[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.
Gaston BACHELARD. La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989.
CHAPITRE III
Le tiroir, les coffres
et les armoires
«La métaphore vient donner un corps concret à une impression difficile à exprimer. La métaphore est relative à un être psychique différent d'elle. L'image, œuvre de l'Imagination absolue, tient au contraire tout son être de l'imagination. en poussant par la suite notre comparaison de la métaphore et de l'image, nous comprenons que la métaphore ne peut guère recevoir une étude phénoménologique. Elle est, tout au plus, une image fabriquée, sans racines profondes, vraies, réelles. C'est une expression éphémère, ou qui devrait être éphémère, employée une fois en passant. Il faut prendre garde de ne pas trop la penser. Il faut craindre que ceux qui la lisent ne la pensent. [...]. § Au contraire de la métaphore, à une image on peut donner son être de lecteur; elle est donatrice d'être. L'image, œuvre pure de l'imagination absolue, est un phénomène d'être, un des phénomènes spécifiques de l'être parlant.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 79-80.
«Le concept, le voici pensée morte puisqu'il est, par définition, pensée classée.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 80.
«Or, quand on pressent une métaphore, c'est que l'imagination est hors de cause.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 81.
«La métaphore est une fausse image puisqu'elle n'a pas la vertu directe d'une image productrice d'expression, formée dans la rêverie parlée.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 81.
«Armoire, un des grands mots de la langue française, à la fois majestueux et familier. Quel beau et grand volume de souffle !» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 83.
«Et à beau mot, belle chose. Au mot qui sonne gravement, l'être de la profondeur.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 83.
«L'espace intérieur à l'armoire est un espace d'intimité, un espace qui ne s'ouvre pas à tout venant.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 83.
«Mettre n'importe quoi, n'importe comment, dans n'importe quel meuble, marque une faiblesse insigne de la fonction d'habiter. Dans l'armoire vit un centre d'ordre qui protège toute la maison contre un désordre sans borne. Là règne l'ordre ou plutôt, là l'ordre est un règne. L'ordre n'est pas simplement géométrique. L'ordre s'y souvient de l'histoire de la famille.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 83.
«... les images sont plus impérieuses que les idées.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 84.
«Quand on donne aux objets l'amitié qui convient, on n'ouvre pas l'armoire sans tressaillir un peu. Sous son bois roux, l'armoire est une très blanche amande. L'ouvrir, c'est vivre un événement de la blancheur.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 85.
«Les meubles complexes réalisés par l'ouvrier sont un témoignage bien sensible d'un besoin de secrets, d'une intelligence de la cachette. Il ne s'agit pas simplement de garder fortement un bien. Il n'y a pas de serrure qui puisse résister à la totale violence. Toute serrure est un appel au crocheteur. Quel seuil psychologique qu'une serrure. Quel défi à l'indiscret quand elle se couvre d'ornements.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 85.
«... plutôt que de défier l'indiscret, plutôt que l'effrayer par des signes de puissance, il vaut mieux le tromper.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 85.
«Ce même mystère prépare un même destin. Il faut tout le talent du romancier pour faire sentir cette identité des ombres intimes. Il faut alors verser le livre, sous le signe du coffret, au dossier de la psychologie de l'âme fermée. On saura alors qu'on ne fait pas la psychologie de l'être fermé en totalisant ses refus, en faisant le catalogue de ses froideurs, l'histoire de ses silences !Surveillez-le plutôt dans la positivité de sa joie tandis qu'il ouvre un nouveau coffret ...» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 86.
«Mais la poésie déborde de toute part la psychanalyse. D'un rêve elle fait toujours une rêverie. Et la rêverie poétique ne peut se satisfaire d'un rudiment d'histoire; elle ne peut se nouer sur un nœud complexuel. Le poète vit une rêverie qui veille et sur tout sa rêverie reste dans le monde, devant les objets du monde. Elle amasse de l'univers autour d'une objet, dans un objet.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 87.
