ou l'immobilité absolue. Tous les êtres apparaissent à la vie dans un mouvement continu. Nous les voyons se succéder les uns aux autres, paraissant et disparaissant tour à tour. Ces êtres corporels revêtent dans leurs mouvements différentes formes extérieures; mais chacun d'eux retourne à sa racine, à son principe. Retourner à sa racine, à son principe, signifie rentrer dans l'immobilité absolue. Rentrer dans l'immobilité absolue, signifie rendre son mandat; rendre son mandat signifie devenir éternel et immuable. Savoir que l'on devient éternel et immuable, signifie être éclairé; ne pas savoir que l'on devient éternel et immuable, c'est être livré à l'erreur et à toutes sortes de calamités. Si l'on sait que l'on devient éternel et impérissable, on contient, on embrasse tous les êtres. Embrassant tous les êtres dans une commune affection, on est juste, on est équitable envers tous; étant juste, équitable pour tous, on possède les attributs de la souveraineté; possédant les attributs de la souveraineté, on participe à la nature divine; participant à la nature divine, on devient identifié avec le Tao ou la Raison Suprême; étant identifié avec la Raison Suprême, on subsiste éternellement; le corps même se dissolvant, l'anéantissement n'est pas à craindre.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 152.
«La politique de Lao-tseu est conforme à sa morale. La tranquillité, les bonnes mœurs et le bien-être du peuple sont, selon lui, le but de tout bon gouvernement. C'est le salus populi suprema lex esto des Romains, maxime déjà ancienne dans la Chine du temps de Lao-tseu. Il ne veut pas que le Prince gouverne par la multitude des lois, mais plutôt par le non-agir, c'est-à-dire libéralement, dans toute la signification du mot, par la vertu, en offrant en sa personne le modèle d'une vie vertueuse, modeste, éloignée du faste et d'une magnificence orgueilleuse. Le Prince, à plus forte raison les gouverneurs ne doivent point faire un trop grand cas des objets de luxe ou de fantaisie, des honneurs ou des richesses, des choses rares et précieuses: tout cela, dit-il, n'est propre qu'à exciter la jalousie des peuples, à les irriter par l'excès des impôts qu'il leur faut payer pour entretenir le luxe des Grands, à fomenter dans leur esprit toutes les passions démoralisatrices, à agiter l'État par les révolutions. C'est pourquoi ce philosophe recommande aux Prince, au Saint, au Sage une insensibilité vraiment stoïque à l'égard de tout ce qui vient d'être dit.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 155.
«Il n’y a dans le monde que les hommes souverainement parfaits, dit Khoung-tseu, qui puissent connaître à fond leur propre nature, la loi de leur être et les devoirs qui en dérivent; pouvant connaître à fond leur propre nature et les devoirs qui en dérivent, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du Ciel; pouvant connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du Ciel, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des êtres vivants et végétants, et leur faire accomplir leur loi de vitalité selon leur propre nature, ils peuvent par cela même, au moyen de leurs facultés intelligentes supérieures, aider le Ciel et la Terre dans les transformations et l’entretien des êtres; ils peuvent par cela même constituer un troisième pouvoir avec le Ciel et la Terre.» — KHOUNG-TSEU (Confucius). L’Invariabilité dans le milieu (chapitre XXII). in J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 163.
«Ce portrait du sage [que réalise Confucius] est, sans aucun doute, d'une beauté remarquable: cependant il n'atteint pas jusqu'à l'idée sublime du juste en butte aux contradictions, persécuté à cause de sa justice même, ou condamné injustement sans pouvoir justifier son innocence, par ceux-là même qu'il avait comblés de ses bienfaits. Les Grecs et les Romains approchèrent de cet idéal sublime: le christianisme le réalisa.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 170-171.
«Les traces de civilisation chinoise, indienne ou persanne [sic], que l'on retrouve chez les Égyptiens, ne prouvent rien sur l'antiquité relative de ces peuples et de leur civilisation: on n'en peut pas conclure l'origine chinoise, persanne ou indienne de la population et de la civilisation égyptiennes; pas plus qu'on ne pourrait en déduire que le Chinois, les Hindous et les Persans ne sont que des colonies originairement venues d'Égypte. Les rapports frappants que l'on a découvert dans leurs croyances religieuses et leurs institutions civiles et politiques, dans leurs caractères géographiques, leurs arts, leurs sciences, leurs constitutions sociales et leur organisation physique, ne peuvent jusqu'à présent établir que l'une de ces deux choses, ou toutes les deux simultanément, selon la nature de ces rapports, savoir: 1̊ que Dieu a donné à tous les hommes une commune nature, laquelle développe plus ou moins et tend à se spécifier par des tendances particulières selon les temps, les lieux, les circonstances; 2̊ que ces développements et ces tendances, qui constituent le caractère propre à chaque peuple et à sa civilisation, les divers peuples se les sont communiquées mutuellement, et en ont subi involontairement ou à leur insu l'irrésistible influence.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 194.
«... depuis les travaux scientifiques entrepris par les savants qui ont suivi la grande expédition en Égypte, sous Bonaparte, et continués ensuite avec tant de succès par les Champollions, il n'est plus permis de douter aujourd'hui que les Égyptiens aient mérité la réputation dont ils jouissaient dans toute l'antiquité classique, grecque et romaine, d'avoir été le peuple le plus civilisé, le plus sage, le plus instruit, en même temps que le plus religieux de tous les anciens peuples.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 209.
«L'ordre social en sera-t-il moins respectable et moins respecté, parce qu'on le fera reposer sur la volonté de Dieu, sur la loi naturelle, sur la raison, la révélation, la vertu, la science ? § Nous n'admettons pas que, pour établir la société sur ce fondement sacré et immuable, on puisse légitimement recourir à des révélations mensongères, livrer le peuple à la superstition, corrompre les dogmes et la morale par des mythes et des symboles fabuleux, ou par de faux systèmes philosophiques. Mais l'ancienne Égypte était assez près de l'origine du monde et de la fondation de la société par l'auteur de toutes choses, pour que la volonté divine pût être légitimement proclamée la charte éternelle de l'humanité; puisque, sans aucun doute, il est vrai en toute hypothèse, excepté le système des athées, que Dieu est le principe et la source première de toutes les lois, de tous les devoirs et de tous les droits. Telle est la loi éternelle, naturelle, immuable, indestructible.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 209-210.
«Ce n'est pas que les autres nations n'aient eu aussi leur part de cette divine sagesse que Dieu départit communément à tous les hommes dès le commencement: personne n'est plus que nous disposé à le reconnaître, et ne professe une admiration plus sincère pour tout ce que nous trouvons vrai, bon et beau dans les peuples de l'antiquité. Mais remarquez que cette partie des traditions des anciens peuples, qui comprend ordinairement les idées et les notions premières, les vérités-principes ou de pure intuition, ne nous a paru si souvent vraie, bonne, utile, raisonnable, que par conformité avec nos idées bibliques, et parce que nous l'avons présentée ordinairement dégagée des fausses traditions, des fictions poétiques et des conceptions erronées dont on les enveloppait des yeux du vulgaire ignorant ou dont se repaissait la vanité de ceux qui aspiraient au titre de savant. En général, ces traditions s'accordent-elles avec celles des Israëlites, elles ont alors un caractère de vérité, d'universalité et d'antiquité parfaitement reconnaissable; mais où cet accord cesse, elles cessent aussi d'être d'accord entr'elles et n'offrent plus, en général, que le triste aspect de doctrines arbitraires, fausses, absurdes, ou évidemment mythologiques: ce qui nous conduit naturellement à ce résultat, qu'en fait comme en droit, les traditions bibliques sont le critérium de vérité des traditions de tous les anciens peuples. C'est là seulement que l'on trouve la vraie antiquité du monde et la vraie histoire de son origine, les vrais principes de la religion, de la morale, des lois, des arts, des sciences et de toute sociabilité, les sources de l'inspiration poétique qui célèbre Dieu, la nature, la création, la providence, la famille, le bonheur domestique, la vertu, la justice, l'héroïsme, l'amour de la liberté, tout ce qui est grand, excellent, parfait, selon Dieu et selon les lois immuables de la raison et de la sagesse éternelles.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Asie occidentale». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 231-232.
«Concluons que la constitution des Hébreux contenait tous les principes de ce que l'on appelle aujourd'hui le Libéralisme dans son acception la plus large, savoir: le règne de la loi et de la raison seules, l'acceptation de cette loi par le peuple, le gouvernement par la volonté et l'autorité de la nation, le dogme de la fraternité universelle de tous les hommes, l'égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens devant la loi, leur liberté garantie contre les magistrats, les grands, les riches, les puissants, les forts, par la loi elle-même: toutes choses plus ou moins complètement oubliées ou méconnues chez tous les anciens peuples, où l'on ne voyait que despotisme, esclavage, servitude, oppression ou anarchie.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Asie occidentale». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 239-240.
«J'établis d'abord ce que l'on doit entendre par la philosophie. Je me borne à la définir: «L'idée désintéressée de la science.» Observer pour savoir, sans autre but que de comprendre le monde où nous vivons, ses phénomènes, ses origines et sa fin, voilà l'idée qui naît alors pour la première fois dans l'intelligence humaine, et qui, depuis Thalès, Pythagore et Xénophane jusqu'à nous, n'a fait que se développer de siècles en siècles, et qui se développera désormais sans interruption, tant que les siècles et le temps qu'ils mesurent, dureront pour le genre humain. C'est là si bien ce que fait la philosophie qu'au début elle embrasse toutes les sciences sans exception, et que c'est uniquement par la faiblesse de notre esprit et les nécessités de l'analyse universelle, que peu à peu les sciences particulières se spécialisent, et que la philosophie, qui n'en reste pas moins leur mère féconde, s'isole aussi de ses filles, sans cesser de les nourrir et de s'appuyer sur elles. La philosophie a reconnu assez vite son domaine propre, superposé à celui de toutes les autres sciences, dont elle est à la fois la racine et l'achèvement. Mais à ses premiers jours, elle se confondait avec toutes les sciences qui n'étaient pas encore issues de son sein.» — B. DE SAINT-HILAIRE. «Origines de la philosophie grecque». In Aristote. Traité de l'origine et de la production des choses. Durand. Paris, 1866. p. cxxvii-cxxviii.
«Un discours est, certes, déterminé par ce sur quoi il porte; mais à côté de ce contenu évident il en est un autre, parfois inconscient et toujours implicite, qui lui vient de ses utilisateurs: auteurs et lecteurs, orateurs et public. Affirmer cette dualité ne revient pas à opposer l'objectif et le subjectif, ou le collectif et l'individuel: même si la personnalité subjective y est pour quelque chose, c'est plutôt à un ensemble de positions, d'attitudes et d'idées partagées par la collectivité à un moment de son histoire qu'on a affaire quand on examine la pression des sujets parlants et interprétants sur la formation des discours. Cet ensemble, nous l'appelons aujourd'hui idéologie: et l'étude de la production du discours par le dispositif idéologique permet d'établir la parenté entre textes que sépare par ailleurs leur forme: la même idéologie sera à l'œuvre dans les écrits littéraires, des traités scientifiques et des propos politiques.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 21.
«L'histoire du discours sur l'autre est accablante. De tout temps les hommes ont cru qu'ils étaient mieux que leurs voisins; seules ont changé les tares qu'ils imputaient à ceux-ci. Cette dépréciation a deux aspects complémentaires: d'une part, on considère son propre cadre de référence comme étant unique, ou tout au moins normal; de l'autre, on constate que les autres, par rapport à ce cadre, nous sont inférieurs. On peint donc le portrait de l'autre en projetant sur lui nos propres faiblesses; il nous est à la fois semblable et inférieur. Ce qu'on lui a refusé avant tout c'est d'être différent: ni inférieur, ni (même) supérieur, mais autre, justement. La condamnation d'autrui s'accommode aussi bien du modèle social hiérarchique (les barbares assimilés deviennent esclaves) que de la démocratie et de l'égalitarisme: les autres nous sont inférieurs parce qu'on les juge, dans le meilleur des cas, par les critères qu'on s'applique à soi-même.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 22.
«Comprendre signifie à la fois, et pour cause, «interpréter» et «inclure»: qu'elle soit déforme passive (la compréhension) ou active (la représentation), la connaissance permet toujours à celui qui la détient la manipulation de l'autre; le maître du discours sera le maître tout court. Est-ce un hasard si, d'une part, il y a un discours orientaliste en Occident mais aucun discours «occidentaliste» en Orient, et si, de l'autre, c'est justement l'Occident qui a dominé l'Orient ? § Le concept est la première arme dans la soumission d'autrui — car il le transforme en objet (alors que le sujet ne se réduit pas au concept); délimiter un objet comme «l'Orient» ou «l'Arabe» est déjà un acte de violence.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 23.
«... notre destin est inséparable de celui des autres, et donc aussi du regard que nous portons sur eux et de la place que nous leur réservons.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 24.
«L'Orientalisme [d'E. Said] ne résout pas toutes les questions qu'il pose. Il refuse l'entité «Orient» mais ne nous dit pas si la civilisation islamique (ou égyptienne, ou indienne, etc.) ne possède pas certains traits différents de la civilisation occidentale (et si oui, lesquels). Il condamne la compréhension assimilatrice et impérialiste pratiquée par la science officielle, mais ne nous apprend pas s'il existe une compréhension différente, où l'autre n'est pas réduit et soumis au même. Il fustige l'intolérance des hommes à l'égard des «barbares» mais ne nous enseigne pas comment concilier l'impératif moral «soyez tolérants» avec la constatation historique: «les hommes ne l'ont jamais été»; il ne nous indique pas le voie d'une nouvelle morale lucide, non utopiste. § Mais c'est peut-être le propre du savoir tel que le voudrait Saïd: plutôt que de nous enfermer dans les réponses, il maintient salutairement les questions.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 24-25.
«... some men worship rank, some worship heroes, some worship power, some worship God, and [...] over these ideals they dispute and cannot unite - but [...] they all worship money.» — Mark Twain. «Concerning the Jews». Harper's Magazine. September, 1899.p. 527-535.
«La même année, 571, se déroulèrent des événements dangereux à l'est: les Arméniens se révoltèrent contre le roi Chosroès [590-628] et appelèrent en renfort Justin [565-578], leur coreligionnaire — requête qu'il ne pouvait ignorer. Début 572, la guerre contre les Perses reprit. L'année suivante, les Perses s'emparèrent de Dara, important évêché chrétien sur le Tigre, pendant qu'ils ravageaient la Syrie — dont on dit qu'ils revinrent avec deux cent quatre-vingt-douze mille prisonniers. Parmi ceux-ci, deux mille délicieuses vierges chrétiennes personnellement choisies par Chosroès; mais les jeunes filles, à l'approche d'une rivière, demandèrent la permission de se baigner et, par pudeur, s'éloignèrent des soldats. Puis, plutôt que de perdre à la fois leur vertu et leur religion, elles se noyèrent.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 107.
«Justinien [668-711], pour sa part, était en route pour l'Arménie. Jamais il n'y arriva: «Rugissant comme un lion», il fit demi-tour et retourna à bride abattue vers la capitale. Mais il était trop tard. Philippicos [†713], arrivé le premier, y avait été accueilli à bras ouverts. Justinien fut arrêté à la douzième borne et exécuté sur place; on envoya sa tête au nouvel empereur comme trophée. Quand la nouvelle de sa mort atteignit la capitale, sa mère, l'impératrice Anastasie, alla précipitamment cacher son petit-fils Tibère dans l'église de la Vierge, à Blachernes. Deux agents de Philippicos les y poursuivirent pourtant et exigèrent que le jeune prince leur fût remis. La vieille impératrice supplia en vain; l'un des hommes s'avança vers l'enfant terrifié qui se tenait d'une main à l'autel et de l'autre à un fragment de la vraie Croix. L'homme arracha le fragment à Tibère et le posa respectueusement sur l'autel; puis il entraîna son petit prisonnier jusqu'au porche d'une église voisine où, dit la chronique, «il l'égorgea comme un mouton». C'est donc avec le meurtre de sang-froid d'un gamin de six ans que la ligné des Héraclides s'éteignit à jamais.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 132.
«Quand il accéda au trône, Jean II Comnène [1087-1143] était à un mois de son trentième anniversaire. Même ses admirateurs admettaient qu'il était physiquement défavorisé, avec des cheveux et un teint si sombre qu'on l'appelait le Maure. Il avait pourtant un autre surnom: Kaloiannis, Jean le Beau. Ce n'était pas ironique: il s'agissait d'une référence non pas à son corps mais à son âme. Il détestait l'inconstance, il méprisait le luxe. Aujourd'hui, la plupart d'entre nous le trouveraient insupportable: dans la Byzance du XIIe siècle, il était aimé. Pour commencer, il n'était pas hypocrite. Sa piété était sincère, son intégrité totale. En second lieu, il avait par nature un côté gentil et indulgent bien rare pour l'époque. Il était aussi généreux: aucun empereur ne dispensa la charité d'une main plus prodigue. Contrairement à son père, il tint sa famille à l'écart.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 306-307.
«Dès le départ [lors d'une réception en son honneur, donnée en 1162], l'empereur [Manuel Comnène (1118-1180)] était décidé à l'émerveiller [le sultan Kilidj Arslan II (1155-1192)]. Il reçut son invité assis sur un trône d'or serti d'escarboucles et de saphirs et bordé de perles. À son cou pendait un rubis de la taille d'une pomme. Deux fois par jour, pendant cette visite de douze semaines, on apporta ses repas au sultan dans de la vaisselle d'or et d'argent qui immédiatement devenait sa propriété. Il y eu des banquets, des tournois, des jeux au cirque, et même un spectacle aquatique qui montra les effets extraordinaires du feu grégeois. Un spectacle donné par le sultan eut malheureusement moins de succès, quand un membre de sa suite proposa de voler. Ayant passé un vêtement entièrement constitué de poches, où l'air devait s'engouffrer et le soutenir, il monta sur une haute plate-forme et s'élança. On dit qu'un instant plus tard, quand on emporta son corps sans vie, la populace ne put se retenir de rire.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 327.
