mardi 3 avril 2012

Georges Dwelshauvers — L'Inconscient (Chapitre VII-X)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.

Georges DWELSHAUVERS. L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919.

CHAPITRE VII
L'inconscient et la vie religieuse

«L'analyse des convictions de la foi, sous leurs formes différentes, a montré que le positiviste ou le savant qui poussent des cris de réprobation quand on leur parle d'âme ou d'Être suprême, adorent des idoles d'une classe beaucoup inférieure et se font des fétiches de la Science, de l'Évolution et d'autres entités impersonnelles et vides, Incapables de s'élever à des enthousiasmes plus lyriques, ils nient ce qu'ils ne peuvent concevoir; mais le besoin de croyance se venge sur eux; ils croient, mais leur foi manque quelque peu d'envolée; ils retournent à d'obscures superstitions et nient les formes évoluées du sentiment religieux.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 256-257.

«Le point de vue historique et social ne peut être que d'un très petit secours à celui qui s'efforce de comprendre la porté d'un sentiment ou la valeur d'une idée. Il lui faut mettre ce sentiment et cette idée à l'épreuve, les connaître dans leurs rapports avec l'esprit qui les conçoit, saisir leurs contradictions autant que leur puissance et les apprécier d'après ce qu'ils sont en eux-mêmes, non d'après les phénomènes accessoires qu'ils entraînent.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 257.

«Nous savons que l'inconscient est un réservoir de tendances vivantes, que l'émotivité colore la plupart de ses processus et que, dans ses manifestations intégrales, l'inconscient ne se répète pas, mais crée du nouveau. Il est impossible d'étudier la psychologie religieuse sans tenir compte de l'inconscient.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 258.

«Avant tout, la vie religieuse suppose la mise en œuvre de forces sui generis qui élèvent l'individu au-dessus de lui-même, qui le transportent dans un autre milieu que celui où s'écoule son existence profane et qui le font vivre d'une vie très différente, plus haute et plus intense. Le croyant n'est pas seulement un homme qui voit, qui sait des choses que l'incroyant ignore: c'est un homme qui peut davantage. Les fidèles peuvent se représenter inexactement le pouvoir qu'ils s'attribuent, le sens dans lequel il s'exerce. Mais ce pouvoir, en lui-même, n'est pas illusoire. C'est lui qui a permis à l'humanité de vivre.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 262.

«Le processus décrit est exactement celui que nous fait connaître Poincaré à propos de l'invention scientifique: la volonté conscient prépare l'idée, l'inconscient l'élabore, soumis comme il l'est, à une discipline de travail par cette volonté, et finalement l'idée, mûrie, se présente à la conscience, enrichie par le travail intérieur de l'esprit. Est-ce de l'automatisme ? Nullement, mais du psychisme latent et actif, des tendance dynamique qui se combinent et ne restent pas inertes. Le rôle important des sentiments et de l'intuition et la réduction de l'entendement ne doivent pas nous tromper ici. Un travail qui échappe à la conscience claire n,est pas nécessairement un travail automatique. Il peut l'être; il peut être autre chose, et, une fois de plus, l'idéation des mystiques, par sa richesse et sa puissance d'organisation, s'éloigne entièrement de l'automatisme pour se rapprocher de l'inconscient dynamique.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 263-264.

«L'idée de Dieu, la présence divine ou toute autre forme d'inspiration sont aussi peu des processus étrangers à l'esprit de l'homme religieux que ne l'est pour le savant la conception soudaine d'une solution longtemps cherchée, et pour l'artiste la vision de l'œuvre qu'il médite et dont il poursuit la construction avec patience et ténacité.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 264.

«... apercevoir la vie spirituelle dans n'importe laquelle de ses manifestations, en avoir vraiment la vision, ou selon le terme usité, l'intuition, c'est avoir en même temps l'intuition de son essence: car elle tout entière présente en chacun de ses moments. Ce que nous observons sous forme d'objet spatial est limité et divisible, comme l'espace lui-même; mais l'élément spirituel n'est pas plus divisible qu'une idée ou un sentiment peuvent l'être.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 268.

