[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.
Henri BERGSON. Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000.
CHAPITRE II
La religion statique
«... la superstition la plus basse a été pendant si longtemps un fait universel. Elle subsiste d,ailleurs encore. On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd'hui des sociétés humaines qui n'ont ni science, ni art, ni philosophie. Mais il n'y a jamais eu de société sans religion.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 105.
«Très probablement l'animal ignore la superstition. Nous ne savons guère ce qui se passe dans des consciences autres que la nôtre; mais comme les états religieux se traduisent d'ordinaire par des attitudes et par des actes, nous serions bien avertis par quelque signe si l'animal était capable de religiosité. Force nous est donc d'en prendre notre notre parti. L'homo sapiens, seul être doué de raison, est le seul aussi qui puisse suspendre son existence à des choses déraisonnables.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 105-106.
«... l'observation des «primitifs» pose inévitablement la question des origines psychologiques de la superstition, et [...] la structure générale de l'esprit humain — l'observation par conséquent de l'homme actuel et civilisé — nous paraîtra fournir des éléments suffisants à la solution du problème.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 107.
«Pour notre part, nous estimons qu'on ne tiendra jamais assez compte de sa destination sociale quand on étudiera l'individu. C'est pour avoir négligé de le faire que la psychologie a si peu progressé dans certaines directions. Je ne parle pas de l'intérêt qu'il y aurait à approfondir certains états anormaux ou morbides qui impliquent entre les membres d'une société, comme entre les abeilles de la ruche, une invisible anastomose: en dehors de la ruche l'abeille s'étiole et meurt; isolé de la société ou ne participant assez à son effort, l'homme souffre d'un mal peut-être analogue, bien peu étudié jusqu'à présent, qu'on appelle l'ennui; quand l'isolement se prolonge, comme dans la réclusion pénale, des troubles mentaux caractéristiques se déclarent. Ces phénomènes mériteraient déjà que la psychologie leur ouvrît un compte spécial; il se solderait par de beaux bénéfices.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 108-109.
«... elle {la psychologie] pose des facultés générales de percevoir, d'interpréter, de comprendre, sans se demander si ce ne seraient pas des mécanismes différents qui entreraient en jeu selon que ces facultés s'appliquent à des personnes ou à des choses, selon que l'intelligence est immergée ou non dans le milieu social. Pourtant le commun des hommes esquisse déjà cette distinction et l'a même consignée dans son langage: à côté des sens, qui nous renseignent sur les choses, il met le bon sens, qui concerne nos relations avec les personnes. Comment ne pas remarquer que l'on peut être profond mathématicien, savant physicien, psychologue délicat en tant que s'analysant soi-même, et pourtant comprendre de travers les actions d'autrui, mal calculer les siennes, ne jamais s'adapter au milieu, enfin manquer de bon sens ?.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 109.
«Le bon sens, qu'on peut appeler le sens social, est donc inné à l'homme normal, comme la faculté de parler, qui implique également l'existence de la société et qui n'en est pas moins dessinée dans les organismes individuels.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 110.
«Comment alors y aurait-il une mentalité sociale survenant par surcroît, et capable de déconcerter la mentalité individuelle ? Comment la première ne serait-elle pas immanente à la seconde ? Le problème que nous posions, et qui est de savoir comment des superstitions absurdes ont pu et peuvent encore gouverner la vie d'êtres raisonnables, subsiste donc tout entier. Nous disions qu'on a beau parler de mentalité primitive, le problème n'en concerne pas moins la psychologie de l'homme actuel. Nous ajouterons qu'on a beau parler de représentations collectives, la question ne s'en pose pas moins à la psychologie de l'homme individuel.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 110-111.
«L'homme peut sans doute rêver ou philosopher, mais il doit vivre d'abord; nul doute que notre structure psychologique ne tienne à la nécessité de conserver et de développer la vie individuelle et sociale. Si la psychologie ne se règle pas sur cette considération, elle déformera nécessairement son objet.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 111.
«Il est donc vraisemblable que poèmes et fantaisies de tout genre sont venus par surcroît, profitant de ce que l'esprit savait faire des fables, mais que la religion était la raison d'être de la fonction fabulatrice: par rapport à la religion, cette faculté serait effet et non pas cause. Un besoin, peut-être individuel, en tout cas social, a dû exiger de l'esprit ce genre d'activité. Demandons-nous quel était le besoin.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 112.
«Une fiction, si l'image est vive et obsédante, pourra précisément imiter la perception et, par là, empêcher ou modifier l'action. Une expérience systématiquement fausse, se dressant devant l'intelligence, pourra l'arrêter au moment où elle irait trop loin dans les conséquences qu'elle tire de l'expérience vraie. Ainsi aurait donc procédé la nature. Dans ces conditions, on ne s'étonnerait pas de trouver que l'intelligence, aussitôt formée, a été envahie par la superstition, qu'un être essentiellement intelligent est naturellement superstitieux, et qu'il n'y a de superstitieux que les êtres intelligents.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 113.
«... l'esprit humain peut être dans le vrai ou dans le faux, mais [...] dans un cas comme dans l'autre, quelle que soit la direction où il s'est engagé, il va droit devant lui: de conséquence en conséquence, d'analyse en analyse, il s'enfonce davantage dans l'erreur, comme il s'épanouit plus complètement dans la vérité.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 113.
«L'immense variété des croyances auxquelles nous avons affaire est donc le résultat d'une longue prolifération. De leur absurdité ou de leur étrangeté on peut sans doute conclure à une certaine orientation vers l'étrange ou l'absurde dans la marche d'une certaine fonction de l'esprit; mais ces caractères ne sont probablement aussi accentués que parce que la marche s'est prolongée aussi loin: à ne considérer que la direction même, on sera moins choqué de ce que la tendance a d'irrationnel et l'on en saisir peut-être l'utilité.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 113-114.
«Mais évoquer ainsi des développements divergents et complémentaires qui aboutiraient d'un côté à des instincts réels et, de l'autre, à des instincts virtuels, n'est-ce pas se prononcer sur l'évolution de la vie?» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 114.
«Comment rapporter à un besoin vital les fictions qui se dressent devant l'intelligence, et parfois contre elle, si l'on n'a pas déterminé les exigences fondamentales de la vie ?.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 115.
«... comment la religion a-t-elle survécu au danger qui la fit naître ? Comment, au lieu de disparaître, s'est-elle simplement transformée ? Pourquoi subsiste-t-elle, alors que la science est venue combler le vide, dangereux en effet, que l'intelligence laissait entre sa forme et sa matière ? Ne serait-ce pas qu'au-dessous du besoin de stabilité que la vie manifeste, dans cet arrêt ou plutôt dans ce tournoiement sur place qu'est la conservation d'une espèce, il y a quelque exigence d'un mouvement en avant, un reste de poussée, un élan vital ?.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 115.
«... la science est aussi loin que jamais d'une explication physico-chimique de la vie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 116.
«En invoquant donc une composition du hasard avec le hasard, en n'attribuant à aucune cause spéciale la direction prise par la vie qui évolue, on applique a priori le principe d'économie qui se recommande à la science positive, mais on ne constate nullement un fait, et l'on vient tout de suite buter contre d'insurmontables difficultés. Cette insuffisance du darwinisme est le second point que nous marquions quand nous parlions d'un élan vital: à la théorie nous opposions un fait; nous constations que l'évolution de la vie s'accomplit dans des directions déterminées.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 116.
