[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.
Gaston BACHELARD. La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989.
CHAPITRE VII
La miniature
«Pour faire croire, il faut croire.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 140.
«En fait, l'imagination miniaturante est une imagination naturelle. Elle apparaît à tout âge dans la rêverie des rêveurs nés. Précisément, il faut détacher ce qui amuse pour en découvrir les racines psychologiques.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 141.
«... l'essentielle différence qu'il y a entre une image absolue qui s'accomplit en elle-même et une image post-idéative qui ne veut être qu'un résumé de pensées.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 144.
«Ainsi le minuscule, porte étroite s'il en est, ouvre un monde. Le détail d'une chose peut être le signe d'un monde nouveau, d'un monde qui comme tous les mondes, contient les attributs de la grandeur. § La miniature est un des gîtes de la grandeur.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 146.
«Un philosophe raisonnable — l'espèce n'en est pas rare — nous objectera peut-être que ces documents sont exagérés, qu'ils font sortir trop gratuitement, avec des mots, le grand, l'immense, du petit. Ce ne serait que de la prestidigitation verbale, bien pauvre devant l'exploit du prestidigitateur qui fait sortir un réveille-matin d'un dé à coudre. Nous défendrions cependant la prestidigitation «littéraire». L'acte du prestidigitateur étonne, amuse. L'acte du poète fait rêver. Je ne puis vivre et revivre l'acte du premier. Mais la page du poète est à moi si seulement j'aime la rêverie.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 148.
«Quant à nous, nous prenons les documents littéraires comme des réalités de l'imagination, comme les purs produits de l'imagination. Car pourquoi les actes de l'imagination ne seraient-ils pas aussi réels que les actes de la perception ?» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 148.
«Trop souvent, le Monde désigné par le philosophe n'est qu'un non-moi. Son énormité est un amas de négativités. Le philosophe passe au positif trop vite et se donne le Monde, un Monde unique. Les formules: être-au-monde, l'être du Monde sont trop majestueuses pour moi; je n'arrive pas à les vivre. Je suis plus à mon aise dans les mondes de la miniature. Ce sont des mondes dominés. en les vivant je sens partir de mon être rêvant des ondes mondificatrices. L'énormité du monde n'est plus pour moi que le brouillage des ondes mondificatrices. La miniature sincèrement vécue me détache du monde ambiant, elle m'aide à résister à la dissolution de l'ambiance.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 150.
«La miniature est un exercice de fraîcheur métaphysique; elle permet de mondifier à petits risques. Et que repos dans un tel exercice de monde dominé ! La miniature repose sans jamais endormir. L'imagination y est vigilante et heureuse.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 150-151.
«Le lecteur d'un livre qui suit les ondulation d'une grande passion peut s'étonner de cette interruption par la cosmicité. Il ne lit guère le livre que linéairement en suivant le fil des événements humains. Pour lui, les événements n'ont pas besoin de tableau. Mais de combien de rêveries nous prive la lecture linéaire ! § De telles rêveries sont des appels à la verticalité. Elles sont des pauses de récit durant lesquelles le lecteur est appelé à rêver. Elles sont très pures car elles ne servent à rien.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 151-152.
«Mais a-t-on le temps, en ce monde, d'aimer les choses, de voir les choses de près, quand elles jouissent de leur petitesse. Une seule fois dans ma vie, j'ai vu un jeune lichen naître et s'étendre sur le mur. Quelle jeunesse, quelle vigueur à la gloire de la surface ! § Bien entendu, on perdrait le sens des valeurs réelles, si on interprétait les miniatures dans le simple relativisme du grand et du petit. Le brin de mousse peut bien être sapin, jamais sapin ne sera brin de mousse. L'imagination ne travaille pas dans les deux sens avec la même conviction.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 152.
«Le conte est une image qui raisonne. Il tend à associer des images extraordinaires comme si elles pouvaient être des images cohérentes. Le conte porte ainsi la conviction d'une image première à tout un ensemble d'images dérivées. Mais le lien est si facile, le raisonnement est si coulant qu'on ne sait bientôt plus où est le germe du conte.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 152.
«Mais alors, pour participer vraiment au conte, il faut doubler cette subtilité d'esprit par une subtilité matérielle. Le conte nous invite à nous «glisser» entre les difficultés. Autrement dit, outre le dessin, il faut prendre le dynamisme de la miniature. C'est là une instance phénoménologique supplémentaire. Quelle animation on reçoit alors du conte si l'on suit la causalité du petit, le mouvement naissant de l'être minuscule agissant sur l'être massif !» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 153-154.