«La chrétienté aussi avait changé. Longtemps divisée, elle était maintenant cloisonnée. Pendant des siècles, avant et après le Grand Schisme, les différends entre les Églises avaient été essentiellement théologiques. Après le sac de Constantinople [du 12 au 15 avril 1204], ce n'était plus vrai. Pour les Byzantins, les barbares qui avaient profané leurs autels, pillé leurs maisons et violé leurs femmes ne pouvaient être considérés comme de véritables chrétiens. Toute tentative d'union forcée ne pouvait tenir longtemps, parce que n'importe quoi leur paraissait préférable à l'idée d'une soumission à Rome. «Mieux vaut le turban du sultan que la mitre du cardinal», disaient-ils. Et ils le pensaient vraiment.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 362.
«Le pape réussit alors à convaincre les délégués de se rendre à Florence. Ses motifs étaient essentiellement financiers: à Florence, les Médicis pourraient l'aider. Mais le déménagement fut profitable sur d'autres plan. Quand les séances reprirent vers la fin de février 1439, les Grecs — fatigués, anxieux, nostalgiques et affamés — semblaient plus près d'accepter un compromis. Fin mars, ils admirent que la formule latine où ls Saint Esprit procédait du Père et du Fils signifiait la même chose que la formule récemment acceptée par les Grecs où il procédait du Père par le fils. Le Filioque enfin hors du chemin, les autres questions furent vite réglées. Au début de l'été, on était presque arrivé à un accord et, le 5 juillet, le décret officiel d'union — guère plus qu'un énoncé des opinions de l'Église romaine — fut signé par tous les représentants de l'orthodoxie, sauf le métropolite d'Éphèse qui resta inflexible mais à qui l'empereur interdit d'user de son droit de veto. Les Latins ajoutèrent alors leurs propres signatures et, le lendemain, le décret fut publiquement proclamé tant en latin qu'en grec dans la cathédrale de Florence. La version latine commençait par Lætentur Cœli — «Que les Cieux se réjouissent ».» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 419.
«Byzance n'a peut-être pas atteint ses plus hauts idéaux, mais elle n'a certainement pas mérité la réputation épouvantable qu'elle doit à Edward Gibbon, aux XVIIe et XIXe siècles. Les Byzantins vivaient au contraire dans une société profondément religieuse où l'illettrisme — du moins dans les classes moyennes et supérieures — était pratiquement inconnu, et où un empereur après l'autre fonda sa réputation sur son érudition, une société qui seule préserva l'essentiel de l'héritage de l'Antiquité grecque et latine durant les siècles d'obscurité en Occident, quant les lumières du savoir étaient presque éteintes; une société, finalement, qui produisit le phénomène stupéfiant de l'art byzantin. Aussi réduit qu'ait été cet art, en grande partie confiné au grand mystère de la foi chrétienne, il réussit à atteindre un degré d'intensité et d'exaltation sans pareil ni auparavant ni depuis, et ses chefs-d'œuvre — la Déisis dans la nef sud de Sainte-Sophie, l'Anastasis et le Paraclésion de Saint-Sauveur-in-Chroa à Constantinople — comptent parmi les créations les plus sublimes de l'esprit humain. Les instructions données aux peintres et aux mosaïstes de Byzance étaient simples: «Représenter l'esprit de Dieu». C'était un formidable défi que les artistes occidentaux ont rarement affronté; mais à maintes et maintes reprises, dans les églises et les monastères de l'Orient chrétien, cette tâche aboutit à une réussite triomphale.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 433-434.
«En effet, [dans les climats tempérés] l'esprit ne subit pas de chocs ni le corps de modification violente, toutes choses à partir desquelles il est normal qu'on ait un caractère farouche et que l'on participe à la témérité et à la fougue davantage que si l'on vivait dans un climat toujours uniforme; car ce sont les changements du tout au tout qui éveillent sans cesse l'esprit des hommes et ne le laissent pas en repos.» — HIPPOCRATE. «Air, eaux, lieux» In L'art de la médecine. Flammarion. Paris, 1999. p. 134.
«Empédocle lui ayant dit [à Xénophane] que le sage était introuvable, il lui répondit: «C'est normal: car il faut être sage pour pouvoir reconnaître le sage.» — DIOGÈNE LAËRCE. «Xénophane». In Vies et doctrines des philosophes illustres. Livre de Poche. Paris, 1999. p. 1062.
«Quand j’ai ajouté: « C’est de notre temps la religion chrétienne dont la connaissance et la pratique fait la certitude et la sécurité du salut ; » j’ai eu égard au nom et non à la chose qu’il exprime. Car ce qui se nomme aujourd’hui religion chrétienne, existait dans l’antiquité et dès l’origine du genre humain jusqu’à ce que le Christ s’incarnât, et c’est de lui que la vraie religion qui existait déjà, commença à s’appeler chrétienne. En effet lorsque, après sa résurrection et son ascension, les Apôtres se mirent à le prêcher et que beaucoup croyaient déjà, ses disciples commencèrent à être appelés chrétiens à Antioche d’abord, comme il est écrit. C’est pourquoi j’ai dit : « C’est de notre temps la religion chrétienne, » non pas qu’elle n’ait point existé dans les temps antérieurs, mais parce qu’elle a reçu ce nom dans les temps postérieurs.» — AUGUSTIN. Les Rétractations. Livre I, chapitre 13, paragraphe 3.
«Their arms are linked. They cannot be separated. Because freedom without peace is agony, and peace without freedom is slavery, and we will tolerate neither. This is the truth we owe our dead.» — Dr. David JOHNSON, Governor-General of Canada. In a speech given at the Canadian War Memorial, in Ottawa, on Remembrance Day, November 11 2014, referring to the two angels, of Justice and Peace, which are perched at the top of the monument.
«Quoiqu'il en soit, avec son talent de bien regarder et de rechercher le pourquoi des choses, un bref séjour lui a suffi [le vicomte A. de Tocqueville] pour reconnaître dans le Bas-Canada de véritables frères par le sang et par la pensée: «On ne peut contester leur origine, écrira-t-il à un intime [dont le nom est tu], ils sont aussi Français que vous et moi.» Et encore, à son précepteur [l'abbé Lesueur]: «Nous nous sentons chez nous, et partout on nous reçoit en compatriotes, en fils de la vieille France. à mon avis, cette épithète est mal choisie: la vieille France, elle est au Canada, et la nouvelle est chez nous.» — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1964. Vol. 18, no 3. p. 333.
«Les réjouissances devaient se succéder sans interruption les jours suivants. Nous n'en donnerons pas le détail, non plus que des visites particulières que le Commandant [Paul-Henry de Belvèze (1801-1875), capitaine de la Capricieuse, une frégate qui vint accoster à Québec en 1855, rétablissant ainsi les rapports commerciaux entre la Nouvelle-France (le Bas-Canada) et la France] jugea bon de faire à divers notables. L'une d'elles est passée à l'état de la légende: celle qu'il fit à Mlle de la Naudière, fille de l'officier qui s'était distingué sous Montcalm. C'est ce jour-là que l'octogénaire aurait trouvé cette définition — qui parut alors si astucieuse — du patriotisme canadien-français: «Nos bras à l'Angleterre mais nos cœurs toujours à la France!» — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1965. Vol. 18, no 4. p. 524.
«Des érudits, des jurisconsultes, des philologues et des éducateurs vont traiter tour à tour [au Congrès de la langue française, tenu à Québec du 24 au 30 juin 1912] de diverses questions relatives à l'usage de la langue française en Amérique du Nord: parmi tant de communications et de discours, personne ne sera plus écouté qu'Étienne Lamy [(1845-1919). Membre, en 1911, puis Secrétaire perpétuel, en 1913, de l'Académie française]. § Il parle de la langue française, tout simplement, mais il en parle en maître. À grands traits, il rappelle les caractères essentiels du français, «l'une des plus magnifiques parures qu'ait jamais revêtues la pensée humaine», langue universelle et une langue conquérante ... Aurait-elle dégénéré, comme le laisseraient croire certaines productions récentes? Non, car «trop d'œuvres excellentes font oublier les médiocres et les mauvaises». Quoi qu'en disent ses détracteurs, «la France n'a pas quitté les routes de l'idéal» ... Et ces routes, enchaîne habilement Lamy, la ramènent naturellement au Canada, «séparé de la France avant que la France se séparât de son passé, et qui a gardé la plénitude de la vie ancienne». Et pour finir, cette apostrophe: «Canada, la France t'aime, t'admire et te salue» » — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1967. Vol. 20, no 4. p. 617-618.
«"À l'origine, la philosophie était une recherche de l'ordre éternel, tendant à rendre l'homme plus humain, donc une source pure d'inspirations et d'aspirations humaines. Depuis les XVIIe siècle, elle est devenue une arme, donc un instrument. C'est dans cette philosophie 'politisée' qu'un clerc [J. Benda] qui dénonça la trahison des siens prétendit trouver la source de nos maux. Mais il commettait l'erreur fatale de méconnaître la différence essentielle entre intellectuels et philosophes et restait en cela dupe de la supercherie qu'il démasquait: la philosophie ne devient-elle pas 'politique' lorsque la différence entre intellectuels et philosophes — ce qu'on appelait autrefois différence entre 'gentilshommes' et philosophes d'une part, et différence entre sophistes ou rhéteurs et philosophes de l'autre — s'estompe et finit par s'évanouir ?» — STRAUSS, L. Droit naturel et histoire. Plon, Paris, 1954. p. 49. Cité in P.-A. Taguieff. «Civilisation contre barbarie ? Archéologie critique de quelques corruptions idéologiques contemporaines (nationalisme, humanitarisme, impérialisme)». L'Homme et la société. No. 87. 1988. p. 43.
«CSV: Pourquoi une société recourt-elle aux mythes ? À quoi servent-ils ? § J.L. L.Q. : Les humains forment une espèce fabulatrice, ils préfèrent croire à n'importe quoi plutôt qu'à rien, ils ne cessent donc d'interpréter le réel et de donner un sens à ce qui les entoure. Le mythe comme explication partagée du monde est une vérité reçue et admise par tous. Il comporte trois intérêts majeurs: ils soude les membres du groupe, il les rassure en donnant du sens et il justifie l'état du monde. Il dit littéralement: le monde tel qu'il est fait sans doute preuve d'imperfection et d'inégalité, il y a des faibles et des forts, des riches et des pauvres, mais il est juste que les choses soient ainsi et voici pourquoi ... Le récit des origines et de l'état du monde permet de valider aux yeux de tous les règles, les dieux, les intérêts. Inamovible et indiscutable, l'immense majorité des mythes constitue une façon de pérenniser un ordre social établi. Et comme ils relèvent du traditionalisme, de la répétition, de l'opposition à l'esprit d'invention, ils forment un blocage, un frein au changement ...» — J.-L. LE QUELLEC. «Interview par O. Roller». In L'Origine des mythes. Cahiers de science et de vie. Numéro 147. Août 2014. p. 20.
«Par contre, rapporter au hasard et à la fortune une si grande œuvre [l'existence ou la production de l'ordre et du beau dans les choses] n'était pas raisonnable. Aussi, quand un homme [c'est-à-dire Anaxagore] vint dire qu'il y avait dans la nature, comme chez les animaux, une Intelligence (noûs), cause de l'ordre et de l'arrangement universel, il apparut comme seul en son bon sens en face des divagations de ses prédécesseurs.» — Aristote. La Métaphysique. Livre A, 3, 984b 9-19. Vrin. Paris, 1991. Tome I, p. 18.
«Certes, la vérité du sage, comme le secret religieux, est révélation de l'essentiel, dévoilement d'une réalité supérieure qui dépasse de beaucoup le commun des hommes; mais en la livrant à l'écrit on l'arrache au cercle fermé des sectes pour l'exposer en pleine lumière aux regards de la cité entière; c'est reconnaître qu'elle est en droit accessible à tous, c'est accepter de la soumettre, comme le débat politique, au jugement de tous, avec l'espoir qu'en définitive elle sera par tous acceptée et reconnue.» — J.-P. VERNANT. Les origines de la pensée grecque. Presses universitaires de France. Paris, 2009. p. 49.
«La richesse a remplacé toutes les valeurs aristocratiques: mariage, honneurs, privilèges, réputation, pouvoir, elle peut tout procurer. Désormais, c'est l'argent qui compte, l'argent qui fait l'homme. Or contrairement à toutes les autres "puissances", la richesse ne comporte aucune limite: rien en elle qui puisse marquer son terme, le borner, l'accomplir. L'essence de la richesse, c'est la démesure; elle est la figure même que prend l'hubris dans le monde. Tel est le thème qui revient, de façon obsédante, dans la pensée morale du VIe siècle.» — J.-P. VERNANT. Les origines de la pensée grecque. Presses universitaires de France. Paris, 2009. p. 80-81.
«Ils sont tout autant l'expression d'une France insatisfaite, qui, plus que jamais, brûle d'être citoyenne, mais qui, pour l'heure, hormis l'épisode des dons de vaisseaux, ne se voit guère reconnue et épaulée dans son désir d'agir pour le bien public. Cette France qui fait sienne la belle formule de Vallier [dans son poème Le Citoyen], qu'«on ne vit bien pour soi qu'en vivant pour les autres.» — E. DZIEMBOWSKI. La Guerre de Sept Ans (1756-1763). Perrin. Paris, 2015. p. 579.
«Not only was Lord Yang [a Chinese statesman (390-338 B.C.)] unconcerned about the morality of the prince: he believed that a virtuous sage would make a disastrous king. "A state that uses good people to governe the wicked will be plagued by disorder and destroyed, " he declared. "A state that uses the wicked to governe the good always enjoys order and becomes strong." The Confucians, who preached peace, were dangerous. If eveybody practiced the li [a form of social ritual which creates balance and harmony, in Confucianism], they would become so moderate and restrained that a prince would never persuade anybody to fight. Lord Shang was openly contemptuous of the Golden Rule. A trul effective prince would inflict upon the enemy exactly what he would not wish to have done to his own troops. "If in war you perform what the enemy would not venture to perform, you will be strong", he told his officials. "If in enterprises you undertake what the enemy would be ashamed to do, you have the advantage."» — Karen ARMSTRONG. The Great Transformation. The Beginning of Our Religious Traditions. Anchor Books. New York, N.Y., 2006.
«L'Islam n'aime pas le changement. Ce n'est pas être antimusulman que de le constater. Au contraire, chaque croyant traditionaliste vous le réaffirmera. Tradition, jugement: c'est la notion la plus noble en Islam, celle qui donne son nom à la seconde source de la foi: la Sunna. Tout a déjà été révélé par Dieu à Mahomet, «Sceau des Prophètes», venu achever le cycle des révélations antérieures, juive et chrétienne, et les corriger. Jean-Pierre Péroncel-Hugoz [un journaliste et essayiste français, né en 1940] note, dans une belle formule: «Les juifs ont l'espérance, les chrétiens l'Amour et les musulmans la Foi.» Cette foi s'appuie sur la conviction que seule la répétition du passé peut produire un présent acceptable. Les modes d'appréhension et d'organisation du monde ont été une fois pour toutes exprimés dans le Coran. Ce qui a été sera. Une conception radicalement opposée à la démarche occidentale.» — Martine GOZLAN. Pour comprendre l'intégrisme islamiste. Albin Michel. Paris, 2002. p. 103.
«Philosophy has come to mean discussion, trying to use the mind to reach meaning with the help of words — and yet never really succeeding. But in Parmenides' time things were very different. Then the words of a philosopher were words of power. They weren't words in search of meaning but words that contained their own meaning inside them.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 120.
«Life for us has become an endless affair of trying to improve ourselves: achieving more and doing more, learning more, always needing to know more things. The process of learning and being taught has simply become an matter of being fed facts and information — receiving what we didn't have before, always being given soething different from ourselves. § That's why whatever we learn never touches us deeply enough, why nothing really satisfies us. And the more we sense this the more we rush around trying to find other substitutes to fill the void we still feel inside. Everything pushes out outside ourselves — further away from the utter simplicity of our own humanity.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 188.
«This is why the greatest teachers are often utter nobodies. They're nobodies who give nothing at all. But that nothing is worth more than everything else. In some circunstances they might introduce you to a new system of knowledge, or demand that you change your lifestyle — and yet that is not what the teaching is basically about. It's just a trick to keep your mind focused while the real work is done on another level, somewhere else. § Real teachers leave no trace. They're like the wind at night rushing right through you and totally changing you but leaving everything changed, even your greatest weaknesses: blowing away every idea of what you thought you were and leaving you as you always have been, since the beginning.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 191-192.
«Ce qui est fut déjà; ce qui sera est déjà.» — Ecclésiaste 3, 15.
«Devant eux, tout le long de la rue de Rivoli, un cri de triomphe court de bouche en bouche: «Le général boche, le général boche est pris.» Place des Pyramides, une femme d'une quarantaine d'années se jette sur l'ancien commandant du Gross Paris, gonfle ses joues, lui lance un énorme crachat qui l'atteint à la face, juste au-dessous de son monocle. Une volontaire de la Croix-Rouge s'interpose, protège l'Allemand de son corps. Touché par cet acte de compassion inattendu, Choltitz qui passe à ce moment devant la statue dorée de Jeanne d'Arc murmure à sa bienfaitrice: «Madame, vous êtes comme Jeanne d'Arc.»» — L. LAPIERRE et L. COLLINS. Paris brûle-t-il ? Histoire de la libération de Paris. Robert Laffont. Paris, 1964. p. 563.
