[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
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NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site
n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles
sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière
importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que
par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en
découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à
l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en
retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de
Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer,
en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut
bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à
l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
«"Je veux dire dès le début le sens que j'attache à la science, comment à
mes yeux elle est inséparable de la philosophie, comment elle n'a de
valeur que par la philosophie qu'elle renferme, comment la science est
une religion, sacrée au même titre qu'elle, puisque seule elle peut
résoudre à l'homme le grand problème des choses, etc. Ce sera ma
profession de foi scientifique, mon Discours de la Méthode, mon Novum
Organum" (Renan. Lettre à Henriette, 28 janvier 1849, IX, p. 1168).» —
A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science.
Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 13-14.
«La critique sévère
des religions — «surnaturalismes» et «supernaturalismes» irrationnels,
superstitions et crédulité, orthodoxies sectaires, pétrifiées et
pétrifiantes — s'entrelace donc avec les professions de foi et les
constants appels au Dieu omniprésent d'un auteur qui se dit «prêtre de
la vraie religion»: la religion de la science. Pour Renan, la science
est religion, «la plus parfaite religion», la «véritable religion», et
elle fonde une nouvelle compréhension de la foi — «savoir et aimer la
vérité des choses» —, de Dieu — «la catégorie de l'idéal» —, et de
l'aspiration religieuse à l'infini .» — A. PETIT. «Introduction». In E.
RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p.
14-15.
«En revanche la philosophie renanienne, elle, est bien une
«religion de la science», puisqu'elle lui délègue une irréductible
transcendance par rapport à toute autre activité humaine, et lui fait
assumer l'exigence traditionnelle du religieux: l'aspiration à
l'infini.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 18.
«La science
selon Renan est ainsi vouée à être une religion toute naturelle et
rationnelle, et sa méthode est la «critique», aussi implacable
qu'attentive aux études différentielles.» — A. PETIT. «Introduction». In
E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p.
19.
«L'Avenir de la science n'est pas seulement la matrice d'une
compréhension générale de la religion, focalisée sur une religion de la
raison, et celle d'une philosophie générale de l'histoire, spécialement
attentive aux origines; elle l'est aussi d'une philosophie générale des
sciences, particulièrement soucieuse de revendiquer la spécificité d'un
ensemble de sciences: celles pour lesquelles Renan force l'expression
«sciences de l'humanité».» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 26.
«Comme
ce sont toujours des hommes qui font les sciences et que la nature est
part essentielle de la nature, les «sciences de l'humanité» envahissent
et comprennent les «sciences de la nature» qui sont en même temps leur
modèle. L'Avenir de la science prend ces positions maximalistes en
identifiant science de l'humanité et philosophie.» — A. PETIT.
«Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 27.
«Et ce qu'en fait Renan veut que l'on
combine dans les «sciences de l'humanité», ce sont les visées
synthétiques — celles de la philosophie — sans lesquelles on risque de
n'avoir que lourde érudition, détails effilochés, vues courtes et
bornées, sans unité, et les études analytiques, expérimentales, les
laborieuses investigations appuyées sur les plus humbles procédés et
patiemment critiques — seules méthodes des sciences — sans lesquelles on
risque de se perdre dans les spéculations abstraites, dogmatiques,
systématiques et grossières.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 31-32.
«Loin
de dédaigner les utilités et les conséquences bienfaisantes de la
science, il [Renan] fait même l'éloge des progrès matériels et blâme les
hypocrites qui prétendent les redouter. Mais il juge désastreux de
vouloir vivre de la science plutôt que de vivre pour elle.» — A. PETIT.
«Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 36.
«Les analyses sont accablantes sur les
formes. Centralisation, pléthore administrative, déluge de manuels et de
livres élémentaires, souci pointilleux de l'uniformité... sont les
conséquences de l'importance majeure accordée aux examens et concours.
La science étouffe sous la férule des fonctionnaires. Mais ce monde
hyper-réglementé est aussi anarchique. En faculté, l'auditoire est
mouvant, infidèle; les cours magistraux sont des conférences rhétoriques
où le tour mondain l'emporte vite sur l'exigence scientifique. Au lieu
d'être servie, la science est ainsi asservie à l'État et/ou goût du
public. Enfin, l'hégémonie parisienne, dont la rançon est le désert
provincial, inquiète Renan.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 37-38.