«L'intuition est donc un genre de connaissance qui réunit en une affirmation de l'esprit, en tant qu'il est activité et vie, l'affirmation su sujet pensant et de sa relation avec tout ce qui est sujet pensant; mais elle n'est pas uniquement pensée raisonnante, elle est autre chose: elle est sympathie et croyance. Ne sont-ce pas les caractères que révèle l'étude de l'idéation chez le mystique ? L'intelligence comprend, parce que le cœur aime et croit. L'amour et l'affirmation active, à laquelle nous prenons pleine participation, sont les ressorts de l'idéation: l'expérience religieuse nous a permis de préciser cette notion.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 268-269.

«Or, le monde des sujets, l'intelligence seule ne le pénétrera jamais. Il faut, pour entrer en communication avec lui, ce tact particulier au sentiment, cette divination qui lui est propre et qui nous fait découvrir, par une vision sympathique, le secret des êtres; et ceux-ci cessent de n'être plus pour nous que des apparences, des objets; ils deviennent véritablement des sujets.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 271.

«La création du génie a su sympathiser avec les êtres qu'il évoque, il a eu cette vision du dedans qui le met en communication avec l'essence spirituelle, la vie profonde de tout ce qui est. L'homme de génie a la foi, il croit fermement que tout ce qui est vit véritablement e qu'il y a une âme dans les choses; son âme à lui communique avec la vie intérieure de tout ce qui existe, elle en a l'intuition. C'est de ce don de vision et de foi qu'émane la force de persuasion de la parole géniale, son enthousiasme et sa jeunesse.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 272-273.


CHAPITRE VIII
L'inconscient et l'activité cérébrale

«... la biologie n'a pas l'immense avantage de la psychologie, de pouvoir recourir à des données immédiates. La psychologie est beaucoup plus précise et plus sûre; c'est à elles que recourent avec raison toutes les sciences morales; elle leur sert de fondement. Le sentiment de la réaction individuelle, de l,activité subjective, la volition, l'idéation: autant de notions qui ont l'évidence du vécu pour elles et sur lesquelles on s'entendra d'autant mieux qu'on peut se passer de concepts et de définitions quand on en parle; elles échappent aux artifices de l,abstraction. La physiologie ne pourra donc jamais servir de base à la psychologie, car celle-ci est beaucoup plus précise et plus complète qu'elle; elle sera donc seulement une science auxiliaire, dans les problèmes qui nous occupent ici.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 276.

«Il n'y a pas de localisations psycho-physiologiques. Ces localisations sont de la haute fantaisie. Et s'il est impossible de localiser la moindre des sensations, il l'est beaucoup moins encore d'assigner un endroit déterminé de l'écorce cérébrale à ce qu'on nommais jadis des facultés: abstraction, volonté, sentiment, imagination, mémoire. § Ces facultés ne sont que des aspects, dégagés par l'analyse, dans la réalité concrète et intégrale de la vie mentale. Tantôt l'une prédomine, tantôt l'autre. Mais par elles-mêmes, elles ne sont rien que des noms collectifs servant à désigner des groupes de faits. De même, au point de vue physiologique, il n'y a pas de centres présidant à ces fonctions mentales. chacune d'elles a besoin d'une synergie de mouvements, dominés par plusieurs centres d'ordre différent, reliés par des voies d'association.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 283.

«La fonction physiologique qui est la condition qui est la condition d'un acte volontaire n'est donc pas localisée; elle consiste en une action synergique englobant plusieurs centres. Il n'y a de localisé que le point de départ de mouvements musculaires bien déterminés et l'aboutissement de fibres sensibles, dont l'origine et le trajet sont strictement définis par l'étude anatomique.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 285.

«Il est tout-à-fait impossible, dans l'état actuel de la science, de s'imaginer, même très loin, ce qui se produit dans le système nerveux pendant qu'un sentiment s'impose à nous et retentit sur l'idéation tout entière ainsi que sur l'action; il est plus impossible encore de trouver quel peut être le corrélatif physiologique d'une tendance. Il est même probable que la tendance, ainsi que tout dynamisme de la vie mentale, a, comme corrélatif physiologique, des phénomènes dont nous n'avons actuellement aucune idée. Est-ce une raison pour nier l'activité mentale ? N'est-ce pas contraire à tout esprit scientifique de prétendre la réduire aux notions que l'on possède sur le mécanisme nerveux ? N'est-ce pas là une proposition dogmatique, ne reposant sur rien ?» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 288.