«Le nom de Salomon exprimait l'idée du bonheur, de la paix et de la perfection. Il est le roi «heureux» et le roi «accompli». Pour dire que son règne avait été un temps de calme et d'ordre, on assura que, dans un songe, il avait demandé à Yahweh, plus que les autres biens, la Sagesse. Au sens oriental du mot, cela veut dire bien des choses. Être sage, c'est avoir l'intelligence des réalités; ainsi écrit-on du roi qu'il connaît les bêtes et les plantes «depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope des murailles, et tous les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles, les poissons». Être sage, c'est posséder le don de «comprendre les proverbes, les sens mystérieux, les maximes et les énigmes» (Prov. I, 1, 7); il entre même un élément ésotérique dans cette puissance, et le roi sage est tenu aussi pour devin. Être sage, c'est encore «acquérir la justice, l'équité, la droiture», ces vertus qui viennent de Dieu, car «la crainte de Yahweh est le commencement de la sagesse»; c'est donc en définitive posséder la connaissance de Dieu.» — DANIEL-ROPS. Histoire Sainte. Le peuple de la Bible. Fayard. Paris, 1945. p. 213.
[L'insurrection s'est produite à Byzance et le basileus, la basilissa ainsi que que leur suite, enfermés dans au Palais, craignent pour leur sécurité et jusqu'à leur vie.] «Mais alors, Théodora se dresse. Prodigieuse d'énergie, elle fait front. "Peut-être n'est-ce pas le rôle d'une femme de parler devant des hommes et de conseiller le courage à des lâches ! Mais je suis convaincue que la fuite, en de telles circonstances, ne serait plus le salut. Qui a porté la souveraineté ne doit plus vivre s'il en a été dépouillé. Pour moi, je ne renoncerai jamais à mon titre impérial. Tu peux t'enfuir, César, si tu le veux: tu as de l'argent, des vaisseaux, la mer est libre. Mais dis-toi que si tu avandonnes ce palais, tu perdras tout, même la vie. Quand à moi, je m'en tiens à cette vieille maximeL la pourpre est le plus beau linceul !".» — DANIEL-ROPS.
Histoire Sainte. Le peuple de la Bible. Fayard. Paris, 1950. p. 195.
«... être heureux à son insu, ou, comme Endymion, dans un sommeil de mort, ou, comme Priam, au sein des pires infortunes, est-ce encore être heureux ?» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 297.
«Aristote admet trois types naturels de gouvernement: royauté, oligarchie aristocratique, république (politeía au sens étroit), selon que la souveraineté appartient à un seul, au petit nombre, ou à tous, et selon que l'essence en est l'autorité, la valeur ou la liberté. Tous trois sont corrects, si le but des gouvernants est l'intérêt commun, mais deviennent fautifs, si ce but est l'intérêt personnel. D'où trois déviations correspondantes: tyrannie, oligarchie de fortune, démagogie, qui portent à l'absolu le principe normal et onht pour essence le despotisme, la ploutacratie, ou la licence et l'arbitraire au profit des indigents.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 312.
«L'acte mental par lequel on s'élève enfin des fonctions sensitive et imaginative à la fonction intellective, c'est l'acceptation d'un objet de croyance ou d'opinion (úpólepsis, pístis, dóxa), bref le jugement, si élémentaire soit-il. La prudence et la science en sont des formes supérieures. En toutes est déjà l'intellection, acte de l'intellect. Or, si cette fonction et ce genre d'âme ne sont pas dans les précédents, ceux-ci servent du moins de conditions matérielles et d'antécédents nécessaires. L'éthique a montré en outre comment meut l'intelligence en s'associant au désir, et comment en elle se réalise le plaisir sous sa forme la plus parfaite. En un sens pourtant ces nécessités inférieures signifient que la pensée est incapable de se suffire à elle-même, qu'elle est gênée et bornée dans le composé que nous sommes. Par elle-même, en effet, comme le sens dans sa sphère propre, elle est en droit infaillible, en tant qu'elle entre en contact avec l'intelligible, son objet. Mais ce qu'il y a d'indéterminé dans ces conditions matérielles introduit en elle la contingence et la possibilité de faillir: l'empire absolu de la nécessité rationnelle ne vaudrait-il pas mieux pour elle qu'une liberté toujours capable d'un mauvais choix ? D'autre part, l'intellect ne peut être la forme des formes, un genre d'âme souverain et ce qu'il y a en nous de plus divin, qu'à la condition d'être solidaire de ce qui est au-dessous de lui; comment ferait-il sortir en effet les formes intelligibles des formes sensibles, si celles-ci n'avaient pas été dégagées de l'étendue par la sensation ?» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 339-340.
«La crainte de la mort étant, avec la crainte des dieux, le principal obstacle à la paix intérieure, il importe de savoir ce qu'est la vie.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 347.
«L'objet de la morale [...]: retrouver en nous la raison naturelle et l'exprimer par nos actes.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 398.
«Le Sage est donc assuré d'être le plus heureux des hommes, aussi heureux dans sa vie bornée que le Zeus éternel. Les insensés sont toujours au contraire au comble de l'infortune. Par elle seule, la vertu suffit en effet à donner le bonheur. Or, la Sagesse unit toutes les vertus dans leur consécution mutuelle indivisible, elle leur donne à toutes l'âme et la vie. Jamais par conséquent le Sage ne se trompe, ni ne trompe; dépourvu de besoins, seul il est toujours riche; parce qu'il est affranchi des passions, seul il est libre; seul il est beau de l'éminente beauté de l'âme; citoyen de l'univers, dont son exilés tous les insensés, il forme une société de droit avec tous ses pareils, donc avec les dieux eux-mêmes; se dictant à lui-même sa loi, seul, il est «dictateur» et roi. En résumé, le Sage est l'homme qui porte en lui la raison même de la nature, et, s'il semble être hors de la nature, c'est précisément parce que, seul, il en est, parmi l'universelle folie, une fidèle image.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 398-399.
«La révélation a supprimé l'effort de la raison.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 414.
«Savoir n'est rien, imaginer est tout. Rien n'existe que ce qu'on imagine.» — A. FRANCE. Le Crime de Sylvestre Bonnard. Calmann-Lévy. Paris, 1923. II, 2.
«Combattre son impulsion est difficile / Car ce qu'elle veut est acheté à prix d'âme.» — Héraclite (Fragment B lxxxv). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 85.
«Qu'il n'y ait chez nous personne de très capable / Sinon, qu'il aille ailleurs et chez d'autres.» — Héraclite (Fragment B cxxi). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 93.
«Le mépris du monde n'est point une misanthropie, mais un refus de ses péchés, de ses compromissions: le quitter pour trouver Dieu par la relation de la prière est en réalité la seule manière de sauver le monde. Le véritable ermite qui réussit sa vie, le vrai moine qui transforme le monde, ce sont ceux qui par leur vie de prière ont attiré autour d'eux des hommes et des femmes rejetant les modes ambiantes et inoculant ainsi l'esprit de la cité de Dieu à la cité terrestre. .» — ROUCHE, M. «Les derniers feux de l'Empire». In Clovis. Fayard. Paris, 1996. p. 149-150.
«What was it that was so unacceptable in the heliocentric system ? It is that man needs the feeling o insecurity, a need based most probably on a hidden insecurity. A moving earth is a less secure place than an unmoveable one. Moreover, the system denied man the central role in the universe: this wa injurious to his ego. It was also in conflct with the tenets of the Christian Church: did Jesus come merely to a very secondary planet, one of many ?» — I. VELIKOVSKY. Mankind in Amnesia. Paradigma. London, 2010. p. 60.
«Man's eternal dream is to go to heaven alive; an urge to cast off the shackles binding him to the rock of his birth and to soar and touch with his mortal body one of the planetary gods or goddesses; a longing for a visit to paradise without first going to the grave, and without passing through purgatory; ascension while alive, like Elias who went up in a chariot of fire (or was consumed in a ball of lightning), but with a return to earth; to participate in the banquet of gods, ...» — I. VELIKOVSKY. Mankind in Amnesia. Paradigma. London, 2010. p. 153.
«The cultivated and the mentally active have an insatiable appetite for novelty, diversity, and distraction. But the saints, however commanding their talents and whatever the nature of their professional activities, are all incessantkly preoccupied with only one subject — spiritual Reality and the means by which they and their fellows can come to the unitive knowledge of that Reality. And as for their actions — these are as monotonously uniform as their thoughts; for in all circunstances they behave selflessly, patiently and with indefatigable charity.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 46.
«The religious experience of sacramentalists and image worshippers may be perfectly genuine and objective; but it is not always or necessarily an experience of God or the Godhead.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 60.
«... the disciplining of the will must have as its accompaniment a no less thorough disciplining of the consciousness. There has to be a conversion, sudden or otherwise, not merely of the heart, but also of the senses and of the the perceiving mind.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 72.
«This coercively controlling minority is composed of private capitalists or governmental bureaucrats or of both classes of bosses acting in collaboration — and of course, the coercive and essentially loveless nature of the control remains the same, whether the bosses call themselves «company directors» or «civil servants». The only difference between these two kinds of oligarchical rulers is that the first derive more of their power from wealth than from position within a conventionally respected hierarchy, while the second derive more power from position than from wealth. Upon this fairly uniform ground work of loveless relationships are imposed others, which vary widely from one society to another, according to local conditions and local habits of thought and feeling.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 94.
«Mistaking the means for the end, the Puritan has fancied himself holy because he is stoically austere. But stoical austerity is merely the exaltation of the more creditable side of the ego at the expense of the less creditable. Holiness, on the contrary, is the total denial of the separative self, in its creditable no less than its deiscreditable aspects, and the abandonment of the will to God. To the extent that there is attachment to «I», «me», «mine», there is no attachment to, and therefore no unitive knowledge of, the divine Ground.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 98.
«Sometimes the Taoist philosophers write as though they believed in Rousseau's Noble Savage, and (being Chinese and tehrefore much more concerned with the concrete and practical than with the merely speculative) they are fond of prescribing methods by which rulers may reduce the complexity of civilization and so preserve their subjects from the corrupting influences of man-made and therefore Tao-eclipsing conventions of thought, feeling and action. But the rulers who are to perform this task for the masses must themselves be sages; and to become a sage,one must get rid of all the rigidities of unregenerate adulthood and become again as a little child. For only that which is soft and docile is truly alive; that which conquers and outlives everything is that which adapts itself to everything, that which always seeks the lowest place — not the hard rock, but the water that wears away the everlasting hills. The simplicity and spontaneity of the perfect sage are the fruits of mortification — mortification of the will and, by recollectedness and meditation, of the mind.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 115.
«Effective poverty (possessing no money) is by no means always affective poverty (being indifferent to money). One man may be poor but desperately concerned with what money can buy, full of cravings, envy and bitter self-pity. Another may have money, but no attachment to money or the things, power or privileges that money can buy. «Evangelical poverty» is a combination of effective with affective poverty; but a genuine poverty of spirit is possible even in those who are not effectively poor.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 120.
«In actual practice how many great men have ever fulfilled, or are ever likely to fulfil, the conditions which alone render power innocuous to the ruler as well as to the ruled ? Obviously, very few. Except by siants, the problem of power is finally insoluble. But since genuine self-government is possible only in very small groups, societies on a national or super-national scale will always be rueld by oligarchical minorities, whose members come to power because they have a lust for power. This means that the problem of power will always arise and, since it cannot be solved except by people like François de Sales, will always make trouble. And this, in its turn, means that we cannot expect the large-scale societies of the future to be much better than were the societies of the past during the brief periods when they were at their best.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 124-125.
«There is only one way to cure the results of belief in a false or incomplete theology and it is the same as the only known way of passing from belief in even the truest theology to knowledge or primordial Fact — selflessness, docility, openness to the datum of Eternity.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 132.
«Among the trinities in which the ineffable One makes itself manifest is the trinity of the Good, the True, and the Beautiful. We perceive beauty in the harmonious intervals between the parts of a whole. In this context the divine Ground might be paradoxically defined as Pure Interval, independent of what is separated and harmonized within the totality.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 137.
«The poet is born with the capacity of arrangin words in such a way that something of the quality of the graces and inspirations he has received can make itself felt to other human beings in the white spaces, so to speak, between the lines of his verse. This is a great and precious gift; but if the poet remains content with this gift, if he persists in worshipping the beauty in art and nature without going on to make himself capable, through selflesness, of apprehending Beauty as it is in the divine Ground, then he is only an idolater. True, hi idolatry is among the highest of which human beings are capable; but an idolatry, non the less, it remains.» A. HUXLEY. The Perennial Philosophy. Harper Perennial. Paris, 2009. p. 138.
«La Sagesse et la Philosophie sont au fond une seule et même chose; leur objet est absolument le même: ces deux expressions désignent ou une faculté et une disposition naturelles de l'âme humaine, ou l'art et la science qui, par la culture et le développement de cette aptitude naturelle, se proposent de former les Sages et les Philosophes. Cependant l'une désigne plus spécialement la sagesse acquise, et l'autre la sagesse à acquérir.» — J.-B. BOURGEAT. «Préface. Qu'est-ce que la philosophie ?» In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 10.
«Car il est de fait que la religion est le fondement nécessaire de la morale et de la société, et que la civilisation a toujours été en raison directe de la piété des peuples et de la vérité de leurs idées religieuses. La décadence de la lumière et des mœurs a toujours suivi de près la décadence de la religion et de la science théologique, qui s'appuient originairement sur la révélation. C'est là un fait historique constant et universel. Aussi la nécessité de la religion est-elle reconnue par tous les philosophes et par nos adversaires; les plus incrédules reconnaissent du moins sa nécessité politique et veulent qu'elle soit enseignée au peuple et qu'elle soit bonne pour lui.» — J.-B. BOURGEAT. «Introduction». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 25.
«Les Lettrés chinois et, après eux, quelques savants européens ont essayé d'établir que par ces expressions [celle par laquelle les Chinois se figuraient une Puissance originelle, transcendante et active], il fallait entendre non pas la Divinité, mais le ciel matériel, la puissance et les lois de la Nature une et universelle, le destin et les sorts, les forces et les énergies irrésistibles qui président à l'origine, à la formation et à la consommation de toutes les existences dont se compose l'univers. Mais cette interprétation est tout-à-fait moderne, opposée aux traditions antiques, contraire au sens rigoureux des passages rapportés: cela n'est-il pas évident ? Car à quoi bon les prières, les sacrifices, l'éducation, la morale, les lois, la culture et le bon usage de nos facultés, si tout est un et le même, si tout arrive en vertu de la loi unique de la fatalité ou des forces aveugles de la Nature, s'il n'y a pas une Providence équitable qui punit et récompense les bons et les méchants, soit pendant cette vie, soit après la mort.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 130.
«Voici à peu près par quels degrés s'opère cette transformation [de l'identification personnelle à l'éternel et immuable Tao]. «Il faut, dit Lao-tseu, s'efforcer de parvenir au dernier degré de l'incorporéité pour conserver la plus grande immobilité possible, ou l'immobilité absolue. Tous les êtres apparaissent à la vie dans un mouvement continu. Nous les voyons se succéder les uns aux autres, paraissant et disparaissant tour à tour. Ces êtres corporels revêtent dans leurs mouvements différentes formes extérieures; mais chacun d'eux retourne à sa racine, à son principe. Retourner à sa racine, à son principe, signifie rentrer dans l'immobilité absolue. Rentrer dans l'immobilité absolue, signifie rendre son mandat; rendre son mandat signifie devenir éternel et immuable. Savoir que l'on devient éternel et immuable, signifie être éclairé; ne pas savoir que l'on devient éternel et immuable, c'est être livré à l'erreur et à toutes sortes de calamités. Si l'on sait que l'on devient éternel et impérissable, on contient, on embrasse tous les êtres. Embrassant tous les êtres dans une commune affection, on est juste, on est équitable envers tous; étant juste, équitable pour tous, on possède les attributs de la souveraineté; possédant les attributs de la souveraineté, on participe à la nature divine; participant à la nature divine, on devient identifié avec le Tao ou la Raison Suprême; étant identifié avec la Raison Suprême, on subsiste éternellement; le corps même se dissolvant, l'anéantissement n'est pas à craindre.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 152.
«La politique de Lao-tseu est conforme à sa morale. La tranquillité, les bonnes mœurs et le bien-être du peuple sont, selon lui, le but de tout bon gouvernement. C'est le salus populi suprema lex esto des Romains, maxime déjà ancienne dans la Chine du temps de Lao-tseu. Il ne veut pas que le Prince gouverne par la multitude des lois, mais plutôt par le non-agir, c'est-à-dire libéralement, dans toute la signification du mot, par la vertu, en offrant en sa personne le modèle d'une vie vertueuse, modeste, éloignée du faste et d'une magnificence orgueilleuse. Le Prince, à plus forte raison les gouverneurs ne doivent point faire un trop grand cas des objets de luxe ou de fantaisie, des honneurs ou des richesses, des choses rares et précieuses: tout cela, dit-il, n'est propre qu'à exciter la jalousie des peuples, à les irriter par l'excès des impôts qu'il leur faut payer pour entretenir le luxe des Grands, à fomenter dans leur esprit toutes les passions démoralisatrices, à agiter l'État par les révolutions. C'est pourquoi ce philosophe recommande aux Prince, au Saint, au Sage une insensibilité vraiment stoïque à l'égard de tout ce qui vient d'être dit.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 155.
«Il n’y a dans le monde que les hommes souverainement parfaits, dit Khoung-tseu, qui puissent connaître à fond leur propre nature, la loi de leur être et les devoirs qui en dérivent; pouvant connaître à fond leur propre nature et les devoirs qui en dérivent, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du Ciel; pouvant connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du Ciel, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des êtres vivants et végétants, et leur faire accomplir leur loi de vitalité selon leur propre nature, ils peuvent par cela même, au moyen de leurs facultés intelligentes supérieures, aider le Ciel et la Terre dans les transformations et l’entretien des êtres; ils peuvent par cela même constituer un troisième pouvoir avec le Ciel et la Terre.» — KHOUNG-TSEU (Confucius). L’Invariabilité dans le milieu (chapitre XXII). in J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 163.