«Dans le coffret sont les choses inoubliables, inoubliables pour nous, mais inoubliables pour ceux auxquels nous donnerons nos trésors. Le passé, le présent, un avenir sont là condensés. Et ainsi, le coffret est la mémoire de l'immémorial.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 88.
«Le souvenir pur, image qui n'est qu'à nous, on ne veut pas le communiquer. On n'en confie que des détails pittoresques. Mais son être même est à nous et nous ne voudrons jamais en tout dire. Rien là qui ressemble à un refoulement. Le refoulement est un dynamisme malhabile. C'est pourquoi il a des symptômes si voyants. Mais, chaque secret a son petit coffret, ce secret absolu, bien enfermé, échappe à tout dynamisme. La vie intime connaît ici une synthèse de la Mémoire et de la Volonté. Ici est la Volonté de Fer, non pas contre l'extérieur, contre les autres, mais au de la de toute psychologie du contre. Autour de certains souvenirs de notre être, nous avons la sécurité d'coffret absolu.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 88.
«... au moment où le coffret s'ouvre, plus de dialectique. Le dehors est rayé d'un trait, tout est à la nouveauté, à la surprise, à l'inconnu. Le dehors ne signifie plus rien. Et même, suprême paradoxe, les dimensions du volume n'ont plus de sens parce qu'une dimension vient de s'ouvrir, la dimension d'intimité. § Pour quelqu'un qui valorise bien, pour quelqu'un qui se met dans la perspective des valeurs d'intimité, cette dimension peut être infinie.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 88-89.
«Jamais l'imagination ne peut dire: ce n'est que cela. Il y a toujours plus que cela. Comme nous l'avons dit plusieurs fois, l'image d'imagination n'est pas soumise à une vérification par la réalité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 89.
«L'imagination met en effet une pointe à tous nos sens. L'attention imaginante prépare nos sens à l'instantanéité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 89-90.
«La vérification fait mourir les images. Toujours, imaginer sera plus grand que vivre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 90.
«Le travail du secret va sans fin de l'être qui cache à l'être qui se cache. Le coffret est un cachot d'objets. Et voici que le rêveur se sent dans le cachot de son secret. On voudrait ouvrir et l'on voudrait s'ouvrir.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 90-91.
«Qui enterre un trésor s'enterre avec lui. Le secret est une tombe et ce n'est pas pour rien que l'homme discret se vante d'être le tombeau des secrets. § Toute intimité se cache.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 91.
«Pour entrer dans le domaine du superlatif, il faut quitter le positif pour l'imaginaire. Il faut écouter les poètes.» — Gaston BACHELARD. Chapitre III. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 91.
CHAPITRE IV
Le nid
«Il est d'ailleurs très frappant que même dans la maison claire la conscience du bien-être appelle les comparaisons de l'animal en ses refuges.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 92-93.
«Déjà, dans le monde des objets inertes, le nid reçoit une valorisation extraordinaire. On veut qu'il soit parfait, qu'il porte la marque d'un instinct très sûr. De cet instinct on s'émerveille, et le nid passe aisément pour une merveille de la vie animale.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 93.
«La phénoménologie philosophique du nid commencerait si nous pouvions élucider l'intérêt que nous prenons en feuilletant un album de nids, ou, plus radicalement encore, si nous pouvions retrouver notre naïf émerveillement quand jadis nous découvrions un nid. Cet émerveillement ne s'use pas. Découvrir un nid nous renvoie à notre enfance, à une enfance. A des enfance que nous aurions dû avoir. Rares sont ceux d'entre nous auxquels la vie a donné la pleine mesure de sa cosmicité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 95.
«L'arbre est un nid dès qu'un grand rêveur se cache dans l'arbre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 98.
«Le nid comme toute image de repos, de tranquillité, s'associe immédiatement à l'image de la maison simple. De l'image du nid à l'image de la maison ou vice versa, les passages ne peuvent se faire que sous le signe de la
simplicité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 98.