«Il est permis de constater dès maintenant qu'à mesure que la connaissance anatomique et histologique du cerveau progresse, tout espoir disparaît de déterminer des localisations psycho-physiologiques. La question des fonctions physiologiques des centres nerveux reste dans le vague et celle de l'activité psychique proprement dite prend une indépendance de plus en plus complète et se fonde sur des méthodes originales, de véritables méthodes psychologiques. La psychologie se dégage chaque jour davantage des systèmes hâtifs et arbitraires que certains physiologistes voulaient lui imposer. Le résultat est excellent.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 292.

«On ne peut assez répéter que toute fonction psycho-physiologique exige la collaboration de plusieurs centres et inversement, que chaque centre prend part vraisemblablement à plusieurs fonctions différentes. C'est ce qui permet d'expliquer, mieux qu'on ne le faisait autrefois, les fonctions vicariantes ou de remplacement, c'est-à-dire le fait que, dans le cas de lésion de certaines régions, d'autres groupes de cellules suppléent, même dans une assez forte proportion, à l'activité en défaut.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 294.

«Tout progrès consiste en un effort pour dépasser le point de développement où l'on est parvenu. Or, l'effort va au delà de l'acquis; il forme la synthèse de l'acquis et d'impressions nouvelles; il exige de la part de l'individu un surcroît d'activité. Le mécanisme cérébral reste en arrière de l'intelligence. Le développement des voies suit ici l'effort. Nous ouvrons véritablement, par notre effort, de nouvelles connexions, de nouvelles associations entre nos éléments nerveux. .» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 295.

«Envisageons un sentiment nouveau qui s'éveille; quel que soit ce sentiment et d'où qu'il provienne, il influence notre pensée et notre action; il nous modifie; son travail favorisera certaines formes d'idéation et de mouvement. Sous son influence, des manières de voir seront abandonnées, d'autres se constitueront. Cette fois aussi, la vie mentale dépasse la mécanisme cérébral. Celui-ci reçoit une impulsion nouvelle qui le modifie fortement.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 296.

«La représentation qui se rapporte à un corps ou à un concept se manifeste soit par la perception sensible de ce corps, soit pas la perception de son souvenir, soit par l'image schématique permettant de le fixer devant l'attention. Or, l'image ne se forme nulle part dans le cerveau. Il n'y a ni carrefour sensible où se composeraient des images au moyen d'éléments empruntés à différents sens, ni centres où viennent se peindre ou se construire une représentation d'objet. L'image n'existe, ne se montre soit à mes sens, soit à ma pensée qu'au moment où je la perçois ou la pense. Après ce moment elle n'existe plus.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 297-298.

«Enfin, s'il s'agit d'un concept, d'une idée ou d'un raisonnement, il serait erroné de croire qu'une zone déterminée les forme ou les conserve. Quand nous les formons, l'activité cérébrale comprend les éléments les plus divers. Ce qui correspond physiologiquement à une idée, c'est la synergie de tous ces éléments. Il serait impossible de nous figurer les échanges multiples qui se produisent alors entre les cellules. Mais la pensée d'une idée ou d'une suite d'idées synthétise en outre une activité considérable et cette synthèse, c'est l'acte de l'esprit, qui n'est pas la combinaison statique d'éléments, mais qui est dynamique essentiellement.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 299-300.

«C'est la complexité même de la synthèse mentale chez l'homme qui exige que chacun de nous refasse tout l'apprentissage déjà fait par tant de générations antérieures. Mais beaucoup de mouvements et de sensations s'associent avec une certaine aisance; il faut sans doute voir dans ce fait l'existence de dispositions acquises, mais qui ne sont que très générales.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 303.

«... l'action dynamogénique des sensations; elle est généralement inconsciente. On ne l'aperçoit que si elle est très marquée; qu'un temps clair et calme agisse sur notre idéation en la facilitant et en lui donnant un mouvement égal et ferme, c'est ce que l'on peut constater sur soi-même; les bons résultats d'une atmosphère de paix autour de soi n'échappent à personne; mais que de simples sensations peu remarquées produisent un effet dynamogénique, c'est ce que l'expérience seule a montré.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 304.