«Ce portrait du sage [que réalise Confucius] est, sans aucun doute, d'une beauté remarquable: cependant il n'atteint pas jusqu'à l'idée sublime du juste en butte aux contradictions, persécuté à cause de sa justice même, ou condamné injustement sans pouvoir justifier son innocence, par ceux-là même qu'il avait comblés de ses bienfaits. Les Grecs et les Romains approchèrent de cet idéal sublime: le christianisme le réalisa.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de la Chine». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 170-171.
«Les traces de civilisation chinoise, indienne ou persanne [sic], que l'on retrouve chez les Égyptiens, ne prouvent rien sur l'antiquité relative de ces peuples et de leur civilisation: on n'en peut pas conclure l'origine chinoise, persanne ou indienne de la population et de la civilisation égyptiennes; pas plus qu'on ne pourrait en déduire que le Chinois, les Hindous et les Persans ne sont que des colonies originairement venues d'Égypte. Les rapports frappants que l'on a découvert dans leurs croyances religieuses et leurs institutions civiles et politiques, dans leurs caractères géographiques, leurs arts, leurs sciences, leurs constitutions sociales et leur organisation physique, ne peuvent jusqu'à présent établir que l'une de ces deux choses, ou toutes les deux simultanément, selon la nature de ces rapports, savoir: 1̊ que Dieu a donné à tous les hommes une commune nature, laquelle développe plus ou moins et tend à se spécifier par des tendances particulières selon les temps, les lieux, les circonstances; 2̊ que ces développements et ces tendances, qui constituent le caractère propre à chaque peuple et à sa civilisation, les divers peuples se les sont communiquées mutuellement, et en ont subi involontairement ou à leur insu l'irrésistible influence.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 194.
«... depuis les travaux scientifiques entrepris par les savants qui ont suivi la grande expédition en Égypte, sous Bonaparte, et continués ensuite avec tant de succès par les Champollions, il n'est plus permis de douter aujourd'hui que les Égyptiens aient mérité la réputation dont ils jouissaient dans toute l'antiquité classique, grecque et romaine, d'avoir été le peuple le plus civilisé, le plus sage, le plus instruit, en même temps que le plus religieux de tous les anciens peuples.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 209.
«L'ordre social en sera-t-il moins respectable et moins respecté, parce qu'on le fera reposer sur la volonté de Dieu, sur la loi naturelle, sur la raison, la révélation, la vertu, la science ? § Nous n'admettons pas que, pour établir la société sur ce fondement sacré et immuable, on puisse légitimement recourir à des révélations mensongères, livrer le peuple à la superstition, corrompre les dogmes et la morale par des mythes et des symboles fabuleux, ou par de faux systèmes philosophiques. Mais l'ancienne Égypte était assez près de l'origine du monde et de la fondation de la société par l'auteur de toutes choses, pour que la volonté divine pût être légitimement proclamée la charte éternelle de l'humanité; puisque, sans aucun doute, il est vrai en toute hypothèse, excepté le système des athées, que Dieu est le principe et la source première de toutes les lois, de tous les devoirs et de tous les droits. Telle est la loi éternelle, naturelle, immuable, indestructible.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Égypte». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 209-210.
«Ce n'est pas que les autres nations n'aient eu aussi leur part de cette divine sagesse que Dieu départit communément à tous les hommes dès le commencement: personne n'est plus que nous disposé à le reconnaître, et ne professe une admiration plus sincère pour tout ce que nous trouvons vrai, bon et beau dans les peuples de l'antiquité. Mais remarquez que cette partie des traditions des anciens peuples, qui comprend ordinairement les idées et les notions premières, les vérités-principes ou de pure intuition, ne nous a paru si souvent vraie, bonne, utile, raisonnable, que par conformité avec nos idées bibliques, et parce que nous l'avons présentée ordinairement dégagée des fausses traditions, des fictions poétiques et des conceptions erronées dont on les enveloppait des yeux du vulgaire ignorant ou dont se repaissait la vanité de ceux qui aspiraient au titre de savant. En général, ces traditions s'accordent-elles avec celles des Israëlites, elles ont alors un caractère de vérité, d'universalité et d'antiquité parfaitement reconnaissable; mais où cet accord cesse, elles cessent aussi d'être d'accord entr'elles et n'offrent plus, en général, que le triste aspect de doctrines arbitraires, fausses, absurdes, ou évidemment mythologiques: ce qui nous conduit naturellement à ce résultat, qu'en fait comme en droit, les traditions bibliques sont le critérium de vérité des traditions de tous les anciens peuples. C'est là seulement que l'on trouve la vraie antiquité du monde et la vraie histoire de son origine, les vrais principes de la religion, de la morale, des lois, des arts, des sciences et de toute sociabilité, les sources de l'inspiration poétique qui célèbre Dieu, la nature, la création, la providence, la famille, le bonheur domestique, la vertu, la justice, l'héroïsme, l'amour de la liberté, tout ce qui est grand, excellent, parfait, selon Dieu et selon les lois immuables de la raison et de la sagesse éternelles.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Asie occidentale». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 231-232.
«Concluons que la constitution des Hébreux contenait tous les principes de ce que l'on appelle aujourd'hui le Libéralisme dans son acception la plus large, savoir: le règne de la loi et de la raison seules, l'acceptation de cette loi par le peuple, le gouvernement par la volonté et l'autorité de la nation, le dogme de la fraternité universelle de tous les hommes, l'égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens devant la loi, leur liberté garantie contre les magistrats, les grands, les riches, les puissants, les forts, par la loi elle-même: toutes choses plus ou moins complètement oubliées ou méconnues chez tous les anciens peuples, où l'on ne voyait que despotisme, esclavage, servitude, oppression ou anarchie.» — J.-B. BOURGEAT. «Philosophie de l'Asie occidentale». In Philosophie orientale. Histoire de la philosophie. Hachette. Paris, 1850. p. 239-240.
«J'établis d'abord ce que l'on doit entendre par la philosophie. Je me borne à la définir: «L'idée désintéressée de la science.» Observer pour savoir, sans autre but que de comprendre le monde où nous vivons, ses phénomènes, ses origines et sa fin, voilà l'idée qui naît alors pour la première fois dans l'intelligence humaine, et qui, depuis Thalès, Pythagore et Xénophane jusqu'à nous, n'a fait que se développer de siècles en siècles, et qui se développera désormais sans interruption, tant que les siècles et le temps qu'ils mesurent, dureront pour le genre humain. C'est là si bien ce que fait la philosophie qu'au début elle embrasse toutes les sciences sans exception, et que c'est uniquement par la faiblesse de notre esprit et les nécessités de l'analyse universelle, que peu à peu les sciences particulières se spécialisent, et que la philosophie, qui n'en reste pas moins leur mère féconde, s'isole aussi de ses filles, sans cesser de les nourrir et de s'appuyer sur elles. La philosophie a reconnu assez vite son domaine propre, superposé à celui de toutes les autres sciences, dont elle est à la fois la racine et l'achèvement. Mais à ses premiers jours, elle se confondait avec toutes les sciences qui n'étaient pas encore issues de son sein.» — B. DE SAINT-HILAIRE. «Origines de la philosophie grecque». In Aristote. Traité de l'origine et de la production des choses. Durand. Paris, 1866. p. cxxvii-cxxviii.
«Un discours est, certes, déterminé par ce sur quoi il porte; mais à côté de ce contenu évident il en est un autre, parfois inconscient et toujours implicite, qui lui vient de ses utilisateurs: auteurs et lecteurs, orateurs et public. Affirmer cette dualité ne revient pas à opposer l'objectif et le subjectif, ou le collectif et l'individuel: même si la personnalité subjective y est pour quelque chose, c'est plutôt à un ensemble de positions, d'attitudes et d'idées partagées par la collectivité à un moment de son histoire qu'on a affaire quand on examine la pression des sujets parlants et interprétants sur la formation des discours. Cet ensemble, nous l'appelons aujourd'hui idéologie: et l'étude de la production du discours par le dispositif idéologique permet d'établir la parenté entre textes que sépare par ailleurs leur forme: la même idéologie sera à l'œuvre dans les écrits littéraires, des traités scientifiques et des propos politiques.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 21.
«L'histoire du discours sur l'autre est accablante. De tout temps les hommes ont cru qu'ils étaient mieux que leurs voisins; seules ont changé les tares qu'ils imputaient à ceux-ci. Cette dépréciation a deux aspects complémentaires: d'une part, on considère son propre cadre de référence comme étant unique, ou tout au moins normal; de l'autre, on constate que les autres, par rapport à ce cadre, nous sont inférieurs. On peint donc le portrait de l'autre en projetant sur lui nos propres faiblesses; il nous est à la fois semblable et inférieur. Ce qu'on lui a refusé avant tout c'est d'être différent: ni inférieur, ni (même) supérieur, mais autre, justement. La condamnation d'autrui s'accommode aussi bien du modèle social hiérarchique (les barbares assimilés deviennent esclaves) que de la démocratie et de l'égalitarisme: les autres nous sont inférieurs parce qu'on les juge, dans le meilleur des cas, par les critères qu'on s'applique à soi-même.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 22.
«Comprendre signifie à la fois, et pour cause, «interpréter» et «inclure»: qu'elle soit déforme passive (la compréhension) ou active (la représentation), la connaissance permet toujours à celui qui la détient la manipulation de l'autre; le maître du discours sera le maître tout court. Est-ce un hasard si, d'une part, il y a un discours orientaliste en Occident mais aucun discours «occidentaliste» en Orient, et si, de l'autre, c'est justement l'Occident qui a dominé l'Orient ? § Le concept est la première arme dans la soumission d'autrui — car il le transforme en objet (alors que le sujet ne se réduit pas au concept); délimiter un objet comme «l'Orient» ou «l'Arabe» est déjà un acte de violence.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 23.
«... notre destin est inséparable de celui des autres, et donc aussi du regard que nous portons sur eux et de la place que nous leur réservons.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 24.
«L'Orientalisme [d'E. Said] ne résout pas toutes les questions qu'il pose. Il refuse l'entité «Orient» mais ne nous dit pas si la civilisation islamique (ou égyptienne, ou indienne, etc.) ne possède pas certains traits différents de la civilisation occidentale (et si oui, lesquels). Il condamne la compréhension assimilatrice et impérialiste pratiquée par la science officielle, mais ne nous apprend pas s'il existe une compréhension différente, où l'autre n'est pas réduit et soumis au même. Il fustige l'intolérance des hommes à l'égard des «barbares» mais ne nous enseigne pas comment concilier l'impératif moral «soyez tolérants» avec la constatation historique: «les hommes ne l'ont jamais été»; il ne nous indique pas le voie d'une nouvelle morale lucide, non utopiste. § Mais c'est peut-être le propre du savoir tel que le voudrait Saïd: plutôt que de nous enfermer dans les réponses, il maintient salutairement les questions.» — T. Todorov. «Préface à l'édition française.» In E.W. Said. L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident. Seuil. Paris, 2003. p. 24-25.
«... some men worship rank, some worship heroes, some worship power, some worship God, and [...] over these ideals they dispute and cannot unite - but [...] they all worship money.» — Mark Twain. «Concerning the Jews». Harper's Magazine. September, 1899.p. 527-535.
«La même année, 571, se déroulèrent des événements dangereux à l'est: les Arméniens se révoltèrent contre le roi Chosroès [590-628] et appelèrent en renfort Justin [565-578], leur coreligionnaire — requête qu'il ne pouvait ignorer. Début 572, la guerre contre les Perses reprit. L'année suivante, les Perses s'emparèrent de Dara, important évêché chrétien sur le Tigre, pendant qu'ils ravageaient la Syrie — dont on dit qu'ils revinrent avec deux cent quatre-vingt-douze mille prisonniers. Parmi ceux-ci, deux mille délicieuses vierges chrétiennes personnellement choisies par Chosroès; mais les jeunes filles, à l'approche d'une rivière, demandèrent la permission de se baigner et, par pudeur, s'éloignèrent des soldats. Puis, plutôt que de perdre à la fois leur vertu et leur religion, elles se noyèrent.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 107.
«Justinien [668-711], pour sa part, était en route pour l'Arménie. Jamais il n'y arriva: «Rugissant comme un lion», il fit demi-tour et retourna à bride abattue vers la capitale. Mais il était trop tard. Philippicos [†713], arrivé le premier, y avait été accueilli à bras ouverts. Justinien fut arrêté à la douzième borne et exécuté sur place; on envoya sa tête au nouvel empereur comme trophée. Quand la nouvelle de sa mort atteignit la capitale, sa mère, l'impératrice Anastasie, alla précipitamment cacher son petit-fils Tibère dans l'église de la Vierge, à Blachernes. Deux agents de Philippicos les y poursuivirent pourtant et exigèrent que le jeune prince leur fût remis. La vieille impératrice supplia en vain; l'un des hommes s'avança vers l'enfant terrifié qui se tenait d'une main à l'autel et de l'autre à un fragment de la vraie Croix. L'homme arracha le fragment à Tibère et le posa respectueusement sur l'autel; puis il entraîna son petit prisonnier jusqu'au porche d'une église voisine où, dit la chronique, «il l'égorgea comme un mouton». C'est donc avec le meurtre de sang-froid d'un gamin de six ans que la ligné des Héraclides s'éteignit à jamais.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 132.
«Quand il accéda au trône, Jean II Comnène [1087-1143] était à un mois de son trentième anniversaire. Même ses admirateurs admettaient qu'il était physiquement défavorisé, avec des cheveux et un teint si sombre qu'on l'appelait le Maure. Il avait pourtant un autre surnom: Kaloiannis, Jean le Beau. Ce n'était pas ironique: il s'agissait d'une référence non pas à son corps mais à son âme. Il détestait l'inconstance, il méprisait le luxe. Aujourd'hui, la plupart d'entre nous le trouveraient insupportable: dans la Byzance du XIIe siècle, il était aimé. Pour commencer, il n'était pas hypocrite. Sa piété était sincère, son intégrité totale. En second lieu, il avait par nature un côté gentil et indulgent bien rare pour l'époque. Il était aussi généreux: aucun empereur ne dispensa la charité d'une main plus prodigue. Contrairement à son père, il tint sa famille à l'écart.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 306-307.
«Dès le départ [lors d'une réception en son honneur, donnée en 1162], l'empereur [Manuel Comnène (1118-1180)] était décidé à l'émerveiller [le sultan Kilidj Arslan II (1155-1192)]. Il reçut son invité assis sur un trône d'or serti d'escarboucles et de saphirs et bordé de perles. À son cou pendait un rubis de la taille d'une pomme. Deux fois par jour, pendant cette visite de douze semaines, on apporta ses repas au sultan dans de la vaisselle d'or et d'argent qui immédiatement devenait sa propriété. Il y eu des banquets, des tournois, des jeux au cirque, et même un spectacle aquatique qui montra les effets extraordinaires du feu grégeois. Un spectacle donné par le sultan eut malheureusement moins de succès, quand un membre de sa suite proposa de voler. Ayant passé un vêtement entièrement constitué de poches, où l'air devait s'engouffrer et le soutenir, il monta sur une haute plate-forme et s'élança. On dit qu'un instant plus tard, quand on emporta son corps sans vie, la populace ne put se retenir de rire.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 327.
«La chrétienté aussi avait changé. Longtemps divisée, elle était maintenant cloisonnée. Pendant des siècles, avant et après le Grand Schisme, les différends entre les Églises avaient été essentiellement théologiques. Après le sac de Constantinople [du 12 au 15 avril 1204], ce n'était plus vrai. Pour les Byzantins, les barbares qui avaient profané leurs autels, pillé leurs maisons et violé leurs femmes ne pouvaient être considérés comme de véritables chrétiens. Toute tentative d'union forcée ne pouvait tenir longtemps, parce que n'importe quoi leur paraissait préférable à l'idée d'une soumission à Rome. «Mieux vaut le turban du sultan que la mitre du cardinal», disaient-ils. Et ils le pensaient vraiment.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 362.
«Le pape réussit alors à convaincre les délégués de se rendre à Florence. Ses motifs étaient essentiellement financiers: à Florence, les Médicis pourraient l'aider. Mais le déménagement fut profitable sur d'autres plan. Quand les séances reprirent vers la fin de février 1439, les Grecs — fatigués, anxieux, nostalgiques et affamés — semblaient plus près d'accepter un compromis. Fin mars, ils admirent que la formule latine où ls Saint Esprit procédait du Père et du Fils signifiait la même chose que la formule récemment acceptée par les Grecs où il procédait du Père par le fils. Le Filioque enfin hors du chemin, les autres questions furent vite réglées. Au début de l'été, on était presque arrivé à un accord et, le 5 juillet, le décret officiel d'union — guère plus qu'un énoncé des opinions de l'Église romaine — fut signé par tous les représentants de l'orthodoxie, sauf le métropolite d'Éphèse qui resta inflexible mais à qui l'empereur interdit d'user de son droit de veto. Les Latins ajoutèrent alors leurs propres signatures et, le lendemain, le décret fut publiquement proclamé tant en latin qu'en grec dans la cathédrale de Florence. La version latine commençait par Lætentur Cœli — «Que les Cieux se réjouissent ».» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 419.