«La rêverie gullivérienne est naturelle. Un grand rêveur vit ses images doublement, sur la terre et dans le ciel. Mais dans cette vie poétique des images, il y a plus qu'un simple jeu de dimensions. Le rêverie n'est pas géométrique. Le rêveur s'engage à fond» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 155.
«La Poésie, dans ses paradoxes, peut être contre-causale, ce qui est une manière encore d'être de ce monde, d'être engagée dans la dialectique des passions. Mais quant la poésie atteint à son autonomie, on peut bien dire qu'elle est acausale. Pour recevoir directement la vertu d'une image isolée — et une image a toute sa vertu dans un isolement — le phénoménologue nous paraît maintenant plus favorable que la psychanalyse, car la phénoménologie réclame précisément que nous assumions nous-mêmes, dans critique, avec enthousiasme, cette image.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 156.
«Et le poète sûrement vit, en rêvant, une coalescence des légendes. Et ces légendes, toutes ces légendes sont réanimées par l'image. Elles ne sont pas un vieux savoir. Le poète ne redit pas des contes de grand-mère. Il n'a pas de passé. Il est dans un monde nouveau. À l'égard du passé et des choses de ce monde, il a réalisé la sublimation absolue. Au phénoménologue de suivre le poète. Le psychanalyste ne se préoccupe que la négativité de la sublimation.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 157.
«L'image ne veut pas se laisser mesurer. Elle a beau parler espace, elle change de grandeur. La moindre valeur l'étend, l'élève, le multiplie. Et le rêveur devient l'être de son image. Il absorbe tout l'espace de son image. Ou bien il se confine dans la miniature de ses images. C'est sur chaque image qu'il faudrait déterminer, comme disent les métaphysiciens, notre être-là au risque de ne trouver quelquefois en nous qu'une miniature de l'être.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 160.
«... la causalité du petit émeut tous les sens et il y aurait à faire, à propos de chaque sens, une étude de ses «miniatures». Pour les sens comme le goût, l'odorat, le problème serait peut-être même plus intéressant que pour la vision. La vue écourte ses drames. Mais une trace de parfum, une odeur infime, peut déterminer un véritable climat dans le monde imaginaire.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 160.
«La notion de seuil est une des notions les plus clairement objectives de la psychologie moderne. § ... nous voulons examiner si l'imagination ne nous appelle pas au-dessous du seuil, si le poète ultra-attentif à la parole intérieure n'entend pas, dans un au-delà du sensible, en faisant parles les couleurs et les formes. Les métaphores paradoxales sont à cet égard trop nombreuses pour qu'on ne les examine pas systématiquement. Elles doivent recouvrir une certaine réalité, une certaine vérité d'imagination.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 161.
«D'une manière générale, les faits n'expliquent pas les valeurs. Dans les œuvres de l'imagination poétique, les valeurs ont un tel signe de nouveauté que tout ce qui relève du passé est, à leur égard, inerte. Toute mémoire est à réimaginer. Nous avons dans la mémoire des micro-fils qui ne peuvent être lus que s'ils reçoivent la lumière vive de l'imagination.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 161.
«De telles images [poétiques] doivent, pour le moins, être prises dans leur être de réalité d'expression. C'est de l'expression poétique qu'elles tirent tout leur être. On diminuerait leur être si l'on voulait les référer à une réalité, voire à une réalité psychologique. Elles dominent la psychologie. Elles ne correspondent à aucune pulsion psychologique, hors le pur besoin d'exprimer, dans un loisir d'être, quand on écoute, dans la nature, tout ce qui ne peut pas parler.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 163-164.
«Comme les grandes valeurs d'être et de non-être sont difficiles à situer ! Le silence, où est sa racine, est-il une gloire du non-être ou une domination de l'être ? Il est «profond». Mais où est la racine de sa profondeur ? Dans l'univers où prient les sources qui vont naître, ou bien dans le cœur d'un homme qui a souffert ? Et à quelle hauteur de l'être doivent s'ouvrir les oreilles qui écoutent ? § Pour nous, philosophe de l'adjectif, nous sommes pris dans les embarras de la dialectique du profond et du grand; de l'infiniment réduit qui approfondit ou du grand qui s'étend sans limite.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 165.