«Ainsi, d'un côté, par le rapport entre l'univers et l'individu et, d'autre part, dans l'unification des tendances qui constituent la personnalité et dans leur emploi par la synthèse et l'acte de l'esprit, l'inconscient dynamique dépasse les fonctions physiologiques. L'on peut affirmer que la vie mentale est créatrice et que nous retrouvons, au fond de notre analyse, ce que nous avons déjà découvert en étudiant l'inconscient psycho-physiologique et le subconscience: je veux dire l'acte de l'esprit, l'activité psychologique propre, irréductible à d'autres processus et tenant suspendus à elle tous les fils qui meuvent l'être pensant.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre VIII. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 313-314.

CHAPITRE IX
L'inconscient et la vie sociale

«... la nécessité de paraître pour réussir dans certaines professions (c'est le cas des médecins et des avocats de nos grands centres), d'avoir une habitation, un train de vie et des vêtements qui en imposent au client (souvent au moins autant que le savoir) crée des habitudes et de dépense, et par là, certains sentiments, certaines manières d'agir qui éloignent fortement nos personnages de la vertu d'un Caton. Ces habitudes, acceptées d'abord, s'ancrent de plus en plus et finissent par limiter les idées, affaiblir les sentiments de bonté: c'est ici l'inconscient automatique qui résulte d'influences sociales.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 317-318.

«... aucune institution sociale, prise d'une manière abstraire, n'existe en soi. Elle n'existe que parce que des individus réels et concrets y collaborent. Et si, à un stade inférieur de développement, les individus présents subissent des formes sociales crées par les individus d'hier, dès qu'ils parviennent à se dégager des obligations qu'elles leur imposent inconsciemment, qu'ils raisonnent et s'entendent, ils sont parfaitement capables de réagir.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 318.

«... à mesure qu'une société se différencie, le rôle de l'individu se dégage et s'affirme de plus en plus, si bien que dans une société arrivée à un degré élevé d'une évolution, l'individu est une unité plus libre que dans une société primitive; son cercle d'action s'étend; l'organisation sociale lui semble n'exister que pour qu'il s'en serve.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 318.

«L'on doit dès lors se demander: existe-t-il un sentiment social ? Ou encore: le sentiment religieux, pour préciser, n'est-il autre chose que le symbole conscient d'un sentiment social qui se serait implanté inconsciemment en nous ?» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 319.

«C'est à la conscience individuelle que, dans l'éducation, toute société évoluée fait appel; c'est elle qu'on élève; on tâche de lui donner le sens de la vérité, le sens de la religion, de l'art, du droit: voilà bien la preuve que la société n'est pas le seul facteur des forces individuelles, mais que celles-ci ont leur valeur et leur indépendance. La société est obligée de reconnaître que le but à poursuivre est précisément le développement de la conscience individuelle; ceux-là seuls se feront une idée du vrai, du droit, de la religion, qui sauront y réfléchir par eux-mêmes, fût-ce en opposition avec les courants sociaux du temps présent.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 321.

«... plus les fonctions sociales se différencient, plus aussi l'individu acquiert de liberté dans ses manifestations intellectuelles et affectives. Ce qui se développe alors, ce sont des initiatives individuelles, des caractères individuels, des entreprises individuelles et aussi des religions et des morales qui relèvent du groupement libre d'individus, sans même que ceux-ci se connaissent. Ceux qui habitent de grandes cités assistent aux cérémonies de leur culte sans avoir le moindre contact avec leur voisin. Chacun pour soi et Dieu pour tous, dit le proverbe. § Dominer, exprimer sa volonté de puissance, voilà à quoi tend l'individu. La société ne lui est bonne que pour autant qu'elle l'y aide: ubi bene, ibi patria.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 321-322.

«Il y a donc dans la société un insurmontable paradoxe; à mesure que la société se développe ou, comme on dit, qu'elle progresse, elle aide comme malgré elle les différents individus à s'affirmer; ses enfants s'émancipent de sa tutelle et se révoltent souvent contre elle. Échapper à l'autorité, se dégager comme on peut, donner libre cours à sa volonté de puissance, tel est le besoin de chacun.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 323.

«Il n'y aura jamais, nie dans les sciences, ni dans la philosophie, de système définitif, et les vérités qui paraissent le mieux assises seront constamment remises en question à cause de cette tendance. L'individualisme est dans la nature humaine. Il se poursuivra, toujours plus décisif.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 324.