«... nous dirons que ce n'est pas l'action mécanique des causes extérieures, que c'est une poussée interne, passant de germe à germe à travers les individus, qui porte la vie, dans une direction donnée, à une complication de plus en plus haute.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 117.
«Si la vie n'est pas résoluble en faits physiques et chimiques, elle agit à la manière d'une cause spéciale, surajoutée à ce que nous appelons ordinairement matière: cette matière est instrument, et elle est aussi obstacle. Elle divise ce qu'elle précise. Nous pouvons conjecturer qu'à une division de ce genre est due la multiplicité des grandes lignes d'évolution vitale. Mais par là nous est suggéré un moyen de préparer et de vérifier l'intuition que nous voudrions avoir de la vie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 118-119.
«... instinct et intelligence, qui atteignent leur point culminant aux extrémités des deux principales lignes de l'évolution animale, devront ainsi être pris l'un dans l'autre, avant leur dédoublement, non pas composés ensemble mais constitutifs d'une réalité simple sur laquelle intelligence et instinct ne seraient que des points de vue.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 119.
«Un élan peut précisément suggérer quelque chose de ce genre et faire penser aussi, par l'indivisibilité de ce qui en est intérieurement senti et la divisibilité à l'infini de ce qui en est extérieurement perçu, à cette durée, réelle, efficace, qui est l'attribut essentiel de la vie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 119.
«Rien ne dit que l'apparition de l'espèce humaine n'ait pas été due à plusieurs sauts de même direction s'accomplissant ¸`a et là dans une espèce antérieure et aboutissant ainsi à des spécimens d'humanité assez différente; chacun d'eux correspondrait à une tentative qui a réussi, en ce sens que les variations multiples qui caractérisent chacun d'eux sont parfaitement coordonnées les unes aux autres; mais tous ne se valent peut-être pas, les sauts n'ayant pas franchi dans tous les cas la même distance. Ils n'en avaient pas moins la même direction. On pourrait dire, en évitant d'attribuer au mot un sens anthropomorphique, qu'ils correspondent à une même intention de la vie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 120.
«... l'homme présente toujours deux traits essentiels, l'intelligence et la sociabilité. Mais, du point de vue où nous nous plaçons, ces caractères prennent une signification spéciale. Ils n'intéressent plus seulement le psychologue et le sociologue. Ils appellent d'abord une interprétation biologique. Intelligence et sociabilité doivent être replacées dans l'évolution générale de la vie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 120-121.
«... si l'on veut avoir affaire à des sociétés achevées, organisations nettes d'individualités distinctes, il faut prendre les deux types parfaits d'association que représentent une société d'insectes et une société humaine, celle-là immuable et celle-ci changeante, l'une instinctive et l'autre intelligente, la première comparable à un organisme dont les éléments n'existent qu'en vue du tout, la seconde laissant tant de marge aux individus qu'on ne sait si elle est faite pour eux ou s'ils sont faits pour elle.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 121-122.
«... la vie est un certain effort pour obtenir certaines choses de la matière brute, et qu'instinct et intelligence, pris à l'état achevé, sont deux moyens d'utiliser à cet effet un outil: dans le premier cas, l'outil fait partie de l'être vivant; dans l,autre, c'est un instrument inorganique, qu'il a fallu inventer, fabriquer, apprendre à manier. Poser l'utilisation, à plus forte raison la fabrication, à plus forte raison encore l'invention, vous retrouverez un à un tous les éléments de l'intelligence, car sa destination explique sa structure. Mais il ne faut pas oublier qu'il reste une frange d'instinct autour de l'intelligence, et que des lueurs d'intelligence subsistent au fond de l'instinct.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 122.
«Les deux activités [instinct et intelligence], qui se compénétraient d'abord, ont dû se dissocier pour grandir; mais quelque chose de l'une est demeuré adhérent à l,autre. On en dirait d'ailleurs autant de toutes les grandes manifestations de la vie. Chacune d'elles présente le plus souvent à l'état rudimentaire, ou latent, ou virtuel, les caractères essentiels de la plupart des autres manifestations.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 123.
«... la nature se préoccupe de la société que de l'individu. S'il n'en est plus de même chez l'homme, c,est que l'effort d'invention qui se manifeste dans tout le domaine d ela vie par la création d'espèces nouvelles a trouvé dans l'humanité seulement le moyen de se continuer par des individus auxquels est dévolue alors, avec l'intelligence, la faculté d'initiative, l'indépendance, la liberté. Si l'intelligence menace maintenant de rompre sur certains points la cohésion sociale, et si la société doit subsister, il faut que, sur ces points, il y ait à l'intelligence un contrepoids. Si ce contre poids ne peut pas être l,instinct lui-même, puisque sa place est justement prise par l'intelligence, il faut qu'une virtualité d'instinct ou, si l'on aime mieux, le résidu d'instinct qui subsiste autour de l'intelligence, produise le même effet: il ne peut agir directement, mais puisque l'intelligence travaille sur des représentations, il en suscitera d'«imaginaires» qui tiendront tête à la représentation du réel et qui réussiront, par l'intermédiaire de l'intelligence même, à contrecarrer le travail intellectuel. Ainsi s'expliquerait la fonction fabulatrice.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 123-124.
«... l'instinct est en effet coextensif à la vie, et l'instinct social, tel qu'on le trouve chez l'insecte, n'est que l'esprit de subordination et coordination qui anime les cellules, tissus et organes de tout corps vivant. Mais c'est à un épanouissement de l'intelligence, et non plus à un développement de l'instinct, que tend la poussée vitale dans la série des vertébrés. Quand le terme du mouvement est atteint chez l'homme, l'instinct n'est pas supprimé, mais il est éclipsé; il ne reste de lui qu'une lueur vague autour du noyau, pleinement éclairé ou plutôt lumineux, qu'est l'intelligence. Désormais la réflexion permettra à l'individu d'inventer, à la société de progresser. Mais, pour que la société progresse, encore faut-il qu'elle subsiste. Invention signifie initiative, et un appel à l'initiative individuelle risque déjà de compromettre la discipline sociale.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 125-126.
«L'intelligence se règle en effet sur des perceptions présentes ou sur ces résidus plus ou moins imagés de perceptions qu'on appelle les souvenirs. Puisque l'instinct n'existe plus qu'à l'état de trace ou de virtualité, puisqu'il n'est pas assez fort pour provoquer des actes ou pour les empêcher, il devra susciter une perception illusoire ou tout au moins une contrefaçon de souvenir assez précise, assez frappante, pour que l'intelligence se détermine par elle. Envisagée de ce premier point de vue, la religion est donc une réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 126-127.
«Dans des sociétés telles que les nôtres, il y a des coutumes et il y a des lois. Sans doute les lois sont souvent des coutumes consolidée; mais une coutume ne se transforme en loi que lorsqu'elle présente un intérêt défini, reconnu et formulable; elle tranche dès lors sur les autres. La distinction est donc nette entre l'essentiel et l'accidentel: il y a d'un côté ce qui est simplement usage, de l'autre ce qui est obligation légale et même morale.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 127.
«À l'origine, la coutume est toute la morale; et comme la religion interdit de s'en écarter, la morale est coextensive à la religion.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 128.
«La religion primitive, [...], est une précaution contre le danger que l'on court, dès qu'on pense, de ne penser qu'à soi. C'est donc bien une réaction défensive de la nature contre l'intelligence.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 128.
