dimanche 25 novembre 2012

Max Picard — Le Monde du silence (Chapitre VII-XII)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.

Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954.

CHAPITRE VII
Le démonisme du silence et la parole

«Dans le silence il n'y a pas seulement un élément salutaire, aimable; il y a aussi un élément obscur, chotonien, terrible, hostile qui peut surgir du fond du silence, infernal, démonique.»  — Max PICARD. «Le démonisme du silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 31.

«Mais cet élément menaçant, démonique ne peut pénétrer dans la parole, n'y a de place que si la parole n'est point remplie par l'esprit. Car l'esprit a, dans la parole, la force de vaincre le démonique. Le silence perd son caractère terrible, le terrible est exorcisé par la parole qu'habite l'esprit, c'est-à-dire par la vérité et l'ordre.»  — Max PICARD. «Le démonisme du silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 31.

«Dans l'esprit qui est dans la parole, réside une trace du logos divin; par là, la parole reçoit la puissance de se soumettre le démonique.»  — Max PICARD. «Le démonisme du silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 32.

«La forêt vierge du silence donna, grâce à l'esprit qui est en la parole, le sol bienveillant du silence qui porte et nourrit la parole.»  — Max PICARD. «Le démonisme du silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 33.

«Par la parole, le silence cesse d'être dans un isolement démonique, il devient la sœur aimable de la parole.»  — Max PICARD. «Le démonisme du silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 33.

CHAPITRE VIII
Parole et geste

«Le geste appartient à une toute autre catégorie que la parole, il n'est point détaché des états affectifs qui le provoquent, il y est mêlé, il en est une partie et, le plus souvent, il exprime un vouloir. La parole, au contraire, exprime une existence, une totalité et non pas seulement quelque chose qui ressortit à la volonté et n'est qu'une partie de l'être. La parole contient plus d'être que de volonté affective. La parole est même être si peu commun qu'elle crée elle-même de l'être.»  — Max PICARD. «Parole et geste». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 34.

«Jamais l'homme n'aurait pu arriver, par degrés, du geste à la parole, car le geste quelque chose d'irrédimé, il est même ce qui est nettement irrédimé; ce n'est que par un acte créateur particulier que quelque chose de libre peut naître de lui.»  — Max PICARD. «Parole et geste». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 34.

«... la parole est claire, libre, souveraine, elle s'élève au-dessus de soi, elle laisse tout derrière soi sauf le silence d'où elle vient; le geste, au contraire, est serf, irrédimé, encore tout entremêlé de la matière dont il use pour tenter de se mettre sous nos yeux, il est lié à la matière, prise en elle, il ne se porte par librement vers la matière comme le fait l'esprit dans la parole.»  — Max PICARD. «Parole et geste». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 34.

«Le langage est entièrement ontique, au point que tout élément génétique y est sans importance, y paraît comme englouti par la puissance de l'ontique. Même si le langage était le produit de l'évolution, celle-ci n'entrerait pas en considération, elle n'existerait pas, elle serait entièrement absorbée par l'ontique.»  — Max PICARD. «Parole et geste». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 35.

«Le langage fait partie de l'être même de l'homme, il en est un élément, se fond en lui. [...] § Le langage ne peut être déduit que d'un autre existant, d'un existant qui est encore plus puissant que l'existant qui est dans le langage.»  — Max PICARD. «Parole et geste». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 35.

CHAPITRE IX
Les langues anciennes

«Les langues anciennes ont une structure radiale; elles commencent toujours à partir d'un centre (ce centre est le silence); elle y reviennent, prenant toujours à nouveau leur élan à partir de ce centre; il est comme une fontaine jaillissante dont les jets partent du centre en un arc, y reviennent et disparaissent à nouveau en lui.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 36-37.

«Dans la langue encore jeune, il y a un mélange de crainte et de puissance: de crainte parce qu'elle vient de sortir du silence, de puissance parce qu'elle doit se fixer pour ne pas être effacée et ne pas disparaître.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 37.

«La langue jeune devait donc se fixer; elle était statique. Les mots sont comme des pieux; chaque pieu est là comme pour soi; il n'y a presque pas de chemin menant d'un mot à l'autre. L'architecture de la langue est verticale. Un mot s'enfonce après l'autre dans la phrase, perpendiculairement, comme une colonne.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 37.

«Dans la langue d'aujourd'hui, l'existant, le présent, le statique ne comptent plus; la phrase est devenue dynamique; un mot se hâte vers un autre, une phrase vers une autre. L'architecture de la langue est changée, les colonnes verticales sont couchées, l'horizontale détermine la phrase [...]. La phrase devient fluide, dynamique.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 37-38.

«Dans les langues anciennes, la parole n'est que l'interruption du silence. Chaque parole est bordée de silence. Elle est ainsi d'abord en soi-même et, ensuite seulement, elle se joint à la parole qui suit; elle est modelée, elle reçoit une forme de la limitation que lui impose le silence.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 38.

«Dans les langues anciennes, il y a un silence dans l'intervalle de deux paroles. La langue respire du silence, elle prononce du silence et, le prononçant, le conduit au grand silence dont elle est venue.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 39.

«Il est important que les langues anciennes soient enseignées dans les écoles, car notre propre langue y aperçoit la naissance de la parole à partir du silence, la puissance du silence sur la parole, l'action salutaire du silence pour la parole.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 39.

«Il est important aussi que les dialectes soient sauvegardés. Car un homme qui parle habituellement un dialecte ne peut pas, dans la langue écrite, avancer sans gêne, de mot en mot; il faut qu'il reprenne toujours son élan à partir du dialecte, pour arriver dans la langue écrite; celle-ci n'est point pour lui quelque chose qui va de soi et qui n'est que par trop tout prêt.»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 39.

«Un phénomène humain ne peut s'étendre au delà d'une certaine mesure sans se détruire; il en est apparemment de même de la langue ...»  — Max PICARD. «Les langues anciennes». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 40.

CHAPITRE X
Le moi et le silence

«L'homme dont l'être est encore habité par le silence va du silence au monde extérieur; le silence est le centre de l'homme. Le mouvement ne se fait pas alors immédiatement d'un homme vers un autre, mais du silence de l'un au silence de l'autre.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 41.

«Chez les hommes d'aujourd'hui, la situation est renversée: ce qui est premier, c'est le mouvement vers l'extérieur; ce n'est que comme par hasard qu'il rencontre quelque chose; il s'est déjà produit avant que soit déterminé pourquoi il se produit; il devance toujours l'homme même ...»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 41-42.

«Aujourd'hui encore, au milieu du monde du bruit, la substance du silence habite encore parfois un homme.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 42.

«Un homme en qui est active la substance silencieuse porte sur soi le silence dans chacun de ses mouvement; aussi sont-ils lents, ils ne se heurtent pas avec violence; ils sont portés par le silence; ils ne sont pas autre chose que des vagues de silence; et cependant cet homme est là, distinctement et sa parole est là, distinctement. C'est un événement que l'homme se soit détaché du silence; son apparition est plus distincte que là où fait défaut le silence et où l'homme et la rumeur sont un seul bruit continu. § La sublimité inhérente à cet homme vient de ce qu'il apporte le silence dans le monde.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 43.