«L'inconscient dynamique d'abord nous pousse à l'action, au besoin de nous objectiver, de dominer. L'automatisme ensuite nous maintient dans le genre de vie auquel nous nous sommes adaptés. Il faut, pour s'en dégager et arriver à plus de désintéressement, une orientation très particulière des sentiments, celle qui résulte de leur association avec des idées et de leur bon équilibre par l'exercice de la réflexion.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 325.

«... il y a des foules héroïques (les Croisés; les armées de la République), comme il y a des foules criminelles. C'est avec leur poussées inconscientes que se fait l'histoire.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 326.

«En sociologie, le tout est moins que la somme des parties. L'individu tend à acquérir une importance de plus en plus grande et il n'y aura de société stable, capable de contenter les hommes, que le jour où toutes les questions sociales, pratiques et autres, seront abordées par des concours de volontés libres et réfléchies.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 326-327.

«... une foule se laisse toujours entraîner au delà de ce qui a un sens ...» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 328.

«... tout témoignage est, jusqu'à un certain point, entaché d'erreur, sans que le sujet s'en doute.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 333.

«Le témoin a la conscience pure: il croit dire la vérité. Par conséquent, d'où proviennent les erreurs ? D'un travail inconscient inévitable.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre IX. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 334.

CHAPITRE X
La métaphysique de l'inconscient

«Partout, la métaphysique est florissante et nous assistons à un renouveau des préoccupations idéales de la pensée. Fait social le plus curieux: c'est le pays prétendument le plus pratique de l'Europe, l'Angleterre, qui en a donné l'exemple.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 335.

«Or, la métaphysique, comme l'entendent les penseurs cités plus haut [français, pour la plupart, et issus de la tradition du siècle des Lumières], diffère des constructions que le vulgaire entend par ce mot, en ce qu'elle n'a rien de fantaisiste, mais est l'expression d'une réflexion inévitable que fait l'homme sur les rapports entre les choses qu'il connaît et son action à lui, son rôle, et de plus, sur ce qui donne à l'ensemble de ce qui existe un certain équilibre. Qu'y a-t-il de vraiment vivant sous les apparences et dans les choses ? Entre cette vie intérieure et celle que nous sentons en nous, quel rapport établir ? Comment accorder ensemble les êtres et les systèmes qui subsistent, ou, en allant plus loin, les directions de mouvements qui les produisent ? Quelle est leur destinée et la nôtre, et pourquoi, dans la multiplicité des actions s'exerçant entre les différentes parties du réel, se forme-il des centres d'action, volontés ou personnalités, et quel est leur sens ? Il est impossible de penser sans se poser ces questions.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 337-338.

«Toute métaphysique doit se baser, inévitablement, sur une psychologie, puisque la métaphysique est la recherche de ce qui est psychologique et chez l'homme et dans l'univers. Elle a donc supposé que toutes les choses recevaient la vie, l'existence et la durée d'une force intérieure, d'une puissance analogue à celle que nous éprouvons nous-mêmes. Et comme cette puissance n'est pas démontrable et que son évidence provient d'une raison infiniment plus forte que toutes les raisons démonstratives, à savoir le sentiment direct, immédiat, l'affirmation de soi, toute métaphysique se fonde sur une intuition et consiste à pénétrer, au moyen de cette intuition, le sens et la valeur du réel.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 363.

«Or, le principe intérieur et immanent de l'univers ne peut être que spirituel; je désigne par là une activité semblable à celle que nous éprouvons en nous, directement. Rien ne s'oppose à ce que cette activité spirituelle ne reçoive, par après coup, une interprétation et qu'on ne trouve à sa présence dans le monde une explication qui dépasse l'expérience.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 363-364.

«L'inconscient créateur des métaphysiciens se rapporte, psychologiquement, à la fois à l'inconscient dynamique et à l'inconscient dans l'acte de l'esprit. Il présente certains caractères de l'inconscient dynamique: la force créatrice, la richesse des tendances multiples, la soudaineté, la facilité à produire, la nature intuitive, l'invention. Il se rapproche, d'autre part, de l'inconscient dans l'acte de l'esprit par l'unification logique: l'acte de l'esprit, [...], consiste à appliquer de manière inconsciente un fonctionnement logique et synthétique; il arrive à se reconnaître en se manifestant; il produit des résultats, remonte de ceux-ci à leurs conditions et en même temps réfléchit son action. Les métaphysiciens ont étendu ces caractères aux principes d'ordre qu'ils découvrent dans toute organisation, tout système naturel: les caractères logiques et l'harmonie sont communs à ceux-ci et à l'activité mentale, et cette activité unificatrice est inconsciente dans un cas comme dans l'autre.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 365.