«Les
principes renaniens pour l'instruction et la formation scientifique
sont partout les mêmes: activité, souplesse, indépendance, mais liées
aussi au souci d'une organisation coopérative et efficace.» — A. PETIT.
«Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 38.
«La science étant «intérêt d'État», il y a
obligation de l'organiser, de veiller à ceux qui s'y consacrent, et de
leur en donner les moyens, autrement dit, de financer les structures
d'enseignement et de recherche. Mais il ne doit prendre parti pour
aucune école.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 41.
«S'il n'est donc
pas question pour Renan d'inféoder la science à des fins politiques, il
promeut une ferme politique scientifique. Politique de la science et
politique générale sont ainsi à la fois indépendantes et liées.» — A.
PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science.
Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 42.
«L'Avenir de la science
est à la fois aux commencements et à la fin de l'œuvre renanienne, et
l'a constamment nourrie. Et c'est un ouvrage-bilan doublement. Son
auteur, penché sur son passé et sur son œuvre, s'en dit au fond plutôt
content; il exprime aussi les interrogations d'un siècle dont il est non
seulement un témoin, mais un acteur de premier plan et un porte-parole.
Et Renan, à la fin de son siècle, pose des questions dont le nôtre
débat encore.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 45.
«La curiosité
n'est nulle part plus vive, plus pure, plus objective que chez l'enfant
et chez les peuples sauvages. Comme ils s'intéressent naïvement à la
nature, aux animaux, sans arrière-pensée, ni respect humain ! L'homme
affairé, au contraire, s'ennuie dans la compagnie de la nature et des
animaux; ces jouissances désintéressées n'ont rien à faire avec son
égoïsme. L'homme simple, abandonné à sa propre pensée, se fait souvent
un système des choses bien plus complet et plus étendu que l'homme qui
n'a reçu qu'une instruction factice et conventionnelle. Les habitudes de
la vie pratique affaiblissent l'instinct de curiosité pure; mais c'est
une consolation pour l'amant de la science de songer que rien ne pourra
le détruire, que le monument auquel il a ajouté une pierre est éternel,
qu'il a sa garantie, comme la morale, dans les instincts de la nature
humaine.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris,
1995. p. 93.
«Ce n'est pas sans quelque dessein que j'appelle
du nom de science ce que d'ordinaire on appelle philosophie. Philosopher
est le mot sous lequel j'aimerais le mieux résumer ma vie; pourtant, ce
mot n'exprimant dans l'usage vulgaire qu'une forme encore partielle de
la vie intérieure, et n'impliquant d'ailleurs que le fait subjectif du
penseur solitaire, il faut, quand on se transporte au point de vue de
l'humanité, employer le mot plus objectif de savoir. Oui, il viendra un
jour où l'humanité ne croira plus, mais où elle saura; un jour où elle
saura le monde métaphysique et moral, comme elle sait déjà le monde
physique; un jour où le gouvernement de l'humanité ne sera plus livré au
hasard et à l'intrigue, mais à la discussion rationnelle du meilleur
et des moyens les plus efficaces de l'atteindre. Si tel est le but de la
science, si elle a pour objet d'enseigner à l'homme sa fin et sa loi,
de lui faire saisir le vrai sens de la vie, de composer avec l'art, la
poésie et la vertu le divin idéal qui seul donne du prix à l'existence
humaine, peut-elle avoir de sérieux détracteurs ?» — E. RENAN. L'Avenir
de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 151-152.
«Les
écrits destinés à combattre une erreur disparaissent avec l'erreur
qu'ils ont combattue. Quand un résultat est acquis, on ne se figure pas
ce qu'il a coûté de peine. Il a fallu un génie pour conquérir ce qui
devient ensuite le domaine d'un enfant.» — E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 257.
«L'étude
comparée des religions, quand elle sera définitivement établie sur la
base solide de la critique, formera le plus beau chapitre de l'histoire
de l'esprit humain, entre l'histoire des mythologies et l'histoire des
philosophies. Comme les philosophies, les religions répondent aux
besoins spéculatifs de l'humanité. Comme les mythologies, elles
renferment une large part d'exercice spontané et irréfléchi des facultés
humaines. De là leur inappréciable valeur aux yeux du philosophe. De
même qu'une cathédrale gothique est le meilleur témoin du Moyen Âge,
parce que les générations ont habité là en esprit; de même les religions
sont le meilleur moyen pour connaître l'humanité; car l'humanité y a
demeuré; ce sont des tentes abandonnée où tout décèle la trace de ceux
qui y trouveront un abri. Malheur à qui passe indifférent auprès de ces
masures vénérables, à l'ombre desquelles l'humanité s'est si longtemps
abritée, et où tant de belles âmes trouvent encore des consolations et
des terreurs !» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 304-305.
«La perfection de l'humanité ne sera
pas l'extinction, mais l'harmonie des nationalités: les nationalités
vont bien plutôt se fortifiant que s'affaiblissant; détruire une
nationalité, c'est détruire un son dans l'humanité. "Le génie, dit M.
Michelet, n'est le génie qu'en ce qu'il est à la fois simple et
analyste, à la fois enfant et mûr, homme et femme, barbare et civilisé.
[Le peuple. p. 251.] " La science, de même, ne sera parfaite que quand
elle sera à la fois analytique et synthétique; exclusivement analytique,
elle est étroite, sèche, étriquée; exclusivement synthétique, elle est
chimérique et gratuite. L'homme ne saura réellement que quand, en
affirmant la loi générale, il aura la vue claire de tous les faits
particuliers qu'elle suppose.» — E. RENAN. L'Avenir de la science.
Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 340.
«Si la culture
intellectuelle n'était qu'une jouissance, il ne faudrait pas trouver
mauvais que plusieurs n'y eussent point part, car l'homme n'a pas de
droit à la jouissance. Mais du moment où elle est une religion, et la
religion la plus parfaite, il devient barbare d'en priver une seule âme.
Autrefois, au temps du christianisme, cela n'était pas si révoltant: au
contraire, le sort du malheureux et du simple était en un sens digne
d'envie, puisqu'ils étaient plus près du royaume de Dieu. Mais on a
détruit le charme, il n'y a plus de retour possible. De là une affreuse,
une horrible situation; des hommes condamnés à souffrir sans une pensée
morale, sans une idée élevée, sans un sentiment noble, retenus par la
force seule comme des brutes en cage. Oh ! cela est intolérable !» — E.
RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 350.
«L'indifférence
est en politique ce que le scepticisme est en philosophie, une halte
entre deux dogmatismes, l'un mort, l'autre en germe. Pendant cet
interrègne, libre à chacun de s'attacher à toute doctrine, d'être
suivant son goût pythagoricien ou platonicien, stoïque ou péripatétique.
Toutes les formes sont également inoffensives, et la seule tâche du
pouvoir est de maintenir entre elles la police, pour les empêcher de se
dévorer. Il n'est pas ainsi dans les États dogmatiques, où il y a une
raison vivante et actuelle, une doctrine hors de laquelle il n'y a point
de salut. Forte de toute la vie de la nation, elle en est le premier
besoin et le premier droit. Elle est en un sens supérieure à la loi
politique, puisque celle-ci a en elle sa raison et sa sanction. Le
gouvernement est alors absolu et se fait au nom de la doctrine accepté
de tous. Tout fléchit devant elle, et le pouvoir spirituel, qui la
représente, est autant au-dessus du pouvoir temporel que les besoins
supérieurs de l'homme sont au-dessus des intérêts matériels ou, comme on
disait autrefois, que l'esprit est au-dessus de la chair.» — E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 366-367.
«... je crois que le mal [de la corruption de l'homme] ne vient pas de ce que les gouvernements violentent et trompent, mais de ce qu'ils n'élèvent pas. Moi qui suis cultivé, je ne trouve pas de mal en moi, et spontanément, en toute chose, je me porte à ce qui me semble le plus beau. Si tous étaient aussi cultivés que moi, tous seraient comme moi dans l'impossibilité de mal faire. Alors il serait vrai de dire: vous êtes des dieux et les fils du Très-Haut.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 374.
«L'homme élevé n'a qu'à suivre la délicieuse pente de son impulsion intime; il pourrait adopter la devise de saint Augustin et de l'abbaye de Thélème: «Fais ce que tu voudras»; car il ne peut vouloir que de belles choses. L'homme vertueux est un artiste qui réalise le beau dans une vie humaine comme le statuaire se réalise sur le marbre, comme le musicien par des sons. Y a-t-il obéissance et lutte dans l'acte du statuaire et du musicien ?» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 374-375.
«On se figure trop facilement que la liberté est favorable au développement d'idées vraiment originales. Comme on a remarqué que, dans le passé, tout système nouveau est né et a grandi hors la loi, jusqu'au jour où il est devenu loi à son tour, on a pu penser qu'en reconnaissant et légalisant le droit des idées nouvelles à se produire, les choses en iraient beaucoup mieux. Or c'est le contraire qui est arrivé. Jamais on a pensé avec moins d'originalité depuis qu'on a été libre de le faire. L'idée vraie et originale ne demande pas la permission de se produire et se soucie peu que son droit soit ou non reconnu; elle trouve toujours assez de liberté, car elle se fait toute la liberté dont elle a besoin. Le christianisme n'a pas eu besoin de la liberté de presse ni de la liberté de réunion pour conquérir le monde. Une liberté reconnue légalement doit être réglée. Or, une liberté réglée constitue en effet une chaîne plus étroite que l'absence de loi.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 378.
«Tout homme a droit à la vraie religion, à ce qui fait l'homme parfait; c'est-à-dire que tout homme doit trouver dans la société où il naît les moyens d'atteindre la perfection de sa nature, suivant la formule du temps; en d'autres termes, tout homme doit trouver dans la société, en ce qui concerne l'intelligence, ce que la mère lui fournit en ce qui concerne le corps, le lait, l'aliment primordial, le fond premier qu'il ne peut se procurer lui-même. § Cette perfection ne saurait aller sans un certain degré de bien-être matériel. Dans une société normale, l'homme aurait donc droit aussi au premier fond nécessaire pour se procurer cette vie. § En un mot, la société doit à l'homme la possibilité de la vie, de cette vie que l'homme à son tour doit, s'il en est besoin, sacrifier à la société.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 382-383.
«Le sage n'a de colère contre personne, car il sait que la nature humaine ne se passionne que pour la vérité incomplète. Les conservateurs ont tort; car l'état qu'ils défendent comme bon, et qu'ils ont raison de défendre, est mauvais et intolérable. Les révolutionnaires ont tort; car, s'ils voient le mal, ils n'ont pas plus que les autres l'idée organisatrice. Or il est absurde de détruire, quant on a rien à mettre en place. La révolution sera légitime et sainte, quand l'idée régénératrice, c'est-`-dire la religion nouvelle, ayant été découverte, il ne s'agira plus que de renverser l'état vieilli pour lui faire sa place légitime; ou plutôt alors la révolution n'aura pas besoin d'être faite; elle se fera d'elle-même.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 390-391.
«La médiocrité est facilement satisfaite; les grandes âmes sont toujours inquiètes, agitées, car elles aspirent sans cesse au meilleur. L'infini seul pourra les rassasier.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 392.
«Je me garderai de suivre l'économie politique dans ses déductions; les économistes attribueraient sans doute à mon incompétence les défiances que ces déductions m'inspirent; mais je suis compétent en moral et en philosophie de l'humanité. Je ne m'occupe pas des moyens; je dis ce qui doit être et par conséquent ce qui sera.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 393
«Il est horrible qu'un homme soit sacrifié à la jouissance d'un autre. L'inégalité n'est concevable et juste qu'au point de vue de la société morale. S'il ne s'agissait que de jouir, mieux vaudrait pour tous le brouet noir que pour les uns les délices, pour les autres la faim. En vérité, serait-ce la peine de sacrifier sa vie et son bonheur au bien de la société, si tout se bornait à procurer de fades jouissances à quelques niais et insipides satisfaits, qui se sont mis eux-mêmes au ban de l'humanité, pour vivre plus à leur aise ? Je le répète, si le but de la vie n'était que de jouir, il ne faudrait pas trouver mauvais que chacun réclamât sa part, et, à ce point de vue, toute jouissance qu'on se procurerait au dépens des autres serait bien réellement une injustice et un vol.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 393-394.
[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
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n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles
sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière
importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que
par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en
découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à
l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en
retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de
Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer,
en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut
bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à
l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
«"Je veux dire dès le début le sens que j'attache à la science, comment à
mes yeux elle est inséparable de la philosophie, comment elle n'a de
valeur que par la philosophie qu'elle renferme, comment la science est
une religion, sacrée au même titre qu'elle, puisque seule elle peut
résoudre à l'homme le grand problème des choses, etc. Ce sera ma
profession de foi scientifique, mon Discours de la Méthode, mon Novum
Organum" (Renan. Lettre à Henriette, 28 janvier 1849, IX, p. 1168).» —
A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science.
Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 13-14.
«La critique sévère
des religions — «surnaturalismes» et «supernaturalismes» irrationnels,
superstitions et crédulité, orthodoxies sectaires, pétrifiées et
pétrifiantes — s'entrelace donc avec les professions de foi et les
constants appels au Dieu omniprésent d'un auteur qui se dit «prêtre de
la vraie religion»: la religion de la science. Pour Renan, la science
est religion, «la plus parfaite religion», la «véritable religion», et
elle fonde une nouvelle compréhension de la foi — «savoir et aimer la
vérité des choses» —, de Dieu — «la catégorie de l'idéal» —, et de
l'aspiration religieuse à l'infini .» — A. PETIT. «Introduction». In E.
RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p.
14-15.
«En revanche la philosophie renanienne, elle, est bien une
«religion de la science», puisqu'elle lui délègue une irréductible
transcendance par rapport à toute autre activité humaine, et lui fait
assumer l'exigence traditionnelle du religieux: l'aspiration à
l'infini.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 18.
«La science
selon Renan est ainsi vouée à être une religion toute naturelle et
rationnelle, et sa méthode est la «critique», aussi implacable
qu'attentive aux études différentielles.» — A. PETIT. «Introduction». In
E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p.
19.
«L'Avenir de la science n'est pas seulement la matrice d'une
compréhension générale de la religion, focalisée sur une religion de la
raison, et celle d'une philosophie générale de l'histoire, spécialement
attentive aux origines; elle l'est aussi d'une philosophie générale des
sciences, particulièrement soucieuse de revendiquer la spécificité d'un
ensemble de sciences: celles pour lesquelles Renan force l'expression
«sciences de l'humanité».» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 26.
«Comme
ce sont toujours des hommes qui font les sciences et que la nature est
part essentielle de la nature, les «sciences de l'humanité» envahissent
et comprennent les «sciences de la nature» qui sont en même temps leur
modèle. L'Avenir de la science prend ces positions maximalistes en
identifiant science de l'humanité et philosophie.» — A. PETIT.
«Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 27.
«Et ce qu'en fait Renan veut que l'on
combine dans les «sciences de l'humanité», ce sont les visées
synthétiques — celles de la philosophie — sans lesquelles on risque de
n'avoir que lourde érudition, détails effilochés, vues courtes et
bornées, sans unité, et les études analytiques, expérimentales, les
laborieuses investigations appuyées sur les plus humbles procédés et
patiemment critiques — seules méthodes des sciences — sans lesquelles on
risque de se perdre dans les spéculations abstraites, dogmatiques,
systématiques et grossières.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 31-32.
«Loin
de dédaigner les utilités et les conséquences bienfaisantes de la
science, il [Renan] fait même l'éloge des progrès matériels et blâme les
hypocrites qui prétendent les redouter. Mais il juge désastreux de
vouloir vivre de la science plutôt que de vivre pour elle.» — A. PETIT.
«Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 36.
«Les analyses sont accablantes sur les
formes. Centralisation, pléthore administrative, déluge de manuels et de
livres élémentaires, souci pointilleux de l'uniformité... sont les
conséquences de l'importance majeure accordée aux examens et concours.
La science étouffe sous la férule des fonctionnaires. Mais ce monde
hyper-réglementé est aussi anarchique. En faculté, l'auditoire est
mouvant, infidèle; les cours magistraux sont des conférences rhétoriques
où le tour mondain l'emporte vite sur l'exigence scientifique. Au lieu
d'être servie, la science est ainsi asservie à l'État et/ou goût du
public. Enfin, l'hégémonie parisienne, dont la rançon est le désert
provincial, inquiète Renan.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 37-38.
«Les
principes renaniens pour l'instruction et la formation scientifique
sont partout les mêmes: activité, souplesse, indépendance, mais liées
aussi au souci d'une organisation coopérative et efficace.» — A. PETIT.
«Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 38.
«La science étant «intérêt d'État», il y a
obligation de l'organiser, de veiller à ceux qui s'y consacrent, et de
leur en donner les moyens, autrement dit, de financer les structures
d'enseignement et de recherche. Mais il ne doit prendre parti pour
aucune école.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 41.
«S'il n'est donc
pas question pour Renan d'inféoder la science à des fins politiques, il
promeut une ferme politique scientifique. Politique de la science et
politique générale sont ainsi à la fois indépendantes et liées.» — A.
PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la science.
Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 42.
«L'Avenir de la science
est à la fois aux commencements et à la fin de l'œuvre renanienne, et
l'a constamment nourrie. Et c'est un ouvrage-bilan doublement. Son
auteur, penché sur son passé et sur son œuvre, s'en dit au fond plutôt
content; il exprime aussi les interrogations d'un siècle dont il est non
seulement un témoin, mais un acteur de premier plan et un porte-parole.
Et Renan, à la fin de son siècle, pose des questions dont le nôtre
débat encore.» — A. PETIT. «Introduction». In E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 45.
«La curiosité
n'est nulle part plus vive, plus pure, plus objective que chez l'enfant
et chez les peuples sauvages. Comme ils s'intéressent naïvement à la
nature, aux animaux, sans arrière-pensée, ni respect humain ! L'homme
affairé, au contraire, s'ennuie dans la compagnie de la nature et des
animaux; ces jouissances désintéressées n'ont rien à faire avec son
égoïsme. L'homme simple, abandonné à sa propre pensée, se fait souvent
un système des choses bien plus complet et plus étendu que l'homme qui
n'a reçu qu'une instruction factice et conventionnelle. Les habitudes de
la vie pratique affaiblissent l'instinct de curiosité pure; mais c'est
une consolation pour l'amant de la science de songer que rien ne pourra
le détruire, que le monument auquel il a ajouté une pierre est éternel,
qu'il a sa garantie, comme la morale, dans les instincts de la nature
humaine.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris,
1995. p. 93.
«Ce n'est pas sans quelque dessein que j'appelle
du nom de science ce que d'ordinaire on appelle philosophie. Philosopher
est le mot sous lequel j'aimerais le mieux résumer ma vie; pourtant, ce
mot n'exprimant dans l'usage vulgaire qu'une forme encore partielle de
la vie intérieure, et n'impliquant d'ailleurs que le fait subjectif du
penseur solitaire, il faut, quand on se transporte au point de vue de
l'humanité, employer le mot plus objectif de savoir. Oui, il viendra un
jour où l'humanité ne croira plus, mais où elle saura; un jour où elle
saura le monde métaphysique et moral, comme elle sait déjà le monde
physique; un jour où le gouvernement de l'humanité ne sera plus livré au
hasard et à l'intrigue, mais à la discussion rationnelle du meilleur
et des moyens les plus efficaces de l'atteindre. Si tel est le but de la
science, si elle a pour objet d'enseigner à l'homme sa fin et sa loi,
de lui faire saisir le vrai sens de la vie, de composer avec l'art, la
poésie et la vertu le divin idéal qui seul donne du prix à l'existence
humaine, peut-elle avoir de sérieux détracteurs ?» — E. RENAN. L'Avenir
de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 151-152.
«Les
écrits destinés à combattre une erreur disparaissent avec l'erreur
qu'ils ont combattue. Quand un résultat est acquis, on ne se figure pas
ce qu'il a coûté de peine. Il a fallu un génie pour conquérir ce qui
devient ensuite le domaine d'un enfant.» — E. RENAN. L'Avenir de la
science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 257.
«L'étude
comparée des religions, quand elle sera définitivement établie sur la
base solide de la critique, formera le plus beau chapitre de l'histoire
de l'esprit humain, entre l'histoire des mythologies et l'histoire des
philosophies. Comme les philosophies, les religions répondent aux
besoins spéculatifs de l'humanité. Comme les mythologies, elles
renferment une large part d'exercice spontané et irréfléchi des facultés
humaines. De là leur inappréciable valeur aux yeux du philosophe. De
même qu'une cathédrale gothique est le meilleur témoin du Moyen Âge,
parce que les générations ont habité là en esprit; de même les religions
sont le meilleur moyen pour connaître l'humanité; car l'humanité y a
demeuré; ce sont des tentes abandonnée où tout décèle la trace de ceux
qui y trouveront un abri. Malheur à qui passe indifférent auprès de ces
masures vénérables, à l'ombre desquelles l'humanité s'est si longtemps
abritée, et où tant de belles âmes trouvent encore des consolations et
des terreurs !» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion.
Paris, 1995. p. 304-305.
«La perfection de l'humanité ne sera
pas l'extinction, mais l'harmonie des nationalités: les nationalités
vont bien plutôt se fortifiant que s'affaiblissant; détruire une
nationalité, c'est détruire un son dans l'humanité. "Le génie, dit M.
Michelet, n'est le génie qu'en ce qu'il est à la fois simple et
analyste, à la fois enfant et mûr, homme et femme, barbare et civilisé.
[Le peuple. p. 251.] " La science, de même, ne sera parfaite que quand
elle sera à la fois analytique et synthétique; exclusivement analytique,
elle est étroite, sèche, étriquée; exclusivement synthétique, elle est
chimérique et gratuite. L'homme ne saura réellement que quand, en
affirmant la loi générale, il aura la vue claire de tous les faits
particuliers qu'elle suppose.» — E. RENAN. L'Avenir de la science.
Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 340.
«Si la culture
intellectuelle n'était qu'une jouissance, il ne faudrait pas trouver
mauvais que plusieurs n'y eussent point part, car l'homme n'a pas de
droit à la jouissance. Mais du moment où elle est une religion, et la
religion la plus parfaite, il devient barbare d'en priver une seule âme.
Autrefois, au temps du christianisme, cela n'était pas si révoltant: au
contraire, le sort du malheureux et du simple était en un sens digne
d'envie, puisqu'ils étaient plus près du royaume de Dieu. Mais on a
détruit le charme, il n'y a plus de retour possible. De là une affreuse,
une horrible situation; des hommes condamnés à souffrir sans une pensée
morale, sans une idée élevée, sans un sentiment noble, retenus par la
force seule comme des brutes en cage. Oh ! cela est intolérable !» — E.
RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 350.
«L'indifférence
est en politique ce que le scepticisme est en philosophie, une halte
entre deux dogmatismes, l'un mort, l'autre en germe. Pendant cet
interrègne, libre à chacun de s'attacher à toute doctrine, d'être
suivant son goût pythagoricien ou platonicien, stoïque ou péripatétique.
Toutes les formes sont également inoffensives, et la seule tâche du
pouvoir est de maintenir entre elles la police, pour les empêcher de se
dévorer. Il n'est pas ainsi dans les États dogmatiques, où il y a une
raison vivante et actuelle, une doctrine hors de laquelle il n'y a point
de salut. Forte de toute la vie de la nation, elle en est le premier
besoin et le premier droit. Elle est en un sens supérieure à la loi
politique, puisque celle-ci a en elle sa raison et sa sanction. Le
gouvernement est alors absolu et se fait au nom de la doctrine accepté
de tous. Tout fléchit devant elle, et le pouvoir spirituel, qui la
représente, est autant au-dessus du pouvoir temporel que les besoins
supérieurs de l'homme sont au-dessus des intérêts matériels ou, comme on
disait autrefois, que l'esprit est au-dessus de la chair.» — E. RENAN.
L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 366-367.
«... je crois que le mal [de la corruption de l'homme] ne vient pas de ce que les gouvernements violentent et trompent, mais de ce qu'ils n'élèvent pas. Moi qui suis cultivé, je ne trouve pas de mal en moi, et spontanément, en toute chose, je me porte à ce qui me semble le plus beau. Si tous étaient aussi cultivés que moi, tous seraient comme moi dans l'impossibilité de mal faire. Alors il serait vrai de dire: vous êtes des dieux et les fils du Très-Haut.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 374.
«L'homme élevé n'a qu'à suivre la délicieuse pente de son impulsion intime; il pourrait adopter la devise de saint Augustin et de l'abbaye de Thélème: «Fais ce que tu voudras»; car il ne peut vouloir que de belles choses. L'homme vertueux est un artiste qui réalise le beau dans une vie humaine comme le statuaire se réalise sur le marbre, comme le musicien par des sons. Y a-t-il obéissance et lutte dans l'acte du statuaire et du musicien ?» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 374-375.
«On se figure trop facilement que la liberté est favorable au développement d'idées vraiment originales. Comme on a remarqué que, dans le passé, tout système nouveau est né et a grandi hors la loi, jusqu'au jour où il est devenu loi à son tour, on a pu penser qu'en reconnaissant et légalisant le droit des idées nouvelles à se produire, les choses en iraient beaucoup mieux. Or c'est le contraire qui est arrivé. Jamais on a pensé avec moins d'originalité depuis qu'on a été libre de le faire. L'idée vraie et originale ne demande pas la permission de se produire et se soucie peu que son droit soit ou non reconnu; elle trouve toujours assez de liberté, car elle se fait toute la liberté dont elle a besoin. Le christianisme n'a pas eu besoin de la liberté de presse ni de la liberté de réunion pour conquérir le monde. Une liberté reconnue légalement doit être réglée. Or, une liberté réglée constitue en effet une chaîne plus étroite que l'absence de loi.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 378.
«Tout homme a droit à la vraie religion, à ce qui fait l'homme parfait; c'est-à-dire que tout homme doit trouver dans la société où il naît les moyens d'atteindre la perfection de sa nature, suivant la formule du temps; en d'autres termes, tout homme doit trouver dans la société, en ce qui concerne l'intelligence, ce que la mère lui fournit en ce qui concerne le corps, le lait, l'aliment primordial, le fond premier qu'il ne peut se procurer lui-même. § Cette perfection ne saurait aller sans un certain degré de bien-être matériel. Dans une société normale, l'homme aurait donc droit aussi au premier fond nécessaire pour se procurer cette vie. § En un mot, la société doit à l'homme la possibilité de la vie, de cette vie que l'homme à son tour doit, s'il en est besoin, sacrifier à la société.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 382-383.
«Le sage n'a de colère contre personne, car il sait que la nature humaine ne se passionne que pour la vérité incomplète. Les conservateurs ont tort; car l'état qu'ils défendent comme bon, et qu'ils ont raison de défendre, est mauvais et intolérable. Les révolutionnaires ont tort; car, s'ils voient le mal, ils n'ont pas plus que les autres l'idée organisatrice. Or il est absurde de détruire, quant on a rien à mettre en place. La révolution sera légitime et sainte, quand l'idée régénératrice, c'est-`-dire la religion nouvelle, ayant été découverte, il ne s'agira plus que de renverser l'état vieilli pour lui faire sa place légitime; ou plutôt alors la révolution n'aura pas besoin d'être faite; elle se fera d'elle-même.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 390-391.
«La médiocrité est facilement satisfaite; les grandes âmes sont toujours inquiètes, agitées, car elles aspirent sans cesse au meilleur. L'infini seul pourra les rassasier.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 392.
«Je me garderai de suivre l'économie politique dans ses déductions; les économistes attribueraient sans doute à mon incompétence les défiances que ces déductions m'inspirent; mais je suis compétent en moral et en philosophie de l'humanité. Je ne m'occupe pas des moyens; je dis ce qui doit être et par conséquent ce qui sera.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 393
«Il est horrible qu'un homme soit sacrifié à la jouissance d'un autre. L'inégalité n'est concevable et juste qu'au point de vue de la société morale. S'il ne s'agissait que de jouir, mieux vaudrait pour tous le brouet noir que pour les uns les délices, pour les autres la faim. En vérité, serait-ce la peine de sacrifier sa vie et son bonheur au bien de la société, si tout se bornait à procurer de fades jouissances à quelques niais et insipides satisfaits, qui se sont mis eux-mêmes au ban de l'humanité, pour vivre plus à leur aise ? Je le répète, si le but de la vie n'était que de jouir, il ne faudrait pas trouver mauvais que chacun réclamât sa part, et, à ce point de vue, toute jouissance qu'on se procurerait au dépens des autres serait bien une injustice et un vol.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 393-394.
«Tout sacrifice de l'individu qui n'est pas une injustice, c'est-à-dire la spoliation d'un droit naturel, est permis pour atteindre cette fin; car dans ce cas le sacrifice n'est pas fait à la jouissance d'un autre, il est fait à la société tout entière. C'est l'idée du sacrifice antique, l'homme pour la nation: expedit unum hominem mori pro populo. L'inégalité est légitime toutes les fois que l'inégalité est nécessaire au bien de l'humanité.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 394.
«La subordination des animaux à l'homme, celle des sexes entre eux ne choque personne, parce qu'elle est l'œuvre de la nature et de l'organisation fatale des choses. Au fond, la hiérarchie des hommes selon leur degré de perfection n'est pas plus choquante. Ce qui est horrible c'est que l'individu, de son droit propre et pour sa jouissance personnelle, enchaîne son semblable pour jouir de son travail. L'inégalité est révoltante quand on considère uniquement l'avantage personnel et égoïste que le supérieur tire de l'inférieur; elle est naturelle et juste, si on la considère comme la loi fatale de la société, la condition au moins transitoire de sa perfection.» — E. RENAN. L'Avenir de la science. Garnier-Flammarion. Paris, 1995. p. 395-396.
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