«Là où pénètre le silence, l'individu ne remarque pas d'opposition entre lui et la communauté, car l'individu et la communauté ne sont pas en face l'un de l'autre, mais ils sont tous deux en face du silence; la différence entre l'individu et la communauté cesse d'avoir de l'importance en face de la puissance du silence. § Aujourd'hui, l'individu n'est plus en face ni du silence ni de la communauté; il est seulement en face d'un bruit général, et l'individu est seulement celui qui, certes, ne possède plus le bruit, le bruit universel, mais ne possède pas non plus encore le silence. Il est isolé du bruit et isolé du silence; c'est un égaré.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 43-44.

«Dans un monde où le silence est actif, la solitude ne dépend pas du subjectif, elle ne vient pas de lui. La solitude se tient devant l'homme comme quelque chose d'objectif, même la solitude qui est en lui-même; elle se tient là, devant lui en tant que silence.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 44.

«Le saint accueillait en soi la solitude comme si elle venait d'un tiers, il l'accueillait comme quelque chose allant de soi [...]. Mais quand la solitude est seulement une partie de notre être intérieur, elle use l'homme et il dépérit de son fait.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 44.

«Un homme qui possède encore en soi de la substance silencieusen'a pas besoin de prêter sans cesse attention à son être intérieur; il n'a pas besoin de recourir à la volonté pour mettre de l'ordre en tout; bien des choses s'ordonnent d'elles-mêmes grâce à la puissance de la substance silencieuse qui adoucit les oppositions. Cet homme peut avoir des qualités qui ne s'accordent pas sans que surgisse, pour cela, une crise; les oppositions ont assez de place dans la substance silencieuse.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 44.

«La vie n'est point déchirée ici entre la foi et la science, la vérité et la beauté, la vie et l'esprit; c'est la réalité entière qui est placée devant l'homme et non point la polarité des concepts; l'existence de l'homme se joue non pas dans une alternative, à son extrême pointe, mais dans la médiation; entre les oppositions, il y a la substance silencieuse et elle les empêche de devenir agressives les unes envers les autres. Chacune doit d'abord franchir la vaste et apaisante plaine du silence avant de pouvoir parvenir à un autre. La substance silencieuse s'entremet donc entre les oppositions. § Ici seulement, l'homme est au-dessus de sa propre contradiction; ici seulement, il a de l'humour. Car en face su silence, la contradiction ne compte pas; elle ne choque pas; elle est absorbée par le silence.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 45.

«Quand il a encore en soi de la substance silencieuse, l'homme supporte mieux ce qui est hostile à son être, ce qui l'use. [...] La vie avec les machines, la technique n'est pas en soi nuisible. Elle est nuisible seulement lorsque fait défaut la substance silencieuse qui protège l'homme.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 45.

«... les possibilités qui ne sont pas réalisée sont une nourriture pour le silence; par elles, le silence acquiert plus de force et, à son tour, devient une nourriture puissant pour tout ce qui se réalise autrement.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 45-46.

«Mais elle [la possibilité de la poésie] n'est pas absente, elle ne se réalise pas seulement; elle se repose dans le silence; elle reprend des forces. Il y a cependant de la beauté dans semblable silence et la beauté vient du poème qui imprègne tout en silence.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 46.

«Aujourd'hui il n'y a pas de substance silencieuse; toutes les choses sont présentes à la fois, récalcitrantes, opprimantes et l'homme qui ne peut laisser s'enfoncer cette surabondance dans le silence, la laisse se volatiliser dans le vide de la phrase et y sombrer.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 46.

«Une véritable éducation, un véritable enseignement sont fondés sur cette substance silencieuse.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 47.

«La substance silencieuse est aussi le lieu où se déroule la métamorphose d'un homme. Sans doute l'esprit est-il la cause de cette métamorphose, mais, sans le silence, la métamorphose n'est pas réalisable, car, lors de cette métamorphose, l'homme n'est en état de se détacher de tout le passé que s'il peut interposer le silence entre ce qui est passé et ce qui est nouveauté. § Aujourd'hui, où le silence fait défaut, l'homme ne peut plus se métamorphoser, il peut seulement se développer; c'est pourquoi l'évolution compte tellement aujourd'hui. L'évolution n'a pas lieu dans le silence, mais dans les allées et venues de la discussion.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 48.

«L'immensité du bonheur n'est bien ressentie que dans l'ampleur du silence. Bonheur et silence font un comme mérite et bruit.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 48.

«Souffrance et silence aussi font un. Dans l'ampleur de la substance silencieuse, la souffrance arrive à un équilibre, les simples émotions se perdent dans cette ampleur, mais la souffrance même se manifeste davantage comme souffrance.»  — Max PICARD. «Le moi et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 49.

CHAPITRE XI
Connaissance et silence

«L'ampleur et l'esprit et l'ampleur du silence font un; l'ampleur de l'esprit a besoin d'un corrélatif naturel hors de soi. Certes, l'esprit est autonome et peut créer de soi-même cette ampleur, mais l'ampleur du silence qui vient de la nature est une exhortation pour l'esprit à être ample.»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 50.

«... une extension quantitative doit donner l'illusion de l'ampleur: c'est le signe que l'homme a la nostalgie de la totalité, de l'universalité.»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 50-51.

«L'opposition surprend et le regard rétréci la saisit plus facilement que l'ensemble de la réalité d'une chose qui ne surprend pas. On n'est plus, par exemple, en état d'apercevoir toute la réalité de la vie, toute la réalité de l'esprit, toute la réalité non plus de la foi et de la science. De la vie et de l'esprit, de la foi et de la science, on ne connaît que leurs oppositions: «vie est esprit», «foi et science» ne comptent plus que dans leur polarité et leurs heurts; l'homme ne peut plus accorder à la vie et à l'esprit pour soi, à la foi et à la science pour soi assez d'espace pour que chacun puisse encore exister pour soi.»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 51.

«Il faut exagérer parce que seul ce qui est exagéré est aperçu. Les phénomènes qui ne surprennent pas ne comptent pas aujourd'hui, ils sont comme absents. Une guerre pourrait naître de cette exagération: ce serait une chose terrible entre toutes qu'une guerre jaillit non de la passion ou d'une nécessité politique, mais seulement d'une déficience psychologique de l'homme qui doit exagérer les phénomènes pour remarquer leur présence»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 51.

«Lorsque l'homme est en rapport avec le silence, il n'est point accablé par son savoir; le silence le décharge de ce faix.»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 52.

«Toute la façon de connaître d'un tel homme est pénétré de silence; on ne se sent pas poussé à tout dévoiler; on accorde aussi au silence sa part dans les choses en ne touchant pas beaucoup de choses avec la parole.»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 52.

«De même qu'il n'y a plus aujourd'hui de différence entre le silence et la parole — le silence n'est plus un phénomène pour soi, le silence aujourd'hui est seulement parole non encore proférée —, de même il n'y a plus de différence entre ce qui a été acquis par la recherche et ce qui ne l'a pas été; ce qui ne l'a pas été, ce qui est voilé n'est également plus un phénomène pour soi, c'est seulement ce qui n'a pas encore été acquis par la recherche.»  — Max PICARD. «Connaissance et silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 53.

CHAPITRE XII
Les choses et le silence

«La puissance de l'ontique passe aux choses qui sont dans le silence. L'ontique des choses est renforcé par le silence; ce qui ressortit à l'évolution est éloigné du monde du silence, ne prévaut pas contre le silence, n'arrive à rien contre lui. § Être et silence font un. Des époques qui ne sont plus en rapport avec le silence — c'est le cas de celle d'aujourd'hui — ne se soucient plus de l'ontique des choses, elles se préoccupent de leur devenir, de leur évolution, de transformation, de révolution.»  — Max PICARD. «Les choses et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 54.