«En accueillant tous les documents de la fantaisie et des rêveries qui aiment à jouer avec les mots, avec les impressions les plus éphémères, nous avouons une fois de plus notre volonté de rester superficiel. Nous n'explorons que la couche mince des images naissantes. Sans doute, l'image la plus frêle, la plus inconsistante peut révéler des vibrations profondes. Mais il faudrait une enquête d'un même style pour dégager la métaphysique de tous les au-delà de notre vie sensible. En particulier pour dire comment le silence travaille à la fois le temps de l'homme, la parole de l'homme, l'être de l'homme, il faudrait un grand livre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 167.
CHAPITRE VIII
L'immensité intime
«L'immensité est, pourrait-on dire, une catégorie philosophique de la rêverie. Sans doute, la rêverie se nourrit de spectacles variés, mais par une sorte d'inclination native, elle contemple la grandeur. Et la contemplation de la grandeur détermine une attitude si spéciale, un état d'âme si particulier que la rêverie met le rêveur en dehors du monde prochain, devant un monde qui porte le signe d'un infini.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 168.
«L'immensité est en nous. Elle est attachée à une sorte d'expansion d'être que la vie refrène, que la prudence arrête, mais qui reprend dans la solitude. Dès que nous sommes immobiles, nous sommes ailleurs; nous rêvons dans un monde immense. L'immensité est le mouvement de l'homme immobile. L'immensité est un des caractères dynamiques de la rêverie tranquille.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 169.
«Nous hésiterions quant à nous, devant le terme de transcendant psychologique. Du moins, il est un bon index pour diriger la recherche phénoménologique vers les au-delà de la psychologie courante. Comment mieux dire que les fonctions de la description — aussi bien de la description psychologique que la description objective — sont ici inopérantes. On sent qu'il y a autre chose à exprimer que ce qui s'offre objectivement à l'expression. Ce qu'il faudrait exprimer, c'est la grandeur cachée, une profondeur.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 170.
«... il y a un adjectif dont le métaphysicien de l'imagination doit se méfier: c'est l'adjectif ancestral. À cet adjectif en effet, correspond une valorisation trop rapide, souvent toute verbale, jamais bien surveillée, qui fait manquer le caractère direct de l'imagination des profondeurs, voire, en général, la psychologie des profondeurs. [...] De toute manière, le mot ancestral, dans le règne des valeurs d'imagination est un mot à expliquer; ce n'est pas un mot explicatif.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 171-172.
«Dans le vaste monde du non-moi, le non-moi des champs n'est pas le même que le non-moi des forêts. La forêt est un avant-moi, un avant-nous. Pour les champs et les prairies, mes rêves et mes souvenirs les accompagnent dans tous les temps du labour et des moissons. quand s'assouplit la dialectique du moi et du non-moi, je sens les prairies et les champs avec moi, dans l,avec-moi, l'avec-nous. Mais la forêt règne dans l'antécédent. Dans tel bois que je sais, mon grand-père s'est perdu. On me l'a conté, je ne l'ai pas oublié. Ce fut dans un jadis où je ne vivais plus. Mes plus anciens souvenirs ont cent ans ou un rien de plus. § Voilà ma forêt ancestrale. Et tout le reste est littérature.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 172.
«... l'immensité est un thème poétique inépuisable.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 173.
«Dans l'âme détendue qui médite et qui rêve, une immensité semble attendre les images de l'immensité. L'esprit voit et revoit des objets. L'âme dans un objet trouve le nid d'une immensité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 174.
«Quelle différence il y a entre les démarches discursives de l'esprit et les pouvoirs de l'âme ...» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 175.
«... l'immensité du côté de l'intime est une intensité, une intensité d'être, l'intensité d'un être qui se développe dans une vaste perspective d'immensité intime. En leur principe, les «correspondances» accueillent l'immensité du monde et la transforment en une intensité de notre être intime. Elles instituent des transactions entre deux types de grandeur.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 176.
«... la dilatation progressive de la rêverie jusqu'au point suprême où l'immensité née intimement dans un sentiment d'extase dissout et absorbe, en quelque manière, le monde sensible.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 177.