«[Thèse de Ravaisson : ] L'habitude est un moyen terme mobile entre la volonté et la nature. L'activité de l'être vivant a sa source dans des mouvements involontaires, où le sujet ne se distingue pas encore de l'objet, mais agit sous l'impulsion d'un désir, provoqué par l'excitation extérieure. Ce désir est l'instinct primordial: l'acte et son but ne sont pas encore distincts: c'est l'état de nature. Si l'acte de l'être rencontre un obstacle, cette résistance exige un renforcement du mouvement que l'être accomplit, et de cette manière naît l'effort, point de départ de la volonté. Alors se développe, avec la volonté, l'idée de l'objet et du but. § Mais inversement, l'habitude transforme en mouvements instinctifs les mouvements volontaires et tend ainsi à rejoindre la nature. [...] En d'autres termes, le passage de la volonté au mécanisme par l'habitude constitue ce qu'on appelle le subconscient ou l'automatisme psychologique.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 366-367.

«La psychologie, [...], est le seul fondement sérieux et solide des sciences morales, aussi bien de la métaphysique que de la logique, de la morale proprement dite, de l'étude sociale de l'humanité et de l'esthétique. C'est une vérité que seuls quelques abstracteurs de quintessence attardés et quelques logiciens chagrins contestent encore. Commencer par des considérations abstraites et vouloir en déduire des principes pour la psychologie serait absolument inacceptable et au surplus, d'une méthode stérile.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 369.

«... il est nécessaire de juger avec la plus grand prudence les questions de psychologie animale. Les observations sont très difficiles en cette matière, à cause des méprises et des fausses interprétations. Il y a encore moins de bons psychologues pour comprendre les animaux que pour comprendre les hommes.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 371.

«... on considérera avec raison que les différentes manifestations de l'inconscient se rencontrent au moins chez les animaux doués d'un système nerveux centralisé, mais que ces différentes manifestations y sont plus ou moins développées, en comparaison avec l'homme: ce dernier semble avoir un inconscient dynamique plus riche et un inconscient dans l'acte de l'esprit développé d'une manière très différente, à cause de la conscience réfléchie et toutes les conséquences qu'elle entraîne.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 374.

«On peut donc, par un simple raisonnement analogique, prétendre que tout ce qui se meut ait une vie psychique, un sentiment intérieur, sous prétexte que nous avons un sentiment intérieur qui double notre activité.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 375.

«Pour prolonger l'inconscient dans les systèmes mécaniques naturels, il faudrait supposer d'abord qu'il y a dans ces systèmes quelque chose d'analogue à la vie mentale et qu'ensuite les systèmes mécaniques, biologiques et psychologiques sont faits sur le même plan, c'est-à-dire qu'ils possèdent tous une intériorité. Or, c'est là une hypothèse que rien n'autorise. Car comment connaissons-nous les systèmes mécaniques constitués dans la nature ? Par l'action, en nous y adaptant, tant bien que mal, au moyen de nos sens et de nos appareils moteurs, ou encore par le raisonnement, en imaginant des calculs et des hypothèses pour expliquer leurs mouvements. Mais les calculs progressent et les hypothèses se déplacent; nos théories de la matière évoluent avec rapidité, car, à chaque observation importante, de nouvelles suggestions naissent dans notre pensée.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 379.

«... nous avons vu tout ce que la création implique d'inconscient. Les activités les plus vivantes, l'inconscient dynamique et l'inconscient dans l'acte de l'esprit, y collaborent. Créer n'est pas uniquement affaire de conscience claire, de combinaisons plus ou moins habiles d'idées; c'est avant tout affaire de croyance, d'enthousiasme et de divination. Ces belles qualités, qui constituent l'invention, ne sont pas réparties à tous dans la même mesure. À leur intensité chez un homme, on juge de la valeur réelle de celui-ci.» — Georges DWELSHAUVERS. Chapitre X. In L'Inconscient. Flammarion. Paris, 1919. p. 380.

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