[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
[DE L'INFLUENCE DES CAUSES SECONDAIRES SUR L'ÉTENDUE DE LA PUISSANCE SACERDOTALE]
«Le climat, [...], ne crée pas l'autorité des prêtres, mais il concourt à l'accroître et à le prolonger.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 170.
«Indigène dans certains climats, grâce à l'astrolâtrie, transplanté dans d'autres par les migrations, le sacerdoce calcule et modifie ces impressions opposées. Le Midi est son domaine, le Nord sa conquête.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 170.
«Le besoin du repos, l'aversion pour toute espèce de lutte, enlèvera aux peuples méridionaux tout moyen de secouer un jour établi.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 172.
«Les peuples du Nord ne nous présentent rien de semblable à cette notion indienne sur la pénitence. La vigueur intérieure qui les remplit et qui les anime les dispense de recourir à des macérations douloureuses, ou de placer leur force dans les malédictions. Le sacerdoce, en les dominant, ne change pas leur nature. Nés pour le combat, c'est au combat qu'ils en appellent: les Scandinaves, déçus par les dieux, menaçaient d'escalader le Valhalla, pour en arracher ces dieux réfractaires. Les Indiens, poursuivis par le sentiment de leur impuissance, refusent toute lutte, se replient sur eux-mêmes, et prient ou maudissent au lieu de combattre. Les effets de leurs prières s'étendent à tout. C'est par la prière qu'ils se défendent, c'est par la prière qu'ils se vengent. C'est par la prière qu'ils ébranlent ou raffermissent le monde. C'est par la prière qu'ils ont des enfants.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 172-173.
«Les climats les plus favorables à l'autorité sacerdotale sont en même temps ceux qui répandent le plus de douceur sur le caractère, les habitudes et les mœurs des peuples. Les prêtres ne restent point étrangers à cet adoucissement salutaire. Lorsque, au contraire, la toute-puissance du sacerdoce est l'effet d'une transplantation accidentelle, et repose par là même sur des institutions qui n'ont point leur source dans la nature, ce qui doit arriver dans les climats septentrionaux, aucune compensation ne saurait avoir lieu.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 174.
«En général, plus l'homme est occupé des intérêts de la terre, moins il se laisse dominer par d'autres hommes qui parlent au nom du ciel. Tout ce qui le rappelle aux agitations de la vie met des bornes à un pouvoir dont la base est ailleurs que dans un monde, et dont les promesses ne doivent s'accomplir qu'au-delà du tombeau.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre VI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 178.
«Les grandes calamités politique ont aussi leur influence sur l'étendue de l'autorité sacerdotale. Dans les pays mêmes où le climat trace des limites plus étroites à cette autorité, ces limites ne résistent point aux circonstances extraordinaires qui ramènent l'homme à la superstition. De grandes défaites, de grands malheurs, une famine, une peste, la réveillent d'autant plus terrible, qu'elle est analogue au caractère des peuples que la guerre a rendus féroces. Le despotisme théocratique reparaît dans sa plus effrayante latitude, et il y a des rites épouvantables.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 179.
«... le but de l'homme est le perfectionnement. Il ne peut se perfectionner que par ses propres efforts, par l'exercice de ses facultés, par l'énergie de son libre arbitre. S'il est protégé par une puissance sage et bienveillante, que son sentiment a besoin de reconnaître, en dépit des doutes que la logique évoque, cette puissance doit borner sa protection à l'instruire par des enseignements, à lui révéler des vérités proportionnées à son intelligence. Ces manifestations l'éclairent sans l'enchaîner, elles le laissent libres d'user de ce bienfait à ses risques et périls; il peut en abuser, y renoncer même. Le combat que se livrent en lui le bien et le mal, ses tâtonnements, ses tentatives infructueuses, ses erreurs, et jusqu'à ses crimes, ne prouvent rien contre la révélation qui lui a été accordée. Ces choses sont une portion de la lutte qui est son partage, et cette lutte est son moyen de perfectionnement. Conduit vers ce but par un pouvoir qui asservirait sa volonté, il perdrait la qualité d'être libre; et réduit au rang de machine, sa perfection ne serait plus que que du mécanisme. L'amélioration n'aurait plus rien de moral. La Divinité confie à l'homme la vérité, qu'il doit défendre, conserver, accroître: telle est la mission de son intelligence. Mais en la chargeant de cette mission, elle ne change point sa nature; elle laisse cette nature telle qu'elle était, imparfaite, sujette à l'erreur, pouvant se tromper sur les moyens, en prendre des mauvais, de défectueux, de coupables même.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 189-190.
«... ce que nous nommons révélation, enseignement de la Providence, lumière due à sa sagesse et à sa bonté, d'autres l'appellent sentiment intime, développement d'un germe déposé dans l'âme humaine, peu nous importe. Pour qui croit en Dieu, toute lumière vient de lui, comme tout ce qu'il y a en nous de bon et de noble; et la révélation est partout où il y a quelque chose de vrai, de noble et de bon.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 191.
«La révélation faite à Moïse, nous la reconnaissons dans la partie des livres hébreux où toutes les vertus sont recommandées, l'amour filial, l'amour conjugal, l'hospitalité envers l'étranger, la chasteté, l'amitié, qu'aucune autre législation n'élève au range des vertus, la justice, et même la pitié, bien que l'époque de la pitié ne fût pas encore venue, car cette époque c'est le christianisme. Là est la voix divine; là est la manifestation du ciel sur la terre; et c'est là seulement que l'on ne peut se tromper en lui rendant l'hommage, parce qu'elle répond à tous les sentiments, ennoblit et épure toutes les affections, devance les lumières et fait pénétrer dans l'âme, au sein de la barbarie, des vérités que la raison n'aurait découvertes que beaucoup plus tard.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 194.
«... la pureté de la doctrine n'est point compromise par des actions coupables qui lui sont étrangères, et [...] les actions coupables ne sont pas excusées par la pureté d'une doctrine qui ne les commande pas.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 195.
«Dans le système sacerdotal, quel est le but du monde ? l'accomplissement de la volonté divine. Que sont les organisations politiques ? des moyens d'assurer cet accomplissement. Que sont les chefs des sociétés ? les dépositaires d'une autorité subordonnée, qui n'a droit à l'obéissance que parce qu'elle obéit elle-même à l'autorité qui l'a fondée. Quel est enfin l'organe naturel de cette autorité seule légitime ? le sacerdoce.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 197.
«... ce n'est ni comme raisonnable, ni comme revêtue de formes régulières, ni comme utile à ses sectateurs, c'est comme divine qu'elle [la religion] peut être acceptée. Quand l'utilité est mise dans la balance, elle flétrit la religion de son appui terrestre. Quand la religion est déclarée un instrument de l'État, sa magie est détruite. Les classes auxquelles on la destine sont averties par un secret instinct de dédaigner ce que les autres mortels traitent avec une familiarité si hautaine.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 201.
«... une race qui n'a pour ressort que la crainte, pour motif que le salaire que lui jette du haut de son trône celui qui l'opprime; une race sans illusion qui la relève, sans erreur qui l'excuse, est tombée du rang que la Providence avait assigné à l'espèce humaine, et les facultés qui lui restent et l'intelligence qu'elle déploie ne sont pour elle et pour le monde qu'un malheur et une honte de plus.» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 201.
«À tel période de l'état social, la sacerdoce a pu concourir au grand travail de l'espèce humaine, et accomplir pour sa part les vues protectrices d'une Providence bienveillante: nous ne le nions point. § Nous disons seulement que l'esprit sacerdotal, ennemi, comme tout esprit de corps, des progrès et de la prospérité de la masse, parce que cette prospérité et ces progrès la conduisent à l'indépendance, nous a vendu chèrement ses bienfaits ...» — Benjamin CONSTANT. Livre IV, chapitre XII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 202-203.
mardi 29 juin 2010
lundi 21 juin 2010
Benjamin Constant — De la religion (Livre III)
[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
[DES CAUSES QUI FAVORISENT L'ACCROISSEMENT DU POUVOIR SACERDOTAL]
«Le passage de l'état sauvage à l'état social est une énigme, dont aucun fait historique ne nous présente la solution. Aussi ne décidons-nous rien sur la manière dont ce passage s'est effectué. Nous avons déjà reconnu, qu'au lieu d'être l'état primitif de l'homme, il se pourrait que l'état social fût une dégradation, causée par quelque calamité matérielle, ou une chute, triste résultat d'une faute morale.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 141.
«Tels sont les premiers pas que la naissance de la civilisation fait faire aux notions religieuses. Ces pas sont les mêmes, quels que soit d'ailleurs le pouvoir des prêtres. Mais si nous voulons aller plus loin, deux routes s'ouvrent devant nous, qui, partant d'un même point, s'éloignent à mesure qu'elles se prolongent. L'une est celle que suit l'homme livré à ses propres forces et à son propre instinct; l'autre celle où le sacerdoce entraîne l'homme qu'il réduit en servitude.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 144.
«... dans les contrées où le climat, disposant l'homme à la contemplation, donne à son imagination beaucoup d'activité, en même temps qu'il le dispense presque entièrement des travaux matériels par la prodigalité du sol, la classe qui s'est chargée de pourvoir aux besoins de cette imagination avide de fables et de terreurs, acquière rapidement un pouvoir sans bornes. § Le climat néanmoins ne saurait être considéré comme la première cause de l'asservissement de l'espèce humaine à des corporations sacerdotales. Le sacerdoce a été revêtu d'une autorité sans limites dans tous les climats.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 145.
«... pour qu'une cause soit admise comme suffisante, s'il n'est pas rigoureusement nécessaire que l'effet n'ait existé qu'avec cette cause parce qu'il pourrait avoir été apporté d'ailleurs, il est au moins indispensable que partout où la case a existé, l'effet se retrouve.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 145.
«... à côté de l'étude des mouvements réguliers des astres, se place bientôt celle de leurs relations supposées avec les hommes. À côté de l'observation des phénomènes terrestres, se place de même l'interprétation de ces phénomènes, qui semblent parler à la race humaine une langue sacrée. L'adoration des corps célestes qui conduit à l'astronomie, conduit en même temps à l'astrologie. L'adoration des éléments mène à la divination, deux moyens d'influence bien plus étendus, bien plus immédiats, pour le sacerdoce.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 149.
«Il y a, dans l'avilissement des castes inférieures et dans leur résignation à cet avilissement, quelque chose que n'expliqueraient ni la lassitude de l'anarchie ni le désir de l'ordre, et qui ne peut être le résultat d'une simple combinaison politique, mais doit remonter à un état social, dans lequel la grande majorité de l'espèce humaine ne possédait encore ni la connaissance de ses droits ni le sentiment de ses forces.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 155.
«Le principe de l'inégalité des castes tient à une opinion de tache originelle, de souillure indélébile, qu'aucune disproportion de force peut effacer.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 155.
«L'homme a donc pu, sans calcul intéressé de la part d'une classe, considérer les enfants de ceux qu'il croyait favorisés par les dieux, comme appelés à l'héritage de cette faveur. Mais le sacerdoce a tiré parti de ce penchant de l'homme, comme de tout ce qui est dans la nature; et pour en mieux profiter, il l'a combiné avec une notion également naturelle, celle de pureté et d'impureté.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 156.
«Le sentiment religieux peut aussi avoir eu sa part à l'institution des castes. L'idée de la pureté est l'une de celles qu'il chérit le plus; et il a dû adopter avec avidité ce qui était raconté à cet égard, par des mortels privilégiés qui commandaient tour à tour le respect et la crainte.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 156.
«Les pays où l'institution des castes se trouve le plus clairement et le plus solidement établie, sont précisément ceux dans lesquels se combinent l'adoration des astres et la chaleur du climat; cause secondaire, [...], mais très favorable à la puissance des prêtres.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 157.
«Un genre de vie agité, belliqueux, vagabond, ôte à l'extérieur des institutions quelque chose de leur fixité, lors même que leur force et l'intensité de leur action ne sont pas diminuées.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre IX. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 160.
«Pour justifier la cumulation de tant de pouvoir et de tant d'immunités, les raisonnements des prêtres furent les mêmes chez tous les peuples. L'espèce humaine n'est sur la terre que pour accomplir la volonté des dieux. Toutes les actions des individus ont un rapport plus ou moins direct avec cette volonté. Les prêtres la connaissent et la font connaître. Il leur appartient donc de juger et de punir la désobéissance.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre X. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 165.
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[DES CAUSES QUI FAVORISENT L'ACCROISSEMENT DU POUVOIR SACERDOTAL]
«Le passage de l'état sauvage à l'état social est une énigme, dont aucun fait historique ne nous présente la solution. Aussi ne décidons-nous rien sur la manière dont ce passage s'est effectué. Nous avons déjà reconnu, qu'au lieu d'être l'état primitif de l'homme, il se pourrait que l'état social fût une dégradation, causée par quelque calamité matérielle, ou une chute, triste résultat d'une faute morale.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 141.
«Tels sont les premiers pas que la naissance de la civilisation fait faire aux notions religieuses. Ces pas sont les mêmes, quels que soit d'ailleurs le pouvoir des prêtres. Mais si nous voulons aller plus loin, deux routes s'ouvrent devant nous, qui, partant d'un même point, s'éloignent à mesure qu'elles se prolongent. L'une est celle que suit l'homme livré à ses propres forces et à son propre instinct; l'autre celle où le sacerdoce entraîne l'homme qu'il réduit en servitude.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 144.
«... dans les contrées où le climat, disposant l'homme à la contemplation, donne à son imagination beaucoup d'activité, en même temps qu'il le dispense presque entièrement des travaux matériels par la prodigalité du sol, la classe qui s'est chargée de pourvoir aux besoins de cette imagination avide de fables et de terreurs, acquière rapidement un pouvoir sans bornes. § Le climat néanmoins ne saurait être considéré comme la première cause de l'asservissement de l'espèce humaine à des corporations sacerdotales. Le sacerdoce a été revêtu d'une autorité sans limites dans tous les climats.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 145.
«... pour qu'une cause soit admise comme suffisante, s'il n'est pas rigoureusement nécessaire que l'effet n'ait existé qu'avec cette cause parce qu'il pourrait avoir été apporté d'ailleurs, il est au moins indispensable que partout où la case a existé, l'effet se retrouve.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 145.
«... à côté de l'étude des mouvements réguliers des astres, se place bientôt celle de leurs relations supposées avec les hommes. À côté de l'observation des phénomènes terrestres, se place de même l'interprétation de ces phénomènes, qui semblent parler à la race humaine une langue sacrée. L'adoration des corps célestes qui conduit à l'astronomie, conduit en même temps à l'astrologie. L'adoration des éléments mène à la divination, deux moyens d'influence bien plus étendus, bien plus immédiats, pour le sacerdoce.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 149.
«Il y a, dans l'avilissement des castes inférieures et dans leur résignation à cet avilissement, quelque chose que n'expliqueraient ni la lassitude de l'anarchie ni le désir de l'ordre, et qui ne peut être le résultat d'une simple combinaison politique, mais doit remonter à un état social, dans lequel la grande majorité de l'espèce humaine ne possédait encore ni la connaissance de ses droits ni le sentiment de ses forces.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 155.
«Le principe de l'inégalité des castes tient à une opinion de tache originelle, de souillure indélébile, qu'aucune disproportion de force peut effacer.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 155.
«L'homme a donc pu, sans calcul intéressé de la part d'une classe, considérer les enfants de ceux qu'il croyait favorisés par les dieux, comme appelés à l'héritage de cette faveur. Mais le sacerdoce a tiré parti de ce penchant de l'homme, comme de tout ce qui est dans la nature; et pour en mieux profiter, il l'a combiné avec une notion également naturelle, celle de pureté et d'impureté.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 156.
«Le sentiment religieux peut aussi avoir eu sa part à l'institution des castes. L'idée de la pureté est l'une de celles qu'il chérit le plus; et il a dû adopter avec avidité ce qui était raconté à cet égard, par des mortels privilégiés qui commandaient tour à tour le respect et la crainte.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 156.
«Les pays où l'institution des castes se trouve le plus clairement et le plus solidement établie, sont précisément ceux dans lesquels se combinent l'adoration des astres et la chaleur du climat; cause secondaire, [...], mais très favorable à la puissance des prêtres.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 157.
«Un genre de vie agité, belliqueux, vagabond, ôte à l'extérieur des institutions quelque chose de leur fixité, lors même que leur force et l'intensité de leur action ne sont pas diminuées.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre IX. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 160.
«Pour justifier la cumulation de tant de pouvoir et de tant d'immunités, les raisonnements des prêtres furent les mêmes chez tous les peuples. L'espèce humaine n'est sur la terre que pour accomplir la volonté des dieux. Toutes les actions des individus ont un rapport plus ou moins direct avec cette volonté. Les prêtres la connaissent et la font connaître. Il leur appartient donc de juger et de punir la désobéissance.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre X. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 165.
jeudi 3 juin 2010
Benjamin Constant — De la religion (Livre II)
[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
[DE LA FORME LA PLUS GROSSIÈRE QUE LES IDÉES RELIGIEUSES PUISSENT REVÊTIR]
«... le sentiment religieux, le besoin que l'homme éprouve de se mettre en communication avec la nature qui l'entour, et les forces inconnues qui lui semblent animer cette nature. § La forme religieuse est le moyen qu'il emploie pour établir cette communication.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 99.
«Mieux vaut partir de faits historiques, pour remonter aux causes de ces faits.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 99.
«L'homme, [...], place toujours dans l'inconnu ses idées religieuses. Pour le Sauvage, tout est inconnu. Son sentiment religieux s'adresse donc à tout ce qu'il rencontre.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 101.
«Cet effort du sentiment religieux pour s'élever à la conception d'un dieu supérieur aux fétiches, suggère au Sauvage une notion plus abstraite encore, qui, dans les philosophies des époques civilisées, prendra d'immenses développements. § Nous voulons parler de la division en deux substances [la substance qui imprime le mouvement et celle qui le reçoit] ou de la spiritualité.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 104.
«Si le sentiment se nourrit d'émotions vagues, l'intelligence, plus exigeante, veut des raisonnements dont la justesse la satisfasse. Le besoin intérieur que l'homme éprouve d'adorer des êtres avec lesquels il corresponde et dont les soins protecteurs veillent sur lui, suffit au sentiment pour concevoir des dieux tutélaires. L'intelligence, qui observe avant de juger, tire des phénomènes extérieurs qu'elle compare et qu'elle rapproche des conclusions en partie différentes. Si plusieurs de ces phénomènes annoncent une force bienveillante, d'autres indiquent une sorte de haine et d'hostilité. Cette opposition, qui éclate à chaque instant dans chaque détail de la nature physique et morale, est à toutes les époques une énigme insoluble pour les esprit les plus exercés. Qui ne connaît pas les tentatives multipliées de toutes les écoles de philosophie pour résoudre le problème de l'origine du mal ?» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 105-106.
«Si le sentiment a ses émotions, l'intelligence ses lois, l'intérêt personnel a ses désirs et ses volontés; il faut que la religion s'y prête. Moins l'homme est éclairé, plus son intérêt personnel est impétueux, et lus en même temps il est resserré dans une sphère étroite et ignoble. Ses passions sont plus violentes, ses idées d'utilité se bornent toutes au moment présent. § Aussitôt donc que, pressé par le sentiment religieux, il s'est créé des objets de culte, il est poussé par son intérêt à les employer à son usage. Il entre alors dans une carrière toute nouvelle où l'intérêt travaille à fausser le sentiment religieux. § Le sentiment l'avait entraîné vers l'inconnu; l'intérêt le ramène aux choses connues. Le sentiment l'avait élevé au-dessus de lui-même; l'intérêt le rabaisse à son niveau.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 106.
«L'idée du sacrifice est inséparable de toute religion. L'on pourrait dire qu'elle est inséparable de toute affection vive et profonde. L'amour se complaît à immoler à l'être qu'il préfère tout ce que d'ailleurs il a de plus cher; il se complaît même, dans son exaltation raffinée, à se consacrer à l'objet aimé, par les souffrances les plus cruelles et les privations les plus pénibles.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 107.
«Le sentiment voudrait que le sacrifice fût désintéressé. L'intérêt veut qu'il ait pour but une réciprocité de services. Alors la religion n'est plus qu'un trafic. Le culte s'arrête, quand le profit cesse. L'homme passe d'un fétiche à l'autre, cherchant toujours un allié plus fidèle, un protecteur plus puissant, un plus zélé complice. § Dirigeant la religion vers ce but ignoble, l'intérêt en écarte toute notion de morale. Le fétiche est un être égoïste et avide, allié d'un être plus faible, égoïste comme lui. Les sacrifices dont il se repaît ne regardent que lui seul. Les devoir qu'il impose consistent en victimes, en offrandes, en témoignages de soumission, monnaie convenue, signes représentatifs d'offrandes et de victimes futures. C'est un paiement que le fétiche réclame, pour la protection qu'il accorde; que ce paiement se fasse avec exactitude et libéralité, aucun des deux contractants ne se mêle de ce que fait l'autre vis-à-vis d'un tiers.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 109.
«Quelle que soit la croyance, la question principale est de voir si le sentiment ou l'intérêt prédomine: si c'est l'intérêt, la pureté de la doctrine est sans importance. La religion alors n'est que du fétichisme ...» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 110.
«Tel est donc le culte de l'état sauvage. C'est la religion à l'époque la plus brute de l'esprit humain. Elle est en arrière de toutes les formes que nous aurons bientôt à décrire. Elle ne réunit point ses dieux en un corps, comme le polythéisme des nations policées. Ses vagues notions du Grand Esprit ne s'élèvent point à la hauteur du théisme. Elle choisit ses protecteurs dans une sphère bien inférieure. Elle n'a point l'esprit jaloux, mais compact de la théocratie, qui, plaçant son dieu en hostilité perpétuelle avec tous les autres, crée l'esprit national et le patriotisme par l'intolérance. § Dans cette conception étroite et informe réside néanmoins le germe des hautes idées qui, par la suite, se déploieront à nos regards.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 111.
«... en effet il est très possible pour le raisonnement de concevoir la religion séparée de la morale. Les relations des hommes avec les dieux constituent la religion. Les relations des hommes avec les hommes constituent la morale. Ces deux choses n'ont aucun rapport nécessaire entre elles. Les dieux peuvent ne s'occuper que de la conduite des hommes à leur égard, sans intervenir dans celle des hommes avec leurs semblables. Ceux-ci peuvent n'être responsables envers les premiers que de l'observance des devoirs du culte, et rester pour ceux de la morale dans une indépendance complète. On ne saurait imaginer la religion ne représentant pas ses dieux comme des êtres puissants. Mais on peut sans difficulté la concevoir ne leur donnant d'autres attributs que la puissance. Cela serait surtout naturel, si la terreur était l'unique source de la religion. » — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 112-113.
«Nous ne traitons jamais avec quiconque a des intérêts opposés aux nôtres sans nous efforcer de lire dans ses yeux si ses intentions répondent à ses paroles, et nous sommes douloureusement avertis par l'expérience de l'impuissance de nos efforts. La voix, le geste, le regard peuvent être complices de l'imposture.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 113.
«La conviction religieuse crée une sauvegarde, le serment; mais cette garantie disparaît avec la conviction religieuse. Trop souvent, au sein de la civilisation, les peuples irréligieux passent d'un serment à l'autre, ne se croyant liés par aucun, et les considérations comme des formules appartenant de droit au pouvoir qui règne, et ne constituent aucun tire en faveur du pouvoir déchu. Leurs chefs, irréligieux en même temps qu'hypocrites, foulent sans remords le matin les promesses de la veille, et promènent au milieu de l'indignation le scandale de la perfidie. Ainsi tous les liens sont brisés; le droit n'existe plus; le devoir disparaît avec le droit; la force est déchaînée; le parjure fait de la société un état permanent de guerre et de fraude.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 114.
«Si l'homme ne tirait ses idées religieuses que de l'action matérielle des objets extérieurs; si la religion n'était qu'une combinaison de l'esprit, un résultat de l'intérêt, de l'ignorance ou de la crainte, son alliance avec la morale ne serait ni si rapide ni si infaillible. Mais la morale est un sentiment. Elle s'associe au sentiment religieux, parce que tous les sentiments se tiennent.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 115.
«Si, [...], c'est toujours dans l'inconnu que la religion se place, le centre de toutes les conjonctures religieuses doit être la mort; car la mort est de toutes les choses inconnues la plus imposante.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 116.
«L'homme, [...], repoussé loin des morts par l'instinct physique, se trouve attiré de nouveau près d'eux par un mouvement qui dompte cet instinct.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 122.
«Le sentiment éloigne l'objet de son culte pour mieux l'adorer: l'intérêt s'en rapproche pour mieux s'en servir.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre V. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 126.
«A proprement parler, la magie n'est que la religion séparée du sentiment religieux, et réduite aux notions que l'intérêt seul suggère.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 127.
«... dans tous les cultes, l'acte de prophétiser est un acte pénible.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 132.
«Le culte qui flatte les désirs immédiats convient mieux à l'exigence de la passion que l'adoration, qui est inapplicable aux détails de la vie.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 133.
«L'effusion du sang humain [dans les sacrifices religieux] est devenue l'offrande la plus précieuse, parce que la vie est aux yeux de l'homme ce qu'il y a de plus précieux: et parmi ces horribles offrandes, les plus méritoires ont dû être celles qui frappaient les victimes les plus chères. Rien n'est plus terrible que la logique dans l'absurdité.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 134.
«L'homme dès sa première enfance a cru ne faire jamais assez pour honorer ses dieux. La nature l'invitait au plaisir, il a sacrifié le plaisir pour leur plaire; la nature lui prescrivait la pudeur, il leur a offert la pudeur en holocauste. Mais c'est au sacerdoce qu'appartient ce dernier raffinement. Il a découvert dans la lutte qui s'élevait entre le sentiment intérieur et des pratiques obscènes, le sujet d'un triomphe nouveau pour la religion, triomphe en sens inverse de celui qu'elle avait remporté sur l'attrait des sexes; et après avoir interdit à la jeune vierge les chastes embrassements d'un époux, il l'a traînée devant ses divinités hideuses pour la profaner et la flétrir.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 135.
«... moins un peuple est éclairé, plus le sacerdoce est inséparable de la religion.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 137.
«Le mal n'est jamais dans ce qui existe naturellement, mais dans ce qu'on prolonge ou dans ce qu'on rétablit par la ruse ou la force. Le véritable bien, c'est la proportion. La nature la maintient toujours quand on laisse la nature libre. Toute disproportion est pernicieuse. Ce qui est usé, ce qui est hâtif est également funeste.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 138.
«... la profondeur n'est pas dans l'érudition qui compile, mais dans la perspicacité qui apprécie ...» — Benjamin CONSTANT. Livre XII, chapitre V. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 478.
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
[DE LA FORME LA PLUS GROSSIÈRE QUE LES IDÉES RELIGIEUSES PUISSENT REVÊTIR]
«... le sentiment religieux, le besoin que l'homme éprouve de se mettre en communication avec la nature qui l'entour, et les forces inconnues qui lui semblent animer cette nature. § La forme religieuse est le moyen qu'il emploie pour établir cette communication.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 99.
«Mieux vaut partir de faits historiques, pour remonter aux causes de ces faits.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 99.
«L'homme, [...], place toujours dans l'inconnu ses idées religieuses. Pour le Sauvage, tout est inconnu. Son sentiment religieux s'adresse donc à tout ce qu'il rencontre.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 101.
«Cet effort du sentiment religieux pour s'élever à la conception d'un dieu supérieur aux fétiches, suggère au Sauvage une notion plus abstraite encore, qui, dans les philosophies des époques civilisées, prendra d'immenses développements. § Nous voulons parler de la division en deux substances [la substance qui imprime le mouvement et celle qui le reçoit] ou de la spiritualité.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 104.
«Si le sentiment se nourrit d'émotions vagues, l'intelligence, plus exigeante, veut des raisonnements dont la justesse la satisfasse. Le besoin intérieur que l'homme éprouve d'adorer des êtres avec lesquels il corresponde et dont les soins protecteurs veillent sur lui, suffit au sentiment pour concevoir des dieux tutélaires. L'intelligence, qui observe avant de juger, tire des phénomènes extérieurs qu'elle compare et qu'elle rapproche des conclusions en partie différentes. Si plusieurs de ces phénomènes annoncent une force bienveillante, d'autres indiquent une sorte de haine et d'hostilité. Cette opposition, qui éclate à chaque instant dans chaque détail de la nature physique et morale, est à toutes les époques une énigme insoluble pour les esprit les plus exercés. Qui ne connaît pas les tentatives multipliées de toutes les écoles de philosophie pour résoudre le problème de l'origine du mal ?» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 105-106.
«Si le sentiment a ses émotions, l'intelligence ses lois, l'intérêt personnel a ses désirs et ses volontés; il faut que la religion s'y prête. Moins l'homme est éclairé, plus son intérêt personnel est impétueux, et lus en même temps il est resserré dans une sphère étroite et ignoble. Ses passions sont plus violentes, ses idées d'utilité se bornent toutes au moment présent. § Aussitôt donc que, pressé par le sentiment religieux, il s'est créé des objets de culte, il est poussé par son intérêt à les employer à son usage. Il entre alors dans une carrière toute nouvelle où l'intérêt travaille à fausser le sentiment religieux. § Le sentiment l'avait entraîné vers l'inconnu; l'intérêt le ramène aux choses connues. Le sentiment l'avait élevé au-dessus de lui-même; l'intérêt le rabaisse à son niveau.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 106.
«L'idée du sacrifice est inséparable de toute religion. L'on pourrait dire qu'elle est inséparable de toute affection vive et profonde. L'amour se complaît à immoler à l'être qu'il préfère tout ce que d'ailleurs il a de plus cher; il se complaît même, dans son exaltation raffinée, à se consacrer à l'objet aimé, par les souffrances les plus cruelles et les privations les plus pénibles.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 107.
«Le sentiment voudrait que le sacrifice fût désintéressé. L'intérêt veut qu'il ait pour but une réciprocité de services. Alors la religion n'est plus qu'un trafic. Le culte s'arrête, quand le profit cesse. L'homme passe d'un fétiche à l'autre, cherchant toujours un allié plus fidèle, un protecteur plus puissant, un plus zélé complice. § Dirigeant la religion vers ce but ignoble, l'intérêt en écarte toute notion de morale. Le fétiche est un être égoïste et avide, allié d'un être plus faible, égoïste comme lui. Les sacrifices dont il se repaît ne regardent que lui seul. Les devoir qu'il impose consistent en victimes, en offrandes, en témoignages de soumission, monnaie convenue, signes représentatifs d'offrandes et de victimes futures. C'est un paiement que le fétiche réclame, pour la protection qu'il accorde; que ce paiement se fasse avec exactitude et libéralité, aucun des deux contractants ne se mêle de ce que fait l'autre vis-à-vis d'un tiers.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 109.
«Quelle que soit la croyance, la question principale est de voir si le sentiment ou l'intérêt prédomine: si c'est l'intérêt, la pureté de la doctrine est sans importance. La religion alors n'est que du fétichisme ...» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 110.
«Tel est donc le culte de l'état sauvage. C'est la religion à l'époque la plus brute de l'esprit humain. Elle est en arrière de toutes les formes que nous aurons bientôt à décrire. Elle ne réunit point ses dieux en un corps, comme le polythéisme des nations policées. Ses vagues notions du Grand Esprit ne s'élèvent point à la hauteur du théisme. Elle choisit ses protecteurs dans une sphère bien inférieure. Elle n'a point l'esprit jaloux, mais compact de la théocratie, qui, plaçant son dieu en hostilité perpétuelle avec tous les autres, crée l'esprit national et le patriotisme par l'intolérance. § Dans cette conception étroite et informe réside néanmoins le germe des hautes idées qui, par la suite, se déploieront à nos regards.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 111.
«... en effet il est très possible pour le raisonnement de concevoir la religion séparée de la morale. Les relations des hommes avec les dieux constituent la religion. Les relations des hommes avec les hommes constituent la morale. Ces deux choses n'ont aucun rapport nécessaire entre elles. Les dieux peuvent ne s'occuper que de la conduite des hommes à leur égard, sans intervenir dans celle des hommes avec leurs semblables. Ceux-ci peuvent n'être responsables envers les premiers que de l'observance des devoirs du culte, et rester pour ceux de la morale dans une indépendance complète. On ne saurait imaginer la religion ne représentant pas ses dieux comme des êtres puissants. Mais on peut sans difficulté la concevoir ne leur donnant d'autres attributs que la puissance. Cela serait surtout naturel, si la terreur était l'unique source de la religion. » — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 112-113.
«Nous ne traitons jamais avec quiconque a des intérêts opposés aux nôtres sans nous efforcer de lire dans ses yeux si ses intentions répondent à ses paroles, et nous sommes douloureusement avertis par l'expérience de l'impuissance de nos efforts. La voix, le geste, le regard peuvent être complices de l'imposture.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 113.
«La conviction religieuse crée une sauvegarde, le serment; mais cette garantie disparaît avec la conviction religieuse. Trop souvent, au sein de la civilisation, les peuples irréligieux passent d'un serment à l'autre, ne se croyant liés par aucun, et les considérations comme des formules appartenant de droit au pouvoir qui règne, et ne constituent aucun tire en faveur du pouvoir déchu. Leurs chefs, irréligieux en même temps qu'hypocrites, foulent sans remords le matin les promesses de la veille, et promènent au milieu de l'indignation le scandale de la perfidie. Ainsi tous les liens sont brisés; le droit n'existe plus; le devoir disparaît avec le droit; la force est déchaînée; le parjure fait de la société un état permanent de guerre et de fraude.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 114.
«Si l'homme ne tirait ses idées religieuses que de l'action matérielle des objets extérieurs; si la religion n'était qu'une combinaison de l'esprit, un résultat de l'intérêt, de l'ignorance ou de la crainte, son alliance avec la morale ne serait ni si rapide ni si infaillible. Mais la morale est un sentiment. Elle s'associe au sentiment religieux, parce que tous les sentiments se tiennent.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 115.
«Si, [...], c'est toujours dans l'inconnu que la religion se place, le centre de toutes les conjonctures religieuses doit être la mort; car la mort est de toutes les choses inconnues la plus imposante.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 116.
«L'homme, [...], repoussé loin des morts par l'instinct physique, se trouve attiré de nouveau près d'eux par un mouvement qui dompte cet instinct.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 122.
«Le sentiment éloigne l'objet de son culte pour mieux l'adorer: l'intérêt s'en rapproche pour mieux s'en servir.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre V. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 126.
«A proprement parler, la magie n'est que la religion séparée du sentiment religieux, et réduite aux notions que l'intérêt seul suggère.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 127.
«... dans tous les cultes, l'acte de prophétiser est un acte pénible.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 132.
«Le culte qui flatte les désirs immédiats convient mieux à l'exigence de la passion que l'adoration, qui est inapplicable aux détails de la vie.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 133.
«L'effusion du sang humain [dans les sacrifices religieux] est devenue l'offrande la plus précieuse, parce que la vie est aux yeux de l'homme ce qu'il y a de plus précieux: et parmi ces horribles offrandes, les plus méritoires ont dû être celles qui frappaient les victimes les plus chères. Rien n'est plus terrible que la logique dans l'absurdité.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 134.
«L'homme dès sa première enfance a cru ne faire jamais assez pour honorer ses dieux. La nature l'invitait au plaisir, il a sacrifié le plaisir pour leur plaire; la nature lui prescrivait la pudeur, il leur a offert la pudeur en holocauste. Mais c'est au sacerdoce qu'appartient ce dernier raffinement. Il a découvert dans la lutte qui s'élevait entre le sentiment intérieur et des pratiques obscènes, le sujet d'un triomphe nouveau pour la religion, triomphe en sens inverse de celui qu'elle avait remporté sur l'attrait des sexes; et après avoir interdit à la jeune vierge les chastes embrassements d'un époux, il l'a traînée devant ses divinités hideuses pour la profaner et la flétrir.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 135.
«... moins un peuple est éclairé, plus le sacerdoce est inséparable de la religion.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 137.
«Le mal n'est jamais dans ce qui existe naturellement, mais dans ce qu'on prolonge ou dans ce qu'on rétablit par la ruse ou la force. Le véritable bien, c'est la proportion. La nature la maintient toujours quand on laisse la nature libre. Toute disproportion est pernicieuse. Ce qui est usé, ce qui est hâtif est également funeste.» — Benjamin CONSTANT. Livre II, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 138.
«... la profondeur n'est pas dans l'érudition qui compile, mais dans la perspicacité qui apprécie ...» — Benjamin CONSTANT. Livre XII, chapitre V. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 478.
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