«... nous venons d'atteindre la formule qui doit être mise au centre de nos observations phénoménologiques: une immensité sans autre décor qu'elle-même. Cette immensité, [...], est une con9quête de l'intimité. La grandeur progresse dans le monde à mesure que l'intimité s'approfondit. [...]. Lentement, l'immensité s'institue en valeur première, en valeur intime première. Quant il vit vraiment le mot immense, le rêveur se voit libéré de ses soucis, de ses pensées, libéré de ses rêves. Il n'est plus enfermé dans un poids. Il n'est plus prisonnier de son propre être.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 178.
«... ce mot vaste qui donne calme et unité, ce mot qui ouvre un espace, qui ouvre l'espace illimité. Il nous apprend, ce mot, à respirer avec l'air qui repose sur l'horizon, loin des murs des prisons chimériques qui nous angoissent. Il a une vertu vocale qui travaille sur le seuil même des puissances de la voix.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 179.
«Pourquoi négligerions-nous le moindre facteur dans la mesure des facteurs poétiques ? Tout ce qui contribue à donner à la poésie son action psychique décisive doit être inclus dans une philosophie de l'imagination dynamique. Parfois, les valeurs sensibles les plus différentes et les plus délicates se relaient pour dynamiser et agrandir le poème.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 180.
«Mais quelle lenteur de méditation il faudrait savoir acquérir pour que nous vivions la poésie intérieure du mot, l'immensité intérieure d'un mot. Tous les grands mots, tous les mots appelés à la grandeur par un poète sont des clefs d'univers, du double univers du Cosmos et des profondeurs de l'âme humaine.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 180-181.
«Les poètes nous aideront à découvrir en nous une joie si expansive de contempler que nous vivrons parfois, devant un objet proche, l'agrandissement de notre espace intime.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 181.
«... l'arbre a toujours un destin de grandeur. Ce destin il le propage. L'arbre agrandit ce qui l'entoure.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 183.
«Désigner, comme le font à juste titre les psychologues, l'espace vécu comme un espace affectif ne va cependant pas à la racine des songes de la spatialité. Le poète va plus à fond en découvrant avec l'espace poétique un espace qui ne nous enferme pas dans une affectivité. Quelle que soit l'affectivité qui colore un espace, qu'elle soit triste ou lourde, dès qu'elle est exprimée, poétiquement exprimée, la tristesse se tempère, la lourdeur s'allège. L'espace poétique, puisqu'il est exprimé, prend des valeurs d'expansion. Il appartient à la phénoménologie de l'ex.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 183.
«Des qu'une espace est une valeur — et y a-t-il plus grande valeur que l'intimité ? — il grandit.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 183.
«... c'est par leur «immensité» que les deux espaces: l'espace de l'intimité et l'espace du monde deviennent consonnants. Quand s'approfondit la grande solitude de l'homme, les deux immensités se touchent, se confondent.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 184.
«Dans le règne des images, il ne saurait y avoir de contradiction et des âmes également sensibles peuvent sensibiliser la dialectique du centre et de l'horizon d'une manière différente. On pourrait proposer, à cet égard, une sorte de test de la plaine où retentiraient des prises d'infini de types différents. § A une extrémité du test, on devrait placer ce que dit Rilke brièvement en une immense phrase: «La plaine est le sentiment qui nous grandit.» Ce théorème d'anthropologie esthétique est énoncé avec une telle netteté qu'on sent poindre un théorème corrélatif qu'on pourrait exprimer en ces termes: tout sentiment qui nous grandit planifie notre situation dans le monde. § A l'autre extrémité du test de la plaine, on placerait cette page de Henri Bosco [dans Hyacinthe, p. 18]. Dans la plaine, «je suis toujours ailleurs, un ailleurs flottant, fluide. Longuement absent de moi-même, et présent nulle part, j'accorde trop facilement l'inconsistance de mes rêveries aux espaces illimités qui les favorisent». § Entre ces deux pôles de la domination et de la dispersion, que de nuances on trouverait si l'on tenait compte de l'humeur du rêveur, des saisons et du vent.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 184-185.
«... je ne m'imaginais pas que l'illimité était si aisément à notre portée. Il suffit de rêver à la pure profondeur, à la profondeur qui n'a pas besoin de mesure pour être.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 186.
«L'ailleurs et le jadis sont plus forts que le hic et nunc. L'être-là est soutenu par un être de l'ailleurs. L'espace, le grand espace, est l'ami de l'être. § Ah! Comme les philosophes s'instruiraient s'ils consentaient à lire les poètes !» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 188.
