[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.
LES CERTITUDES DIFFICILES
«Est-il plus déshonorant de sentir l'injustice parce qu'elle vous prend aux entrailles, comme le peuple, que de la méconnaître parce que l'appétit est satisfait, comme le bourgeois?» — E. MOUNIER. «Certitude de notre jeunesse». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 013.
«Une vie n'est pas brisée qui a porté un grand témoignage.» — In E. MOUNIER. «Certitude de notre jeunesse». Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 016.
«Au surplus, il faut s'entendre sur ce qu'on appelle communisme. Vu de Chaillot, c'est une bête affreuse; des diverses Sorbonnes, un système erroné; de l'hôtel Matignon, un complot contre la sureté de l'État. Vu de Montreuil ou de Clichy, c'est l'armure des réprouvés, la seule qui compte à leurs yeux, le seul espoir de leurs journées. Montreuil n'est pas infaillible, mais Montreuil est au cœur du problème: nous refusons l'abstraction qui omet le point de vue de Montreuil.» — E. MOUNIER. «Fidélité». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 017.
«Le chrétien ne quitte pas le pauvre, le socialiste n'abandonne pas le prolétariat, ou ils parjurent leur nom. Les bureaux spécialisés voudront bien ne pas compter sur nous pour ce parjure.» — E. MOUNIER. «Fidélité». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 021.
«... à l'État totalitaire, on ne fait pas sa part.» — E. MOUNIER. «Réponse à Semprun». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 034.
«... une conviction forte, que chaque jour affermit, est un puissant réducteur du ressentiment, même du ressentiment qui se tourne contre soi ....» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 052.
«... l'abstention et l'immobilité: l'une est une exigence de pureté, l'autre une exigence de présence. C'est déjà trop que de les séparer: de ce moment elles tournent mal. § La première, détachée de la seconde, pousse certains esprits à une crainte superstitieuse des contaminations. Ils font grand bruit devant elles, comme le nègre devant l'orage, le puritain devant la tentation, et les fuient dans une critique anarchisante, qui isole et qui s'isole, énerve l'engagement et multplie l'esprit de secte. Leur force est d'avoir le plus souvent raison. Mais qu'est qu'avoir raison? Une certaine manie destructrice, depuis quelque temps, semble n'avoir d'autre jouissance. Ils ont raison contre l'histoire, contre la réalité, contre leurs propres initiatives, dès qu'ils les voient prendre corps : le bel avantage ! Ils n'aiment pas la vérité, ils aiment la négation de l'erreur, ce qui est tout différent. La première nourrit, la seconde épuise, et s'épuise. Les conformismes prolifèrent ces négateurs, en se décomposant comme les cadavres, selon les anciens, produisaient leurs mouches. On voit avec regret des hommes qui valaient mieux s'user à cette guérilla et y aigrir leurs meilleurs qualités. § Le souci dce présence, séparé de l'exigence d'intégrité, groupe des tempéraments tout opposés. Ceux-ci sont moins soucieux de pureté doctrinale que de contact humain. Toujours impatients de rassemblements, ils boudent aux distinctions, aux réserves, aux méfiances, qui leur semblent signées d'un certain manque de générosité. Et on voit bien en effet contre quel confort doctrinaire, contre quelle avarice précieuse leur nature inquiète se cabre.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 052-53.
«... ce n'est pas le nombre qui donne la capacité offensive, c'est la vérité historique, qui ne se détermine pas sur la moyenne des erreurs les moins éclatantes, et la foi, qui ne se nourrit pas à de vagues sympathies philantropiques.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 053.
«Nous voyons alors dans la droite et la gauche comme les cristallisations de deux tempéraments. Les tempéraments «de droite» sont plutôt sensibles à ce qu'on pourrait appeler le spirituel de structure et d'ordre, ils défendent la part de la continuité, de la fidélité, de l'organisation, de la hiérarchie et de l'autorité, des valeurs éprouvées, des situations acquises, des structures naturelles: famille, nation, paysannerie. Les tempéraments «de gauche» sont plus sensibles au spirituel de progrès et de justice, ils défendent la part de l'aventure humaine, scientifique et sociale, de ruptures nécessaires, des gouvernés et des opprimés, de la liberté, de l'individu, de la démocratie, des parties plus mobiles de l'organisme social: prolétariat et urbains, intellectuels, etc... Si la personne est esprit iuncarné, la gauche est plutôt du côté de l'esprit, la droite du côté de l'incarnation. Si bien qu'à l'encontre des polémiques conventionnelles, les gauches pèchent plutôt par l'idéalisme (irréalisme), les droites par matérialisme. La droit lutte contre la mort, au risque d'arrêter la vie, la gauche lutte pour la vie, jusqu'à l'exposer à des expériences mortelles.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 054.
«Vient-on dire que nous sommes en république, où le pouvoir vient du peuple et s'exerce pour le peuple ? Ce n'est pas une question de régime. Le pouvoir est toujours monarchique, par son fonctionnement même. Et par sa nature impérialiste: «Toute puissance est Impériale, j'entends par là qu'elle n'aime pas recevoir des conseils, et encore moins rendre des comptes.» «Tous les pouvoirs sans exception s'étendent par leur nature, et ne pensent jamais qu'à s'étendre.» Il n'y a pas de gouvernements raisonnables ... Tout ministre est Saint Louis pour commencer, et Louis XIV dès qu'il le peut. Car le pouvoir attire ce qui est corrompu et corrompt ce qu'il attire.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 058.
«Il restera toujours entre les pouvoirs, inévitablement tarés par l'ambition et le vertige de la puissance, d'une part, et toutes les activités qui sont touchées par la liberté spirituelle de l'homme, d'autre part, une tension irrésoluble, plus qu'une lutte des classes, une lutte d'ordres, au sens pascalien du mot.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 060.
«Si la démocratie est aujourd'hui [l'auteur écrit en 1938] déconcertée aussi bien devant la déroute du sens de la liberté que devant le phénomène des masses, c'est qu'elle n'a donné au premier aucune structure intérieure et n'a fait de place au second que contrainte et butée, sans cadres spirituels pour le penser, sans préparations pour l'assimiler. L'échec de la démocratie individualiste n'est pas l'échec de la démocratie, c'est l'échec de l'individualisme.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 061-062.
«Affranchir veut dire rendre franc. Remarquable disposition des mots: le même terme qui sert à désigner notre pays désigne aussi la liberté, et sous un vocable qui le confond avec la vérité. Affranchir l'homme, pour un Républicain, c'est affranchir la Raison. On dit la Raison comme on dit la République, sans autre détermination. C'est là qu'est le tour de passe-passe. Il ne s'agit ni de la raison de Platon, ni de celle d'Aristote, ni de celle de saint Thomas, ni de celle de Descartes (du vrai Descartes), ni de celle de Pascal, Leibniz ou Malebranche, il s'agit de la raison de Bayle et de Condorcet, plus largement de la raison scientifique. Que lui demande-t-on ? D'assurer l'indépendance et l'avenir de la science ? Il semble que Descartes, Pascal et Leibniz y aient un peu plus travaillé que Bayle et Condorcet, ... [...] L'ambition est plus précise et plus vaste. Ce petit canton périphique de l'intelligence, qui se spécialise dans l'adaptation sociale et la fabrication utilitaire, on veut l'identifier à l'intelligence totale et lui faire rendre compte de l'homme intégral.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 062-063.