«C'est dans l'être qu'est la totalité d'une chose; le devenir emporte dans son mouvement seulement une petite partie de l'être et la parole, qui décrit le devenir, approche la réalité d'une chose seulement dans la mesure où, dans le devenir, se trouvent des parties de l'être.»  — Max PICARD. «Les choses et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 54.

«Chaque objet a en soi un fond qui vient de plus loin que la parole désignant cet objet. Ce fond, l'homme ne peut le rencontrer autrement que par le silence. [...] Ce fond dans l'objet, l'homme ne peut donc le prendre dans la parole.»  — Max PICARD. «Les choses et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 55.

«L'homme ne perd rien à ne pas pouvoir faire entrer dans la parole ce fond des choses. Ce fond ineffable relie l'homme à l'état primitif antérieur à la parole, et c'est là ce qui est important. Ce fond ineffable des choses est signe que les choses n'ont pas été crées et montées par l'homme lui-même. Si les choses avaient été produites par lui, dans la connaissance qu'il en a, c'est-à-dire dans la parole, il en aurait l'entière possession.»  — Max PICARD. «Les choses et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 55.

«La parole qui vient du silence enveloppe l'objet avec cette force propre à ce qui est originel qu'elle reçoit du silence; l'objet participe à la nature originelle de la parole, il s'épanouit grâce à la parole, il croit en être. § Si la parole ne possède plus la force de l'originel, elle devient simple son qui peut seulement effleurer la surface de l'objet; elle met seulement une étiquette à la chose.»  — Max PICARD. «Les choses et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 56.

«Deux formations menaçantes se dressent donc en face l'une de l'autre: le chaos de la machinerie de la parole qui veut résoudre chaque chose en bruit et le chaos de la machinerie de la chose qui, détachée de la parole, attend de se créer à soi-même un langage dans le fracas d'une explosion. De même que, parfois, un muet pousse un cri à faire croire qu'il déchire sa chair afin d'arriver à la parole, de même, aujourd'hui, les choses éclatent et explosent comme si elles voulaient s'ouvrir violemment en un son: c'est le son que rend la décadence.»  — Max PICARD. «Les choses et le silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 57.

jeudi 25 octobre 2012

Max Picard — Le Monde du silence (Chapitre I-VI)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.

Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954.

PRÉFACE

«... quand nous parlons d'humilité, c'est d'ordinaire à la fausse humilité que nous pensons et rien n'est à vrai dire, plus déplaisant, car la fausse humilité est contraire à une certaine dignité essentielle de l'être humain.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. x.

«L'image est comme une station sur le chemin qui mène du silence au mot, elle éveille chez l'homme le souvenir d'un mode d'existence antérieur au moi et comme la nostalgie de ce mode d'existence.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. xi.

«... lorsque des êtres humains causent ensemble, il y a toujours avec eux un tiers qui écoute et qui est le silence. Mais ceci n'est intelligible qu'à condition de distinguer entre la parole et le bavardage. Quand deux êtres bavardent, ce tiers fait défaut, peut-être en réalité parce qu'il n'y a plus personne, mais seulement des espèces de mécaniques qui fonctionnent.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. xii.

«Le silence unifie en quelque façon le présent, le passé et l'avenir. Or dans l'amour il y a plus de silence que de paroles. Et on comprend dès lors que ceux qui s'aiment soient comme soulevés au-dessus du temps. Les dons de prémonition et même de clairvoyance qui leur sont parfois impartis sont justement liés à cette qualité supratemporelle du silence. § Mais on peut aller plus loin. C'est dans le silence qu'il faudrait chercher comme les assises naturelles sur lesquelles peut se développer la vie surnaturelle de la foi.» — Gabriel MARCEL. «Préface». In Max PICARD. Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. xiii.

INTRODUCTION

«... c'est quand cesse la parole que commence le silence. Mais il ne commence pas parce que cesse la parole. Il se manifeste alors seulement. § Le silence est un phénomène pour soi. § Il n'est donc pas identique à la suspension de la parole; il n'est nullement une réduction; il est quelque chose qui constitue un tout, quelque chose qui subsiste par soi; il fait naître à la vie comme la parole et il informe l'homme comme la parole, seulement ce n'est pas dans la même mesure. § Le silence fait partie de la structure fondamentale de l'homme.» — Max PICARD. «Introduction». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 1.

«C'est par la parole et non par le silence que l'homme est d'abord homme. La parole a la suprématie sur le silence. § Mais la parole dépérit quand elle n'est plus en rapport avec le silence.» — Max PICARD. «Introduction». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 1.

«On s'étonnera peut-être qu'avec la parole, on puisse articuler des affirmations sur le silence. Mais on ne s'en étonnera que si l'on conçoit le silence comme un non-existant, comme un néant. Or le silence est, il est une réalité et la parole peut articuler des affirmations sur toute réalité. § Parole et silence font un: la parole est instruite du silence comme le silence de la parole.» — Max PICARD. «Introduction». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 1-2.


CHAPITRE I
Aspect du silence

«Le silence n'a rien de négatif; il n'est pas seulement le fait de ne pas parler; il est chose positive; il est un monde plein pour soi.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 3.

«Le silence a tout en soi; il n'attend rien; il est toujours entièrement là et remplit toujours entièrement l'espace où il apparaît. § Il ne se développe pas, il ne croît pas dans le temps, mais le temps croît dans le silence. Il semble que le temps ait été jeté comme une semence dans le silence, qu'il lève en lui; le silence est comme le sol où le temps s'accomplit.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 3.

«Le silence est aujourd'hui le seul phénomène qui soit «sans utilité». Il n'a pas de place dans le monde présent de l'utile; il n'est rien que là; il ne semble pas avoir d'autre fin; on ne peut l'exploiter.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 4.

«... le silence est en dehors du monde de l'utile; on ne peut rien faire avec lui; le silence ne sert, ne mène littéralement à rien; il est «improductif»; aussi ne compte-t-il pas. § Et cependant, il vient du silence plus de scrous et de salut que de tout ce qui est utile. Lui qui est sans but se place à côté de ce qui n'a que trop un but; il apparaît brusquement à côté de lui; il effraie par son absence de but; il interrompt l'écoulement de ce qui n'a que trop un but. Il donne de la force à ce que l'on ne peut toucher dans les choses; il adoucit le dommage que leur exploitation cause aux choses; il restitue aux choses leur intégralité en les enlevant au monde de l'utile, à sa frangmentation et en les replaçant dans le monde de l'existence intégrale. Il done aux choses de l'inutilité sacrée, car c'est bien ce qu'est le silence: inutilité sacrée.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 4-5.

«Il n'ya a point ici de mouvement que la loi ait à ordonner: existence et action font un tout dans le silence. C'est comme si toutes la trajectoire d'une école était brusquement ramassée en une seule lumière: ainsi font un dans le silence existence et action.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 5.

«Le silence remet aux choses qui sont en lui une part de sa puissance ontique. Ce qu'il y a d'ontique dans les choses est renforcé dans le silence. Ce qui, dans les choses, ressortit à l'évolution est comme absent dans le silence. § Par cette puissance de l'ontique, le silence renvoie à un état où seul, l'être compte, à l'état divin. La trace du divin dans les choses est sauvegardée par cette relation avec le monde du silence.» — Max PICARD. «Aspect du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 5.