«Devant un monde tranquille, dans la plaine pacifiante, l'homme peut connaître le calme et le repos. Mais dans le monde évoqué, dans le monde qu'on imagine, les spectacles de la plaine n'ont souvent que des effets usés. Pour leur rendre leur action, il faut une image neuve. Par la grâce d'une image littéraire, d'une image inattendue, l'âme touchée suit l'induction de la tranquillité. L'image littéraire rend l'âme assez sensible pour recevoir l'impression d'une absurde finesse.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 188.
«Et, une fois de plus, nous voyons s'animer une dialectique de l'immensité et de la profondeur. On ne sait où est le départ des deux hyperboles, l'hyperbole de l'œil trop voyant et l'hyperbole du paysage qui se voit confusément sous les lourdes paupières de ses eaux dormantes. Mais, toute doctrine de l'imaginaire est obligatoirement une philosophie du trop. Toute image a un destin de grandissement.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 190.
«A certaines heures, la poésie propage des ondes de calme. D'être imaginé, le calme s'institue comme une émergence de l'être, comme une valeur qui domine malgré des états subalternes de l'être, malgré un monde trouble. L'immensité a été agrandie par la contemplation. Et l'attitude contemplative est une si grande valeur humaine qu'elle donne une immensité à une impression qu'un psychologue aurait toute raison de déclarer éphémère et particulière. mais les poèmes sont des réalités humaines; il ne suffit pas de se référer à des «impressions» pour les expliquer. Il faut les vivre dans leur immensité poétique.» — Gaston BACHELARD. Chapitre VIII. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 190.
CHAPITRE IX
La dialectique
du dehors et du dedans
«Le philosophe, avec le dedans et le dehors pense l'être et le non-être. La métaphysique la plus profonde s'est ainsi enracinée dans une géométrie implicite, dans une géométrie qui — qu'on le veuille ou non — spatialise la pensée; si le métaphysicien ne dessinait pas, penserait-il ? L'ouvert et le ferme lui sont des pensées. L'ouvert et le fermé sont des métaphores qu'il attache à tout, jusqu'à ses systèmes.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 191.
«L'en-deçà et l'au-delà répètent sourdement la dialectique du dedans et du dehors: tout se dessine, même l'infini. On veut fixer l'être et en le fixant on veut transcender toutes les situations pour donner une situation de toutes les situations. On confronte alors l'être de l'homme à l'être du monde comme si l'on touchait aisément les primitivités. On fait passer au rang d'absolu la dialectique de l'ici et du là. On donne à ces pauvres adverbes de lieu des puissances de détermination ontologique mal surveillées. Bien des métaphysiques demanderaient une cartographie. Mais, en philosophie, toutes les facilités se paient et le savoir philosophique s'engage mal à partir d'expériences schématisées.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 192.
«Où est le poids majeur de l'être-là, dans l'être ou dans le là ? Dans le là — qu'il vaudrait mieux appeler un ici — faut-il de prime abord chercher mon être ? Ou bien, dans mon être, vais-je trouver d'abord la certitude de ma fixation dans un là ? De toute manière, un des termes, toujours, affaiblit l'autre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 192.
«Il faut y réfléchir à deux fois avant de parler, en français, de l'être-là. Enfermé dans l'être, il faudra toujours en sortir. A peine sorti de l'être, il faudra toujours y rentrer. Ainsi, dans l'être, tout est circuit, tout est détour, retour, discours, tout est chapelet de séjours, tout est refrain de couplets sans fin. § Et quelle spirale que l'être de l'homme ! Dans cette spirale que de dynamismes qui s'inversent ! On ne sait plus tout de suite si l'on court au centre ou si l'on s'évade. Les poètes connaissent bien cet être de l'hésitation d'être.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 193.
«L'être de l'homme est un être défixé. Toute expression le défixe. Dans le règne de l'imagination, à peine une expression a été avancée, que l'être a besoin d'une autre expression, que l'être doit être l'être d'une autre expression.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 193.
«La vue dit trop de choses à la fois. L'être ne se voit pas. Peut-être s'écoute-t-il. L'être ne se dessine pas. Il n'est pas bordé par le néant. On n'est jamais sûr de le trouver ou de le retrouver solide en approchant d'un centre d'être. Et si c'est l'être de l'homme qu'on veut déterminer, on n'est jamais sûr d'être plus près de soi en «rentrant» en soi-même, en allant vers le centre de la spirale; souvent c'est au cœur de l'être que l'être est errance. Parfois, c'est en étant hors de soi que l'être expérimente des consistances. Parfois aussi, il est, pourrait-on dire, enfermé de l'extérieur.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 194.