«... l'idée de responsabilité individuelle est loin d'être aussi simple qu'on pourrait le croire. Elle implique une représentation relativement abstraite de l'activité de l'individu, que l'on tient pour indépendante parce qu'on l'a isolée de l'activité sociale. Mais telle d'abord la solidarité entre les membres du groupe que tous doivent se sentir participer dans une certaine mesure à la défaillance d'un seul, au moins dans les cas qu'ils tiennent pour graves: le mal moral, si l'on peut déjà employer ce terme, fait l'effet d'un mal physique qui s'étendrait de proche en proche et affecterait la société entière, par contamination. si donc une puissance vengeresse surgit, ce sera pour frapper la société dans son ensemble, sans s'appesantir uniquement sur le point d'où le mal était parti ...» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 128-129.
«Le mythe portera d'ailleurs toujours la trace de ses origines; jamais il ne distinguera complètement entre l'ordre physique et l'ordre moral ou social, entre la régularité voulue, qui vient de l'obéissance de tous à une loi, et celle que manifeste le cours de la nature. Thémis, déesse de la justice humaine, est la mère des saisons ('Orai) et de Dikè, qui représente aussi bien la loi physique que la loi morale. De cette confusion nous sommes à peine libérés aujourd'hui; la trace en subsiste dans notre langage. Mœurs et morale, règle au sens de constance et règle au sens d'impératif: l'universalité de fait et l'universalité de droit s'expriment à peu près de la même manière. Le mot «ordre» ne signifie-t-il pas, tout à la foi, arrangement et commandement ?» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 129.
«... si la mythologie est un produit de la nature, c'en est le produit tardif, comme la plante à fleurs, et les débuts de la religion ont été plus modestes.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 130.
«Ne nous étonnons donc pas de rencontrer chez les non-civilisés des interdictions qui sont des résistances semi-physiques et semi-morales à certains actes individuels: l'objet qui occupe le centre d'un champ de résistance sera dit, tout à la fois, «sacré» et «dangereux», quand se seront constituées ces deux notions précises, quand la distinction sera nette entre une force de répulsion physique et une inhibition morale; jusque-là il possède les deux propriétés fondues en une seule; il est tabou, pour employer le terme polynésien que la science des religions nous a rendu familier.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 131.
«Il n'y aurait pas d'humanité primitive si les espèces s'étaient formées par transitions insensibles; à aucun moment précis l'homme n'aurait émergé de l'animalité; mais c'est là une hypothèse arbitraire, qui se heurte à tant d'invraisemblances et repose sur de telles équivoques que nous la croyons insoutenable; à suivre le fil conducteur des faits et des analogies, on arrive bien plutôt à une évolution discontinue, qui procède par sauts, obtenant à chaque arrêt une combinaison parfaite en son genre, comparable aux figures qui se succèdent quand on tourne un kaléidoscope ...» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 131-132.
«La vérité est que, si la civilisation a profondément modifié l'homme, c'est en accumulant dans le milieu social, comme dans un réservoir, des habitudes et des connaissons que la société verse dans l'individu à chaque génération nouvelle. Grattons la surface, effaçons ce qui nous vient d'une éducation de tous les instants: nous retrouverons au fond de nous, ou peu s'en faut,l'humanité primitive. De cette humanité, les «primitifs que nous observons aujourd'hui nous offrent-ils l'image ? Ce n'est pas probable, puisque la nature est recouverte, chez eux aussi, d'une couche d'habitudes que le milieu social a conservées pour les déposer en chaque individu. Mais il y a lieu de croire que cette couche est moins épaisse que chez l'homme civilisé, et qu'elle laisse davantage transparaître la nature».» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 132-133.
«Chaque tabou devait être une interdiction à laquelle la société trouvait un intérêt défini. Irrationnel du point de vue de l'individu, puisqu'il arrêtait net des actes intelligents sans s'adresser à l'intelligence, il était rationnel en tant qu'avantageux à la société et à l'espèce. C'est ainsi que les relations sexuelles, par exemple, ont pu être utilement réglées par des tabous. Mais justement parce qu'il n'était pas fait appel à l'intelligence individuelle et qu'il s'agissait même de la contrecarrer, celle-ci, s'emparant de la notion de tabou, a dû en faire toute sorte d'extensions arbitraires, par des associations d'idées accidentelles, et sans s'inquiéter de ce qu'on pourrait appeler l'intention originelle de la nature.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 133.
«L'intelligence des «primitifs» ne diffère pas essentiellement de la nôtre; elle doit incliner, comme la nôtre, à convertir la dynamique en statique et à solidifier les actions en choses. On peut donc présumer que, sous son influence, les interdictions se sont installées dans les choses auxquelles elles se rapportaient: ce n'étaient que des résistances opposées à des tendances, mais comme la tendance a le plus souvent un objet, c'est de l'objet, comme si elle siégeait en lui, que la résistance a semblé partir, devenant ainsi un attribut de sa substance. Dans les sociétés stagnantes, cette consolidation s'est faite définitivement. Elle a pu être moins complète, elle était en tout cas temporaire, dans des sociétés en mouvement, où l'intelligence finirait par apercevoir derrière l'interdiction une personne.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 134.
«... la première fonction de la religion, celle qui intéresse directement la conservation sociale.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 134.
«Nous devons toujours nous dire que le domaine de la vie est essentiellement celui de l'instinct, que sur une certaine ligne d'évolution l'instinct a cédé une partie de sa place à l'intelligence, qu'une perturbation de la vie peut s'ensuivre et que la nature n'a d'autre ressource alors que d'opposer l'intelligence à l'intelligence. La représentation intellectuelle qui rétablit ainsi l'équilibre au profit de la nature est d'ordre religieux.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 134-135.
«Mais l'homme sait qu'il mourra. Tous les autres vivants, cramponnés à la vie, en adoptent simplement l'élan. S'ils ne se pensent pas eux-même sub specie æterni, leur confiance, perpétuel empiétement du présent sur l'avenir, est la traduction de cette pensée en sentiment. Mais avec l'homme apparaît la réflexion, et par conséquent la faculté d'observer sans utilité immédiate, de comparer entre elles des observations provisoirement désintéressées, enfin d'induire et de généraliser. Constatant que ce qui vit autour de lui finit par mourir, il est convaincu qu'il mourra lui-même. La nature, en le dotant d'intelligence, devait bon gré mal gré l'amener à cette conviction.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 135-136.
«À l'idée que la mort est inévitable elle [la nature] oppose l'image d'une continuation de la vie après la mort; cette image, lancée par elle dans le champ de l'intelligence où vient de s'installer l'idée, remet les choses en ordre; la neutralisation de l'idée par l'image manifeste alors l'équilibre même de la nature, se retenant de glisser. Nous nous retrouvons donc devant le jeu tout particulier d'images et d'idées qui nous a paru caractériser la religion à ses origines. Envisagée de ce second point de vue, la religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l'intelligence, de l'inévitabilité de la mort.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 136-137.
«Une société déjà civilisée s'adosse à des lois, à des institutions,à des édifices même qui sont faits pour braver le temps; mais les société primitives sont simplement «bâties en hommes»: que deviendrait leur autorisé, si l'on ne croyait pas à la persistance des individualités qui les composent ? Il importe donc que les morts restent présents. Plus tard viendra le culte des ancêtres. Les morts se seront alors rapprochés des dieux. Mais il faudra pour cela qu'il y ait des dieux, au moins en préparation, qu'il y ait un culte, que l'esprit se soit franchement orienté dans la direction de la mythologie. À son point de départ, l'intelligence se représente simplement les morts comme mêlés aux vivants, dans une société à laquelle ils peuvent encore faire du bien et du mal.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 137.