«Le rationalisme est un produit bien français.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 066.
«Les encyclopédistes partaient du même individualisme absolu que les utilitaires anglais. Le tempérament national accentuait dans l'individu, ici la pente raisonneuse, là la pente industrieuse, mais c'était bien du même homme que l'on parlait. Pratiquement le ciel métaphysique lui est fermé par sa propre mécanique à penser. L'image de Dieu de la philosophie classique, le monstre d'inquiétude fait place à l'homme de verre. Il ne reste en lui qu'une force, le désir, et un ordre, la raison. L'Anglais croit la raison plus anarchique et le désir plus unifiant, le Français à l'inverse: ils s'entendent bien sur le même désir vital, et sur la même raison autonome, fabricatrice de machines à réussir. Toute la science moderne, qu'on ne l'oublie pas, était créée avant ces petits maîtres, qui ne l'ont guère que rabâchée et vulgarisée. Mais elle était articulée à une métaphysique, à une morale, à une théologie. La raison scientifique elle-même s'estimait fortifiée par la circulation organique qui la reliait à l'ensemble de l'esprit humain. Privée de cet appui et de l'image de Dieu, la raison ne garde comme modèle de ses démarches que l'image des choses. Elle se fait tour à tour, sous leur suggestion, législatrice, fabricatrice, industrielle. Elle va façonner le monde à l'image de l'homme, mais après s'être modelée à l'image du monde. Le rationalisme n'avait aucune défense sur la pente de l'utilitarisme: sa raison inoccupée n'avait plus qu'à se mettre au travail, et à tuer le temps.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 067-068.
«... du moment où l'on admet que le législateur est nécessaire pour assurer l'harmonie des désirs, et que son rôle en toute hypothèse n'est que d'assurer la plus grand bonheur du plus grand nombre [il s'agit de la doctrine utilitariste de Bentham], toutes portes sont grandes ouvertes à toutes les dictatures, car le législateur qui n'aura pas devant ses décisions la résistance inviolable des libertés fondamentales de la personne pourra toujours s'estimer meilleur juge que chacun des conséquence sociales et individuelles utiles de ses décrets.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 072-073.
«L'amour n'est pas échange, mais réciprocité gratuite, la société n'est pas contrat, mais engagement vivant, la communauté n'est pas équilibre et harmonie, mais concurrence dramatique et généreuse. Ainsi insérerons-nous la personne sur la gratuité qui lui est foncière, et du même coup sur l'absurdité qui la distingue du regard de la raison scientifique et du dogmatisme. C'est alors seulement que nous commencerons à agir avec autorité sur la mythique de gauche, et aurons quelque chance d'arracher notre propre héritage bourgeois ou notre ferveur de justice populaire à la menace la plus sévère qui pèse sur l'ordre en gestation: aurea mediocritas, la menace d'une médiocrité dorée et servile.» — E. MOUNIER. «Cour traité de la mythique de gauche». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 074-075.
«En matière historique, une vérité détachée du mouvement qui la porte devient mensonge et sert le mensonge.» — E. MOUNIER. «Suite française aux maladies infantiles des révolutions». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 082.
«Le sentiment de l'avenir engagé et des risques courus, qui se nomme en ces périodes [de trouble révolutionnaire] le sentiment du salut public, tend, comme à la guerre, à excuser tout instrument pourvu qu'il soit un instrument de victoire.» — E. MOUNIER. «Suite française aux maladies infantiles des révolutions». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 083.
«Le Français est révolutionnaire par le cœur, et pas du tout dans les mœurs. C'est là son éternelle contradiction. Une partie de son génie continue d'inventer des idées, de lancer des hardiesses, et de frémir à l'esprit de remuer l'univers, l'autre aime la douceur des habitudes, les joies simples, la vie proche et tranquille. Don Quichotte et Sancho Pança se disputent notre âme politique. Le divorce s'aggrave de ce que, si nous avons des mœurs privées, nous n'avons pas, comme l'Angleterre, des mœurs politiques; et cette sagesse mesurée qui retient l'enthousiasme sur la pente des excès, si chacun de nous la pratique assez communément pour soi, elle n'a pas réussi à établir en France un climat politique traditionnel; elle se fait remplacer par la pusillanimité, l'hésitation, la mauvaise humeur, qui ne font que surexciter l'extrémisme fanatique .... § Notre fatalité, c'est ce clivage et ce double entraînement.» — E. MOUNIER. «Suite française aux maladies infantiles des révolutions». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 086-087.
«Par révolution, nous entendons un ensemble de transformations assez profondes pour abolir réellement les maux réels d'une société arrivée dans une impasse, assez rapides pour ne pas se laisser à ces maux finissants le temps d'empoisonner un pays par leur décomposition, assez mesurées pour laisser le temps mûrir ce qui ne mûrit qu'avec le temps. C'est le résultat qui compte, et non le romantisme ou la modération du langage. [...] Le but est donc extrême parce que le mal est extrême.» — E. MOUNIER. «Suite française aux maladies infantiles des révolutions». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 089.
«... il est une loi qu'aucune cause n'exige de violer, même dans l'illégalité: c'est la loi de la dignité humaine.» — E. MOUNIER. «De Profundis». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 092-093.
«Rien ne demande un plus âpre et héroïque engagement qu'une création.» — E. MOUNIER. «Pour un certain sang-froid spirituel». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 110.
«Enchaîner la liberté économique, bien sûr, mais pour libérer la liberté spirituelle et politique (ne craignons pas le beau pléonasme), telle nous paraît être la voie royale de l'humanisme.» — E. MOUNIER. «Pour un certain sang-froid spirituel». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 111.
«Craignons le régime qui asservirait les hommes à la fois aux hommes et aux idées.» — E. MOUNIER. «Pour un certain sang-froid spirituel». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 112.
«... comme toujours, la question est de savoir si ce qui est après marque une réelle transfiguration de ce qui est avant, ou n'en fait que modifier le visage.» — E. MOUNIER. «Pour un certain sang-froid spirituel». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 112.
«Pas plus que les moyens ne sont étrangers au but, les actes qui exécutent ne le sont aux situations qu'ils réalisent. C'est pourquoi il est méprisable de penser que la tactique, entendue comme le résultat à-tout-prix, puisse commander les moyens de l'action. Elle doit les incliner en tant qu'elle est une attention docile aux révélations des événements, en tant qu'elle exige le dépouillement des raideurs ambitieuses de la logique: mais alors elle ne commande au spirituel qu'en lui obéissant.» — E. MOUNIER. «Pour un certain sang-froid spirituel». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 113.
«... elle [la position personnaliste] tendrait à établir que les mystifications de l'intérêt ne sont pas invincibles et qu'il n'est finalement de vraies guerres que les guerres religieuses.» — E. MOUNIER. «Pour un certain sang-froid spirituel». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 113.
«On ne décide pas dans l'abstrait du sens que prend une position politique, fût-elle exprimée sur le mode abstrait.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 115.
«La mauvaise foi est intelligente, elle n'ignore pas que les arguments fondés, si peu que ce soit, en réalité sont plus puissants que les absurdités.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 121.
«Il faut des uns, il faut des autres, il faut des bâtisseurs de villes et il faut des bâtisseurs d'homme.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 123.
«... la fin commande le style des moyens, même contraints, et [...] l'abus de moyens hétérogènes à la fin est à bref délai la corruption infaillible de la fin poursuivie.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 124.
«Les moines combattants qui ont fait la chrétienté ne poursuivaient pas de ruse en combattant cette niaiserie immaculée qui semble aujourd'hui l'idéal de tant de révolutionnaires humanistes. Ils savaient que celui qui s'abstient ou qui se protège dans le danger ajoute, au péché de tous, dont il a la charge avec tous, sa lâcheté personnelle et son fade orgueil.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 125.
«... l'honnêteté intellectuelle et le respect de l'homme ouvrent seuls les chemins de la vérité et suscitent la seule efficacité qui ne se retourne pas finalement contre l'action.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 127.
«Le meilleur attire parfois le pire, plus que le médiocre.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 128.
«... aucun problème ne peut actuellement se résoudre que dans sa liaison à l'évolution générale du monde.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 130.
«Notre croyance fondamentale, c'est qu'une révolution est une affaire d'hommes, que sa principale efficacité est la flamme intérieure qui se communique d'homme à homme, quand les hommes s'offrent gratuitement aux hommes. Il n'est pas là pour autant nécessaire de mépriser les techniques d'interprétation ou les techniques d'action.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 130-131.
«On ne dira jamais assez qu'un des premiers caractères de la démocratie, c'est la publicité. La publicité, c'est la confiance faite au peuple, l'hommage du pouvoir à l'opinion qui le soutient.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 132.
«Dans ces longs voyages où l'on vieillit en route, les plaisirs ou les installations du chemin font souvent oublier au voyageur le but de son voyage. Le romancier et parfois détourné de son premier dessein par les développements mêmes qu'il en tire.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 134.
«Un acte politique est un pari sur l'avenir autant et plus que l'adhésion à un donné.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 135.
«Deux réalités authentiques pour le moins font aujourd'hui objection au communisme: d'un côté, le sens chrétien de l'homme, non pas seulement réduit à ses limitations et à ses contaminations historiques récentes, comme certains de nos correspondants chrétiens le prennent si légèrement, mais dans toute sa profondeur d'expérience historique; par ailleurs, un sens irréductible, en Occident, des mœurs de la liberté.» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 137-138.
«C'est en hommes libres et lucides que nous assurerons notre participation à la libération de l'homme. Nous n'avons aucun goût à jouer les naïfs. Devant chaque situation révolutionnaire, nous dirons: oui, oui, ou: non, non. Jouer les Ve colonnes, c'est-à-dire être à la fois hors du coup et dans le coup, aveugles et manœuvrés, enthousiastes et benêts, n'entre ni dans nos goûts, ni dans nos vues. § Nos desseins sont nets, simples, trop simples pour les habitudes de l'heure: nettoyer hors de nous et parmi nous et jusqu'en nous toute trace de fascisme, et préparer, pour le moment opportun, sans timidité ni précipitation, une révolution qui ne soit pas parasitée par l'inhumain. Cela, rien que cela, mais cela passionnément. [L'auteur écrit en 1946, après la victoire des Alliés et la libération de la France du joug de l'occupant nazi.]» — E. MOUNIER. «Débat à haute voix». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 140-141.
«... il n'est pas un régime au monde et dans l'histoire qui n'ait débuté par un coup de force, pas un progrès qui n'ait été déclenché par une minorité audacieuse contre la paresse instinctive du grand nombre.» — E. MOUNIER. «Prague». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 153.
«La condamnation radicale de toute violence est une position littéraire intéressante; elle peut être une position spirituelle héroïque. Mais du moment où l'on n'entre pas dans les voies exceptionnelles de la sainteté, où l'on accepte d'être homme parmi les hommes, elle devient intenable. Ceux qui prêchent aujourd'hui de quitter ce champ de bataille où les camps affrontés poursuivent à travers leur mutuelle destruction des buts considérés comme fondamentalement identiques, ils comprendront que nous ne les respections que dans la mesure où ils ne prendront pas les gémissements pour de l'héroïsme. Les monastères ne sont pas des alibis.» — E. MOUNIER. «Prague». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 156.
«La guerre moderne est un cancer qui ne distingue pas les tissus, qui les ronge tous jusqu'à la mort. Désormais la paix armée, fût-ce pour les démocraties libérales ou pour les démocraties populaires, c'est l'installation plus ou moins rapide de l'État totalitaire.» — E. MOUNIER. «Prague». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 159.
«... la révolution que nous voulons sera l'œuvre d'un peuple vivant, non pas la tâche administrative d'un État, fût-il le plus policé du monde.» — E. MOUNIER. «Prague». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 159.
«Nous continuons à penser qu'en allant au cœur des problèmes, nous servons l'unité future mieux que les ruses véreuses, et cela sans désarmer, nous l'avons montré, les alliances tactiques que l'événement peut rendre nécessaires. Mais quand, dans un univers de somnanbules, on nous propose de semer un peu plus d'inconscience, nous disons: Non ! Notre tâche d'intellectuels est au service de la lucidité. Elle est limitée. Elle ne peut s'isoler d'autres tâches, nous le savons. Mais aucune autre tâche ne peut la disqualifier de son domaine. Nous offririons au peuple de bien misérables amitiés, si nous renoncions devant lui à cette hénnêteté au métier qui est la vertu populaire même.» — E. MOUNIER. «Débats». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 171.
«Mon Évangile m'apprend qu'on n'est pas plus malin que son Dieu, qui cherche toujours une voie vers le cœur du plus désespérant des hommes. Mon Évangile, au surplus, est l'Évangile des pauvres. Jamais il ne me laissera satisfait sur un seul malentendu avec ceux qui ont la confiance des pauvres. Jamais il ne me réjouira de ce qui peut diviser le monde et l'espoir des pauvres. Ce n'est pas une politique, je le sais bien. Mais c'est un cadre préalable à toute politique et une raison suffisante de refuser certaines politiques» — E. MOUNIER. «Débats». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 181.
«"Un poisson dans l'eau, dit-il [Hervé, un journaliste antimilitariste français] encore, ne se sent pas étouffé par le totalitarisme." Pardon, il se sent étouffé, même dans l'eau, si l'eau est polluée. Et il l'est encore dans une eau trop pure, vidée d'air et de nourriture.» — E. MOUNIER. «Débats». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 184.
«Il arrive que l'histoire récompense ceux qui s'obstinent, et qu'un rocher bien placé corrige le cours d'un fleuve.» — E. MOUNIER. «Débats». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 189.
«Un pays spirituellement fort est prêt à subir la guerre plutôt que la servitude morale consentie, comme un homme spirituellement fort est prête à choisir la mort plutôt que la déchéance. Il n'empêche que le premier doit tout faire pour ne pas se mettre en occasion de guerre comme le second doit résister dans l'épreuve à la tentation de la mort. Au bord de l'abîme, la rançon, soit de la paix, soit de l'honneur spirituel, devient en effet insensée. C'est dans la mesure où il considérera la guerre moderne comme une catastrophe absolue, mais par une foi éclairée, et non par une peur diffuse, que notre pays mettra tout en œuvre, à temps et à propos, pour inventer ces moyens conjugués de générosité et de force qui le tiendront éloigné de cette zone fatale où il ne devrait plus son salut qu'«à tout prix», au prix de son âme. C'est cette fermeté d'énergie pourvoyeuse de paix que nous avons réclamée de lui. Elle est l'ennemie directe de la «fermeté» provocante et spectaculaire qui s'emporte à tombeau ouvert sur les politiques de prestige, qui substitue à la force d'une politique créatrice le raidissement d'une attitude négative; elle condamne aussi bien une certaine répugnance idéaliste à la vigueur qui déconsidère la paix auprès de toutes les âmes fortes et surexcite le violent en lui promettant une proie facile.» — E. MOUNIER. «L'Europe contre les hégémonies». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 197.
«La guerre est un mur de désespoir, un échec et non pas un recours.» — E. MOUNIER. «L'Europe contre les hégémonies». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 198.
«... ceux qui croiraient renforcer notre cause en lui prêtant des possibilités illusoires rendraient à notre pays le plus mauvais service: il lui faut en ce moment une générosité totale au service d'une lucidité sans défaut. On ne fait pas un redressement avec de la grandiloquence ou des prétentions. La «force» d'un pays ne se mesure plus à sa puissance militaire, qui peut l'écraser, non plus qu'à ses ambitions: mais à son énergie spirituelle, soutenue par l'exact ajustement de ses volontés à ses possibilités matérielles.» — E. MOUNIER. «L'Europe contre les hégémonies». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 199.
«... il n'est pas de droit que ne taille ou ne soutienne une force.» — E. MOUNIER. «L'Europe contre les hégémonies». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 200.
«Nous ne dénoncerons jamais assez ces troubles mélanges de spiritualité démarquée, de moralité et de complexes psychologiques. Les réalités dont nous parlons doivent chaque jour se charger de plus d'humanité, un chrétien ajoutera que la Cité terrestre doit chaque jour imiter davantage la Cité de Dieu. Mais ces réalités ne se situent ni dans le plan de la Charité pure, ni dans le plan de la Justice pure; elles sont tout engagées encore dans la force, avec un léger revêtement de justice et quelques onces de Charité. En pourrant de tout notre poids au mouvement qui doit incessamment tempérer le régime de la force par celui de la justice et de l'amour, nous n'avons pas le droit d'enlever certains étais avant que des équilibres complexes ne soient assurés, Les monuments religieux les plus parfaits sont ceux où chaque nervure transfrome en beauté une force précise, disciplinée et vouée.» — E. MOUNIER. «L'Europe contre les hégémonies». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 200.
«Deux guerres modernes [l'auteur écrit en 1950], cela ne veut pas dire seulement un jeune sang abondamment répandu, une contre-sélection brutale. Cela veut dire aussi le durcissement des organismes, des techniques, des habitudes de style totalitaire, même dans les pays qui n'ont jamais été massivement mis au pas; une éducation de la passivité; la prolifération de l'aventurier, de l'arriviste et du bureaucrate. Cela veut dire, plus encore peut-être que l'épreuve de deux conflits, le choc des deux après-guerres, de deux déceptions massives, inévitables (la guerre pourrit tout) suivant deux élans de fol espoir, et la torpeur qui suit les grandes désillusions, le scepticisme qui s'installe sur trop d'espérances ruinées tour à tour.» — E. MOUNIER. «Lettre à quelques amis européens». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 210.
«... qui ne songe plus qu'à se défendre et à se conserver, est déjà condamné.» — E. MOUNIER. «Lettre à quelques amis européens». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 212.
«Le XXe siècle est celui de l'avènement des peuples. Sous les formes les plus diverses, l'avènement du communisme oriental et du travaillisme anglais, de la paysannerie chinoise et du nationalisme hindou, la brève poussée des résistances européennes, et sous un certain angle les fièvres fascistes elles-mêmes signent la même impérieuse évolution: toute «révolution nationale», faite par des cadres pour maintenir des privilèges de cadres, n'aura désormais qu'un temps.» — E. MOUNIER. «Lettre à quelques amis européens». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 212.
«... quand des divisions se mettent en marche, elles portent avec elles la guerre, même si elles veulent établir la paix.» — E. MOUNIER. «Le Pacte atlantique». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 216.
«La guerre moderne, c'est-à-dire la volatilisation, par la guerre, des buts de la guerre. Il n'y a pas de guerre pour la liberté, parce qu'au bout de la guerre totalitaire, il n'y a plus de libertés. Il n'y a pas de guerre pour le socialisme, parce qu'au bout de la guerre totalitaire, il n'y a plus de socialisme. Et non seulement au bout de la guerre. Mais la préparation de la guerre totalitaire ne peut être que totalitaire. Et l'inspiration première d'un régime entré dans le mécanisme de la guerre technique, nécessairement totalitaire, peut être antitotalitaire, ici libérale, là socialiste: tôt ou tard, à rythme bref ou à rythme lent, il doit céder à la nécessité interne de son choix.» — E. MOUNIER. «Le Pacte atlantique». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 223.
«Ne nous dupons pas. Nous savons lutter contre l'incendie, contre la peste, contre le vol, nous ne savons pas encore lutter à armes égales contre la guerre.» — E. MOUNIER. «Si nous avons attendu trois ans». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 237.
«Telle est la guerre moderne: la colère délirante des impuissants. Il ne suffit pas de dénoncer le délire, il faut combattre l'impuissance ....» — E. MOUNIER. «Si nous avons attendu trois ans». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 238-239.
«Mais si la politique est partout, le politique n'est pas tout. Le pacifisme a péri d'avoir surtout mobilisé la crainte de l'aventure et le goût tiède de la vie. La paix virile que nous voulons ne s'annoncera et ne durera que si elle constitue d'abord une milice du courage et du risque. Nous en sommes à cette étape de notre mobilisation. Les armes qui nous manquent, n'ayons pas d'inquiétude, nous les trouverons dans le combat et par le combat: de tout temps, les armes nouvelles sont nées de l'exercice même du conflit. Mais pour un combat nerveux, il faut d'abord des combattants solides.» — E. MOUNIER. «Si nous avons attendu trois ans». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 239.
«D'un côté [des deux voies du pacifisme] se rangent les combattants de la paix, dont on vien d'évoquer quelques visages, ceux pour qui l'amour de la paix est une cause à la fois religieuse et révolutionnaire, l'accent étant place sur le religieux ou sur le révolutionnaire selon les cas. Ils témoignent, en exposant leur tranquillité et leur vie, que la paix, pour eux, n'est pas leur paix individuelle, mais une valeur collective et absolue, qui doit être constamment arrachée au poids de l'histoire par les moyens habituels du service de l'absolu: le risque, le sacrifice, quelquefois la mort. Quand on parle de courants pacifistes, de mouvements pacifistes, on pense rarement à eux: les cimetières et les prisons font mal leur publicité. On évoque alors des campagnes et des groupes d'opinions. Tout s'y passe, avec un minimum de danger et parmi des espoirs consolants, au niveau de l'idée, du cœur, des nerfs ou des lèvres. Seuls ont droit de critique les soldats du pacifisme ceux qui risquent leur vie ou leur liberté sur une option différente. D'accord ou non avec leur idées ou avec leurs moyens, on ne peut que s'incliner devant ces témoins.» — E. MOUNIER. «Les équivoques du pacifisme». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 240-241.
«Toutefois, la critique aujourd'hui si commune de l'idéalisme ne rend pas toujours un son très sûr. Il trompe souvent son homme, c'est entendu, en le satisfaisant d'extases et d'élans sans effets. Mais si le cœur ne s'allume, quelle force lèvera la main ? Qu'il faille organiser et parfois dégriser nos entreprises pour les arracher au rêve, c'est l'évidence: nous liquidons encore les fièvres romantiques. Mais que ferait une humanité qui connaîtrait seulement la passion d'organiser ? Il est vrai qu'en matière historique il n'y a que des vérités relatives: mais qui saura les lire s'il n'entretient en lui l'esprit de vérité ? Il est vrai que la liberté formelle est un mensonge tant qu'elle ne se traduit en libertés particulières: mais nos ancêtres auraient-ils ouvert l'âge des libertés, s'ils n'avaient eu le cœur brûlé par la passion de la liberté ? Il est vrai que devant nous il n'y a pas la guerre, mais seulement telle guerre: mais si les peuples ne se mettent en fureur contre l'éternelle et monotone cruauté de la guerre, quelle force secouera leur torpeur ?» — E. MOUNIER. «Les équivoques du pacifisme». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 242.
«Pour éviter les divagations de l'esprit ou du cœur, il faut d'abord rappeler quelles régions fréquente la rigueur. Les idées sont friables, les sentiments incertains, les morales complaisantes, si les uns et les autres ne sont solidement cramponnés aux deux armatures qui tiennent l'homme debout: les cadres biologiques et sociaux pour ses appuis courants, et pur les ressources de fond, sa réserve spirituelle.» — E. MOUNIER. «Les équivoques du pacifisme». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 242-243.
«Il y a des expériences qui ne se rapportent pas: le langage n'en peut retenir que la grimace ou l'éloquence, et cette trahison même d'une expérience-limite de l'homme porte en elle une vertu empoisonnée. Ce qui a été l'épreuve du cœur de l'homme, transmis, ne peut pas passer qu'aux nerfs, au plus à une pitié suspecte où l'apitoiement sur ses propres risques tient plus de place que le surnaturel mélange de grandeurs et d'atrocité, de désarroi et de force, qui cherche en vain à se communiquer. Ce qui a virilisé le témoin, fouetté en lui une passion désormais intraitable, transformé sa chair même en refus, ne donne plus, à l'extérieur, qu'une rhétorique de l'effroi, un chromo de la sensibilité. On a voulu faire passer dans la paix le message déchirant du combattant: mais nous avons su qu'il ne passe ni les frontières de la guerre, ni celles du cœur, incommunicable en son secret, inutilisable aux propagandes, ouvert seulement parfois à l'amitié qui ne le force pas.» — E. MOUNIER. «Les équivoques du pacifisme». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 244.
«Vivre, c'est foncer, remettre en question, créer.» — E. MOUNIER. «Les équivoques du pacifisme». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 245.
«L'horreur de celui qui n'a pas connu les horreurs est une fausse émotion, intellectuelle, greffée à un abstrait. Tandis qu'une fois réalisés la sottise de la guerre moderne, son cortège de désordres et de souffrances vaines, la révolte peut et doit jaillir de sentiments actuels, prendre le cœur comme un feu. § Elle n'est pas un sentiment pur, mais on la prend trop souvent pour une passion de solitaire, un sentiment radicalement séparateur, alors qu'elle est une manière d'être saisi par l'esprit de justice. Ce n'est plus moi, ma mort, ma peur, qui sont en cause dans la révolte, c'est l'injustice faite à l'autre, et ma solidarité fraternelle avec celui qui souffre l'injustice. Nous abordons par elle un nouveau et important mobile.» — E. MOUNIER. «Les équivoques du pacifisme». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 250.
«... en supprimant la misère, l'homme supprime les maladies de la misère; y a-t-il des maladies du bonheur, et comment en triompher ?» — E. MOUNIER. «Du bonheur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 273.
«Les universitaires, savants et techniciens, sont des spécialistes minutieux, mais sans la flamme intérieure et l'ampleur de vue qui fait les découvreurs.» — E. MOUNIER. «Du bonheur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 276.
«... si Emmanuel Mounier s'affronte à autrui pour finalement arriver à lui faire confiance, cette générosité rattache son procédé critique à la vocation personnelle, qui tout entière peut se réjouir par ce double précepte: ne jamais désespérer personne; ne jamais désespérer de personne.» — «Note de l'éditeur». In E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 286.
«Il appartient à chacun, en multipliant les incidences de son action, de multiplier sa mesure avec son expression, et de livrer ainsi de lui-même, tout en se créant et en créant, plus qu'un blanc-seing décevant sur un inaccessible secret.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 288.
«Quelque peine que l'on prenne à expulser les contenus de l'action, la victoire est toujours grosse, même pour le pessimiste, d'un bâtard: la puissance.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 302.
«Toute morale achoppe deux fois: sur la ligne de ses exigences extrêmes, là où l'on mesure sa force et ses valeurs, et dans le style qu'elle offre à la vie quotidienne.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 303.
«... l'humilité, cette parente mystérieuse de la révolte.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 304.
«... combien peu simple est le rapport de l'éthique au politique.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 304.
«... il ne faut pas que le faire tue l'être.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 308.
«On ne chasse pas les phoques en sifflant sur la montagne...» — Proverbe esquimau cité in E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 308.
«Le libéralisme politique appartient au XIXe siècle. Il mène au compromis et à la confusion. La liberté de l'esprit n'est pas liée et n'exclut ni la force de l'esprit ni la force de l'État. Qui ne s'entendrait sur ces généralités?» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 309.
«La dignité n'est pas non plus un mythe nouveau — et vain comme les autres — pour s'arracher au destin. Avec elle, l'univers est transfiguré. L'aventure, l'intensité, l'énergie, la puissance, le commandement creusaient la solitude. La dignité de l'homme, dès qu'elle est pressentie, apporte l'espérance de la dissiper. Elle ne brise pas le cercle tragique, mais déjà, à travers elle, il s'enfonce en tremblotant, image fondante, vers la nuit d'un mauvais rêve.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 311.
«Toute vie psychologique est un échange, et le problème fondamental de la personne concrète, c'est de savoir de quoi elle entend se nourrir...» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 314.
«Il est difficile d'être un homme. Mais pas plus de le devenir en approfondissant sa communion qu'en cultivant sa différence, et la première nourrit avec autant de force au moins que la seconde ce par quoi l'homme est homme, ce par quoi il se dépasse, crée, invente ou se conçoit.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 314.
«... la voix de Jaspers: un monde cassé, non pas un monde absurde; le tragique, pas le non-sens. Au reste, plus que le destin, importe la conscience que nous en avons.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 315.
«Chaque cercle de civilisation se trace autour d'une structure mentale qui tient pour absolue, inattaquable une évidence particulière sur laquelle l'esprit n'a pas de prise car elle la possède avant toute réflexion: pour les individus d'un même cercle, elle est la forme intérieure de leur fatalité. De l'une à l'autre de ces structures aucune communication réelle, aucun dialogue valable, si ce n'est peut-être par un certain effort de l'art, un «acharnement des meilleurs», dont la réussite est rare et qui finalement ne nous livre que du périssable: car les états psychiques successifs (ou cœxistants) de l'humanité n'affectent pas, ne cultivent pas la même part de l'homme.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 317.
«La vie est apparue à notre science comme le legs, à travers une matière précieuse, en un sens immortelle, mais qui ne vit de générateur en générateur que dans des organismes radicalement discontinus. La doctrine chrétienne de la survie ne s'intéresse à l'homme que dans l'aspiration de sa part divine, nouvelle à chaque naissance, et l'homme ne dure au-delà de sa mort que par sa divinisation, ou disparaît au feu éternel.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 319.
«L'art est par essence ce qui incarne l'éternel dans l'éphémère....» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 320.
«Trop de surplomb comme trop de complaisance, trop de rêve comme trop de compromis, de trop vastes mythes comme de trop courtes tactiques risquent de faire basculer l'art politique. Jeter le vaisseau au mirage pour le sauver de la moisissure, est-ce sauver ? Confondre la tâche prophétique et la tâche politique, éternelle tentation de l'intellectuel inquiet de la légèreté des idées, fiévreux de toucher des œuvres vives.» — E. MOUNIER. «André Malraux, le conquérant aveugle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 324.
«L'irrationnel est clérical. Il exagère pour étourdir. La raison n'est pas véreuse, corrompue, serve ou mystifiée: simplement elle est vaine et limitée.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 329.
«L'humiliation des pouvoirs abstraits, ce n'est pas seulement l'humiliation de la raison et des lumières, c'est aussi l'humiliation des ambitions nocturnes.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 329.
«Ou l'absurde est notre situation la plus essentielle, le divorce inévitable entre l'esprit qui désire l'unité et le monde déraisonnable qui déçoit cet espoir: mais alors, cette condition de nature, pourquoi faut-il tant peiner à la maintenir actuelle dans la conscience ? Pourquoi l'esprit, après avoir enterré tant de systèmes et tant de religions, continue-t-il à réinventer l'espérance génération après génération, avec la même inlassable jeunesse ? Pourquoi cette passion de l'unité et de la réconciliation qui survit à tous les échecs, n'importe comment plutôt que de renoncer ?» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 330-331.
«Au moment même où le christianisme le plus profond cherche à secouer les derniers vestiges de la crise janséniste, à retrouver dans sa tradition la plus axiale le sens de la terre et de la plénitude historique, le mot de péché n'a jamais été plus souvent à la bouche de ceux qui n'ont pas contre qui pécher. L'être même est un péché cosmique, un péché que personne n'a commis et qui n'atteint personne.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 331. [Cette citation évoque implicitement la doctrine du péché originel, qui ne suppose pas en la conscience individuelle que cet acte, s'il peut éventuellement faire l'objet d'une induction objective et d'une réminiscence subjective, autrement comment le fonder dans l'individualité, soit entré à nouveau dans le souvenir.]
«... l'homme absurde n'est pas un homme libéré, c'est un homme cerné. Il n'y a pas d'au-delà. Il n'y a pas de lendemain.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 331.
«Plus insidieuse encore est l'illusion de l'absolu. Le chrétien prend ce goût puissant de l'absolu pour l'appel d'une perfection concrète: elle n'est qu'une manœuvre de l'abstraction. Elle creuse notre solitude et nous détache des hommes, de cette «complicité» qui, [...], est synonyme de la pitié des Russes et de la charité des chrétiens. quand la révolution vise à la justice absolue, la religion à la vérité absolue, l'individu à l'éternité de l'amour ou de la récompense, ces visées nous écartent de l'humble et douloureux commerce de nos frères.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 336.
«L'abstraction s'oppose au bonheur. Elle ne triomphe que de ces fléaux qui, à force de durer, usent la pitié jusqu'à n'en plus laisser que l'idée et aux amours même donnent un visage impersonnel: il faut bien alors un peu la suivre pour la tourner. Mais, avant qu'elle s'établisse, le premier commandement est de la fuir à tout prix.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 336-337.
«Il est plus commode de servir d'une abstraction, voire de se faire tuer pour elle en aveugle (outre que l'aveuglement préfère encore tuer) que de servir des hommes, surtout les vaincus, qui ne gonflent pas le cœur d'éloquence et de fausse ambition. L'honnêteté est plus difficile que l'héroïsme, elle seule, par sa patience modeste, lutte avec efficacité.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 337.
«Quand le sens de l'absolu s'effondre avec son contenu de valeurs, une sorte d'ombre en survit encore dans la recherche de l'impossible: c'est peut-être la seule valeur qui subsiste dans un monde privé de sens. [...]. Le pouvoir n'a pas d'autre dessein: il donne ses chances à l'impossible.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 337.
« L'impossible est impossible. § Dans un univers aussi étanche et vain, il n'y a pas de place pour l'idée de salut. Elle ne peut apparaître que comme une illusion à la traîne des autres, prétentieuse et déplaisante. La finalité tue la vie. Du jour où je lui fixe un but, je l'y conforme, l'arrête, et m'imite moi-même, grave et sot comme un fonctionnaire de la vertu ....» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 337.
«Le salut est l'abstraction antagoniste de la complicité.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 337.
«Toutes les illusions ont un nom commun: l'espoir.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 338.
«Mais on pense aussi à la plus haute tentation, celle de prendre pour sainteté le refus de la grâce, tentation de l'orgueil, et dans le même pli du cœur, tentation d'une sorte de modestie fondamentale et noble du don de Dieu...» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 342.
«Dans la morale de l'épuisement y aurait-il un principe d'épuisement ?» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 342.
«On sait la conclusion du raisonnement absurde: la quantité des expériences remplaçant leur qualité.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 342.
«L'être est ce qui ne peut se contenir: c'est l'essence même de toute vérité religieuse.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 348.
«...ériger la vie en valeur suprême, et la mort en mal absolu, n'est-ce pas bientôt abaisser les valeurs de vie ? La vie à tout prix, c'est bientôt la vie à n'importe quel prix.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 353.
«L'amour des hommes, ce n'est pas seulement de ressentir leur amour, c'est d'assumer leur condition, de les suivre dans les chemins boueux et les travaux imparfaits. C'est, dans les limites de l'acceptable, travailler à leur impur labeur. Sinon le seuil de l'éthique même n'est pas encore franchi. L'esprit de modestie, ou il est un subtil orgueil de replié, ou il est cette générosité attentive et industrieuse.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 357.
«L'espoir, c'est peut-être simplement la confiance que le bonheur fait à la grandeur.» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 358.
«Car est-il plus désolant spectacle que de voir une grande force spirituelle menacée d'inanition ?» — E. MOUNIER. «Albert Camus, ou l'appel des humiliés». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 358.
«Je ne pense pas pour autant, avec le stérile libéralisme de la critique moderne, que la seule tâche qui nous sollicite devant une pensée nouvelle soit de la comprendre, de l'expliquer, de l'étaler en savoir, et la suprême grossièreté, de la juger. Mais comprendre, expliciter, révéler une pensée nouvelle (à la fois à soi-même, à l'auteur et à autrui), surtout une pensée naissante, se révéler en elle et à travers elle, même quand on le fait contre elle, sont des tâches préalables et essentielles de la réflexion critique; et si l'adversaire est de taille, il n'est personne qui ne s'enrichisse de lui dans les condamnations même qu'il lui porte.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 359-360.
«Il n'y a pas plus de philosophie chrétienne qu'il n'y a de doctrine social chrétienne ou de politique chrétienne. Il y a une inspiration chrétienne qui traverse l'histoire comme un vaste geste d'où retombe une pluie de philosophies chatoyantes dont deux millénaires ne nous ont encore donné que des prémisses, dans le canton de l'Europe latine. Il y a des données chrétiennes où s'abreuve la pensée philosophique, mais ce sont des données supraphilosophiques, et les philosophes chrétiens ne sont pas encore très d'accord sur les chemins qui les relient à la philosophie.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 360.
«Le christianisme est un Évangile de vie, il n'est pas une philosophie.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 360.
«Existentialisme et christianisme ont en commun une exigence d'authenticité. Pour tous les deux la vérité ne se découvre qu'à certaines manières parmi lesquelles il faut compter une vigilance constante à la mauvaise foi.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 362.
«On peut dire que chaque fois que l'élan chrétien tendait à retomber, un réveil existentialiste lui a rendu sa force de vie: c'est saint Bernard rétablissant la primauté du salut contre le rationalisme d'Abélard, l'Imitation soulevant le christianisme occidental contre les lourdeurs de l'appropriation, Pascal rappelant l'angoisse chrétienne à un siècle de conformisme dévot et d'accommodations galantes, Kierkegaard poussant le paradoxe de la foi contre l'architecture philosophique de Hegel, si totale que plus rien n'y était oublié, secret ou inquiétant.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 363.
«... tout en mettant sans cesse en valeur le surgissement de l'être humain sur la nature, l'existentialisme affirme sans cesse que l'homme est dans le monde et inséparable du monde, que sa situation concrète dans ce monde fournit à chacun e nous les cadres et les points d'appui de sa prise de conscience sur lui-même en même temps que de sa prise de possession du monde. ainsi, si l'homme doit sans relâche veiller à ne pas s'enliser, à ne pas «s'objectiver» dans le monde, à ne pas s'y laisser absorber comme un objet passif, il lui est également interdit de se dissocier du monde, de s'évader dans les régions incertaines du rêve, du regret, des illusions intérieures, des utopies, de l'automystification. Être de chair et de responsabilité, il porte le monde en ses mains, et à chaque instant en assume la charge.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 364.
«... éliminer de l'existence tout mouvement vers l'universalité, toute structure essentielle, si complexe et mobile soit la représentation de cette structure, c'est risquer d'abandonner l'existence à la frénésie de l'existence. On parlera, il est vrai, d'authenticité, et de l'activiste affolé, on dira qu'il se livre à l'inauthentique, que peut-être, faute de reconnaître la liberté d'autrui, s'il détient la puissance, il s'avilit dans le sadisme qui satisfait le désir de briser ce qu'on ne peut maîtriser. Fort bien, Mais comment désigner l'authentique, si ce n'est déjà par quelque critère communicable, quelque mesure commune aux existences libres ? Et une liberté qui respecte une autre liberté n'affirme-t-elle pas du fait même un ordre essentiel que le pur surgissement de la liberté isolée n'implique pas de soi ?.» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 381.
«Après avoir bousculé le vieil appareil immobile et dangereux d'un pseudo-éternel, et réveillé le sens de la vie spirituelle, aventureuse, autant que fidèle, il [l'existentialisme] aboutit à dégeler la philosophie des essences, à rappeler que la Vérité est Voie et Vie ...» — E. MOUNIER. «Perspectives existentialistes et perspectives chrétiennes». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 381.
«Il y a, il est vrai, dans le catholicisme moderne, tant de candidats à l'administration qu'il n'est pas trop de ces immoralistes chrétiens pour rappeler que la vraie morale se moque de la morale.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 388.
«On ne demande pas à un saint d'exceller dans les tables synoptiques; à un prophète de posséder le génie particulier qui fait les auteurs de manuels et les bâtisseurs de paragraphes. Prophétiser, c'est lancer sa parole, la Parole de Dieu en elle, comme un cri, comme une pierre de fronde. Le cri ne dit pas tout, la pierre blesse, mais au soldat endormi, chuchote-t-on des théorèmes ?.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 391.
«Il y a dans la sincérité et toute vraie souffrance un fond de niaiserie qui donne à la douleur humaine son poids, sa couleur terreuse. L'imbécile, peut-être finalement est-il un Pauvre, revêtu de l'éminente dignité du pauvre, un pauvre écrasé par des forces trop inégales et qui essaye en vain, gauchement, d'un geste déchirant d'enfant maladroit, de les flatter de la main.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 392.
«Trop de visages rencontrés dans trop de monastères et dans trop de banlieues protestent contre cette navrante injure, ce désolant spectacle d'une grande voix prophétique glissant au délire.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 392-393.
«... à notre époque de nivellement et de simplicité démocratique, le domaine de prédilection satanique est la médiocrité, non le tragique, sa voie d'approche l'indifférence, non la révolte, Comme le surnaturel divin, le surnaturel démoniaque n'est qu'exceptionnellement l'exceptionnel.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 393-394.
«Ni bien, ni mal: le pire mal.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 394.
«Les mondes qui nous ont précédés ont créé le sage, le prophète, le saint, le chevalier, le héros, l'honnête homme. Il était réservé au monde moderne de produire en grande série, après dix-neuf siècles de christianisme et quelque dix mille ans d'histoire, ce sous-produit: le médiocre satisfait. Et parmi tous les médiocres, celui dont on ne peut parler qu'avec tremblement: le chrétien médiocre, plus méprisable que tout autre, car il tombe plus bas, de tout le poids de la grâce reçue, et par la vérité qu'il continue de proposer, est acculé à l'imposture. Que dira-t-on de l'effrayant mystère du prêtre médiocre ?» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 394.
«Le mal est organisé en un univers plus réel que celui que nous livrent nos sens, un royaume à la fois spirituel et charnel, d'une densité prodigieuse, Ou plutôt faudrait-il dire qu'il est l'ébauche d'un univers, une création hideuse, avortée, à l'extrême limite de l'être; une solidarité qui n'arrive pas à rompre la solitude de ses fidèles, une église qui n'arrive pas à se fonder.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 395-396.
«Ne cherchez pas le criminel: il est partout.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 396.
«Les saints ne sont pas des séparés. Ils sont les riches de l'Église, et cette richesse surnaturelle leur crée un devoir: la risquer. Leur risque, c'est de ne pas entendre l'appel, ou l'entendant, de se refuser, ou le suivant, d'en dériver. Ce ne sont pas, Dieu non! ce ne sont pas des tranquilles, et ce n'est pas la sécurité qu'ils répandent autour d'eux.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 397.
«Haïr et redouter. La peur forme avec la haine un des composés psychologiques les plus stables qui soient. On se demande si de leur accouplement ne naît pas aujourd'hui une espèce nouvelle dans la flore des sentiments, d'une avidité furieuse, une des plus effrayantes dont l'homme ait jamais couvert son angoisse.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 403.
«... la perspective constante du réalisme spirituel: quand l'homme est infecté, tout ce qui vient à l'homme, neutre ou sain, s'infecte. Si à son niveau le plus profond le désordre aujourd'hui est une dénaturation de l'homme, il est absurde de penser qu'il sera expulsé par un simple réaménagement économique.» — E. MOUNIER. «Un surnaturalisme historique: Georges Bernanos». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 405.