«Byzance n'a peut-être pas atteint ses plus hauts idéaux, mais elle n'a certainement pas mérité la réputation épouvantable qu'elle doit à Edward Gibbon, aux XVIIe et XIXe siècles. Les Byzantins vivaient au contraire dans une société profondément religieuse où l'illettrisme — du moins dans les classes moyennes et supérieures — était pratiquement inconnu, et où un empereur après l'autre fonda sa réputation sur son érudition, une société qui seule préserva l'essentiel de l'héritage de l'Antiquité grecque et latine durant les siècles d'obscurité en Occident, quant les lumières du savoir étaient presque éteintes; une société, finalement, qui produisit le phénomène stupéfiant de l'art byzantin. Aussi réduit qu'ait été cet art, en grande partie confiné au grand mystère de la foi chrétienne, il réussit à atteindre un degré d'intensité et d'exaltation sans pareil ni auparavant ni depuis, et ses chefs-d'œuvre — la Déisis dans la nef sud de Sainte-Sophie, l'Anastasis et le Paraclésion de Saint-Sauveur-in-Chroa à Constantinople — comptent parmi les créations les plus sublimes de l'esprit humain. Les instructions données aux peintres et aux mosaïstes de Byzance étaient simples: «Représenter l'esprit de Dieu». C'était un formidable défi que les artistes occidentaux ont rarement affronté; mais à maintes et maintes reprises, dans les églises et les monastères de l'Orient chrétien, cette tâche aboutit à une réussite triomphale.» — J. J. Norwich. Histoire de Byzance. Tempus. Paris, 2002. p. 433-434.
«En effet, [dans les climats tempérés] l'esprit ne subit pas de chocs ni le corps de modification violente, toutes choses à partir desquelles il est normal qu'on ait un caractère farouche et que l'on participe à la témérité et à la fougue davantage que si l'on vivait dans un climat toujours uniforme; car ce sont les changements du tout au tout qui éveillent sans cesse l'esprit des hommes et ne le laissent pas en repos.» — HIPPOCRATE. «Air, eaux, lieux» In L'art de la médecine. Flammarion. Paris, 1999. p. 134.
«Empédocle lui ayant dit [à Xénophane] que le sage était introuvable, il lui répondit: «C'est normal: car il faut être sage pour pouvoir reconnaître le sage.» — DIOGÈNE LAËRCE. «Xénophane». In Vies et doctrines des philosophes illustres. Livre de Poche. Paris, 1999. p. 1062.
«Quand j’ai ajouté: « C’est de notre temps la religion chrétienne dont la connaissance et la pratique fait la certitude et la sécurité du salut ; » j’ai eu égard au nom et non à la chose qu’il exprime. Car ce qui se nomme aujourd’hui religion chrétienne, existait dans l’antiquité et dès l’origine du genre humain jusqu’à ce que le Christ s’incarnât, et c’est de lui que la vraie religion qui existait déjà, commença à s’appeler chrétienne. En effet lorsque, après sa résurrection et son ascension, les Apôtres se mirent à le prêcher et que beaucoup croyaient déjà, ses disciples commencèrent à être appelés chrétiens à Antioche d’abord, comme il est écrit. C’est pourquoi j’ai dit : « C’est de notre temps la religion chrétienne, » non pas qu’elle n’ait point existé dans les temps antérieurs, mais parce qu’elle a reçu ce nom dans les temps postérieurs.» — AUGUSTIN. Les Rétractations. Livre I, chapitre 13, paragraphe 3.
«Their arms are linked. They cannot be separated. Because freedom without peace is agony, and peace without freedom is slavery, and we will tolerate neither. This is the truth we owe our dead.» — Dr. David JOHNSON, Governor-General of Canada. In a speech given at the Canadian War Memorial, in Ottawa, on Remembrance Day, November 11 2014, referring to the two angels, of Justice and Peace, which are perched at the top of the monument.
«Quoiqu'il en soit, avec son talent de bien regarder et de rechercher le pourquoi des choses, un bref séjour lui a suffi [le vicomte A. de Tocqueville] pour reconnaître dans le Bas-Canada de véritables frères par le sang et par la pensée: «On ne peut contester leur origine, écrira-t-il à un intime [dont le nom est tu], ils sont aussi Français que vous et moi.» Et encore, à son précepteur [l'abbé Lesueur]: «Nous nous sentons chez nous, et partout on nous reçoit en compatriotes, en fils de la vieille France. à mon avis, cette épithète est mal choisie: la vieille France, elle est au Canada, et la nouvelle est chez nous.» — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1964. Vol. 18, no 3. p. 333.
«Les réjouissances devaient se succéder sans interruption les jours suivants. Nous n'en donnerons pas le détail, non plus que des visites particulières que le Commandant [Paul-Henry de Belvèze (1801-1875), capitaine de la Capricieuse, une frégate qui vint accoster à Québec en 1855, rétablissant ainsi les rapports commerciaux entre la Nouvelle-France (le Bas-Canada) et la France] jugea bon de faire à divers notables. L'une d'elles est passée à l'état de la légende: celle qu'il fit à Mlle de la Naudière, fille de l'officier qui s'était distingué sous Montcalm. C'est ce jour-là que l'octogénaire aurait trouvé cette définition — qui parut alors si astucieuse — du patriotisme canadien-français: «Nos bras à l'Angleterre mais nos cœurs toujours à la France!» — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1965. Vol. 18, no 4. p. 524.
«Des érudits, des jurisconsultes, des philologues et des éducateurs vont traiter tour à tour [au Congrès de la langue française, tenu à Québec du 24 au 30 juin 1912] de diverses questions relatives à l'usage de la langue française en Amérique du Nord: parmi tant de communications et de discours, personne ne sera plus écouté qu'Étienne Lamy [(1845-1919). Membre, en 1911, puis Secrétaire perpétuel, en 1913, de l'Académie française]. § Il parle de la langue française, tout simplement, mais il en parle en maître. À grands traits, il rappelle les caractères essentiels du français, «l'une des plus magnifiques parures qu'ait jamais revêtues la pensée humaine», langue universelle et une langue conquérante ... Aurait-elle dégénéré, comme le laisseraient croire certaines productions récentes? Non, car «trop d'œuvres excellentes font oublier les médiocres et les mauvaises». Quoi qu'en disent ses détracteurs, «la France n'a pas quitté les routes de l'idéal» ... Et ces routes, enchaîne habilement Lamy, la ramènent naturellement au Canada, «séparé de la France avant que la France se séparât de son passé, et qui a gardé la plénitude de la vie ancienne». Et pour finir, cette apostrophe: «Canada, la France t'aime, t'admire et te salue» » — A. YON (l'abbé). Revue d'histoire de l'Amérique française. 1967. Vol. 20, no 4. p. 617-618.
«"À l'origine, la philosophie était une recherche de l'ordre éternel, tendant à rendre l'homme plus humain, donc une source pure d'inspirations et d'aspirations humaines. Depuis les XVIIe siècle, elle est devenue une arme, donc un instrument. C'est dans cette philosophie 'politisée' qu'un clerc [J. Benda] qui dénonça la trahison des siens prétendit trouver la source de nos maux. Mais il commettait l'erreur fatale de méconnaître la différence essentielle entre intellectuels et philosophes et restait en cela dupe de la supercherie qu'il démasquait: la philosophie ne devient-elle pas 'politique' lorsque la différence entre intellectuels et philosophes — ce qu'on appelait autrefois différence entre 'gentilshommes' et philosophes d'une part, et différence entre sophistes ou rhéteurs et philosophes de l'autre — s'estompe et finit par s'évanouir ?» — STRAUSS, L. Droit naturel et histoire. Plon, Paris, 1954. p. 49. Cité in P.-A. Taguieff. «Civilisation contre barbarie ? Archéologie critique de quelques corruptions idéologiques contemporaines (nationalisme, humanitarisme, impérialisme)». L'Homme et la société. No. 87. 1988. p. 43.
«CSV: Pourquoi une société recourt-elle aux mythes ? À quoi servent-ils ? § J.L. L.Q. : Les humains forment une espèce fabulatrice, ils préfèrent croire à n'importe quoi plutôt qu'à rien, ils ne cessent donc d'interpréter le réel et de donner un sens à ce qui les entoure. Le mythe comme explication partagée du monde est une vérité reçue et admise par tous. Il comporte trois intérêts majeurs: ils soude les membres du groupe, il les rassure en donnant du sens et il justifie l'état du monde. Il dit littéralement: le monde tel qu'il est fait sans doute preuve d'imperfection et d'inégalité, il y a des faibles et des forts, des riches et des pauvres, mais il est juste que les choses soient ainsi et voici pourquoi ... Le récit des origines et de l'état du monde permet de valider aux yeux de tous les règles, les dieux, les intérêts. Inamovible et indiscutable, l'immense majorité des mythes constitue une façon de pérenniser un ordre social établi. Et comme ils relèvent du traditionalisme, de la répétition, de l'opposition à l'esprit d'invention, ils forment un blocage, un frein au changement ...» — J.-L. LE QUELLEC. «Interview par O. Roller». In L'Origine des mythes. Cahiers de science et de vie. Numéro 147. Août 2014. p. 20.
«Par contre, rapporter au hasard et à la fortune une si grande œuvre [l'existence ou la production de l'ordre et du beau dans les choses] n'était pas raisonnable. Aussi, quand un homme [c'est-à-dire Anaxagore] vint dire qu'il y avait dans la nature, comme chez les animaux, une Intelligence (noûs), cause de l'ordre et de l'arrangement universel, il apparut comme seul en son bon sens en face des divagations de ses prédécesseurs.» — Aristote. La Métaphysique. Livre A, 3, 984b 9-19. Vrin. Paris, 1991. Tome I, p. 18.
«Certes, la vérité du sage, comme le secret religieux, est révélation de l'essentiel, dévoilement d'une réalité supérieure qui dépasse de beaucoup le commun des hommes; mais en la livrant à l'écrit on l'arrache au cercle fermé des sectes pour l'exposer en pleine lumière aux regards de la cité entière; c'est reconnaître qu'elle est en droit accessible à tous, c'est accepter de la soumettre, comme le débat politique, au jugement de tous, avec l'espoir qu'en définitive elle sera par tous acceptée et reconnue.» — J.-P. VERNANT. Les origines de la pensée grecque. Presses universitaires de France. Paris, 2009. p. 49.
«La richesse a remplacé toutes les valeurs aristocratiques: mariage, honneurs, privilèges, réputation, pouvoir, elle peut tout procurer. Désormais, c'est l'argent qui compte, l'argent qui fait l'homme. Or contrairement à toutes les autres "puissances", la richesse ne comporte aucune limite: rien en elle qui puisse marquer son terme, le borner, l'accomplir. L'essence de la richesse, c'est la démesure; elle est la figure même que prend l'hubris dans le monde. Tel est le thème qui revient, de façon obsédante, dans la pensée morale du VIe siècle.» — J.-P. VERNANT. Les origines de la pensée grecque. Presses universitaires de France. Paris, 2009. p. 80-81.
«Ils sont tout autant l'expression d'une France insatisfaite, qui, plus que jamais, brûle d'être citoyenne, mais qui, pour l'heure, hormis l'épisode des dons de vaisseaux, ne se voit guère reconnue et épaulée dans son désir d'agir pour le bien public. Cette France qui fait sienne la belle formule de Vallier [dans son poème Le Citoyen], qu'«on ne vit bien pour soi qu'en vivant pour les autres.» — E. DZIEMBOWSKI. La Guerre de Sept Ans (1756-1763). Perrin. Paris, 2015. p. 579.
«Not only was Lord Yang [a Chinese statesman (390-338 B.C.)] unconcerned about the morality of the prince: he believed that a virtuous sage would make a disastrous king. "A state that uses good people to governe the wicked will be plagued by disorder and destroyed, " he declared. "A state that uses the wicked to governe the good always enjoys order and becomes strong." The Confucians, who preached peace, were dangerous. If eveybody practiced the li [a form of social ritual which creates balance and harmony, in Confucianism], they would become so moderate and restrained that a prince would never persuade anybody to fight. Lord Shang was openly contemptuous of the Golden Rule. A trul effective prince would inflict upon the enemy exactly what he would not wish to have done to his own troops. "If in war you perform what the enemy would not venture to perform, you will be strong", he told his officials. "If in enterprises you undertake what the enemy would be ashamed to do, you have the advantage."» — Karen ARMSTRONG. The Great Transformation. The Beginning of Our Religious Traditions. Anchor Books. New York, N.Y., 2006.
«L'Islam n'aime pas le changement. Ce n'est pas être antimusulman que de le constater. Au contraire, chaque croyant traditionaliste vous le réaffirmera. Tradition, jugement: c'est la notion la plus noble en Islam, celle qui donne son nom à la seconde source de la foi: la Sunna. Tout a déjà été révélé par Dieu à Mahomet, «Sceau des Prophètes», venu achever le cycle des révélations antérieures, juive et chrétienne, et les corriger. Jean-Pierre Péroncel-Hugoz [un journaliste et essayiste français, né en 1940] note, dans une belle formule: «Les juifs ont l'espérance, les chrétiens l'Amour et les musulmans la Foi.» Cette foi s'appuie sur la conviction que seule la répétition du passé peut produire un présent acceptable. Les modes d'appréhension et d'organisation du monde ont été une fois pour toutes exprimés dans le Coran. Ce qui a été sera. Une conception radicalement opposée à la démarche occidentale.» — Martine GOZLAN. Pour comprendre l'intégrisme islamiste. Albin Michel. Paris, 2002. p. 103.
«Philosophy has come to mean discussion, trying to use the mind to reach meaning with the help of words — and yet never really succeeding. But in Parmenides' time things were very different. Then the words of a philosopher were words of power. They weren't words in search of meaning but words that contained their own meaning inside them.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 120.
«Life for us has become an endless affair of trying to improve ourselves: achieving more and doing more, learning more, always needing to know more things. The process of learning and being taught has simply become an matter of being fed facts and information — receiving what we didn't have before, always being given soething different from ourselves. § That's why whatever we learn never touches us deeply enough, why nothing really satisfies us. And the more we sense this the more we rush around trying to find other substitutes to fill the void we still feel inside. Everything pushes out outside ourselves — further away from the utter simplicity of our own humanity.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 188.
«This is why the greatest teachers are often utter nobodies. They're nobodies who give nothing at all. But that nothing is worth more than everything else. In some circunstances they might introduce you to a new system of knowledge, or demand that you change your lifestyle — and yet that is not what the teaching is basically about. It's just a trick to keep your mind focused while the real work is done on another level, somewhere else. § Real teachers leave no trace. They're like the wind at night rushing right through you and totally changing you but leaving everything changed, even your greatest weaknesses: blowing away every idea of what you thought you were and leaving you as you always have been, since the beginning.» — Peter KINGSLEY. In the Dark Places of Wisdom. The Golden Sufi Center. Point Reyes, CA, 1999. p. 191-192.
«Devant eux, tout le long de la rue de Rivoli, un cri de triomphe court de bouche en bouche: «Le général boche, le général boche est pris.» Place des Pyramides, une femme d'une quarantaine d'années se jette sur l'ancien commandant du Gross Paris, gonfle ses joues, lui lance un énorme crachat qui l'atteint à la face, juste au-dessous de son monocle. Une volontaire de la Croix-Rouge s'interpose, protège l'Allemand de son corps. Touché par cet acte de compassion inattendu, Choltitz qui passe à ce moment devant la statue dorée de Jeanne d'Arc murmure à sa bienfaitrice: «Madame, vous êtes comme Jeanne d'Arc.»» — L. LAPIERRE et L. COLLINS. Paris brûle-t-il ? Histoire de la libération de Paris. Robert Laffont. Paris, 1964. p. 563.
«Le nom de Salomon exprimait l'idée du bonheur, de la paix et de la perfection. Il est le roi «heureux» et le roi «accompli». Pour dire que son règne avait été un temps de calme et d'ordre, on assura que, dans un songe, il avait demandé à Yahweh, plus que les autres biens, la Sagesse. Au sens oriental du mot, cela veut dire bien des choses. Être sage, c'est avoir l'intelligence des réalités; ainsi écrit-on du roi qu'il connaît les bêtes et les plantes «depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope des murailles, et tous les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles, les poissons». Être sage, c'est posséder le don de «comprendre les proverbes, les sens mystérieux, les maximes et les énigmes» (Prov. I, 1, 7); il entre même un élément ésotérique dans cette puissance, et le roi sage est tenu aussi pour devin. Être sage, c'est encore «acquérir la justice, l'équité, la droiture», ces vertus qui viennent de Dieu, car «la crainte de Yahweh est le commencement de la sagesse»; c'est donc en définitive posséder la connaissance de Dieu.» — DANIEL-ROPS. Histoire Sainte. Le peuple de la Bible. Fayard. Paris, 1945. p. 213.
«... être heureux à son insu, ou, comme Endymion, dans un sommeil de mort, ou, comme Priam, au sein des pires infortunes, est-ce encore être heureux ?» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 297.
«Aristote admet trois types naturels de gouvernement: royauté, oligarchie aristocratique, république (politeía au sens étroit), selon que la souveraineté appartient à un seul, au petit nombre, ou à tous, et selon que l'essence en est l'autorité, la valeur ou la liberté. Tous trois sont corrects, si le but des gouvernants est l'intérêt commun, mais deviennent fautifs, si ce but est l'intérêt personnel. D'où trois déviations correspondantes: tyrannie, oligarchie de fortune, démagogie, qui portent à l'absolu le principe normal et onht pour essence le despotisme, la ploutacratie, ou la licence et l'arbitraire au profit des indigents.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 312.