«Rendre concret le dedans et vaste le dehors sont, semble-t-il, des tâches initiales, les premiers problèmes d'une anthropologie de l'imagination. entre le concret et le vaste, l'opposition n'est pas franche. A la moindre touche, la dissymétrie apparaît. Et c'est toujours ainsi: le dedans et le dehors ne reçoivent pas de la même façon les qualificatifs, ces qualificatifs qui sont la mesure de notre adhésion aux choses. On ne peut vivre de la même manière les qualificatifs attachés au dedans et au dehors. Tout, même la grandeur, est valeur humaine et nous avons montré, [...], que la miniature sait emmagasiner de la grandeur. Elle est vaste à sa façon.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 194-195.
«Et comment accueillir une image exagérée, sinon en l'exagérant un peu plus, en personnalisant l'exagération ? Aussitôt, le gain phénoménologique apparaît: en prolongeant l'exagéré, on a en effet quelque chance d'échapper aux habitudes de la réduction.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 197.
«Une philosophie de l'imagination doit donc suivre le poète jusqu'à l'extrémité de ses images, sans réduire jamais cet extrémisme qui est le phénomène même de l'élan poétique.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 198.
«Il faut rendre toute métaphore à son être de surface, la faire remonter de l'habitude d'expression à l'actualité d'expression. Il est dangereux quand on s'exprime de «travailler à la racine». § Précisément, la phénoménologie de l'imagination poétique nous permet d'explorer l'être de l'homme comme l'être d'une surface, de la surface qui sépare la région du même et la région de l'autre. N'oublions pas que dans cette zone de surface sensibilisée, avant d'être il faut dire. Dire, sinon aux autres, sinon à soi-même. Et toujours s'avancer. Dans cette orientation, l'univers de la parole commande tous les phénomènes de l'être, les phénomènes nouveaux, s'entend. Par le langage poétique des ondes de nouveauté courent sur la surface de l'être. Et le langage porte en soi la dialectique de l'ouvert et du fermé. Par le sens, il enferme, par l'expression poétique, il s'ouvre.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 199.
«Alors, à la surface de l'être, dans cette région où l'être veut se manifester et veut se cacher, les mouvements de fermeture et d'ouverture sont si nombreux, si souvent inversés, si chargés aussi d'hésitation que nous pourrions conclure par cette formule: l'homme est l'être entr'ouvert.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 200.
«La porte, c'est tout un cosmos de l'entr'ouvert. C'en est du moins une image princeps, l'origine même d'une rêverie où s'accumulent désirs et tentations, la tentation d'ouvrir l'être en son tréfonds, le désir de conquérir tous les êtres réticents. La porte schématise deux possibilités fortes, qui classent nettement deux types de rêveries. Parfois, la voici bien fermée, verrouillée, cadenassée. Parfois, la voici ouverte, c'est-à-dire grande ouverte. § Mais viennent les heures de plus grande sensibilité imaginante. Dans les nuits de mai, quand tant de portes sont fermées, il en est une à peine entre-bâillée. Il suffira de pousser si doucement ! Les gonds ont été bien huilés. Alors un destin se dessine. § Et tant de portes qui furent les portes de l'hésitation !» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 200.
«Mais pourquoi ne pas prendre le vers du poète comme un petit élément de mythologie spontanée ? Pourquoi ne pas sentir que dans la porte est incarné un petit dieu de seuil. Faut-il aller jusqu'à un lointaine passé, un passé qui n'est pas le nôtre, pour sacraliser le seuil.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 200.
«Qui n'a pas dans sa mémoire un cabinet de Barbe-Bleue qu'il n'eût pas fallu ouvrir, entr'ouvrir ? Ou — ce qui est tout de même pour une philosophie qui professe la primauté de l'imagination —qu'on n'aurait pas dû imaginer ouverte, susceptible de s'entr'ouvrir ?» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 201.
«A quelle profondeur de l'être ne peuvent-ils pas descendre les gestes qui donnent conscience de la sécurité ou de la liberté ? N'est-ce point en raison de cette «profondeur» qu'ils deviennent si normalement symboliques ?» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 201.