CHAPITRE II
Le phénomène premier du silence

«Le silence est un phénomène premier, c'est-à-dire qu'il est une donnée primaire que l'on ne peut ramener à rien. Il ne peut être remplacé par rien d'autre; il ne peut être confondu avec rien; il n'y a rien derrière lui, rien à quoi on puisse le rapporter sauf le Créateur lui-même. § Le silence remonte aux origines et, en même temps, son existence va de soi, comme pour les autres phénomènes premiers: l'amour, la fidélité, la mort, la vie. Il a existé bien avant eux tous et, en eux tous, il y a du silence. Mais le silence est le premier des phénomènes premiers.» — Max PICARD. «Le phénomène premier du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 6.

«Dans le silence, l'homme se trouve donc en face du premier commencement; tout peut une fois encore commencer à nouveau; tout peut être refait neuf. À chaque instant, l'homme peut, par le silence, se trouver au premier commencement.» — Max PICARD. «Le phénomène premier du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 7.

«Le silence émerge dans le bruit du monde d'aujourd'hui comme quelque chose qui remonte aux premiers temps.» — Max PICARD. «Le phénomène premier du silence». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 7.


CHAPITRE III
Le silence et la genèse de la parole

«La parole est sortie du silence, de la plénitude du silence. Cette plénitude aurait explosé de soi-même si elle n'avait pu s'écouler dans la parole. § La parole, qui tire son origine du silence, est là comme par une mission; elle tient sa légitimation du silence qui la précéda.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 8.

«La parole naît du silence de manière si naturelle et si inaperçue qu'il semble qu'elle soit seulement silence retourné, revers du silence. Et c'est bien aussi ce qu'est la parole: le verso du silence, comme le silence est le verso de la parole.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 8.

«C'est seulement lorsqu'un homme parle à un autre homme que celui-ci apprend que la parole n'appartient plus au silence, mais à l'homme; c'est par le toi de l'autre qu'il l'apprend; c'est seulement par le toi que la parole appartient intégralement à l'homme et non plus au silence. § Mais quand deux hommes s'entretiennent, il y a toujours un tiers présent: le silence; il écoute.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 8-9.

«L'origine du langage comme de toute créature demeure impénétrable parce que cette origine est dans l'amour parfait du Créateur. C'est seulement en vivant de manière continue dans l'amour total que l'homme pourrait apprendre l'origine du langage et de ce qui est créé.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 9.

«Le silence est là comme un monde; le monde que contient le silence enseigne à la parole à se former soi-même comme un monde: le monde du silence et le monde de la parole se font vis-à-vis.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 10.

«La musique est silence qui rêve et se met à devenir sonore.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 10.

«... grâce à la musique, le lointain de l'espace et le proche, l'illimité et le limité se rejoignent avec une douceur infinie qui constitue un bienfait pour l'âme: elle peut vagabonder bien loin dans la musique et cependant, elle y est partout gardée et ramenée sûrement chez soi.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 11.

«Le langage est donc monde, non pas seulement appendice d'un monde; il a une plénitude qui dépasse tout ce qui a un but pratique; il y a plus en lui qu'il ne serait nécessaire pour que l'on se comprit seulement.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 11.

«Le silence peut exister sans la parole, mais non pas la parole sans le silence. La parole serait sans profondeur si lui manquait l'arrière-plan du silence. Cependant le silence n'est pas plus que la parole, au contraire: le silence pour soi seul, le monde du silence sans la parole est de l'ordre de ce qui précède la Création, il est Création inachevée.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 12.

«C'est donc seulement par la parole que l'homme commence à être.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 12.

«Le silence s'accomplit seulement du fait que la parole naît de lui; c'est seulement par la parole qu'il reçoit sens et dignité. De sauvage, de pré-humain qu'il était, le silence devient, par la parole, domestique, humain.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 12.

«Dans l'esprit de l'homme, le silence se présente comme connaissance du deus absconditus, du Dieu caché. § Dans l'âme de l'homme, le silence est présent comme harmonie muette avec les choses et aussi comme harmonie perceptible, musique. § Dans le corps de l'homme, le silence apparaît comme beauté.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 13.

«Jamais l'homme n'aurait été capable de créer lui-même la parole à partir du silence. La parole est quelque chose de si entièrement différent du silence que jamais l'homme n'aurait pu faire lui-même le saut du silence dans la parole.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 13.

«La Parole, apparue il y a deux mille ans, était en route vers les hommes depuis le commencement des temps et elle fit donc, depuis le premier commencement, une déchirure allant du silence à la parole. Si immense fut cet événement d'il y a deux mille ans que tout le silence fut déchiré de tout temps par la Parole. Le silence en tremblait d'avance et se disloqua.» — Max PICARD. «Le silence et la genèse de la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 14.

CHAPITRE IV
Silence, parole et vérité

«La parole est plus que le silence et cela parce que c'est en elle que se manifeste la vérité. [...] La vérité  n'est dans le silence que dans la mesure où il participe à la vérité qui est dans l'ordre de l'être en général.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 15.

«Sans la vérité, la parole serait seulement un brouillard verbal général au-dessus du silence; sans elle, elle s'affaisserait en un murmure indistinct; c'est seulement la vérité qui donne à la parole netteté, fermeté.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 15.

«Par la vérité, la parole devient indépendante par rapport au silence; elle devient un monde et, désormais, la parole n'a pas seulement un monde derrière soi, celui du silence, elle en porte aussi un avec soi: celui de la vérité.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 15.

«La proximité du silence signifie aussi la proximité du pardon et de l'amour, car la base naturelle du pardon et de l'amour, c'est le silence.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 16.

«Il y a une pente qui va du silence à la parole, à sa vérité et la force de cette pente pousse la vérité à sortir de la parole et à passer dans l'action du monde.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 16.

«Par essence, l'homme n'est pas en état de faire passer entièrement la vérité dans la parole. L'espace de la parole qui n'est pas entièrement rempli par la vérité, il le comble par la tristesse. La tristesse peut alors étendre une parole jusqu'au silence où elle veut l'engloutir.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 17.

«Il y a autour de la vérité une lumière éclatante. Cet éclat est signe que la vérité peut s'étendre, s'étendre partout, car tout éclat veut s'étendre. § Cette lumière éclatante autour de la vérité, c'est la beauté.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 17.

«L'éclat de la beauté qui repose sur le silence, annonce l'éclat qui est en la parole de vérité.» — Max PICARD. «Silence, parole et vérité». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 18.

CHAPITRE V
Le silence dans la parole

«La parole et le silence font un.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 19.

«La parole de l'homme n'est pas déterminée seulement par la vérité, mais encore par la bonté: dans la bonté, la parole se retourne vers son origine.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 19.

«C'est dans la parole qui fut en relation avec le plus grand silence qu'il y a la plus grande bonté.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 19.

«Le silence est la base naturelle de l'immensité de l'esprit.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 20.

«Le silence est pour la parole nature, réconfort, état sauvage. La parole reçoit du silence une fraîcheur nouvelle, elle s'y purifie de l'impiété dont elle est l'origine. Dans le silence, la parole retient son souffle et s'emplit à nouveau de vie originelle.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 20.

«La perfection est atteinte quand la spontanéité originelle du silence de la nature et celle de l,esprit se rencontrent et s'unissent chez un homme ...» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 21.

«C'est la victoire de la parole sur le silence qui compte avant tout; il n'y a point là de triomphe, mais conscience pleine de beauté, fierté de l'homme qui sait que c'est seulement par la parole qu'il est devenu homme et qui, pour ce motif, manie la parole avec fierté.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 21-22.