«L'acte mental par lequel on s'élève enfin des fonctions sensitive et imaginative à la fonction intellective, c'est l'acceptation d'un objet de croyance ou d'opinion (úpólepsis, pístis, dóxa), bref le jugement, si élémentaire soit-il. La prudence et la science en sont des formes supérieures. En toutes est déjà l'intellection, acte de l'intellect. Or, si cette fonction et ce genre d'âme ne sont pas dans les précédents, ceux-ci servent du moins de conditions matérielles et d'antécédents nécessaires. L'éthique a montré en outre comment meut l'intelligence en s'associant au désir, et comment en elle se réalise le plaisir sous sa forme la plus parfaite. En un sens pourtant ces nécessités inférieures signifient que la pensée est incapable de se suffire à elle-même, qu'elle est gênée et bornée dans le composé que nous sommes. Par elle-même, en effet, comme le sens dans sa sphère propre, elle est en droit infaillible, en tant qu'elle entre en contact avec l'intelligible, son objet. Mais ce qu'il y a d'indéterminé dans ces conditions matérielles introduit en elle la contingence et la possibilité de faillir: l'empire absolu de la nécessité rationnelle ne vaudrait-il pas mieux pour elle qu'une liberté toujours capable d'un mauvais choix ? D'autre part, l'intellect ne peut être la forme des formes, un genre d'âme souverain et ce qu'il y a en nous de plus divin, qu'à la condition d'être solidaire de ce qui est au-dessous de lui; comment ferait-il sortir en effet les formes intelligibles des formes sensibles, si celles-ci n'avaient pas été dégagées de l'étendue par la sensation ?» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 339-340.
«La crainte de la mort étant, avec la crainte des dieux, le principal obstacle à la paix intérieure, il importe de savoir ce qu'est la vie.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 347.
«L'objet de la morale [...]: retrouver en nous la raison naturelle et l'exprimer par nos actes.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 398.
«Le Sage est donc assuré d'être le plus heureux des hommes, aussi heureux dans sa vie bornée que le Zeus éternel. Les insensés sont toujours au contraire au comble de l'infortune. Par elle seule, la vertu suffit en effet à donner le bonheur. Or, la Sagesse unit toutes les vertus dans leur consécution mutuelle indivisible, elle leur donne à toutes l'âme et la vie. Jamais par conséquent le Sage ne se trompe, ni ne trompe; dépourvu de besoins, seul il est toujours riche; parce qu'il est affranchi des passions, seul il est libre; seul il est beau de l'éminente beauté de l'âme; citoyen de l'univers, dont son exilés tous les insensés, il forme une société de droit avec tous ses pareils, donc avec les dieux eux-mêmes; se dictant à lui-même sa loi, seul, il est «dictateur» et roi. En résumé, le Sage est l'homme qui porte en lui la raison même de la nature, et, s'il semble être hors de la nature, c'est précisément parce que, seul, il en est, parmi l'universelle folie, une fidèle image.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 398-399.
«La révélation a supprimé l'effort de la raison.» — L. ROBIN. La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique. Albin Michel. Paris, 1973. p. 414.
«Savoir n'est rien, imaginer est tout. Rien n'existe que ce qu'on imagine.» — A. FRANCE. Le Crime de Sylvestre Bonnard. Calmann-Lévy. Paris, 1923. II, 2.
«Conflit est le père de tous les êtres, le roi de tous les êtres / Aux uns il a donné formes de dieux, aux autres d'hommes, / Il a fait les uns esclaves, les autres libres.» — Héraclite (Fragment B liii). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 78.
«Combattre son impulsion est difficile / Car ce qu'elle veut est acheté à prix d'âme.» — Héraclite (Fragment B lxxxv). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 85.
«Qu'il n'y ait chez nous personne de très capable / Sinon, qu'il aille ailleurs et chez d'autres.» — Héraclite (Fragment B cxxi). In J.-P. DUMONT. Les écoles pré-socratiques. Gallimard. Paris, 2005. p. 93.
«Le mépris du monde n'est point une misanthropie, mais un refus de ses péchés, de ses compromissions: le quitter pour trouver Dieu par la relation de la prière est en réalité la seule manière de sauver le monde. Le véritable ermite qui réussit sa vie, le vrai moine qui transforme le monde, ce sont ceux qui par leur vie de prière ont attiré autour d'eux des hommes et des femmes rejetant les modes ambiantes et inoculant ainsi l'esprit de la cité de Dieu à la cité terrestre.» — ROUCHE, M. «Les derniers feux de l'Empire». In Clovis. Fayard. Paris, 1996. p. 149-150.
«What was it that was so unacceptable in the heliocentric system ? It is that man needs the feeling o insecurity, a need based most probably on a hidden insecurity. A moving earth is a less secure place than an unmoveable one. Moreover, the system denied man the central role in the universe: this wa injurious to his ego. It was also in conflct with the tenets of the Christian Church: did Jesus come merely to a very secondary planet, one of many ?» — I. VELIKOVSKY. Mankind in Amnesia. Paradigma. London, 2010. p. 60.
«Man's eternal dream is to go to heaven alive; an urge to cast off the shackles binding him to the rock of his birth and to soar and touch with his mortal body one of the planetary gods or goddesses; a longing for a visit to paradise without first going to the grave, and without passing through purgatory; ascension while alive, like Elias who went up in a chariot of fire (or was consumed in a ball of lightning), but with a return to earth; to participate in the banquet of gods, ...» — I. VELIKOVSKY. Mankind in Amnesia. Paradigma. London, 2010. p. 153.
«Il faut prendre le temps comme il vient, les gens pour ce qu'ils sont et l'argent pour ce qu'il vaut.» — E. CHAIGNE. Trésors du parler des pays de l'Ouest. Poitou, Charentes, Vendée. Aubéron. Bordeaux, 1997. p. 39.
«Le gouvernement de Louis XV ne paraît pas très sûr. Il ordonne, en tout cas, une mesure radicale: "S'il y a sur la fidélité desquels il [Anville] juge qu'on ne puisse pas compter, il les fera sortir de la Colonie, et les enverra soit a la vieille Angleterre soit dans quelqu'une des Colonies de cette Nation suivant les facilités qu'il pourrait avoir pour cela; Et a l'egard des habitans qui devront rester il en prendra le serment de fidelité a S.M., ou s'il n'en a pas le tems il donnera les ordres pour le leur faire prester entre les mains du Commandant qu'il laissera dans la Colonie."§ Décidément, la déportation guettait les Acadiens. La décision de 1746 annonce le crime de 1755. Les deux métropoles se rejoignent dans la même intention. Le seul mérite de la France fut-il de se trouver, malgré elle, dans l'impossibilité physique de perpétrer le méfait qui, neuf ans plus tard, fera la honte de sa rivale ? En tout cas, pendant qu'elle y était, la Cour enjoignait aussi au duc d'Anville de bouter les Anglais hors de l'Acadie. Elle lui conseillait de ne se présenter devant Louisbourg qu'après avoir terminé son travail de nettoyage en Nouvelle-Écosse.» — G. FRÉGAULT. François Bigot. Administrateur français. Les Études de l'Institut d'Histoire de l'Amérique française. Montréal, 1948. p. 240-241.
«Québec était une charmante petite ville qui portait avec distinction son titre de capitale. Après des semaines passées à rouler et à tanguer sur les eaux de l'Atlantique et sur les vagues du golfe, dans la solitude d'une rude traversée, le voyageur français qui y abordait goûtait la surprise de tomber dans un milieu où rien ne lui était tout à fait étranger, où tout ne lui était pas entièrement familier. Qu'il empruntât les rues «étroites, raboteuses et presque toujours humides» du quartier du port, où se serraient les unes contre les autres les demeures des marchands, ou qu'il suivît les avenues tortueuses de la haute ville, bordées de maisons de pierre aux murs massifs et aux toits d'ardoise ou de bois, il était tout de suite frappé par l'atmosphère accueillante qui l'environnait. «Il y a dans cette ville de bons commerçants, il y règne beaucoup d'ordre, les habitants y sont affables et de bonne société.» Tout le monde y circulait vêtu avec recherche, les négociants portant l'habit de drap fin, les femmes «tous les jours en grande toilette et parées autant que pour une réception à la cour.» On se saluait, les chapeaux étaient toujours levés. Des amis «de l'un et de l'autre sexe» se rencontraient-ils après une séparation assez prolongée, ils s'embrassaient avec effusion dans la rue, et personne n'y trouvait à redire parce que chacun en faisait autant. La politesse n'y perdait rien; on s'appelait toujours Monsieur ou Madame, «le paysan aussi bien que le gentilhomme, la paysanne comme la plus grande dame.» Les hommes se montraient galants et les femmes coquettes; elle préféraient les Européens aux Canadiens. Elles sont, rapporte un voyageur, «de figures plus jolies que belles, ... d'une constitution forte, ont la jambe bien faite, peu de gorge, marchant bien et ont dans leur port bonne grâce; elles l'emportent sur les hommes par l'esprit; généralement elles en ont toutes beaucoup, parlant un français épuré, n'ont pas le moindre accent, aiment la parure, sont jolies, généreuses et même maniérées.» C'était dans cette société qui laissait entrevoir, à la vérité, de singuliers agréments, que Messire François Bigot allait faire briller son faste et donner cours à ses goûts somptueux.» — G. FRÉGAULT. François Bigot. Administrateur français. Les Études de l'Institut d'Histoire de l'Amérique française. Montréal, 1948. p. 296-297.
«Les Montréalistes avaient fait de leur ville la métropole commerciale du pays. C'étaient de grands voyageurs et des négociants hardis. Ils se vantaient beaucoup, aimaient la bataille, se montraient friands d'aventures et parlaient sur un certain ton de ces «moutons» de Québecois, qui les traitaient eux-mêmes de loups. Ils prisaient la bonne vie et leurs prédilections n'allaient pas toujours aux plaisirs délicats. La chronique consignait sans étonnement un écho dans le style de celui-ci: «Il y eut de belles souleries hier, au diner, chez M. de Lantagnac. Tous furent ... danser un menuet avec peine; puis il fut conclu qu'on irait chez Deschambault manger la soupe à l'oignon. Il fut bu encore beaucoup de vin, surtout cinq bouteilles entre M. de Noyan et St Luc qui ... restèrent sur la place. On mit Noyan dans une carriole et paquet et on l'amena chez lui.»» — G. FRÉGAULT. François Bigot. Administrateur français. Les Études de l'Institut d'Histoire de l'Amérique française. Montréal, 1948. p. 340-341.
«Affronté à des communautés dont le passé semble disséminé dans le présent et dispersé entre une foule de témoins, l'ethnologue historien entreprend de convoquer tous ceux qui peuvent et qui doivent témoigner sur la tradition, assimilée à un passé nécessaire. Conscient que son devoir est d'authentifier les faits, de retrouver l'importance réelle des événements du passé, l'historien ethnologue s'exerce à la méfiance. Il soupçonne chacun de ses témoins, il imagine sans relâche les raisons qui pourraient inciter chacun à falsifier son témoignage. Car de telles sociétés, subjuguées par le prestige de la bouche et de l'oreille, vivent sous la menace constante des informations incontrôlées, des propos sans fondement et de tout ce qui peut captiver l'ouïe. Populations livrées sans défense au bon plaisir de la rumeur.» — M. DETIENNE. L'écriture d'Orphée. Gallimard. Paris, 1999. p. 135-136.
«L'Histoire aux prises avec le mythologique. Et les théologiens affrontés ont à décider de l'essence du premier christianisme. Poser l'identité entre Jésus de Nazareth et l'Histoire entière, c'est aller sans aucun doute dans le sens d'une longue tradition. Mais aucun événement unique, quand il est reconnu fondateur, ne peut exister sans être aussitôt raconté, soumis à la narration, offert à l'exégèse. Avec les Évangiles, Jésus de Nazareth, événement unique, est déjà une histoire interprétée, une histoire appelée «économie» dans les œuvres de Paul. Une «économie» narrative, organisée autour du Christ; une économie commençant avec la création du monde dont le Fils de l'Homme est le médiateur; qui continue, après la chute, avec l'élection du Peuple d'Israël. Elle atteint son centre avec la mort et la résurrection; se prolonge dans la communauté chrétienne qui est le corps du Christ et le nouvel Israël; elle s'achèvera par le retour du Fils de l'homme. Donc l'Incarnation et la Mort du Christ qui constituent le fait historique capital pour le salut de l'homme se racontent à travers un récit, cette narration, dont Bultmann [(1884-1976). théologien allemand] dénonce précisément le caractère mythologique. En reconnaissant du mythe dans l'histoire, l'entreprise de démythologisation menace bien directement l'essence du christianisme. Toute l'économie de l'histoire chrétienne est en péril: ou bien l'événement unique, confondu avec la mythologie, se trouve expulsé du Nouveau Testament, rendu à sa vérité existentielle; ou bien, ségrégé des autres traditions racontées par les Évangiles, l'événement unique, figé dans la solitude de son historicité, est en grand danger de s'étioler et de pousser en chaume.» — M. DETIENNE. L'écriture d'Orphée. Gallimard. Paris, 1999. p. 158-159.
«La critique est affaire de goût, en ce qu'elle apporte la réponse de tout l'homme, de ses besoins et de ses tendances, à ce que lui proposent la vie et les livres. Elle déborde l'analyse; elle est choix, engagement, amitié. C'est par la connaissance de l'homme qu'elle nous fait avancer dans l'expérience du monde et des idées.» — G. MARCOTTE. «Préface». In SAINT-DENYS-GARNEAU. Journal. Beauchemin. Montréal, 1967. p. 19-20.
«La sincérité ne fait que recréer une vérité totale pour un compte personnel: elle lui demeuresoumise. Mais faut-il parlet même de soumission ? L'Être, l'être concret — Saint-Denys-Garneau n'a que faire des idées pures — réconcilie la sincérité et la vérité, le subjectif et l'objectif dans la transcendance. Le devoir, la fidélité du poète — qui sont le devoir, la fidélité de tout homme — sont de consentir, de faire que l'être réponde à l'Être.» — G. MARCOTTE. «Préface». In SAINT-DENYS-GARNEAU. Journal. Beauchemin. Montréal, 1967. p. 21.
«Rien n'est-il donc gagné ? Bien au contraire. Car sans que soit réduit le désespoir, et justement parce qu'il s'avère irréductible par les moyens de l'homme, la vie surnaturelle s'en détache pour devenir pur rachat. La grâce désormais ne peut plus être confondue avec une sorte de salut temporel; elle est ce qui transcende, ce qui sauve malgré tout. Si l'amour est impossible, la Communion des saints ne l'est pas.» — G. MARCOTTE. «Préface». In SAINT-DENYS-GARNEAU. Journal. Beauchemin. Montréal, 1967. p. 35.
«Nous voilà loin de cette sorte d'impératif catégorique, de portée toute personnelle, à quoi se réduisait un catholicisme étroitement moralisateur. La vie morale n'est plus la soumission apeurée à un Dieu toujours menaçant, mais une communion spirituelle en laquelle grandit le règne de la Charité. À la tension communautaire des temps présents, l'Église donne une âme: le Corps mystique. Aussi, quand Saint-Denys-Garneau résoud ses contradictions intimes dans la Communion des saints, fait-il plus que répondre à l'appel de son propre destin; il atteint la nappe commune de spiritualité qui forme le visage chrétien de notre temps.» — G. MARCOTTE. «Préface». In SAINT-DENYS-GARNEAU. Journal. Beauchemin. Montréal, 1967. p. 39.
«Je n'ai jamais tant senti qu'en ces deux dernières occasions, cette danse et le thé chez les X., combien cette société est une guerre, combine l'ordinaire y est roi et remporte tous les suffrages, ne blessant personne, combien impitoyablement le supérieur et l'original en est rejeté ou à peine supporté, quand il est sage, comme un étranger, et en le lui faisant sentir. Ces gens sont cruels jusqu'à la férocité, parfois inconsciemment, parce que leur manque de sensibilité et leur esprit égoïste et obtus les empêchent de voir et d'imaginer ce qu'ils fonts souffrir. Ils déchirent le sensible avec une joie mauvaise, et la plupart du temps d'une façon basse, jalouse, surtout hypocrite. § Ils aiment bien se mordre, ou plutôt s'égratigner entre eux; leur œil est attentif à la moindre faiblesse et ils savent en profiter. Mais entre eux cela dépasse rarement l'escarmouche insignifiante; car ils forment une sorte de franc-maçonnerie; ils se tiennent sur leurs gardes, sachant qu'il leur est nécessaire d'être unis, d'avoir chacun des alliances ici et là, le plus possible, pour leur sécurité. § Mais pour le supérieur, l'étranger, le véritable ennemi, il n'y a pas de quartier. C'est une guerre voilée par une certaine pudeur chez certaines femmes, plus perfide parce que plus sournoise chez d'autres, brutale chez les hommes un peu mâles. Ils exigent de lui pour le supporter parmi eux une série d'épreuves (car cela ne se fait pas d'un coup ! qui consistent en de basses concessions à leur usages, pensées, manières, façons de voir et de sentir. Ils ne le supportent qu'écrasé, humilié et digne de leur mépris. Ils le voient toujours comme un malade et ne le supportent qu'inoffensif. § S'il ne consent pas à cet abaissement, à cette lâcheté d'avilissement, on le rejette et l'on ne manque aucune occasion de lui prouver cruellement sa haine, et de l'humilier. Car le désir de vengeance est féroce quand l'amour-propre a été blessé, et la seule existence de cet étranger est une humiliation qui crie vengeance.» — SAINT-DENYS-GARNEAU. Journal. Beauchemin. Montréal, 1967. p. 44-46.
«Je suis épouvanté du mal. Certes, je ne comprend pas l'horreur du mal en soi; certes, je ne suis pas dépouillé de penchants vers le mal; et je suis tout perclus de faiblesses. Mais ce que je comprends, que je vois, c'est l'épouvante du mal dans le choix. Qu'il n'y a pas tel mal plus ou moins grand que tel autre, mais le mal, et que faire le mal, c'est, parce qu'acte de l'esprit, un acte irrévocable, rien de partiel, mais un refus total de Dieu, une consciente rébellion, une acceptation totale de l'orgueil et du mal tout entier, et du désespoir, jusqu'au fond, qui ne peut aboutir qu'à la folie. § À moins d'un aveuglement, d'un obscurcissement de l'esprit que peut-être le refus de la grâce pourrait emmener, je crois que cette certitude demeurera entière dans mon esprit.» — SAINT-DENYS-GARNEAU. Journal. Beauchemin. Montréal, 1967. p. 52-53.