«Et puis, sur quoi, vers qui s'ouvrent les portes ? S'ouvrent-elles pour le monde des hommes ou pour le monde de la solitude ?» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 201.
«Le poète, lui, ne recule pas devant le renversement des emboîtements. Sans même penser qu'il fait scandale à l'homme raisonnable, en dépit du simple bon sens, il vit le renversement des dimensions, le retournement de la perspective du dedans et du dehors.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 202.
«Tout projet est une contexture d'images et de pensées qui suppose une emprise sur la réalité.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 202.
«Le phénoménologue [...] prend l'image telle qu'elle est, telle que le poète la crée et il essaie d'en faire son bien, de se nourrir de ce fruit rare; il porte l'image à la frontière même de ce qu'il peut imaginer. Si éloigné qu'il soit d'être un poète, il tente de répéter pour lui la création, de continuer, s'il se peut, l'exagération. Alors, l'association n'est plus rencontrée, subie. Elle est cherchée, voulue. Elle est une constitution poétique, spécifiquement poétique. Elle est sublimation qui est totalement débarrassée des poids organique ou psychiques dont on voulait se libérer, bref elle correspond à ce que nous appelions dans notre introduction sublimation pure.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 203-204.
«Le mot ne suffit pas, l'idée ne suffit pas, il faut que l'écrivain nous aide à renverser l'espace, à nous écarter de ce qu'on voudrait décrire pour mieux vivre la hiérarchie de nos repos.» — Gaston BACHELARD. Chapitre IX. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 205.
CHAPITRE X
La phénoménologie du rond
«Quand les métaphysiciens parlent bref, ils peuvent atteindre à la vérité immédiate, à une vérité qui s'userait par les preuves. On peut alors comparer les métaphysiciens aux poète, les associer aux poètes qui, eux, nous dévoilent, en un vers, une vérité de l'homme intime.» — Gaston BACHELARD. Chapitre X. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 208.
«D'une manière plus générale, la culture philosophique peut-elle être une propédeutique à la phénoménologie ? Il ne le semble pas. La philosophie nous met en présence d'idées trop fortement coordonnées pour que, de détail en détail, nous nous mettions et remettions sans cesse, comme doit le faire le phénoménologue, en situation de départ. si une phénoménologie de l'enchaînement des idées est possible, il faut reconnaître qu'elle ne saurait être une phénoménologie élémentaire. C'est le bénéfice d'élémentarité que nous trouvons dans une phénoménologie de l'imagination. Une image travaillée perd ses vertus premières.» — Gaston BACHELARD. Chapitre X. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 210.
«La philosophie nous mûrit trop vite et elle nous cristallise dans un état de maturité. Comment alors, sans se «déphilosopher», espérer vivre les ébranlements que l'être reçoit des images nouvelles, des images qui sont toujours des phénomènes de la jeunesse d'être ? Quand on est dans l'âge d'imaginer, on ne sait dire comment et pourquoi on imagine. Quand on saurait dire comment on imagine, on n'imagine plus. Il faudrait donc se dématuriser.» — Gaston BACHELARD. Chapitre X. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 211.
«En nous disant que l'être est rond, le métaphysicien déplace d'un coup toutes les déterminations psychologiques. Il nous débarrasse d'un passé de songes et de pensées. Il nous appelle à une actualité de l'être. A cette actualité resserrée dans l'être même d'une expression, le psychanalyste ne peut guère s'attacher. Il juge une telle expression humainement insignifiante du fait même de son extrême rareté. Mais c'est cette rareté qui éveille l'attention du phénoménologue et qui l'invite à regarder avec un regard neuf dans la perspective d'être signalée par les métaphysiciens et les poètes.» — Gaston BACHELARD. Chapitre X. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 212.
«Et pour un rêveur de mots, quel calme dans le mot rond ! Comme il arrondit paisiblement la bouche, les lèvres, l'être du souffle ! Car cela aussi doit être dit par un philosophe qui croit à la substance poétique de la parole. Et quelle joie professorale, quelle joie sonore de commencer la leçon de métaphysique, en rupture avec tous les être-là en disant: «Das Dasein ist rund». L'être est rond. Et puis d'attendre que les roulements de ce tonnerre dogmatique s'apaisent sur les disciples extasiés.» — Gaston BACHELARD. Chapitre X. In La poétique de l'espace. Presses universitaires de France. Paris, 1989. p. 213.
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