«La maison-nid n'est jamais jeune. On pourrait dire, sur un mode pédant, qu'elle est le lieu naturel de la fonction d'habiter. On y revient, on rêve d'y revenir comme l'oiseau revient au nid, comme l'agneau revient au bercail. Ce signe du retour marque d'infinies rêveries, car les retours humains se font sur le grand rythme de la vie humaine, rythme qui franchit des années, qui lutte par le rêve contre toutes les absences. Sur les images rapprochées du nid et de la maison retentit une composante intime de fidélité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 99.
«Si on revient dans la vieille maison comme on retourne au nid, c'est que les souvenirs sont des songes, c'est que la maison du passé est devenue une grand image, la grande image des intimités perdues.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 100.
«Ainsi, les valeurs déplacent les faits. Dès qu'on aime une image, elle ne peut plus être la copie d'un fait.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 100.
«Le nid — nous le comprenons tout de suite est précaire et cependant il déclenche en nous une rêverie de la sécurité. Comment la précarité évidente n'arrête-t-elle pas une telle rêverie ? La réponse à ce paradoxe est simple: nous rêvons en phénoménologue qui s'ignore. Nous revivons, en une sorte de naïveté, l'instinct de l'oiseau. Nous nous complaisons à accentuer le mimétisme du nid tout vert dans le feuillage vert. Nous l'avons vu décidément, mais nous disons qu'il était bien caché. Ce centre de la vie animale est dissimulé dans l'immense volume de la vie végétale. Le nid est un bouquet de feuilles qui chante. Il participe à la paix végétale. Il est un point dans l'ambiance de bonheur des grands arbres.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 102.
«Dans son germe, toute vie est bien-être. L'être commence par le bien-être. En sa contemplation du nid, le philosophe se tranquillise en poursuivant une méditation de son être dans l'être tranquille du monde. Traduisant alors dans le langage des métaphysiciens d'aujourd'hui l'absolue naïveté de sa rêverie, le songeur peut dire: le monde est le nid de l'homme. § Le monde est un nid: une immense puissance garde les êtres du monde en ce nid.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 103.
«Le nid de l'homme, le monde de l'homme n'est jamais fini. Et l'imagination nous aide à le continuer. Le poète ne peut pas quitter une si grande image, ou plus exactement une telle image ne peut quitter le poète.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IV. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 104.
CHAPITRE V
La coquille
«Il suffira de regarder un album d'ammonites pour reconnaître que, dès l'époque secondaire, les mollusques construisaient leur coquille en suivant les leçons de la géométrie transcendante. Les ammonites faisaient leur demeure sur l'axe d'une spirale logarithmique.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 105.
«L'objet réalisé [la coquille] est d'une haute intelligibilité. C'est la formation et non pas la forme qui reste mystérieuse. Mais sur le plan de forme à prendre, quelle décision de vie dans le choix initial qui est de savoir si la coquille sera enroulée à gauche ou enroulée à droite ? Que n'a-t-on pas dit sur ce tourbillon initial ! En fait , la vie commence moins en s'élançant qu'en tournant. Un élan vital qui tourne, quelle merveille insidieuse, quelle fine image de la vie ! Et que de rêves on pourrait faire sur la coquille gauchère ! Sur une coquille qui dérogerait à la rotation de son espèce !» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 106.
«La devise du mollusque serait alors: il faut vivre pour bâtir sa maison et non bâtir sa maison pour vivre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 106.
«Se peut-il qu'un être soit vivant dans la pierre, vivant dans ce morceau de pierre ? Cet étonnement, on ne le revit guère. La vie use vite les premiers étonnements. D'ailleurs, pour une coquille «vivante», combien de coquilles mortes ! Pour une coquille habitée, combien de coquilles vides ? § Mais la coquille vide, comme le nid vide, appelle des rêveries de refuge.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 107.
«La meilleure marque de l'émerveillement c'est l'exagération. Puisque l'habitant de la coquille étonne, l'imagination ne va pas tarder à faire sortir de la coquille des êtres étonnants, des êtres plus étonnants que la réalité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 107.
«Qui accepte les petits étonnements, se prépare à en imaginer de grands. Dans l'ordre imaginaire, il devient normal que l'éléphant, l'animal immense, sorte d'une coquille de limaçon. Il est exceptionnel cependant qu'on lui demande, dans le style de l'imagination, d'y rentrer.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 107.