«C'est à l'ombre des églises cathédrales et surtout monastiques que survit l'enseignement. Les canons conciliaires des temps mérovingiens et les règles monastiques en font une obligation à l'évêque comme à l'abbé. On y apprend à lire, on lit la Bible et les Pères de l'Église. Il arrive aussi qu'on en dispute. C'est à la faveur de la règle, qui favorise la méditation et ne condamne pas le repos, que se prend une pratique inconnue de l'Antiquité, la lecture silencieuse. § [Encart] "Après la sixième heure, sortant de table, qu'ils se reposent sur leur lit en silence. Si quelqu'un veut lire pour lui-même, qu'il lise, à condition de ne pas gêner les autres. § Pour le carême, ils recevront chacun un livre de la bibliothèque qu'ils liront en entier. Les livres seront distribués au début du carême."» — J. FAVIER. «La vie de l'esprit». In Charlemagne. Fayard. Paris, 1999. p. 134-135.
«La faillite des anciennes institutions publiques a donc sonné le glas de la liberté au sens où l'entendaient les Francs du très haut Moyen Âge, et les années qui entourent l'an mil ont vu se réduire considérablement l'écart qui existait encore entre les agriculteurs indépendants et la classe servile. Désormais, on peut être de condition libre et subir la plus grande exploitation, de même que l'on peut être serf de naissance et vivre dans une relative aisance, voire faire partie du monde des exploiteurs, comme ces ministeriales, ces serfs chargés de fonctions domestiques ou d'encadrement fructueuses (prévôts, gardes forestiers, agents fiscaus, hommes d'armes ...) au sein de la seigneurie. En somme, degré de liberté et niveau de vie n'ont plus rien en commun et la liberté compte désormais moins que l'aisance économique qui, elle, ignore tout clivage juridique.» — Y. SASSIER. «Le royaume d'Hugues Capet». In Hugues Capet. Fayard. Paris, 1987. p. 301-302.
«Il devient en vérité bien difficile de saisir la personnalité du premier Capétien. Deux témoignages jettent peut-être une vague lueur sur certains de son comportement: celui, moqueur et grinçant, d'Adalbéron de Laon qui, dans son Rythmus satiricus, suggère au roi de revêtir l'habit de ces moins que l'évêque n'apprécie guère car, explique-t-il, Hugues «aime la vie simple», celui, fort respectueux, mais déjà teinté de légende, d'Helgaud de Fleury relatant qu'Hugues, entrant dans l'abbatiale de Saint-Denis pour faire ses dévotions, y trouva deux amants enlacés et, sans se scandaliser, recouvrit de son manteau leurs ébats. § Roi pieux, ennemi du luxe jusqu'à l'ascèse, esprit ouvert et généreux, Hugues le fut peut-être. Mais fut-il en tant que gouvernant ce personnage faible et indécis que décrit F. Lot ?» — Y. SASSIER. «Conclusion». In Hugues Capet. Fayard. Paris, 1987. p. 313.
«Les plus anciens des mortels, comme il n'y avait encore aucune passion mauvaise, vivaient sans reproche ni crime et, pour cette raison, sans châtiment ni contrainte. Il n'était pas besoin non plus de récompense puisque l'on se conformait volontairement à la morale, en vertu de sa propre nature, et comme on ne désirait rien qui fût contre la coutume admise, on ne se voyait rien interdire par la menace. Mais après que l'égalité commença de se perdre et qu'à la place de la modération et de l'honneur s'introduisirent la brigue et la violence, alors poussèrent les tyrannies qui, chez les nombreux peuples, demeurèrent à jamais.» — TACITE. Annales (III, 26). Gallimard. Paris, 1993. p. 121-122.
«Cette mesure vieillira elle aussi et, ce qu'aujourd'hui nous devons justifier par des précédents comptera parmi les précédents.» — TACITE. Annales (XI, 24). Gallimard. Paris, 1993. p. 257.
«... parmi des hommes instruits et dans des temps éclairés, il n'y avait guère place pour une fiction. L'antiquité en effet a souvent accepté des récits forgés, parfois même forgés sans art, tandis que cet âge cultivé rejette et tourne surtout en raillerie tout récit d'un fait qui ne peut arriver ....» — CICÉRON. De la République (trad. par Ch. Appuhn). Livre II, 10. Garnier-Flammarion. Paris, 1965. p. 51.
«Tout le monde connaissait sa charité, sa piété [en parlant de Jeanne d'Arc]. Ils voyaient bien qu'elle était la meilleure fille du village. § Ce qu'ils ignoraient, c'est qu'en elle la vie d'en haut absorba toujours l'autre et en supprima le développement vulgaire. Ette eut, d'âme et de corps, ce don divin de rester enfant. Elle grandit, devint forte et belle, mais elle ignora toujours les misères physiques de la femme. Elles lui furent épargnées, au profit de la pensée et de l'inspiration religieuses. Nées sous les murs même de l'église, bercée au son des cloches et nourrie de légendes, elle fut une légende elle-même, rapide et pure, de la naissance à la mort. § Elle fut une légende vivante ... Mais la force de vie, exaltée et concentrée, n'en devint pas moins créatrice. La jeune fille, à son insu, créait, pour ainsi dire, et réalisait ses propres idées, elle en faisait des êtres, elle leur communiquait, du trésor de sa vie virginale, une splendide et toute-puissante existence, à faire pâlir les misérables réalités de ce monde. § Si poésie veut dire création, c'est là sans doute la poésie suprême.» — MICHELET. Le Moyen Age (Livre X, chap. III). Robert Laffont. Paris, 1981. p. 742.
«Il restait pourtant une prise sur ces âmes qu'on pouvait saisir; elles étaient sorties de l'humanité, de la nature, sans avoir pu se dégager entièrement de la religion. Les brigands, il est vrai, trouvaient moyen d'accommoder de la même manière la plus bizarre la religion au brigandage. L'un d'eux, Gaston La Hire, disait avec originalité: «Si Dieu se faisait homme d'armes, il serait pillard. » Et quand il allait au butin, il faisait sa petite prière gasconne, sans trop dire ce qu'il demandait, pensant bien que Dieu l'entendrait à demi-mot: «Sire Dieu, je te prie de faire pour La Hire ce que La Hire ferait pour toi, si tu étais capitaine et si La Hire était Dieu.» — MICHELET. Le Moyen Age (Livre X, chap. III). Robert Laffont. Paris, 1981. p. 750.
«Au fond, nous trouvons l'homme toujours prêt à abandonner en faveur d'une heure qui vaille la peine, l'inintéressant reste de sa vie.» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie». Noésis. Vol. 6, 2003. p. 31.
«En fait, la jeunesse ne se réduit às à un temps de croissance, d'apprentissage, de maturation et d'incomplétude, mais elle est avant tout un temps de jeu, d'action autonome, et elle est par conséquent vraiment porteuse du sens de la vie. Quiconque refuse celaet considère la jeunesse comme simple introduction et prélude à la vie réelle commet une erreur du même type que celle qui a accombri la conception médiévale de l'existence humaine: il déplace le centre de gravité de la vie vers l'avant, vers le futur. Tout comme la majorité des religions, insatisfaites de la vie terrestre, transfèrent habituellement le sens de l'existence hors de cette vie et dans un au-delà, ainsi l'on est en général toujours enclin à considérer chaque état comme une simple préparation à un plus parfait, puisqu'aucun d'entre eux n'est complètement parfait.» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie». Noésis. Vol. 6, 2003. p. 35.
«[...] l'enthousiasme est toujours juvénile. L'ardeur qui nous enflamme pour une cause, un acte ou un homme, et l'ardeur de la jeunesse sont un seul et même feu. Un homme qui s'épanouit en ce qu'il fait est jeune: c'est un enfant. Une grande confirmation en est le génie qui est toujours rempli d'une qualité de type enfantin. Toute vraie grandeur est pleine d'une innocence profonde. La créativité du génie est le jeu d'un enfant [...].» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie». Noésis. Vol. 6, 2003. p. 37.
«Un objet ne peut pas apparaître beau sans être détaché du lien qui le retient aux nécessités de la vie.» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie». Noésis. Vol. 6, 2003. p. 38-39.
«L'éternelle insatisfaction de l'artiste est bien plutôt justement de ne pouvoir faire qu'un avec toute la plénitude de la vie, de ne pas vivre à fond tout de qu'il révèle, mais de s'absorber dans l'intuition et la culture.» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie».
Noésis. Vol. 6, 2003. p. 40.
«... l'élément éthique est, après tout, le vrai cœur de la vie ...» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie».
Noésis. Vol. 6, 2003. p. 40.
«La pureté enfantine est plus belle et parfaite que la renonciation héroïque.» — M. SCHLICK. «Du sens de la vie».
Noésis. Vol. 6, 2003. p. 42.
«Ce que l'existence est à la génération, la vérité l'est à l'opinion.» — Platon. «Timée (29c)» (trad. par Victor Cousin). En ligne: http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/timee.htm. Luc Brisson traduit, dans ses Œuvres complètes, chez Flammarion (2011), «L'être est au devenir ce que la vérité est à la croyance.»
«Le manque de sens historien est le péché originel de tous les philosophes ...» Nietzsche. Humain Trop Humain, I, I, §2. / "A lack of historical sense is the congenital defect of all philosophers..." Nietzsche. Human All Too Human, I, I, §2.
«La révélation Chrétienne aurait emprunté à la pensée antique et aux croyances orientales trop d'éléments pour qu'on pût l'isoler.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 371.
«Toutes les représentations dogmatiques incarnent à leur manière la vérité, toutes elles contribuent à sublimer les impulsions vitales en volontés morales; toutes, efficaces et historiquement contingentes, marquent en moment de l'éducation de l'esprit humain.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 371.
«Qui prétend connaître le secret des existences ? Qui se donne le droit d'imposer aux autres son attitude ou ses préférences ? Qui, au contraire, ne distingue l'acte et l'intention, l'intention et la personne, la destinée et la vertu ? § Si on voit là une forme d'anarchie, c'est que l'on est prisonnier d'une représentation théologique.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 385.
«Solidaire de questions changeantes, d'une érudition provisoire, tout énoncé scientifique est, dans son contenu, historique.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 390.
«L'homme, l'homme occidental, en particulier, est par essence l'être qui crée des dieux, l'être fini, insatisfait de sa finitude, incapable de vivre sans une foi ou un espoir absolus. Si donc il n'imaginait plus d'idéologie pour éclairer sa route ou raffermir son vouloir, c'est qu'il aurait abdiqué en acceptant le monde. Acceptation logique si sa vocation était accomplie, acceptation inconcevable, aussi longtemps que l'homme ne sera pas réconcilié avec son milieu, les valeurs avec l'ordre social. Double contradiction qui exclut l'accord de tous dans l'ordre des revendications.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 392.
«Une théorie de l'histoire de la philosophie suppose une théorie de la philosophie. À vrai dire, la même subordination se retrouve, en un certain sens, dans l'histoire générale. La connaissance que l'homme acquiert de l'histoire dépend de la nature qu'il y révèle, de telle manière que de la réflexion sur la science nous sommes passés à la réflexion sur le sujet de celle-ci. La possibilité d'une philosophie de l'histoire se confond finalement avec la possibilité d'une philosophie en dépit de l'histoire, puisque toute philosophie se définit comme l'effort de l'homme pour se déterminer lui-même.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 401.
«Car l'histoire disparaît aussi bien si l'homme n'a plus rien à apprendre que s'il n'apprendra jamais rien.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 401.
«La logique ne permet pas de trancher entre les opinions, mais de réfléchir sur elles, et ainsi de déterminer les conditions dans lesquelles, en fait et en droit, l'individu choisit, adhère, agit.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 405.
«Les définitions concrètes sont toujours empruntées à une réalité historique et non à l'impératif abstrait. En d'autres termes, [...], ou bien l'on reste dans l'empyrée des principes vains, ou bien l'on glisse dans la déduction des précisions qui ne valent que pour un temps.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 408.
«La science historique ne suggère nullement que ce qui a été doive continuer d'être, ni que ce qui dure vaille mieux que ce qui passe, ni même que ce que l'on rencontre partout dans le passé doive toujours se rencontrer dans l'avenir. Avec de tels raisonnements, on aurait pu longtemps démontrer la fatalité de l'esclavage.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 409.
«La plupart des hommes ne font pas de différence entre le Dieu qu'ils se donnent et celui qui serait.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la
philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 419.
«Le Parthénon, une fois existant, n'a rien à attendre de la durée, sinon la destruction.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 423.
«[...] l'éternité est celle de l'œuvre close, sans autre fin qu'elle-même, irremplaçable, accessible aux consciences dans la plénitude d'instants isolés.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 424.
«Quoi qu'il en soit, la vérité appoximative et partielle d'un temps est conservée en même temps que dépassée. Celui qui se consacre à la recherche positive, fort de la permanence du but, éprouve sa solidarité avec une entreprise commune à l'humanité et qui vaut pour tous. Il participe à un progrès, qui semble effacer à mesure les traces de sa réalisation accidentelle. § Appliquée à l'histoire générale, cette opposition suggère deux interrogations: comment se combinent la valeur singulière de chaque instant et la valeur suprême du tout ? Est-ce de la science ou de l'art que doit s'inspirer la philosophie ? § Si l'explication de la nature et la création de chefs-d'œuvre était la seule fin de l'homme, on ne s'intéresserait plus à l'histoire sociale pour elle-même. Elle ne mériterait d'être étudiée que pour l'action qu'elle exerce sur les seules activités essentiellement historiques. Une telle conclusion serait aussi fragile que l'anthropologie qui la fonde. L'homme n'est pas uniquement un savant, il ne se satisfait d'aucune fonction parcellaire. Or, dès qu'il se demande pourquoi il veut vivre, il envisage le mouvement total dont dépendent et l'existence que concrètement il mène et la vocation qu'il assigne.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie
de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 425.
«Les conduites devraient être soumises au jugement moral qui rapporte l'acte à l'acteur. Et ce jugement se révèle dérisoireface à la sublimité monstrueuse de l'histoire, condamnée tout entière si elle était mesurée à la loi d'amour ou à l'impératif de la bonne volonté. Doit-on soumettre le chef ou le maître à la règle commune ? Puisqu'il est un entre les autres, comment éviter la réponse affirmative ? Puisqu'il est comptable de son œuvre plus que de sa conduite, responsable devant l'avenir, la réponse négative s'impose.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie
de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 425.
«La qualité des âmes est irréductible à celle des idées, on ne juge pas les causes au dévouement de leurs partisans, toutes en ce cas seraient sacrées. Chaque personne, chaque société vaut en et par elle-même, dans la mesure où elle réalise une des formes de l'humanité, mais aucune n'est entièrement close, aucune ne se réalise totalement, toutes paraissent en quête d'un terme dernier. Illusion collective ? L'humanité n'a-t-elle d'autre fin que la création vaine ou l'achèvement de quelques individualités ?» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie
de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 426.
«Une fois de plus, philosophie et histoire, philosophie de l'histoire et philosophie totale sont inséparables. La philosophie, elle aussi, est d'abord dans l'histoire puisqu'elle est enfermée dans les limites d'un être particulier, elle est historique, puisqu'elle est l'âme ou l'expression d'une époque, elle est histoire puisqu'elle est prise de conscience d'une création inachevée. La philosophie est la question radicale que l'homme, en quête de la vérité, s'adresse à lui-même.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 429-430.
«Le type de l'acte libre est la création de l'artiste. La sincérité exige que l'on reste à chaque instant contemporain de soi-même. La moralité authentique surgit de l'être profond où ne pénètre pas l'intelligence. La spiritualité garde le caractère de l'élan vital, le mysticisme semble prolonger l'intuition première, la conscience s'élargit jusqu'à coïncider avec le principe divin.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 431.
«Par opposition aux fluctuations de l'humeur, la volonté représente la stabilité, qui différencie l'engagement des pulsions ou des sentiments aveugles. Mais comment puis-je m'engager sans me condamner peut-être à l'insincérité ? Je ne sais si j'éprouverai demain ce que j'éprouve aujourd'hui. Le droit de changer marque d'abord la revendication de la vie contre la pensée ou la décision, qui s'attribuent une immutabilité absolue.» — R. ARON. «Histoire et vérité».
Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p.
433.
«La fidélité totale, on ne la promettrait qu'à un être supérieur, tel qu'on ne saurait l'abandonner sans se trahir soi-même, car la fidélité à soi, ou bien elle est en deçà des décisions dans l'individualité psycho-physiologique, ou bien elle admet le renouvellement.» — R. ARON. «Histoire et vérité». Introduction à la philosophie de l'histoire. Gallimard. Paris, 1986. p. 435.
«In understanding the contrast between an arrangement-focused and a realization-focused view of justice, it is useful to invoke an old distinction from the Sanskrit literature on ethics and jurisprudence. Consider two different words — niti and nyaya — both of which stand for justice in classical Sanskrit. Among the principal uses of the term niti are organizational propriety and behaviourness correctness. In contrast with niti, the term nyaya stands for a comprehensive concept of realized justice. In that line of vision, the roles of institutions, rules and organization, important as they are, have to be assessed in the broader and more inclusive perspective of nyaya, which is inescapably linked with the world that actually emerges, not just with the institutions or rules we happen to have.» — A SEN. «Introduction». The Idea of Justice. Bellknap Press. Cambridge, MA. 2009. p. 20.