«L'homme vit à mi-chemin entre le monde du silence dont il vient, et le monde de l'autre silence où il va, de la mort. [...]. § L'innocence, la naïveté, la spontanéité originelle, la parole les reçoit du silence dont elle vient; la brièveté, la fugitivité, la fragilité et le fait que la parole ne correspond jamais entièrement à ce qu'elle dénomme, cela vient du second silence, la mort.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 22.

«Aujourd'hui la parole est éloignée des deux mondes du silence; elle naît du bruit et disparaît dans le bruit; le silence n'est plus aujourd'hui un monde pour soi; il est seulement le lieu où le bruit n'a pas encore pénétré; il est seulement une interruption du bruit; un instant, l'appareil à bruit ne fonctionne pas; voilà le silence aujourd'hui: du bruit qui ne fonctionne pas.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 22.

«... la mort n'est plus aujourd'hui un monde pour soi; elle est seulement quelque chose de négatif: arrêt, extrémité de ce que l'on appelle la vie, vie vidée; voilà ce qu'est aujourd'hui la mort. C'est la mort qui a été tuée elle-même de cette manière.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 23.

«Quant la parole n'est plus en rapport avec le silence, elle ne peut plus se régénérer, elle perd de sa substance.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 23.

«C'est seulement dans le langage des poètes qu'apparaît encore parfois la véritable parole, celle qui est en rapport avec le silence.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 23.

«Une parle s'enfonce dans le silence, elle est oubliée; l'oubli prépare aussi le pardon.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 24.

«La parole [...] vient du silence et y retourne. C'est comme si, derrière le silence, se trouvait la parole absolue vers qui la parole humaine se dirige à travers le silence. C'est comme si la parole humaine était tenue par la parole absolue.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 25.

«Les différentes langues sont comme des tentatives différentes pour trouver la parole absolue ...» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 25.

«S'il n'y avait qu'une seule langue, elle aurait une situation trop triomphale en face du silence. Elle apparaîtrait trop comme un gain, une conquête, et le silence par trop comme une défaite; ce bien unique et extraordinaire pourrait rendre l'homme présomptueux et il devint, en effet, présomptueux lorsqu'il eut une seule langue commune avec tous les hommes.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 25.

«L'extyraordinaire est alors non plus qu'existe une langue unique, mais que les langues soient les intermédiaires transmettant la vérité.» — Max PICARD. «Le silence dans la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 26.

CHAPITRE VI
L'homme entre le silence et la parole

«La liberté de l'homme décide de la direction de la parole.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 27.

«Par le son, la parole n'est pas seulement tirée du silence et communiquée à autrui; elle est aussi surélevée, placée en tête des autres paroles qui sont encore dans le silence. La parole proférée isole un concept plus qu'il n'est isolé dans le silence.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 27.

«L'homme ne s'aventure pas encore soi-même s'il n'a la parole que dans le silence. Ce n'est que par le son ou quand il écrit la parole que l'homme s'identifie entièrement à la parole.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 27.

«La lueur de transparence de la parole provient de la lueur de ce monde invisible qui tombe sur la parole lorsqu'elle est silencieuse en l'homme.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 28.

«Le silence déclenche en l'homme la tristesse, car il lui rappelle l'état où ne s'était pas encore produite par la parole la chute dans le péché.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 28.

«... l'homme, dans le silence, est comme prêt à restituer la parole à celui dont il l'a reçue, au Créateur. Aussi y a-t-il dans presque chaque silence quelque chose de sacré.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 28.

«Du silence arrive donc, sans cesse, comme par un acte créateur, ce qui est entièrement autre, la parole. Par là, l'acte de l'élément créateur est incorporé à la structure fondamentale de l'homme. § L'élément créateur pénètre ainsi l'homme; il n'est donc point chose singulière en lui, mais chose allant de soi; il est ce par quoi l'homme est homme de même qu'il est homme par la parole; l'élément créateur est, comme la parole chose qui va de soi en l'homme.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 29.

«Ici donc, dans le silence, l'homme vit à mi-chemin entre son anéantissement — car le silence peut être le commencement de la perte de la parole — et sa résurrection.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 29.

«Il semble qu'il [le Pascal du Mémorial et des Pensées] veuille tourjours recommencer là où il fut lui-même réellement commencé; il semble qu'il veuille sans cesse répéter, ne pas quitter cet événement par lequel il reçut la parole comme pour la première fois et par lequel il naquit de nouveau. Ces fragments ne sont pas des fragments, mais la somme de la résurrection de l'homme.» — Max PICARD. «L'homme entre le silence et la parole». Le Monde du silence. Presses universitaires de France. Paris, 1954. p. 30.

mardi 3 avril 2012

Georges Dwelshauvers — L'Inconscient (Chapitre VII-X)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.

Georges DWELSHAUVERS. L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919.

CHAPITRE VII
L'inconscient et la vie religieuse

«L'analyse des convictions de la foi, sous leurs formes différentes, a montré que le positiviste ou le savant qui poussent des cris de réprobation quand on leur parle d'âme ou d'Être suprême, adorent des idoles d'une classe beaucoup inférieure et se font des fétiches de la Science, de l'Évolution et d'autres entités impersonnelles et vides, Incapables de s'élever à des enthousiasmes plus lyriques, ils nient ce qu'ils ne peuvent concevoir; mais le besoin de croyance se venge sur eux; ils croient, mais leur foi manque quelque peu d'envolée; ils retournent à d'obscures superstitions et nient les formes évoluées du sentiment religieux.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 256-257.

«Le point de vue historique et social ne peut être que d'un très petit secours à celui qui s'efforce de comprendre la porté d'un sentiment ou la valeur d'une idée. Il lui faut mettre ce sentiment et cette idée à l'épreuve, les connaître dans leurs rapports avec l'esprit qui les conçoit, saisir leurs contradictions autant que leur puissance et les apprécier d'après ce qu'ils sont en eux-mêmes, non d'après les phénomènes accessoires qu'ils entraînent.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 257.

«Nous savons que l'inconscient est un réservoir de tendances vivantes, que l'émotivité colore la plupart de ses processus et que, dans ses manifestations intégrales, l'inconscient ne se répète pas, mais crée du nouveau. Il est impossible d'étudier la psychologie religieuse sans tenir compte de l'inconscient.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 258.

«Avant tout, la vie religieuse suppose la mise en œuvre de forces sui generis qui élèvent l'individu au-dessus de lui-même, qui le transportent dans un autre milieu que celui où s'écoule son existence profane et qui le font vivre d'une vie très différente, plus haute et plus intense. Le croyant n'est pas seulement un homme qui voit, qui sait des choses que l'incroyant ignore: c'est un homme qui peut davantage. Les fidèles peuvent se représenter inexactement le pouvoir qu'ils s'attribuent, le sens dans lequel il s'exerce. Mais ce pouvoir, en lui-même, n'est pas illusoire. C'est lui qui a permis à l'humanité de vivre.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 262.

«Le processus décrit est exactement celui que nous fait connaître Poincaré à propos de l'invention scientifique: la volonté conscient prépare l'idée, l'inconscient l'élabore, soumis comme il l'est, à une discipline de travail par cette volonté, et finalement l'idée, mûrie, se présente à la conscience, enrichie par le travail intérieur de l'esprit. Est-ce de l'automatisme ? Nullement, mais du psychisme latent et actif, des tendance dynamique qui se combinent et ne restent pas inertes. Le rôle important des sentiments et de l'intuition et la réduction de l'entendement ne doivent pas nous tromper ici. Un travail qui échappe à la conscience claire n,est pas nécessairement un travail automatique. Il peut l'être; il peut être autre chose, et, une fois de plus, l'idéation des mystiques, par sa richesse et sa puissance d'organisation, s'éloigne entièrement de l'automatisme pour se rapprocher de l'inconscient dynamique.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 263-264.