«En fait, l'être qui sort de sa coquille nous suggère les rêveries de l'être mixte. Ce n'est pas seulement l'être «moitié chair moitié poisson». C'est l'être moitié mort moitié vivant et, dans les grands excès, moitié pierre, moitié homme. Il s'agit de l'envers même de la rêverie médusante. L'homme naît de la pierre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 108.
«... la vie est énergique par son sommet. Et ce sommet, c'est dans le symbole achevé de l'être humain qu'il a un dynamisme. Tout rêveur d'évolution animale pense à l'homme.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 108.
«On ne sent plus guère une action dans des dérivations grammaticales, dans des déduction, dans des inductions. Les verbes eux-mêmes se figent, comme s'ils étaient des substantifs. Les images seules peuvent remettre les verbes en mouvement.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 109.
«Sur le thème de la coquille, l'imagination travaille aussi, outre la dialectique du petit et du grand, la dialectique de l'être libre et de l'être déchaîné: et que ne peut-on attendre d'un être déchaîné !» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 109.
«Si cependant nous pouvions restaurer, dans l'observation même, une naïveté totale, c'est-à-dire revire vraiment l'observation première, nous remettrions en action ce complexe de peur et de curiosité qui accompagne toute première action sur le monde. On voudrait voir et l'on a peur de voir. c'est là le seuil sensible de toute connaissance. Sur ce seuil, l'intérêt ondule, il se trouble, il revient.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 109.
«Mais d'où vient donc l'évident dynamisme de ces images excessives ? Ces images s'animent dans la dialectique du caché et du manifeste. L'être qui se cache, l'être qui «rentre dans sa coquille» prépare «une sortie». Cela est vrai sur toute l'échelle des métaphores depuis la résurrection d'un être enseveli jusqu'à l'expression soudaine de l'homme longtemps taciturne.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 110.
«Les plus dynamiques évasions se font à partir de l'être comprimé et non pas dans la molle paresse de l'être paresseux qui ne peut désirer qu'aller paresser ailleurs.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 110.
«Nous avons vu avec quelle liberté l'imagination travaille l'espace, le temps, les forces. Mais il n'y a pas que sur le plan des images que l'imagination travaille. Sur le plan des idées, elle pousse aussi aux excès. Il y a des idées qui rêvent. Certaines théories, qu'on a pu croire scientifiques, sont de vastes rêveries, des rêveries sans limite.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 111.
«Si l'on sait revire cette vie partielle, dans la précision d'une vie qui se donne une forme, l'être qui a une forme domine les millénaires. Toute forme garde une vie. Le fossile n'est plus simplement un être qui a vécu, c'est un être qui vit encore, endormi dans sa forme. La coquille est l'exemple le plus manifeste d'une vie universelle coquillante.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 111-112.
«... le mot «tel» dépasse le mot «comme» qui oublierait précisément une nuance phénoménologique. Le mot «comme» imite, le mot «tel» implique qu'on devient le sujet même qui rêve la rêverie.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 115.
«Il est toujours plaisant de voir un destructeur de fables victime d'une fable.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 116.
«Nid et coquille, deux grandes images qui répercutent leurs rêveries. Les formes ne suffisent pas ici à déterminer de tels rapprochements. Le principe des rêveries qui accueillent de telles légendes dépasse l'expérience. Le rêveur est entré dans le domaine où se forment les convictions qui naissent au delà de ce qu'on voit et de ce qu'on touche. Si les nids et coquilles n'étaient pas des valeurs, on ne synthétiserait pas si facilement, si imprudemment leur image. Les yeux fermés, sans égard pour les formes et les couleurs, le rêveur est pris par les convictions du refuge. Dans ce refuge, la vie se concentre, se prépare, se transforme. Nids et coquilles ne peuvent s'unir si fortement que par leur onirisme.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 117.