«Les avares ne croient point à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l'époque actuelle, où, plus qu'en aucun autre temps, l'argent domine les lois, la politique et les mœurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire à miner la croyance d'une vie future, sur laquelle l'édifice social est appuyé depuis dix-huit cents ans. Maintenant le cercueil est une transition peu redoutée. L'avenir, qui nous attendait par delà le requiem, a été transposé dans le présent. Arriver per fas et nefas au paradis terrestre du luxe et des jouissances vaniteuses, pétrifier son cœur et se macérer le corps en vue de possessions passagères, comme on souffrait jadis le martyre de la vie en vue de biens éternels, est la pensée générale ! pensée d'ailleurs écrite partout, jusque dans les lois, qui demandent au législateur: Que payes-tu ? au lieu de lui dire: Que penses-tu ? Quand cette doctrine aura passé de la bourgeoisie au peuple, que deviendra le pays ?» — H. de BALZAC. Eugénie Grandet. Jules Tallandier. Paris, 1969. p. 149-150.
«Dans la vie morale, aussi bien que dans la vie physique, il existe une aspiration et une respiration: l'âme a besoin d'absorber les sentiments d'une autre âme, de se les assimiler pour les lui restituer plus riches. Sans ce beau phénomène humain, point de vie au cœur; l'air lui manque alors, il souffre, et dépérit.» — H. de BALZAC. Eugénie Grandet. Jules Tallandier. Paris, 1969. p. 266-267.
«Si le but de la poésie est de mettre les idées au point précis où tout le monde peut les voir et les sentir, le poète doit incessamment parcourir l'échelle des intelligences humaines afin de les satisfaire toutes; il doit cacher sous les plus vivres couleurs la logique et le sentiment, deux puissances ennemies; il lui faut enfermer tout un monde de pensées dans un mot, résumer des philosophies entières par une peinture; enfin ses vers sont des graines dont les fleurs doivent éclore dans les cœurs, en y cherchant les sillons creusés par les sentiments personnels. Ne faut-il pas avoir tout senti pour tout rendre ? Et sentir vivement, n'est-ce pas souffrir ? Aussi les poésies ne s'enfantent-elles qu'après de pénibles voyages entrepris dans les vastes régions de la pensée et de la société.» — H. de BALZAC. Les Illusions Perdues I. Jules Tallandier. Paris, 1969. p. 129-130.
«Les libraires vendront ou ne vendront pas votre manuscrit. Voilà pour eux tout le problème. Un livre, pour eux, représente des capitaux à risquer. Plus le livre est beau, moins il a de chances d'être vendu. Tout homme supérieur s'élève au-dessus des masses, son succès est donc en raison directe avec le temps nécessaire pour apprécier l'œuvre. Aucun libraire ne veut attendre. Dans ce système-là, les libraires refusent les livres substantiels auxquels il faut de hautes, de lentes approbations.» — H. de BALZAC. Les Illusions Perdues I. Jules Tallandier. Paris, 1969. p. 324.
«When God ceases to be the immanent Soul of the world, living and dying in its ceaseless round of change, and ascends to the region of immutable perfection, it is because man has acquired a soul of his own, a little indestructible atom of immortality, a self-subsistent individual. 'Nature' likewise loses her unity, continuity, and indwelling life, and is remodelled as an agregateof little indestructible atoms of matter. But note the consequence: she, too, is now self-subsistent. The world of matter becomes the undisputed dominion of Destiny, or Chance, or Necessity — of Moira, Lachesis, Ananke. There is no place in it for the God who has vanished beyond the stars.» — F. MACDONALD CORNFORD. From Religion to Philosophy. A Study in the Origins of Western Speculation. Longmans, Green and Company. London. 1912. p. 213-214.
«... ce qui connaît ne peut être connu parce qui est connu est aussitôt ravalé au rang d'objet.» — M. DUKENNE. «Introduction». La notion d'a priori. Presses universitaires de France. Paris, 1959. p. 19.
«Ma vie et mon œuvre sont identiques; l'une est l'autre. Ainsi la lecture de ce livre sera difficile pour ceux qui ne comprennent pas mes pensées ou ne les connaissent pas. Ma vie est en quelque sorte la quintessence de ce que j'ai écrit et non l'inverse. Ce que j'écris et ce que je suis ne forment qu'un. Toutes mes idées et tous mes efforts, voilà ce que je suis. Ainsi l'"autobiographie" n'est que le petit point que l'on met sur le i.» — C.G. JUNG. Cité par A. JAFFÉ. «Introduction». In C.G. JUNG. Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 18.
«Je me demandais si la masculinisation de la femme européenne n'est pas en rapport avec sa totalité naturelle (shamba, enfants, petit bétail, maison particulière et feu de l'âtre); comme si c'était un moyen de compenser son appauvrissement; et je me demandais aussi si la féminisation de l'homme blanc n'en était pas une autre conséquence. Les États les plus rationalistes effacent au maximum la différence entre les sexes. Le rôle que joue l'homosexualité dans la société moderne est énorme. Elle est en partie une conséquence du complexe maternel et en parti un phénomène naturel (qui a pour fin d'éviter la procréation).» — C.G. JUNG. «Voyages». Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 303.
«Pour l'homme la question décisive est celle-ci: te réfères-tu ou non à l'infini ? Tel est le critère de sa vie. C'est uniquement si je saisque l'illimité est l'essentiel que je n'attache pas mon intérêt à des futilités et à des chosers qui n'ont pas une importance décisive. Si je l'ignore, j'insiste pour que le monde me reconnaisse une certaine valeur pour telle ou telle qualité, que je conçois comme propriété personnelle: «mes dons» ou «ma beauté» peut-être. Plus l'homme met l'accent sur une fausse possession, moins il peut sentir l'essentiel, et plus il marque de satisfaction dans la vie. Il se sent limité, parce que ses intentions sont bornées, et il en résulte envie et jalousie. Si nous comprenons et sentons que, dans cette vie déjà, nous sommes rattachées à l'infini, désirs et attitudes se modifient. Finalement, nous ne valons que par l'essentiel, et si on n'y a pas trouvé accès, la vie est gaspillée. Dans nos rapports avec autrui, il est, de même, décisif de savoir si l'infini s'y exprime ou non.» — C.G. JUNG. «De la vie après la mort». Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 369-370.
«En tout cas, nous avons besoin d'une nouvelle orientation, c'est-à-dire d'une metanoia. Dès qu'on touche au mal, on court de façon urgente le danger de lui succomber. Or l'homme, en toute généralité, ne doit plus «succomber», pas même au bien. Un prétendu bien, auquel on succombe, perd son caractère moral. Non pas qu'il soit devenu mauvais en lui-même, mais il détermine des conséquences mauvaises, simplement parce qu'on y a succombé. Quelque forme que revête l'excès auquel l'on s'adonne, il est nuisible, qu'il s'agisse indifféremment d'alcool, de morphine, ou d'idéalisme. On ne doit pas se laisser séduire par les contraires. § Le critère de l'action éthique ne peut plus consister dans le fait que ce qui est reconnu comme bon doive prendre le caractère d'un impératif catégorique et que ce qui est réputé mauvais doive absolument être évité. Quand nous reconnaissons la réalité du mal, le bien prend nécessairement un caractère relatif et apparaît comme l'une des moitiés de deux termes opposés. Il en va de même du mal. Tous deux ensemble constituent un mal paradoxal. Pratiquement, cela signifie que le bien comme le mal perdent leur caractère absolu et que nous sommes obligés de prendre conscience de ce qu'ils représentent des jugements.» — C.G. JUNG. «Pensées tardives». Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 373.
«Qui, par conséquent, désire trouver une réponse au problème du mal, aujourd'hui posé, a besoin en premier lieu d'une connaissance approfondie de lui-même, c'est-à-dire d'une connaissance aussi poussée que possible de sa totalité. Il doit savoir sans ménagements de quelle somme de bien et de quels actes honteux il est capable, et il doit se garder de tenir la première pour réelle et les seconds pour illusion. L'une et les autres sont vrais en tant que possibilités et il ne pourra entièrement échapper ni à la première, ni aux seconds s'il prétend vivre — comme cela au fond devrait aller de soi — sans se mentir ni se flatter.» — C.G. JUNG. «Pensées tardives». Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 375.
«Il est important que nous ayons un secret, et l'intuition de quelque chose d'inconnaissable. Ce mystère emplit la vie d'une nuance d'impersonnel, d'un numinosum. Qui n'a pas fait l'expérience de cela a manqué quelque chose d'important. L'homme doit sentir qu'il vit dans un monde qui, à un certain point de vue, est mystérieux, qu'il s'y passe des choses, dont on peut faire l'expérience — bien qu'elles demeurent inexplicables, et non seulement des choses qui se déroulent dans les limites de l'inattendu. L'inattendu et l'inhabituel font partie de ce monde. Ce n'est qu'alors que la vie est entière. Pour moi, le monde, dès le début, était infiniment grand et insaisissable.» — C.G. JUNG. «Rétrospective». Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 405.
«Le monde dans lequel nous pénétrons en naissant est brutal et cruel et, en même temps, d'une divine beauté. Croire à ce qui l'emporte du non-sens ou du sens est une question de tempérament. Si le non-sens dominait en absolu, l'aspect sensé de la vie, au fur et à mesure de l'évolution, disparaîtrait de plus en plus. Mais cela n'est pas ou ne semble pas être le cas. Comme dans toute question de métaphysique, les deux sont probablement vrais: la vie est sens et non-sens, ou elle possède sens et non-sens. J'ai l'espoir anxieux que le sens l'emportera et gagnera la bataille.» — C.G. JUNG. «Rétrospective». Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Gallimard. Paris, 1966. p. 408.
«Des recherches récentes ont mis en lumière les structures mythiques des images et des comportements imposés sur les collectivités par la voie des mass-media. Ce phénomène se constate surtout aux États-Unis. Les personnages des «comic strips» (bandes dessinées) présentent la version moderne des héros mythologiques ou folkloriques. Ils incarnent à tel point l'idéal d'une grande partie de la société que les éventuelles retouches apportées à leur conduite ou, pis encore, leur mort, provoquent de véritables crises chez les lecteurs; ceux-ci réagissent violemment et protestent, en envoyant des télégrammes par milliers aux auteurs des comic strips et aux directeurs des journaux.» — M. ÉLIADE. «Survivance et camouflage des mythes». Aspects du mythe. Gallimard. Paris, 1963. p. 226.
«Toute hiérophanie, au moment même où elle sacralise le monde, s'incarne en une forme donnée et ainsi se profane. Une icône du Christ est l'objet par lequel le Sauveur regarde le chrétien, une chose digne de vénération, et en même temps ce n'est qu'une peinture. La pierre noire de la Kaaba reçoit la dévotion de fidèles musulmans, tout en n'étant qu'une pierre. Une statue de Bouddha est sacrée et pourtant, comme le conseille un maître zen, si on rencontre le Bouddha il faut le tuer, afin de ne pas en faire une idole. C'est que sacré et profane dépendent du regard porté sur eux.» — S. DEPRÉZ. «Préface». In M. ÉLIADE. Forgerons et alchimistes. Flammarion. Paris, 1977. p. 17-18.
«En un contraste absolu et inconciliable avec tous ces efforts de compromis, ou d'autres tentatives pour briser la tension entre le mystique et l'autorité religieuse, se trouve cependant le phénomène limite du nihilisme mystique, de la négation de toute autorité au nom de l'expérience ou de l'illumination mystiques elles-mêmes. Le mystique nihiliste semble le plus libre, on est tenté de dire que c'est lui qui approche le plus près de ses aspirations; en effet, comme il a réalisé la réduction de toute forme comme la plus haute valeur de l'expérience mystique, il accomplit alors une réduction du rapport avec les monde extérieur, et cela signifie, avant tout, la réduction des valeurs et de l'autorité, qui garantit la validité des valeurs. En fait, à l'égard du temps historique, il est le plus gêné et le moins libre des hommes; car la réalité historique dans la constitution de la société humaine l'empêche beaucoup que tous les autres mystiques d'énoncer librement sa pensée. Sans doute est-ce là la raison pour laquelle les documents de la mystique nihiliste sont les plus rares. Leur caractère destructif annonçait l'anéantissement, la répression par les puissances de l'autorité, ou bien provoquait une ambiguïté d'expression, qui rend toujours douteuse l'interprétation du texte. Ainsi peut-on, par exemple, s'expliquer que la discussion concernant le caractère nihiliste de certaines doctrines, comme celle des Ismaélites, des Druses en particulier, mais aussi celle des groupes tels que l'ordre derviche des Bektaschis, n'ait pas encore trouvé une conclusion non-équivoque. Les documents sont construits d'avance, de façon à rester ambigus, ce qui a toujours renforcé le soupçon du nihilisme mystique qui se trouve présent partout.» — G.G. SCHOLEM. La kabbale et sa symbolique. Payot. Paris, 1975. p. 37-38.
«Disease, hunger, war, rebellion, riot, earthquake, evacuation, invasion, Taliban, massacre... on goes the list of events we as a nation hang our memories from. Amid all this, we still like to believe that Alexander the Great said, "God must have loved Afghans because he made them so beautiful." § I dont't believe that claim for an instant. I find it hard to trust a man's dictum of beauty while he gave himself to a life of greed, or razing cities, selling men and women into slavery, and killing anyone who desired to live free. We ar beautiful, and God hates our guts. That I trust. § [...] «Our mountains are young and eager and lust for growth, and our wounds are old and forget to heal. Yet we don't speak about the shuddering we feel under our feet, and never about our suffering. We know pain is a language not many people know. We keep things to ourselves and believe in God, but God does not believe in us. We wake up in the middle of the night to pray; we fast, sacrifice animals, name our children after deities, light candles in shirines, and make halva on Friday evenings and offer it to the hungry. None elicits His pity. Better go in person, we decide, and travel for days to get to Mecca, but God is never home. So we turn to prophets, Imams, saints and sanguinary conqueors for help. Anything they can do to soften His heart of stone.» — J. ARAM. "Beautiful Land of Endless Suffering". The Globe and Mail. Saturday December 4, 2021. p. 01.
«L’insensé lui-même est donc forcé d’avouer qu’il existe, du moins dans l’intelligence, quelque chose au-dessus de laquelle la pensée ne peut rien concevoir, puisqu’on entendant parler de cet être suprême, quel qu’il soit, il comprend ce qu’il entend, et que tout ce qui est compris existe dans l’intelligence. Or, cet être suprême au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir ne saurait exister dans l’intelligence seule ; car, en supposant que cela soit, rien n’empêche de le concevoir comme existant aussi dans la réalité, ce qui est un mode d’existence supérieur au premier. Si donc l’être suprême existait dans l’intelligence seule, il y aurait quelque chose que la pensée pourrait concevoir au-dessus de lui ; il ne serait plus l’être par excellence, ce qui implique contradiction. Il existe donc sans aucun doute, et dans l’intelligence et dans la réalité, un être au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir.» — SAINT ANSELME DE CANTORBÉRY. «Proslogue ou allocution sur l’existence de dieu». In Chapitre II. Chefs d’œuvre des Pères de l’Église. Bibliothèque Ecclésiastique. Paris, 1838.
«When weapons are of the "amateur" type of 1880, as they were in Greece in the fifth century B.C., they are widely possessed by citizens, power is similarly dispersed, and no minority can compel the majority to yield to its will. With such an "amateur weapons system" (if other conditions are not totally unfavorable), we are likely to find majority rule and a relatively democratic political system. But, on the contrary, when a period can be dominated by complex and expensive weapons that only a few persons can afford to possess or can learn to use, we have a situation where the minority who control such "specialist" weapons can dominate the majority who lack them. In such a society, sooner or later, an authoritarian political system that reflects the inequality in control of weapons will be established.» — C. QUIGLEY. «The Unfolding of Time». In Tragedy & Hope. A History of the World In Our Time. GSG & Associates. San Pedro, CA, 1966.p. 1200.
«Nous savons d’une science intime que nous vivons; un académicien ne peut pas même dire : Peut-être dors-tu sans le savoir, et ne vois-tu qu’un rêve. Sans doute les rêves de l’homme endormi ressemblent fort à ce que voit l’homme éveillé : qui ne le sait? Mais l’homme qui a la certitude de vivre, ne dit pas : Je sais que je suis éveillé; il dit : Je sais que je vis; et il vit, endormi ou éveillé. Et là-dessus il ne peut pas être trompé par des songes: car pour dormir et voir en songe, il faut vivre. Un académicien ne peut non plus lui objecter : Tu es peut-être fou sans le savoir ; les hallucinations des fous ressemblent fort aux idées des hommes sains d’esprit : car, pour être fou, il faut vivre. Et cet homme ne répond pas aux académiciens : Je sais que je ne suis pas fou, mais bien : Je sais que je vis. Ainsi donc on ne se trompe jamais et l’on ne ment jamais à dire : Je sais que je vis.» — Saint Augustin. De la Trinité, livre XV, chapître XII. In Œuvres complètes de Saint Augustin (trad. par Poujoulat et Raulx). 1864-1872. Bibliothèque de l'Abbaye de Saint-Benoît en-ligne.
«[...] qui bien aime, tard oublie.» — J. Bédier. Le roman de Tristan et Iseut. H. Piazza. Rome, 1900. p. 261.
«Colère de femme est chose redoutable, et que chacun s’en garde ! Là où une femme aura le plus aimé, là aussi elle se vengera le plus cruellement. L’amour des femmes vient vite, et vite vient leur haine ; et leur inimitié, une fois venue, dure plus que l’amitié. Elles savent tempérer l’amour, mais non la haine.» — J. Bédier. Le roman de Tristan et Iseut. H. Piazza. Rome, 1900. p. 261.
«Une femme prétendant être l'inspiration de Martha [dans la minisérie britannique Baby Reindeer] a affirmé au Daily Mail il y a quelques jours qu'elle songeait à poursuivre le comédien-scénariste. Elle expliquait être la véritable victime dans cette affaire et que c'est lui qui la pourchassait, elle. § La vérité n'est peut-être pas telle que la fiction "basée sur une histoire vraie" la présente. L'est-elle jamais, surtout dans notre société du spectacle qui préfère "l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, l'apparence à l'être» ? — S. Baillargeon. La vérité si je mens. Le Devoir. Montréal, les samedi 4 et dimanche 5 mai 2024. p. A6.
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