«Il n'est pas douteux que le thème simple que nous venons d'indiquer [la présence perpétuelle des morts dans l'esprit collectif] se compose tout de suite avec d'autres pour donner, avant les mythes et les théories, la représentation primitive de l'âme.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 138.
«L'idée que l'homme se survit à l'état d'ombre ou de fantôme est donc toute naturelle. Elle a dû précéder, croyons-nous, l'idée plus raffinée d'un principe qui animerait le corps comme un souffle; ce souffle (anemos) s'est lui-même peu à peu spiritualisé en âme (anima ou animus). Il est vrai que le fantôme du corps paraît incapable, par lui-même, d'exercer une pression sur les événements humains, et qu'il faut pourtant qu'il l'exerce, puisque c'est l'exigence d'une action continuée qui fait croire à la survie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 139-140.
«Nous estimons que ce qui fut primitif n'a pas cesse de l'être, bien qu'un effort d'approfondissement interne puisse être nécessaire pour le retrouver.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 140.
«Voilà l'homme pourvu de ce qu'il appellera plus tard une âme. Cette âme survivra-t-elle au corps ? Il n'y aurait aucune raison de le supposer si l'on s'en tenait à elle. Rien ne dit qu'une puissance telle que la «mana» doive durer plus longtemps que l'objet qui la recèle. Mais si l'on a commencé par poser en principe que l'ombre du corps demeure, rien n'empêchera d'y laisser le principe qui imprimait au corps la force d'agir. On obtiendra une ombre active, agissante, capable d'influer sur les événements humains. Telle sera la conception primitive de la survie.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 141.
«La fonction fabulatrice travaille déjà assez bien par elle-même: que sera-ce, si elle est aiguillonnée par la crainte et par le besoin ! Pour écarter un danger ou pour obtenir une faveur, on offrira au mort tout ce que l'on croit qu'il désire.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 142.
«Mais il ne faut pas oublier que les primitifs d'aujourd'hui ou d'hier, ayant vécu autant de siècles que nous, ont eu tout le temps d'exagérer et comme d'exaspérer ce qu'il pouvait y avoir d'irrationnel dans des tendances élémentaires, assez naturelles. Les vrais primitifs étaient sans doute plus sensés, s'ils s'en tenaient à la tendance et à ses effets immédiats. Tout change, et, [...] le changement se fera en surface s'il n'est pas possible en profondeur.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 142.
«La logique de l'absurde suffisait, cette logique qui conduit l'esprit de plus en plus loin, à des conséquences de plus en plus extravagantes, quand il part d'une idée étrange sans la rattacher à des origines qui en expliqueraient l'étrangeté et qui en empêcheraient la prolifération.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 143.
«Pour répéter, pour imiter, pour se fier, il suffit de se laisser aller; c'est la critique qui exige un effort.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 143-144.
«Notre méthode restera d'ailleurs la même. Nous posons une certaine activité instinctive; faisant surgir alors l'intelligence, nous cherchons si une perturbation dangereuse s'ensuit; dans ce cas,l'équilibre sera vraisemblablement rétabli par des représentations que l'instinct suscitera au sein de l'intelligence perturbatrice: se de telles représentations existent, ce sont des idées religieuses élémentaires. Ainsi, la poussée vitale ignore la mort.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 144.
«Or la poussée vitale est là, qui n'accepte pas d'attendre, qui n'admet pas l'obstacle. Peu lui importe l'accident, l'imprévu, enfin l'indéterminé qui est le long de la route; elle procède par bonds et ne voit que le terme, l'élan dévorant l'intervalle. De cette anticipation il faut pourtant bien que l'intelligence ait connaissance. Une représentation va en effet surgir, celle de puissances favorables qui se superposeraient ou se substitueraient aux causes naturelles et qui prolongeraient en actions voulues par elles, conformes à nos vœux, la démarche naturellement engagées.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 145-146.
«La poussée vitale est optimiste. Toutes les représentations religieuses qui sortent ici directement d'elle pourraient donc se définir de la même manière: ce sont des réactions défensives de la nature contre la représentation, par l'intelligence, d'une marge décourageante d'imprévu entre l'initiative prise et l'effet souhaité.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 146.
«On commence par accomplir ce qui dépend de soi; c'est seulement quand on ne se sent plus capable de s'aider soi-même qu'on s'en remet à une puissance extra-mécanique, eût-on même placé dès l'abord sous son invocation, puisqu'on la croyait présente, l'acte dont on ne se sentait nullement dispensé par elle.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 147.
«De la première [causalité, qui repose sur la puissance d'agir] on ne dit rien, parce qu'elle va de soi. Elle régit les actes qu'on accomplit avec la matière pour instrument; on joue et l'on vit la croyance qu'on a en elle; à quoi servirait de la traduire en mots et d'en expliciter l'idée ? Ce ne serait utile que si l'on possédait déjà une science capable d,en profiter. Mais à la seconde causalité il est bon de penser, parce qu'on u trouve tout au moins un encouragement et un stimulant.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 148.
«... aux yeux de la pensée réfléchie de l'homme civilisé [...] le même enchaînement mécanique des causes et d'effets avec lequel il prend contact quand il agit sur les choses doit s'étendre à la totalité de l'univers.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 148.
«Mais le non-civilisé, qui ne dispose que d'une science inextensible, taillée à l'exacte mesure de l'action qu'il exerce sur la matière, ne peut pas jeter dans le champ de l'imprévisible une science virtuelle qui le couvrirait tout entier et qui ouvre tout de suite de larges perspectives à son ambition. Plutôt que se décourager, il étend à ce domaine le système d,explication dont il use dans ses rapports avec ses semblables; il y croira trouver des puissances amies, il y sera exposé aussi à des influences malfaisantes; de toute manière il n'aura pas affaire à un monde qui lui soit complètement étranger.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 149.
«Or, qu'il s'agisse de sauvages ou de civilisés, si l'on veut savoir le fond de ce qu'on homme pense, il faut s'en rapporter à ce qu'il fait et non pas à ce qu'il dit.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 149.
«Qu'on y regarde de près: on verra que ce que le primitif explique ici par une cause «surnaturelle», ce n'est pas l'effet physique, c'est sa signification humaine, c'est son importance pour l'homme et plus particulièrement pour un certain homme déterminé, [par exemple] celui que la pierre écrase. Il n'y a rien d'illogique, ni par conséquent de «prélogique», ni même qui témoigne d'une «imperméabilité à l'expérience», dans la croyance qu'une cause doit être proportionnée à son effet, et qu'une fois constatées la fêlure du rocher, la direction et la violence du vent — choses purement physiques et insoucieuses de l'humanité —, il reste à expliquer ce fait, capital pour nous, qu'est la mort d'un homme. La cause contient éminemment l'effet, disaient jadis les philosophes; et si l'effet a une signification humaine considérable, la cause doit avoir une signification au moins égale; elle est en tout cas de même ordre: c'est une intention.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 151-152.
«Mais bien plus frappante encore est la ressemblance entre la mentalité du civilisé et celle du primitif quand il s'agit de faits tels que ceux que nous venons d'envisager: la mort, la maladie, l'accident grave.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 152-153.
«Les plus nombreux [des exemples de «mentalité primitive» relevés par Lévy-Bruhl] sont ceux qui témoignent, selon l'auteur, d'une obstination du primitif à ne rien admettre de fortuit. Qu'une pierre tombe et vienne écraser un passant, c'est qu'un esprit malin l'a détachée: il n'y a pas de hasard. Qu'un homme soit arraché de son canot par un alligator, c'est qu'il a été ensorcelé: il n'y a pas de hasard. Qu'un guerrier soit tué ou blessé d'un coup de lance, c'est qu'il n'était pas en état de parer, c'est qu'on avait jeté sur lui un sort: il n'y a pas de hasard. La formule revient si souvent [...] qu'on peut la considérer comme donnant un des caractère essentiels de la mentalité primitive.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 153-154.
«... il n'y a de hasard que parce qu'un intérêt humain est en jeu et parce que les choses se sont passées comme si l'homme avait été pris en considération, soit en vue de lui rendre service, soit plutôt avec l'intention de lui nuire.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 154-155.
«Le hasard est donc le mécanisme se comportant comme s'il avait une intention.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 155.
«L'élément de choix ou d'intention [présent dans l'incident fortuit] est aussi restreint que possible; il recule à mesure que la réflexion veut le saisir; il est fuyant et même évanouissant; mais s'il était inexistant, on ne parlerait que de mécanisme, il ne serait pas question de hasard. Le hasard est donc une intention qui s'est vidée de son contenu.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 155.
«Si spontanée qu'elle soit encore, l'idée de hasard n'arrive à notre conscience qu'après avoir traversé la couche d'expériences accumulées que la société dépose en nous, du jour où elle nous apprend à parler. C'est dans se trajet même qu'elle se vide, une science de plus en plus mécanistique expulsant d'elle ce qu'elle contenait de finalité.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 155-156.
«... pour passer de cette «mentalité primitive» à des états d'âme qui seraient aussi bien les nôtres, il y a le plus souvent deux opérations à accomplir. Il faut d'abord supposer abolie toute notre science. Il faut ensuite se laisser aller à une certaine paresse, se détourner d'un explication qu'on devine plus raisonnable, mais qui exigerait un plus grand effort de l'intelligence et surtout de la volonté. Dans bien des cas une seule de ces opérations suffit; dans d'autres, nous devrons combiner les deux.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 157.
«Croyance signifie donc essentiellement confiance; l'origine première n'est pas la crainte, mais une assurance contre la crainte. Et d'autre part ce n'est pas nécessairement une personne que la croyance prend pour objet d'abord; un anthropomorphisme partiel lui suffit. Tels sont les deux points qui nous frappent quand nous considérons l'attitude naturelle de l'homme vis-à-vis d'un avenir auquel il pense par cela même qu'il est intelligent, et don il s'alarmerait, en raison de ce qu'il y trouve d'imprévisible, s'il s'en tenait à la représentation que la pure intelligence lui en donne.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 159-160.
«Une théorie déjà ancienne faisait sortir la religion de la crainte qu'en pareil cas la nature nous inspire: Primus in orbe deos fecit timor. On est allé trop loin en la rejetant complètement; l'émotion de l'homme devant la nature est sûrement pour quelque chose dans l'origine des religions. Mais, encore une fois, la religion est moins de la crainte qu'une réaction contre la crainte, et elle n'est pas tout de suite croyance à des dieux.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 160.
«En y réfléchissant, on s'aperçoit que si la nature voulait opposer une réaction défensive à la peu, prévenir une contracture de la volonté devant la représentation trop intelligente d'un cataclysme aux répercussions sans fin, elle susciterait précisément entre nous et l'événement simplifié, transmué en personnalité élémentaire, cette camaraderie qui nous met à notre aise, nous détend, et nous dispose à faire tout bonnement notre devoir.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 167.
«Il faut aller à la recherche de ces impressions fuyantes, tout de suite effacées par la réflexion, si l'on veut retrouver quelque chose de ce qu'ont pu éprouver nos plus lointains ancêtres. On n'hésiterait pas à le faire, si l'on était imbu du préjugé que les acquisitions intellectuelles et morales de l'humanité, s'incorporant à la substance des organismes individuels, se sont transmises héréditairement. Nous naîtrions donc tout différents de ce que furent nos ancêtres. Mais l'hérédité n'a pas cette vertu. Elle ne saurait transformer en dispositions naturelles les habitudes contractées de génération en génération. Si elle avait quelque prise sur l'habitude, elle en aurait bien peu, accidentellement et exceptionnellement; elle n'en a sans doute aucune. La nature est donc aujourd'hui ce qu'elle fut toujours.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 167-168.
«Que l'intelligence soit faite pour utiliser la matière, dominer les choses, maîtriser les événements, cela n'est pas douteux. Que sa puissance soit en raison directe de sa science, cela est non moins certain. Mais cette science est d'abord très limitée; minime est la portion du mécanisme universel qu'elle embrasse, de l'étendue et de la durée sur laquelle elle a prise. Que fera-t-elle pour le reste ? Laissée à elle-même, elle constaterait simplement son ignorance; l'homme se sentirait perdu dans l'immensité. Mais l'instinct veille. A la connaissance proprement scientifique, qui accompagne la technique ou qui s'y trouve impliquée, elle adjoint, pour tout ce qui échappe à notre action, la croyance à des puissance qui tiendraient compte de l'homme. L'univers se peuple ainsi d'intentions, d'ailleurs éphémères et changeantes; seule relèverait du pur mécanisme la zone à l'intérieur de laquelle nous agissons mécaniquement. Cette zone s'élargit à mesure que notre civilisation avance; l'univers tout entier finit par prendre la forme d'un mécanisme aux yeux d'une intelligence qui se représente idéalement la science achevée.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 170-171.
«... l'intelligence primitive fait deux parts dans son expérience. Il y a, d'un côté, ce qui obéit `à l'action de la main et de l'outil, ce qu'on peut prévoir, ce dont on est sûr: cette partie de l'univers est conçue physiquement, en attendant qu'elle le soit mathématiquement; elle apparaît comme un enchaînement de causes et d'effets, ou en tout cas elle est traitée comme telle; peu importe que la représentation soit indistincte, à peine consciente; elle ne peut pas s'expliciter, mais, pour savoir ce qu'implicitement l'intelligence pense, il suffit de regarder ce qu'elle fait. Maintenant il y a, d'un autre côté, la partie de l'expérience sur laquelle l'homo faber ne se sent plus aucune prise. Celle-là n'est plus traitée physiquement, mais moralement. Ne pouvant agir sur elle, nous espérons qu'elle agira pour nous. La nature s'imprégnera donc ici d'humanité. Mais elle ne le fera que dans la mesure du nécessaire, A défaut de puissance, nous avons besoin de confiance.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 171-172.
«La pression de l'instinct a fait surgir en effet, au sein même de l'intelligence, cette forme d'imagination qu'est la fonction fabulatrice. Celle-ce n'a que se laisser aller pour fabriquer, avec les personnalités élémentaires qui se dessinent primitivement, des dieux de plus en plus élevés comme ceux de la fable, ou des divinités de plus en plus basses comme les simples esprits, ou même des forces qui ne retiendront de leur origine psychologique qu'une seule propriété, celle de n'être pas purement mécaniques et de céder à nos désires, de se plier à nos volontés. La première et la deuxième directions sont celles de la religion, la troisième est celle de la magie.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 172-173.
«Savants et philosophes sont trop portés à croire que la pensée s'exerce chez tous comme chez eux, pour le plaisir. La vérité est qu'elle vise l'action, et que si l'on trouve réellement chez les non-civilisés quelque philosophie, celle-ci doit être jouée plutôt que pensée; elle est impliquée dans tout un ensemble d'opérations utiles, ou jugées telles; elle ne s'en dégage, elle ne s'exprime par des mots — nécessairement vagues d'ailleurs — que pour la commodité de l'action.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 173.
«Si l'intelligence primitive avait commencé ici par concevoir des principes, elle se fût bien vite rendue à l'expérience, qui lui en eût démontré la fausseté. Mais ici encore elle ne fait que traduire en représentation des suggestions de l'instinct. Plus précisément, il y a une logique du corps, prolongement du désir, qui s'exerce bien avant que l'intelligence lui ait trouvé une forme conceptuelle.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 174-175.
«La magie nous paraît donc se résoudre en deux éléments: le désir d'agir sur n'importe quoi, même ce qu'on ne peut atteindre, et l'idée que les choses sont chargées, ou se laissent charger, de ce que nous appellerions un fluide humain. Il faut se reporter au premier point pour comparer entre elles la magie et la science, et au second pour rattacher la magie à la religion.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 178.
«L'organisation de l'homme semblait en effet le prédestiner à une vie plus modeste. Sa résistance instinctive aux innovations en est la preuve. L'inertie de l'humanité n'a jamais cédé qu'à la poussée du génie. Bref la science exige un double effort, celui de quelque hommes pour trouver du nouveau, celui de tous les autres hommes pour adopter et s'adapter. Une société peut être dite civilisée dès qu'on y trouve à la fois ces initiatives et cette docilité.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 179-180.
«... la magie est l'inverse de la science. Tant que l'inertie du milieu ne la fait pas proliférer, elle a sa raison d'être. Elle calme provisoirement l'inquiétude d'une intelligence dont la forme dépasse la matière, qui se rend vaguement compte de son ignorance et en comprend le danger, qui devine, autour du très petit cercle où l'action est sûre de son effet, où l'avenir immédiat est prévisible et où par conséquent il y a déjà science, une zone immense d'imprévisibilité qui pourrait décourager d'agir. Il faut pourtant agir quand même. La magie intervient alors, effet immédiat de la poussée vitale. Elle reculera au fur et à mesure que l'homme élargira sa connaissance par l'effort.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 180-181.
«L'homme civilisé est celui chez lequel la science naissante, impliquée dans l'action quotidienne, a pu empiéter, grâce à une volonté sans cesse tendue, sur la magie qui occupait le reste du terrain. Le non-civilisé est au contraire celui qui, dédaignant l'effort, a laissé la magie pénétrer jusque dans la zone de la science naissante, à se superposer à elle, la masquer au point de nous faire croire à une mentalité originelle d'où toute vraie science serait absente.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 181.
«Refoulée par la science, l'inclination à la magie subsiste et attend son heure. Que l'attention à la science se laisse un moment distraire, aussitôt la magie fait irruption dans notre société civilisée, comme profite du plus léger sommeil, pour se satisfaire dans un rêve, le désir réprimé la veille.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 181-182.
«Si l'on se place à ce point de vue [de l'étude de sa fonction et de son principe], la magie fait évidemment partie de la religion. Il ne s'agit sans doute que de la religion inférieure, celle dont nous nous sommes occupés jusqu'à présent. Mais la magie, comme cette religion en général, représente une précaution de la nature contre certains dangers que court l'être intelligent.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 183.
«... la religion, ainsi conçue [i.e. l'adoration des dieux auxquels on s'adresse par la prière], s'oppose alors à la magie. Celle-ci est essentiellement égoïste, celle-là admet et souvent même exige le désintéressement. L'une prétend forcer le consentement de la nature, l'autre implore la faveur du dieu. Surtout, la magie s'exerce dans un milieu semi-physique et semi-moral; le magicien n'a pas affaire, en tout cas, à une personne, c'est au contraire à la personnalité du dieu que la religion emprunte sa plus grande efficacité.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 183-184.
«La vérité est que la religion, étant coextensive à notre espèce, doit tenir à notre structure. Nous venons de la rattacher à une expérience fondamentale; mais cette expérience elle-même, on la pressentirait avant de l,avoir faite, en tout cas on se l'explique fort bien après l'avoir eue; il suffit pour cela de replacer l'homme dans l'ensemble des vivants, et la psychologie dans la biologie.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 185-186.
«Point de théorie, nulle place pour l'arbitraire. La conviction s'impose parce qu'elle n'a rien de philosophique, étant d'ordre vital.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p.186.
«C'est donc de l'exigence d'une magie efficace qu'est sortie une conception comme celle du mana, appauvrissement ou matérialisation de la croyance originelle; et c'est le besoin d'obtenir des faveurs qui a tiré de cette même croyance, dans la direction inverse, les esprits et les dieux. Ni l'impersonnel n'a évolué vers le personnel, ni de pures personnalités n'ont été posées d,abord; mais de quelque chose d'intermédiaire, fait pour soutenir la volonté plutôt que pour éclairer l'intelligence, sont sorties par dissociation, vers le bas et vers le haut, les forces sur lesquelles pèse la magie et les dieux auxquels montent les prières.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 187.
«L'ascension graduelle de la religion vers des dieux dont la personnalité est de plus en plus marquée, qui entretiennent entre eux des rapports de mieux en mieux définis ou qui tendent à s'absorber dans une divinité unique, correspond au premier des deux grands progrès de l'humanité dans le sens de la civilisation. Elle s'est poursuivie jusqu'au jour où l'esprit religieux se tourna du dehors au dedans, du statique au dynamique, par une conversion analogue à celle qu'exécuta la pure intelligence quand elle passe de la considération des grandeurs finies au calcul différentiel.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 187-188.
«... le dynamisme religieux a besoin de la religion statique pour s'exprimer et se répandre. On comprend donc que celle-ci tienne la première place dans l'histoire des religions.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 188.
«Partons donc de l'idée qu'il y a des intentions inhérentes aux choses: nous arriverons tout de suite à nous représenter des esprits. Ce sont les vagues entités qui peuplent, par exemple, les sources, les fleuves, les fontaines. chaque esprit est attaché à l'endroit où il se manifeste. Il se distingue déjà par là de la divinité proprement dite, qui saura se partager, sans se diviser, entre des lieux différents, et régir tout ce qui appartient à un même genre. Celle-ci portera son nom; elle aura sa figure à elle, sa personnalité bien marquée, tandis que les mille esprits des bois ou des sources sont des exemplaires du même modèle et pourraient tout au plus dire avec Horace: Nos numerus sumus. Plus tard, quand la religion se sera élevée jusqu'à ces grands personnages que sont les dieux, elle pourra concevoir les esprits à leur image: ceux-ci seront des dieux inférieurs; ils paraîtront alors l'avoir été. Mais ils l'auront été que par un effet rétroactif.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 188-189.
«Or, nous ne comprendrions certainement pas que l'animal fût devenu l'objet d'un culte si l'homme avait commencé par croire à des esprits. Mais si ce n'est pas à des être, si c'est à des actions bienfaisantes ou malfaisantes, envisagées comme permanentes, qu'on s'est adressé d'abord, il est naturel qu'après avoir capté des actions on ait voulu s'approprier des qualités: ces qualités semblaient se présenter à l'état pur chez l'animal, dont l'activité est simple, tout d'une pièce, orientée en apparence dans une seule direction. L'adoration de l'animal n'a donc pas été la religion primitive; mais, au sortir de celle-ci, on avait le choix entre le culte des esprits et celui des animaux.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 191-192.
«Notre verbe être a des significations que nous avons de la peine à définir, tout civilisés que nous sommes: comment reconstituer le sens que le primitif donne dans tel ou tel cas à un mot analogue, même quand il nous fournit des explications ? Ces explications n'auraient quelque précision que s'il était philosophe, et il faudrait alors connaître toutes les subtilités de sa langue pour les comprendre.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 193.
«Partant d'une nécessité biologique, nous cherchons dans l'être vivant le besoin qui y correspond. Se ce besoin ne crée pas un instinct réel et agissant, il suscite, par l'intermédiaire de ce qu'on pourait appeler un instinct virtuel ou latent, une représentation imaginative qui détermine la conduite comme eût fait l'instinct. A la base du totémisme serait une représentation de ce genre.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 195.
«Nous croyons que, pour pénétrer jusqu'à l'essence même de la religion et pour comprendre l'histoire de l'humanité, il faudrait se trans porter tout de suite, de la religion statique et extérieure [...], à cette religion dynamique intérieure [...]. La première était destinée à écarter des dangers que l'intelligence pourrait faire courir à l'homme; elle était infra-intellectuelle. Ajoutons qu'elle était naturelle, car l'espèce humaine marque une certaine étape de l'évolution vitale : là s'est arrêté, à un moment donné, le mouvement en avant; l'homme a été posé alors globalement, avec l'intelligence par conséquent, avec les dangers que cette intelligence pouvait présenter, avec la fonction fabulatrice qui devait y parer, magie et animisme élémentaire, tout cela était apparu en bloc, tout cela répondait exactement aux besoins de l'individu et de la société, l'un et l'autre bornés dans leurs ambitions , qu'avait voulus la nature. Plus tard, et par un effort qui aurait pu ne pas se produire, l'homme s'est arraché à son tournoiement sur place; il s'est inséré de nouveau, en le prolongeant, dans le courant évolutif. Ce fut la religion dynamique, jointe sans doute à une intellectualité supérieure, mais distincte d'elle. La première forme de la religion avait été infra-intellectuelle. La seconde [...] fut supra-intellectuelle.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 195-196.
«... rien d'absolument nouveau, rien de comparable à la religion dynamique, rien que des variations sur le double thème de l'animisme élémentaire et de la magie; la croyance aux esprits est d'ailleurs toujours restée le fond de la religion populaire. Mais de la faculté fabulatrice, qui Lavait élaborée, est sortie par un développement ultérieur une mythologie autour de laquelle ont poussé une littérature, un art, des institutions, enfin tout l'essentiel de la civilisation antique.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 197.
«Si la représentation religieuse vraiment originelle est celle d'une «présence efficace», d'un acte plutôt que d'un être ou d'une chose, la croyance aux esprits se situe très près des origines; les dieux ne paraissent que plus tard, quant la substantialité pure et simple qu'avaient les esprits s'est haussée, chez tel ou tel d'entre eux, jusqu'à la personnalité. ces dieux se surajoutent d'ailleurs aux esprits, mais ne les remplacent pas. Le culte des esprits reste [...] le fond de la religion. La partie éclairée de la nation n'en préférera pas moins les dieux, et l'on peut dire que la marche au polythéisme est un progrès vers la civilisation § Inutile de chercher à cette marche un rythme ou une loi. C'est le caprice même.» — Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 197-198.
«Si élevé que soit le dieu [de l'Antiquité], sa divinité n'implique aucunement l'immutabilité.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 198.
«Les divinités de l'Olympe datent des poèmes homériques, qui ne les ont peut-être pas créées, mais qui leur ont donné la forme et les attributions que nous leur connaissons, qui les ont coordonnées entre elles et groupées autour de Zeus, procédant cette fois par simplification plutôt que par complication. Elles n'ont pas moins été acceptées par les Grecs, qui savaient pourtant les circonstances et presque la date de leur naissance. Mais point n'était besoin du génie des poètes: un décret du prince pouvait suffire à faire ou à défaire des dieux..»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 199.
«... la vérité est que la cité ou l'empire, d'une part, ses dieux tutélaires de l'autre, formaient un consortium vague dont le caractère a dû varier indéfiniment.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 204.
«... les dieux de la fable. Aucune loi n'a présidé à leur naissance, non plus qu'à leur développement; l'humanité a laissé ici libre jeu à son instinct de fabulation.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 204.
«Laissons donc de côté l'imagination, qui n'est qu'un mot, et considérons une faculté bien définie de l'esprit, celle de créer des personnages dont nous nous racontons à nous-mêmes l'histoire. Elle prend une singulière intensité de vie chez les romanciers et les dramaturges. Il en est parmi eux qui sont véritablement obsédés par leur héros; ils sont menés par lui plutôt qu'ils ne le mènent; ils ont même de la peine à se débarrasser de lui quand ils ont achevé leur pièce ou leur roman. Ce ne sont pas nécessairement ceux dont l'œuvre a la plus haute valeur; mais, mieux que d'autres, ils nous font toucher du doigt l'existence, chez certains au moins d'entre nous, d'une faculté spéciale d'hallucination volontaire. A vrai dire, on la trouve à quelque degré chez tout le monde. Elle est très vivante chez les enfants.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 205-206.
«Et l'explication est en psychologie ce qu'elle est en biologie; on a rendu compte de l'existence d'une fonction quand on a montré comment et pourquoi elle est nécessaire à la vie. Or, il n'est certainement pas nécessaire qu'il y ait des romanciers et des dramaturges; la faculté de fabulation en général ne répond pas à une exigence vitale. Mais supposons que sur ce point particulière, employée à un certain objet, cette fonction soit indispensable à l'existence des individus comme à celle des sociétés: nous concevons sans peine que, destinée à ce travail, pour lequel elle est nécessaire, on l'utilise ensuite, puisqu'elle reste présente, pour de simples jeux.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 206-207.
«Ici nous touchons à ce que nous avons montré être une exigence fondamentale de la vie: cette exigence a fait surgir la faculté de fabulation; la fonction fabulatrice se déduit ainsi des conditions d'existence de l'espèce humaine»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 207.
«Si l'espèce humaine existe, c'est que le même acte par lequel était posé l'homme avec l'intelligence fabulatrice, avec l'effort continué de l'intelligence, avec le danger créé par la continuation de l'effort, suscitait la fonction fabulatrice. Celle-ci n'a donc pas été voulue par la nature; et pourtant elle s'explique naturellement. Si, en effet,k nous la joignons à toutes les autres fonctions psychologiques, nous trouvons que l,ensemble exprime sous forme de multiplicité l,acte indivisible par lequel la vie a sauté de l'échelon où elle s'était arrêtée jusqu'à l'homme.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 208.
«Tant que la science expérimentale ne se sera pas solidement constituée, il n'y aura pas de plus sûr garant de la vérité que le consentement universel. La vérité sera le plus souvent ce consentement même. Soit dit en passant, c'est là une des raisons d'être de l'intolérance. Celui qui n'accepta pas la croyance commune l'empêche, pendant qu'il nie, d'être totalement vraie. La vérité ne recouvrera son intégrité que s'il se rétracte ou disparaît.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 209.
«A vrai dire, individu et société s'impliquent réciproquement; les individus constituent la société par leur assemblage; la société détermine tout un côté des individus par sa préfiguration dans chacun d'eux. Individu et société se conditionnent donc, circulairement. Le cercle, voulu par la nature, a été rompu par l'homme le jour où il a pu se replacer dans l'élan créateur, poussant la nature humaine en avant au lieu de la laisser pivoter sur place. C'est de ce jour que date une religion essentiellement individuelle, devenue par là, il est vrai plus profondément sociale. [...]. Disons seulement que la garantie apportée par la société à la croyance individuelle, en matière religieuse, suffirait déjà à mettre hors de pair ces inventions de la faculté fabulatrice»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 209-210.
«... chaque dieu déterminé est contingent, alors que la totalité des dieux, ou plutôt le dieu en général, est nécessaire. En creusant ce point, en poussant aussi la logique plus loin que ne l'on fait les anciens, on trouverait qu'il n'y a jamais eu de pluralisme définitif que dans la croyance aux esprit, et que le polythéisme proprement dit, avec sa mythologie, implique un monothéisme latent, où les divinités multiples n'existent que secondairement, comme représentatives du divin.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 211.
«L'histoire est connaissance, la religion est principalement action: elle ne concerne la connaissance, [...], que dans la mesure où une représentation intellectuelle est nécessaire pour parer au danger d'un certaine intellectualité. Considérer à part cette représentation, la critiquer en tant que représentation, serait oublier qu'elle forme un amalgame avec l'action concomitante.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 211-212.
«De la religion [...] dynamique, la prière est indifférente à son expression verbale; c'est une élévation de l'âme qui pourrait se passer de la parole. A son plus bas degré, d'autre part, elle n'était pas sans rapport avec l'incantation magique; elle visait alors, sinon ;à forcer la volonté des dieux, et surtout des esprits, du moins à capter leur faveur. c'est à mi-chemin entre ces deux extrémités que se situe ordinairement la prière, telle qu'on l'entend dans le polythéisme.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 212-213.
«Quant au sacrifice, c,est sans doute, d'abord, une offrande destinée à acheter la faveur du dieu ou à détourner sa colère. Il doit être d'autant mieux accueilli qu'il a plus coûté, et que la victime a une plus grande valeur. C'est probablement ainsi que s'explique en partie l'habitude d'immoler des victimes humaines, habitude qu'on trouverait dans la plupart des religions antiques, peut-être dans toutes si l'on remontait assez haut. Il n'est pas d'erreur ni d'horreur où ne puisse conduire la logique, quand elle s'applique à des matières qui ne relèvent pas de la pure intelligence.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 213-214.
«Mais philosophie et religion restent toujours distinctes. Le plus souvent, en effet, la philosophie ne survient que pour donner satisfaction à des esprits plus cultivés; la religion subsiste, dans le peuple, telle que nous l'avons décrite. Là même où le mélange se fait, les éléments conservent leur individualité: la religion aura des velléités de spéculer, la philosophie ne se désintéressera pas d'agir; mais la première n'en restera pas moins action et la seconde, par-dessus tout, pensée. Quand la religion est réellement devenue philosophie chez les anciens, elle a plutôt déconseillé d'agir et renoncé à ce qu'elle était venue faire dans le monde. Était-ce encore de la religion ?»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 214-215.
«L'homme est le seul animal dont l'action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l'espoir de réussir et la crainte d'échouer. C'est le seul qui se sente sujet à la maladie, et le seul aussi qui sache qu'il doit mourir. Le reste de la nature s'épanouit dans une tranquillité parfaite Plantes et animaux ont beau être livrés à tous les hasards; ils ne s'en reposent pas moins sur l'instant qui passe comme ils le feraient sur l'éternité.» — Henri BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 215-216.
«De tous les êtres vivant en société, l'homme est le seul qui puisse dévier de la ligne sociale, en cédant à des préoccupations égoïstes quand le bien commun est en cause; partout ailleurs, l'intérêt individuel est inévitablement coordonné ou subordonné à l'intérêt général. Cette double imperfection est la rançon de l'intelligence. L'homme ne peut pas exercer sa faculté de penser sans se représenter un avenir incertain, qui éveille sa crainte et son espérance. Il ne peut pas réfléchir à
ce que la nature lui demande, en tant qu'elle a fait de lui un être
sociable, sans se dire qu'il trouverait souvent son avantage à négliger les autres, à ne se soucier que de lui-même. Dans les deux cas, il y aurait rupture de l'ordre naturel.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 216.
«Par le fait, la fonction fabulatrice, qui appartient à l'intelligence et qui n'est pourtant pas intelligence pure, a précisément cet objet. Son rôle est d'élaborer la religion dont nous avons traité jusqu'à présent, celle que nous appelons statique et dont nous dirions que c'est la religion naturelle, si l'expression n'avait pris un autre sens. Nous n'avons donc qu'à nous résumer pour définir cette religion en termes précis. C'est une réaction défensive de la nature contre ce qu'il pourrait y avoir de déprimant pour l'individu, et de dissolvant pour la société, dans l'exercice de l'intelligence.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 216-217.
«... il faut distinguer entre les obligation sociales d'un caractère très général, sans lesquelles aucune vie en commun n'est possible, et le lien social particulier, concret, qui fait que les membres d'une certaine communauté sont attachés à sa conservation. Les premières se sont dégagées peu à peu du fond confus des coutumes que nous avons montré à l'origine; elle s'en sont dégagées par voie de purification et de simplification, d'abstraction et de généralisation, pour donner une morale sociale. Mais ce qui lie les uns aux autres les membres d'une société déterminée, c'est la tradition, le besoin, la volonté de défendre ce groupe contre d'autres groupes, et de le mettre au-dessus de tout. A conserver, à resserrer ce lien vise incontestablement la religion que nous avons trouvé naturelle: elle est commune aux membres d'un groupe, elle les associe intimement dans des rites et des cérémonies, elle distingue le groupe des autres groupes, elle garantit le succès de l'entreprise commune et assure contre le danger commun.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 217-218.
«Justement parce que l'intelligence est une réussite, comme d'ailleurs l'instinct, elle ne peut pas être posée sans que l'accompagne une tendance à écarter ce qui l'empêcherait de produire son plein effet. Cette tendance forme avec elle, comme avec tout ce que l'intelligence présuppose, un bloc indivisé, qui se divise au regard de notre faculté — toute relative à notre intelligence même — de percevoir et d'analyser.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 219.
«Ainsi les inquiétudes de l'homme jeté sur la terre, et les tentations que l'individu peut avoir de se préférer lui-même à la communauté, — inquiétudes et tentations qui sont le propre de l'être intelligent —, se prêteraient à une énumération sans fin. Indéfinies en nombre, aussi, sont les formes de la superstition, ou plutôt de la religion statique, qui résistent à ces résistances. Mais cette complication s'évanouit si l'on replace l'homme dans l'ensemble de la nature, si l'on considère que l'intelligence serait un obstacle à la sérénité qu'on trouve partout ailleurs, et que l'obstacle doit être surmonté, l'équilibre rétabli. Envisagé de ce point de vue, qui est celui de la genèse et non plus de l'analyse, tout ce que l'intelligence appliquée à la vie comportait d'agitation et de défaillance, avec tout ce que les religions y apportèrent d'apaisement, devient une chose simple. Perturbation et fabulation se compensent et s'annulent. A un dieu, qui regarderait d'en haut, le tout paraîtrait indivisible, comme la confiance des fleurs qui s'ouvrent au printemps.»
— Henri
BERGSON. Chapitre II. In Les deux sources de la morale et de la religion. Presses universitaires de France. Paris, 2000. p. 219-220.
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