«On sait bien qu'il faut être seul pour habiter une coquille. En vivant l'image, on sait qu'on consent à la solitude. § Habiter seul, grand rêve ! L'image la plus inerte, la plus physiquement absurde comme celle de vivre en la coquille peut servir de germe à un tel rêve. Ce rêve vient à tous, aux faibles, aux forts, dans les grandes tristesses de la vie, contre les injustices des hommes et du sort.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 120.
«L'homme, l'animal, l'amande, tous trouvent le repos maximum dans une coquille. Les valeurs du repos commandent toutes ces images.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 121.
«De longues recherches psychologiques devraient être faites pour déterminer la valeur de l'exemple moral qu'on a toujours trouvé dans la vie animale. Nous ne rencontrons ce problème qu'accidentellement. Nous ne l'indiquons qu'en passant.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 121-122.
«Sans cesse, il [le phénoménologue de l'imagination] est confronté aux étrangetés du monde. Et davantage encore: dans sa fraîcheur, dans son activité propre, l'imagination avec du familier fait de l'étrange. Avec un détail poétique, l'imagination nous place devant un monde neuf. Dès lors le détail prime le panorama. Une simple image, si elle est nouvelle, ouvre un monde. Vue des mille fenêtres de l'imaginaire, le monde est changeant. Il renouvelle donc le problème de la phénoménologie.» — Gaston BACHELARD. Chapitre V. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 129.
CHAPITRE VI
Les coins
«Voici le point de départ de nos réflexions: tout coin dans une maison, toute encoignure dans une chambre, tout espace réduit où l'on aime se blottir, à se ramasser sur soi-même, est, pour l'imagination une solitude, c'est-à-dire le germe d'une chambre, le germe d'une maison.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 130.
«... le coin est un refuge qui nous assure une première valeur de l'être: l'immobilité. Il est le sûr local, le proche local de mon immobilité. Le coin est une sorte de demi-boîte, moitié murs, moitié porte. Il sera une illustration pour la dialectique du dedans et du dehors ....» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 131.
«... il faut désigner l'espace de l'immobilité en en faisant l'espace de l'être.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 131.
«Les romans en foisonnent [d'épisodes d'une enfance inventée]. Les romanciers rejettent sur une enfance inventée, non vécue, les événements d'une naïveté inventée. Ce passé irréel projeté en arrière d'un récit par l'activité littéraire, masque souvent l'actualité de la rêverie, d'une rêverie qui aurait toute sa valeur phénoménologique si on nous la donnait dans une naïveté vraiment actuelle. Mais être et écrire sont difficiles à rapprocher.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 132.
«Si l'on faisait la part qui lui revient à l'imagination des systèmes philosophiques touchant l'univers, on verrait apparaître un germe, un adjectif. On pourrait donner ce conseil: pour trouver l'essence d'une philosophie du monde, cherchez-en l'adjectif.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 136.
«Un rien de valeur change tout. La grâce d'une courbe est une invitation à demeurer. On ne peut s'en évader sans espoir de retour. La courbe aimée a des puissances de nid: elle est un appel à la possession. Elle est un coin courbe. C'est une géométrie habitée. Nous sommes à un minimum du refuge, dans le schéma ultra-simplifié d'une rêverie du repos. Seul le rêveur qui s'arrondit à contempler des boucles connaît ces joies simples du repos dessiné.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 138.
«Les mots — je l'imagine souvent — sont de petites maisons, avec cave et grenier. Le sens commun séjourne au rez-de-chaussée, toujours prêt au commerce extérieur, de plain-pied avec autrui, ce passant qui n'est jamais un rêveur. Monter l'escalier dans la maison du mot, c'est, de degré en degré, abstraire. Descendre à la cave, c'est rêver, c'est se perdre dans les lointains couloirs d'une étymologie incertaine, c'est chercher dans les mots des trésors introuvables. Monter et descendre, dans les mots mêmes, c'est la vie du poète. Monter trop haut, descendre trop bas est permis au poète qui joint le terrestre à l'aérien. Seul le philosophe sera-t-il condamné par ses pairs à vivre toujours au rez-de-chaussée ?» — Gaston BACHELARD. Chapitre VI. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 139.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire