lundi 21 juin 2010

Benjamin Constant — De la religion (Livre III)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.

 [DES CAUSES QUI FAVORISENT L'ACCROISSEMENT DU POUVOIR SACERDOTAL]

«Le passage de l'état sauvage à l'état social est une énigme, dont aucun fait historique ne nous présente la solution. Aussi ne décidons-nous rien sur la manière dont ce passage s'est effectué. Nous avons déjà reconnu, qu'au lieu d'être l'état primitif de l'homme, il se pourrait que l'état social fût une dégradation, causée par quelque calamité matérielle, ou une chute, triste résultat d'une faute morale.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 141.

«Tels sont les premiers pas que la naissance de la civilisation fait faire aux notions religieuses. Ces pas sont les mêmes, quels que soit d'ailleurs le pouvoir des prêtres. Mais si nous voulons aller plus loin, deux routes s'ouvrent devant nous, qui, partant d'un même point, s'éloignent à mesure qu'elles se prolongent. L'une est celle que suit l'homme livré à ses propres forces et à son propre instinct; l'autre celle où le sacerdoce entraîne l'homme qu'il réduit en servitude.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre II. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 144.


«... dans les contrées où le climat, disposant l'homme à la contemplation, donne à son imagination beaucoup d'activité, en même temps qu'il le dispense presque entièrement des travaux matériels par la prodigalité du sol, la classe qui s'est chargée de pourvoir aux besoins de cette imagination avide de fables et de terreurs, acquière rapidement un pouvoir sans bornes. § Le climat néanmoins ne saurait être considéré comme la première cause de l'asservissement de l'espèce humaine à des corporations sacerdotales. Le sacerdoce a été revêtu d'une autorité sans limites dans tous les climats.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 145.

«... pour qu'une cause soit admise comme suffisante, s'il n'est pas rigoureusement nécessaire que l'effet n'ait existé qu'avec cette cause parce qu'il pourrait avoir été apporté d'ailleurs, il est au moins indispensable que partout où la case a existé, l'effet se retrouve.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre III. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 145.

«... à côté de l'étude des mouvements réguliers des astres, se place bientôt celle de leurs relations supposées avec les hommes. À côté de l'observation des phénomènes terrestres, se place de même l'interprétation de ces phénomènes, qui semblent parler à la race humaine une langue sacrée. L'adoration des corps célestes qui conduit à l'astronomie, conduit en même temps à l'astrologie. L'adoration des éléments mène à la divination, deux moyens d'influence bien plus étendus, bien plus immédiats, pour le sacerdoce.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 149. 

«Il y a, dans l'avilissement des castes inférieures et dans leur résignation à cet avilissement, quelque chose que n'expliqueraient ni la lassitude de l'anarchie ni le désir de l'ordre, et qui ne peut être le résultat d'une simple combinaison politique, mais doit remonter à un état social, dans lequel la grande majorité de l'espèce humaine ne possédait encore ni la connaissance de ses droits ni le sentiment de ses forces.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 155.

«Le principe de l'inégalité des castes tient à une opinion de tache originelle, de souillure indélébile, qu'aucune disproportion de force peut effacer.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 155.

«L'homme a donc pu, sans calcul intéressé de la part d'une classe, considérer les enfants de ceux qu'il croyait favorisés par les dieux, comme appelés à l'héritage de cette faveur. Mais le sacerdoce a tiré parti de ce penchant de l'homme, comme de tout ce qui est dans la nature; et pour en mieux profiter, il l'a combiné avec une notion également naturelle, celle de pureté et d'impureté.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 156.

«Le sentiment religieux peut aussi avoir eu sa part à l'institution des castes. L'idée de la pureté est l'une de celles qu'il chérit le plus; et il a dû adopter avec avidité ce qui était raconté à cet égard, par des mortels privilégiés qui commandaient tour à tour le respect et la crainte.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 156.

«Les pays où l'institution des castes se trouve le plus clairement et le plus solidement établie, sont précisément ceux dans lesquels se combinent l'adoration des astres et la chaleur du climat; cause secondaire, [...], mais très favorable à la puissance des prêtres.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre VIII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 157.

«Un genre de vie agité, belliqueux, vagabond, ôte à l'extérieur des institutions quelque chose de leur fixité, lors même que leur force et l'intensité de leur action ne sont pas diminuées.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre IX. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 160.

«Pour justifier la cumulation de tant de pouvoir et de tant d'immunités, les raisonnements des prêtres furent les mêmes chez tous les peuples. L'espèce humaine n'est sur la terre que pour accomplir la volonté des dieux. Toutes les actions des individus ont un rapport plus ou moins direct avec cette volonté. Les prêtres la connaissent et la font connaître. Il leur appartient donc de juger et de punir la désobéissance.» — Benjamin CONSTANT. Livre III, chapitre X. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 165.

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