«L'idée de Dieu, la présence divine ou toute autre forme d'inspiration sont aussi peu des processus étrangers à l'esprit de l'homme religieux que ne l'est pour le savant la conception soudaine d'une solution longtemps cherchée, et pour l'artiste la vision de l'œuvre qu'il médite et dont il poursuit la construction avec patience et ténacité.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 264.

«... apercevoir la vie spirituelle dans n'importe laquelle de ses manifestations, en avoir vraiment la vision, ou selon le terme usité, l'intuition, c'est avoir en même temps l'intuition de son essence: car elle tout entière présente en chacun de ses moments. Ce que nous observons sous forme d'objet spatial est limité et divisible, comme l'espace lui-même; mais l'élément spirituel n'est pas plus divisible qu'une idée ou un sentiment peuvent l'être.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 268.

«L'intuition est donc un genre de connaissance qui réunit en une affirmation de l'esprit, en tant qu'il est activité et vie, l'affirmation su sujet pensant et de sa relation avec tout ce qui est sujet pensant; mais elle n'est pas uniquement pensée raisonnante, elle est autre chose: elle est sympathie et croyance. Ne sont-ce pas les caractères que révèle l'étude de l'idéation chez le mystique ? L'intelligence comprend, parce que le cœur aime et croit. L'amour et l'affirmation active, à laquelle nous prenons pleine participation, sont les ressorts de l'idéation: l'expérience religieuse nous a permis de préciser cette notion.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 268-269.

«Or, le monde des sujets, l'intelligence seule ne le pénétrera jamais. Il faut, pour entrer en communication avec lui, ce tact particulier au sentiment, cette divination qui lui est propre et qui nous fait découvrir, par une vision sympathique, le secret des êtres; et ceux-ci cessent de n'être plus pour nous que des apparences, des objets; ils deviennent véritablement des sujets.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 271.

«La création du génie a su sympathiser avec les êtres qu'il évoque, il a eu cette vision du dedans qui le met en communication avec l'essence spirituelle, la vie profonde de tout ce qui est. L'homme de génie a la foi, il croit fermement que tout ce qui est vit véritablement e qu'il y a une âme dans les choses; son âme à lui communique avec la vie intérieure de tout ce qui existe, elle en a l'intuition. C'est de ce don de vision et de foi qu'émane la force de persuasion de la parole géniale, son enthousiasme et sa jeunesse.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 272-273.


CHAPITRE VIII
L'inconscient et l'activité cérébrale

«... la biologie n'a pas l'immense avantage de la psychologie, de pouvoir recourir à des données immédiates. La psychologie est beaucoup plus précise et plus sûre; c'est à elles que recourent avec raison toutes les sciences morales; elle leur sert de fondement. Le sentiment de la réaction individuelle, de l,activité subjective, la volition, l'idéation: autant de notions qui ont l'évidence du vécu pour elles et sur lesquelles on s'entendra d'autant mieux qu'on peut se passer de concepts et de définitions quand on en parle; elles échappent aux artifices de l,abstraction. La physiologie ne pourra donc jamais servir de base à la psychologie, car celle-ci est beaucoup plus précise et plus complète qu'elle; elle sera donc seulement une science auxiliaire, dans les problèmes qui nous occupent ici.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 276.

«Il n'y a pas de localisations psycho-physiologiques. Ces localisations sont de la haute fantaisie. Et s'il est impossible de localiser la moindre des sensations, il l'est beaucoup moins encore d'assigner un endroit déterminé de l'écorce cérébrale à ce qu'on nommais jadis des facultés: abstraction, volonté, sentiment, imagination, mémoire. § Ces facultés ne sont que des aspects, dégagés par l'analyse, dans la réalité concrète et intégrale de la vie mentale. Tantôt l'une prédomine, tantôt l'autre. Mais par elles-mêmes, elles ne sont rien que des noms collectifs servant à désigner des groupes de faits. De même, au point de vue physiologique, il n'y a pas de centres présidant à ces fonctions mentales. chacune d'elles a besoin d'une synergie de mouvements, dominés par plusieurs centres d'ordre différent, reliés par des voies d'association.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 283.

«La fonction physiologique qui est la condition qui est la condition d'un acte volontaire n'est donc pas localisée; elle consiste en une action synergique englobant plusieurs centres. Il n'y a de localisé que le point de départ de mouvements musculaires bien déterminés et l'aboutissement de fibres sensibles, dont l'origine et le trajet sont strictement définis par l'étude anatomique.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 285.

«Il est tout-à-fait impossible, dans l'état actuel de la science, de s'imaginer, même très loin, ce qui se produit dans le système nerveux pendant qu'un sentiment s'impose à nous et retentit sur l'idéation tout entière ainsi que sur l'action; il est plus impossible encore de trouver quel peut être le corrélatif physiologique d'une tendance. Il est même probable que la tendance, ainsi que tout dynamisme de la vie mentale, a, comme corrélatif physiologique, des phénomènes dont nous n'avons actuellement aucune idée. Est-ce une raison pour nier l'activité mentale ? N'est-ce pas contraire à tout esprit scientifique de prétendre la réduire aux notions que l'on possède sur le mécanisme nerveux ? N'est-ce pas là une proposition dogmatique, ne reposant sur rien ?» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 288.

«Il est permis de constater dès maintenant qu'à mesure que la connaissance anatomique et histologique du cerveau progresse, tout espoir disparaît de déterminer des localisations psycho-physiologiques. La question des fonctions physiologiques des centres nerveux reste dans le vague et celle de l'activité psychique proprement dite prend une indépendance de plus en plus complète et se fonde sur des méthodes originales, de véritables méthodes psychologiques. La psychologie se dégage chaque jour davantage des systèmes hâtifs et arbitraires que certains physiologistes voulaient lui imposer. Le résultat est excellent.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 292.

«On ne peut assez répéter que toute fonction psycho-physiologique exige la collaboration de plusieurs centres et inversement, que chaque centre prend part vraisemblablement à plusieurs fonctions différentes. C'est ce qui permet d'expliquer, mieux qu'on ne le faisait autrefois, les fonctions vicariantes ou de remplacement, c'est-à-dire le fait que, dans le cas de lésion de certaines régions, d'autres groupes de cellules suppléent, même dans une assez forte proportion, à l'activité en défaut.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 294.

«Tout progrès consiste en un effort pour dépasser le point de développement où l'on est parvenu. Or, l'effort va au delà de l'acquis; il forme la synthèse de l'acquis et d'impressions nouvelles; il exige de la part de l'individu un surcroît d'activité. Le mécanisme cérébral reste en arrière de l'intelligence. Le développement des voies suit ici l'effort. Nous ouvrons véritablement, par notre effort, de nouvelles connexions, de nouvelles associations entre nos éléments nerveux. .» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 295.

«Envisageons un sentiment nouveau qui s'éveille; quel que soit ce sentiment et d'où qu'il provienne, il influence notre pensée et notre action; il nous modifie; son travail favorisera certaines formes d'idéation et de mouvement. Sous son influence, des manières de voir seront abandonnées, d'autres se constitueront. Cette fois aussi, la vie mentale dépasse la mécanisme cérébral. Celui-ci reçoit une impulsion nouvelle qui le modifie fortement.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 296.

«La représentation qui se rapporte à un corps ou à un concept se manifeste soit par la perception sensible de ce corps, soit pas la perception de son souvenir, soit par l'image schématique permettant de le fixer devant l'attention. Or, l'image ne se forme nulle part dans le cerveau. Il n'y a ni carrefour sensible où se composeraient des images au moyen d'éléments empruntés à différents sens, ni centres où viennent se peindre ou se construire une représentation d'objet. L'image n'existe, ne se montre soit à mes sens, soit à ma pensée qu'au moment où je la perçois ou la pense. Après ce moment elle n'existe plus.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 297-298.

«Enfin, s'il s'agit d'un concept, d'une idée ou d'un raisonnement, il serait erroné de croire qu'une zone déterminée les forme ou les conserve. Quand nous les formons, l'activité cérébrale comprend les éléments les plus divers. Ce qui correspond physiologiquement à une idée, c'est la synergie de tous ces éléments. Il serait impossible de nous figurer les échanges multiples qui se produisent alors entre les cellules. Mais la pensée d'une idée ou d'une suite d'idées synthétise en outre une activité considérable et cette synthèse, c'est l'acte de l'esprit, qui n'est pas la combinaison statique d'éléments, mais qui est dynamique essentiellement.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 299-300.

«C'est la complexité même de la synthèse mentale chez l'homme qui exige que chacun de nous refasse tout l'apprentissage déjà fait par tant de générations antérieures. Mais beaucoup de mouvements et de sensations s'associent avec une certaine aisance; il faut sans doute voir dans ce fait l'existence de dispositions acquises, mais qui ne sont que très générales.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 303.

«... l'action dynamogénique des sensations; elle est généralement inconsciente. On ne l'aperçoit que si elle est très marquée; qu'un temps clair et calme agisse sur notre idéation en la facilitant et en lui donnant un mouvement égal et ferme, c'est ce que l'on peut constater sur soi-même; les bons résultats d'une atmosphère de paix autour de soi n'échappent à personne; mais que de simples sensations peu remarquées produisent un effet dynamogénique, c'est ce que l'expérience seule a montré.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 304.

«Ainsi, d'un côté, par le rapport entre l'univers et l'individu et, d'autre part, dans l'unification des tendances qui constituent la personnalité et dans leur emploi par la synthèse et l'acte de l'esprit, l'inconscient dynamique dépasse les fonctions physiologiques. L'on peut affirmer que la vie mentale est créatrice et que nous retrouvons, au fond de notre analyse, ce que nous avons déjà découvert en étudiant l'inconscient psycho-physiologique et le subconscience: je veux dire l'acte de l'esprit, l'activité psychologique propre, irréductible à d'autres processus et tenant suspendus à elle tous les fils qui meuvent l'être pensant.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 313-314.

CHAPITRE IX
L'inconscient et la vie sociale

«... la nécessité de paraître pour réussir dans certaines professions (c'est le cas des médecins et des avocats de nos grands centres), d'avoir une habitation, un train de vie et des vêtements qui en imposent au client (souvent au moins autant que le savoir) crée des habitudes et de dépense, et par là, certains sentiments, certaines manières d'agir qui éloignent fortement nos personnages de la vertu d'un Caton. Ces habitudes, acceptées d'abord, s'ancrent de plus en plus et finissent par limiter les idées, affaiblir les sentiments de bonté: c'est ici l'inconscient automatique qui résulte d'influences sociales.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 317-318.

«... aucune institution sociale, prise d'une manière abstraire, n'existe en soi. Elle n'existe que parce que des individus réels et concrets y collaborent. Et si, à un stade inférieur de développement, les individus présents subissent des formes sociales crées par les individus d'hier, dès qu'ils parviennent à se dégager des obligations qu'elles leur imposent inconsciemment, qu'ils raisonnent et s'entendent, ils sont parfaitement capables de réagir.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 318.

«... à mesure qu'une société se différencie, le rôle de l'individu se dégage et s'affirme de plus en plus, si bien que dans une société arrivée à un degré élevé d'une évolution, l'individu est une unité plus libre que dans une société primitive; son cercle d'action s'étend; l'organisation sociale lui semble n'exister que pour qu'il s'en serve.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 318.

«L'on doit dès lors se demander: existe-t-il un sentiment social ? Ou encore: le sentiment religieux, pour préciser, n'est-il autre chose que le symbole conscient d'un sentiment social qui se serait implanté inconsciemment en nous ?» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 319.

«C'est à la conscience individuelle que, dans l'éducation, toute société évoluée fait appel; c'est elle qu'on élève; on tâche de lui donner le sens de la vérité, le sens de la religion, de l'art, du droit: voilà bien la preuve que la société n'est pas le seul facteur des forces individuelles, mais que celles-ci ont leur valeur et leur indépendance. La société est obligée de reconnaître que le but à poursuivre est précisément le développement de la conscience individuelle; ceux-là seuls se feront une idée du vrai, du droit, de la religion, qui sauront y réfléchir par eux-mêmes, fût-ce en opposition avec les courants sociaux du temps présent.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 321.

«... plus les fonctions sociales se différencient, plus aussi l'individu acquiert de liberté dans ses manifestations intellectuelles et affectives. Ce qui se développe alors, ce sont des initiatives individuelles, des caractères individuels, des entreprises individuelles et aussi des religions et des morales qui relèvent du groupement libre d'individus, sans même que ceux-ci se connaissent. Ceux qui habitent de grandes cités assistent aux cérémonies de leur culte sans avoir le moindre contact avec leur voisin. Chacun pour soi et Dieu pour tous, dit le proverbe. § Dominer, exprimer sa volonté de puissance, voilà à quoi tend l'individu. La société ne lui est bonne que pour autant qu'elle l'y aide: ubi bene, ibi patria.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 321-322.

«Il y a donc dans la société un insurmontable paradoxe; à mesure que la société se développe ou, comme on dit, qu'elle progresse, elle aide comme malgré elle les différents individus à s'affirmer; ses enfants s'émancipent de sa tutelle et se révoltent souvent contre elle. Échapper à l'autorité, se dégager comme on peut, donner libre cours à sa volonté de puissance, tel est le besoin de chacun.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 323.

«Il n'y aura jamais, nie dans les sciences, ni dans la philosophie, de système définitif, et les vérités qui paraissent le mieux assises seront constamment remises en question à cause de cette tendance. L'individualisme est dans la nature humaine. Il se poursuivra, toujours plus décisif.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 324.

«L'inconscient dynamique d'abord nous pousse à l'action, au besoin de nous objectiver, de dominer. L'automatisme ensuite nous maintient dans le genre de vie auquel nous nous sommes adaptés. Il faut, pour s'en dégager et arriver à plus de désintéressement, une orientation très particulière des sentiments, celle qui résulte de leur association avec des idées et de leur bon équilibre par l'exercice de la réflexion.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 325.

«... il y a des foules héroïques (les Croisés; les armées de la République), comme il y a des foules criminelles. C'est avec leur poussées inconscientes que se fait l'histoire.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 326.

«En sociologie, le tout est moins que la somme des parties. L'individu tend à acquérir une importance de plus en plus grande et il n'y aura de société stable, capable de contenter les hommes, que le jour où toutes les questions sociales, pratiques et autres, seront abordées par des concours de volontés libres et réfléchies.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 326-327.

«... une foule se laisse toujours entraîner au delà de ce qui a un sens ...» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 328.

«... tout témoignage est, jusqu'à un certain point, entaché d'erreur, sans que le sujet s'en doute.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 333.

«Le témoin a la conscience pure: il croit dire la vérité. Par conséquent, d'où proviennent les erreurs ? D'un travail inconscient inévitable.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 334.

CHAPITRE X
La métaphysique de l'inconscient

«Partout, la métaphysique est florissante et nous assistons à un renouveau des préoccupations idéales de la pensée. Fait social le plus curieux: c'est le pays prétendument le plus pratique de l'Europe, l'Angleterre, qui en a donné l'exemple.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 335.

«Or, la métaphysique, comme l'entendent les penseurs cités plus haut [français, pour la plupart, et issus de la tradition du siècle des Lumières], diffère des constructions que le vulgaire entend par ce mot, en ce qu'elle n'a rien de fantaisiste, mais est l'expression d'une réflexion inévitable que fait l'homme sur les rapports entre les choses qu'il connaît et son action à lui, son rôle, et de plus, sur ce qui donne à l'ensemble de ce qui existe un certain équilibre. Qu'y a-t-il de vraiment vivant sous les apparences et dans les choses ? Entre cette vie intérieure et celle que nous sentons en nous, quel rapport établir ? Comment accorder ensemble les êtres et les systèmes qui subsistent, ou, en allant plus loin, les directions de mouvements qui les produisent ? Quelle est leur destinée et la nôtre, et pourquoi, dans la multiplicité des actions s'exerçant entre les différentes parties du réel, se forme-il des centres d'action, volontés ou personnalités, et quel est leur sens ? Il est impossible de penser sans se poser ces questions.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 337-338.

«Toute métaphysique doit se baser, inévitablement, sur une psychologie, puisque la métaphysique est la recherche de ce qui est psychologique et chez l'homme et dans l'univers. Elle a donc supposé que toutes les choses recevaient la vie, l'existence et la durée d'une force intérieure, d'une puissance analogue à celle que nous éprouvons nous-mêmes. Et comme cette puissance n'est pas démontrable et que son évidence provient d'une raison infiniment plus forte que toutes les raisons démonstratives, à savoir le sentiment direct, immédiat, l'affirmation de soi, toute métaphysique se fonde sur une intuition et consiste à pénétrer, au moyen de cette intuition, le sens et la valeur du réel.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 363.

«Or, le principe intérieur et immanent de l'univers ne peut être que spirituel; je désigne par là une activité semblable à celle que nous éprouvons en nous, directement. Rien ne s'oppose à ce que cette activité spirituelle ne reçoive, par après coup, une interprétation et qu'on ne trouve à sa présence dans le monde une explication qui dépasse l'expérience.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 363-364.

«L'inconscient créateur des métaphysiciens se rapporte, psychologiquement, à la fois à l'inconscient dynamique et à l'inconscient dans l'acte de l'esprit. Il présente certains caractères de l'inconscient dynamique: la force créatrice, la richesse des tendances multiples, la soudaineté, la facilité à produire, la nature intuitive, l'invention. Il se rapproche, d'autre part, de l'inconscient dans l'acte de l'esprit par l'unification logique: l'acte de l'esprit, [...], consiste à appliquer de manière inconsciente un fonctionnement logique et synthétique; il arrive à se reconnaître en se manifestant; il produit des résultats, remonte de ceux-ci à leurs conditions et en même temps réfléchit son action. Les métaphysiciens ont étendu ces caractères aux principes d'ordre qu'ils découvrent dans toute organisation, tout système naturel: les caractères logiques et l'harmonie sont communs à ceux-ci et à l'activité mentale, et cette activité unificatrice est inconsciente dans un cas comme dans l'autre.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 365.

«[Thèse de Ravaisson : ] L'habitude est un moyen terme mobile entre la volonté et la nature. L'activité de l'être vivant a sa source dans des mouvements involontaires, où le sujet ne se distingue pas encore de l'objet, mais agit sous l'impulsion d'un désir, provoqué par l'excitation extérieure. Ce désir est l'instinct primordial: l'acte et son but ne sont pas encore distincts: c'est l'état de nature. Si l'acte de l'être rencontre un obstacle, cette résistance exige un renforcement du mouvement que l'être accomplit, et de cette manière naît l'effort, point de départ de la volonté. Alors se développe, avec la volonté, l'idée de l'objet et du but. § Mais inversement, l'habitude transforme en mouvements instinctifs les mouvements volontaires et tend ainsi à rejoindre la nature. [...] En d'autres termes, le passage de la volonté au mécanisme par l'habitude constitue ce qu'on appelle le subconscient ou l'automatisme psychologique.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 366-367.

«La psychologie, [...], est le seul fondement sérieux et solide des sciences morales, aussi bien de la métaphysique que de la logique, de la morale proprement dite, de l'étude sociale de l'humanité et de l'esthétique. C'est une vérité que seuls quelques abstracteurs de quintessence attardés et quelques logiciens chagrins contestent encore. Commencer par des considérations abstraites et vouloir en déduire des principes pour la psychologie serait absolument inacceptable et au surplus, d'une méthode stérile.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 369.

«... il est nécessaire de juger avec la plus grand prudence les questions de psychologie animale. Les observations sont très difficiles en cette matière, à cause des méprises et des fausses interprétations. Il y a encore moins de bons psychologues pour comprendre les animaux que pour comprendre les hommes.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 371.

«... on considérera avec raison que les différentes manifestations de l'inconscient se rencontrent au moins chez les animaux doués d'un système nerveux centralisé, mais que ces différentes manifestations y sont plus ou moins développées, en comparaison avec l'homme: ce dernier semble avoir un inconscient dynamique plus riche et un inconscient dans l'acte de l'esprit développé d'une manière très différente, à cause de la conscience réfléchie et toutes les conséquences qu'elle entraîne.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 374.

«On peut donc, par un simple raisonnement analogique, prétendre que tout ce qui se meut ait une vie psychique, un sentiment intérieur, sous prétexte que nous avons un sentiment intérieur qui double notre activité.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 375.

«Pour prolonger l'inconscient dans les systèmes mécaniques naturels, il faudrait supposer d'abord qu'il y a dans ces systèmes quelque chose d'analogue à la vie mentale et qu'ensuite les systèmes mécaniques, biologiques et psychologiques sont faits sur le même plan, c'est-à-dire qu'ils possèdent tous une intériorité. Or, c'est là une hypothèse que rien n'autorise. Car comment connaissons-nous les systèmes mécaniques constitués dans la nature ? Par l'action, en nous y adaptant, tant bien que mal, au moyen de nos sens et de nos appareils moteurs, ou encore par le raisonnement, en imaginant des calculs et des hypothèses pour expliquer leurs mouvements. Mais les calculs progressent et les hypothèses se déplacent; nos théories de la matière évoluent avec rapidité, car, à chaque observation importante, de nouvelles suggestions naissent dans notre pensée.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 379.

«... nous avons vu tout ce que la création implique d'inconscient. Les activités les plus vivantes, l'inconscient dynamique et l'inconscient dans l'acte de l'esprit, y collaborent. Créer n'est pas uniquement affaire de conscience claire, de combinaisons plus ou moins habiles d'idées; c'est avant tout affaire de croyance, d'enthousiasme et de divination. Ces belles qualités, qui constituent l'invention, ne sont pas réparties à tous dans la même mesure. À leur intensité chez un homme, on juge de la valeur réelle de celui-ci.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 380.