MOUNIER ET SA GÉNÉRATION
«Un grand homme fort, plein de bonté: la preuve c'est qu'il était socialiste et se faisait voler par tout le monde.» [L'auteur sur son grand-père, le 30 avril 1933.] — E. MOUNIER. «(Avril 1905-Octobre 1924) Cette enfance qui résonne dans l'éternité». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 414.
«La grandeur du but à atteindre m'appelle et me stimule. Il me semble qu'en participant à cet idéal commun je deviens plus grand que moi-même: je suis épaulé par ceux qui sont arrivés, porté par l'esprit commun et la volonté de tous. Et comme je compte sur vous pour dresser mon intelligence, je compte en moi sur cette volonté persévérante pour discipliner mes forces et conquérir ma vie. Vous aviez raison lorsque vous me défendiez de me tourmenter de l'avenir: ce serait à la fois manquer de foi et de courage. Vous nous conduisez à l'infini: nous devons en remplir chaque instant de notre vie pour en approcher indéfiniment, avoir l'ambition d'aller le plus haut possible sans nous fixer d'autre terme que celui que nous imposeront les événements guidés par la Providence. Dieu fera le reste ...» [L'auteur à son mentor, le professeur Jacques Chevalier, le 8 décembre 1925, à l'âge de 20 ans.] — E. MOUNIER. «(Octobre 1924-Octobre 1927) Trois années fécondes, mais trop lisses». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 419.
«... d'un «esprit» éminemment catholique, c'est-à-dire humain et universel.» [L'auteur à l'homme politique Francisque Gay, le 14 mars 1926.] — E. MOUNIER. «(Octobre 1924-Octobre 1927) Trois années fécondes, mais trop lisses». InŒuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 421.
«Ce n'est pas de la philosophie ... ou bien cette philosophie la meilleure, celle des règles cachées de l'âme où se blottissent réconciliés l'intelligence vraie et l'amour ... » [L'auteur à Madeleine Mounier, le 26 novembre 1926, en commentaire à la phrase de James: «Non, je ne puis mourir, car je commence seulement à me sentir capable de vivre.»] — E. MOUNIER. «(Octobre 1924-Octobre 1927) Trois années fécondes, mais trop lisses». InŒuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 422.
«... L'attente de l'amour est signe de faiblesse chez ceux qui l'attendent faiblement, et signe de force chez ceux qui l'attendent fortement. Et puis il y aurait bien une certaine faiblesse particulière à la femme ou à telles femmes, qui serait de considérer l'amour et plus généralement la vie comme quelque chose que l'on attend plutôt que quelque chose que l'on conquiert.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 8 février 1927.] — E. MOUNIER. «(Octobre 1924-Octobre 1927) Trois années fécondes, mais trop lisses». InŒuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 424.
«Les amis ... J'ai toujours été rebelle à la camaraderie, qui me semble être un raté des magnifiques réussites de la vraie amitié, un mesurage et comme une vulgarisation du cœur. Je n'ai jamais goûté que ces camaraderies qui, par un rien, par un léger tremblement de lumière, ont senti passer au moins une fois le passage de l'amitié.» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 14 octobre 1933.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 427.
«C'était pour moi l'ami, le seul parmi ceux de mon âge, qui se soit avancé profond dans mon intimité, à qui j'aie ouvert certains sanctuaires. Je ne les ai même jamais ouverts: nous nous étions trouvés si immédiatement sur le même plan, avec la même sensibilité et les mêmes aspirations, en harmonie jusque dans nos divergences, qui étaient animées de la même aspiration. Nous nous étions unis sans déclaration, par la découverte, à première lecture, de l'ajustement de nos âmes. C'était aussi l'ami de la seizième année, né avec la vie, qu'on ne remplacera pas.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 8 janvier 1928, en évoquant son amitié avec Georges Barthélémy, récemment décédé.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 429.
«Oh! les esprits limités, les gens assis en chaire, à la tribune, dans leurs fauteuils, les gens satisfaits, les intelligents, les u-n-i-v-e-r-s-i-t-a-i-r-e-s ! ... Vois-tu, il faut à tout prix que nous fassions quelque chose de notre vie. Non pas ce que les autres voient et admirent, mais ce tour de force qui consiste à y imprimer l'Infini.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 12 janvier 1928.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 430.
«... On a perdu le sens du verbe se donner (l'intelligence même devient une propriété) et c'est la cause de bien des ruines humaines ....» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 28 janvier 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 431.
«Combien d'attentes nous laissons inassouvies par cette stupide pudeur qui est bien souvent tout autant orgueil et lâcheté que discrétion.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 27 mars 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 432.
«... Non, il ne faut pas enlever aux enfants cette soif de l'irréalisable.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 2 avril 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 432.
«Je suis décidément incapable de l'attitude objective de ces jeunes hommes qui se placent devant les problèmes comme devant une pièce d'anatomie, et devant leur carrière comme devant un mécanisme à monter méthodiquement jusqu'au point réglé. Il serait d'ailleurs à savoir si ce n'est pas un abus de langage que d'appeler objectivité cette mutilation et cette myopie. Et c'est bien là ce qu'entretient la Sorbonne, et j'ai pu en approcher d'assez près l'esprit pour me rendre compte que, de l'intérieur, on n'en voit pas l'étroitesse et que toute autre attitude y prend un air de ridicule. § Quand j'ai connu l'épreuve, en janvier, ces gens-là m'ont dégoûté de leur méthode et m'auraient, par emballement, dégoûté de la philosophie s'il n'y avait eu vous et mon passé et la vraie philosophie qui en est irresponsable.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 25 mai 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 433-434.
«Être agrégé, en somme, je m'en f... n'être plus agrégatif, voilà ce qui m'intéresse.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 10 juin 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 434-435.
«S'il y a quelque chose que j'apprécie au monde, dans l'ordre des cœurs comme dans celui des esprits, c'est la fraîcheur, c'est-à-dire la promesse: et c'est parce que vous êtes fraîcheur et promesse que mon amitié a glissé vers la vôtre, et que je vous l'écris, moi qui ai des triples serrures sur l'extérieur, dans le sens qui va du dedans au dehors.» [L'auteur à Jean Guitton, le 10 août 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 436.
«Peut-être suis-je aussi très peu philosophe: est-ce être philosophe que de juger une amitié de plus de prix qu'une thèse ? ...» [L'auteur à Jean Guitton, le 10 août 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 436-437.
«Pour ma thèse, je suis incapable de me l'imposer, il faudra qu'elle éclose en moi, et ensuite qu'elle germe avec moi, mais moi respectueux d'elle, sans la forcer. Peut-être encore me rendrai-je compte que la vie est pressée et demande plus de renoncements, plus d'automatisme: et je renoncerai comme les autres.» [L'auteur à Jean Guitton, le 18 août 1928.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1927-Septembre 1928) La grande ville différente». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 437.
«Je connais des journées de joie et d'amusement ... et j'y donne tout ce qu'il y a en moi de jeunesse et de fantaisie. Ce que je déteste, c'est l'attitude sous toutes ses formes et dans tous ses genres, le demi-habile qui mêle précisément les plans et se sert des uns comme masque pour les autres. Je les déteste, non pas d'une haine d'ignorance, mais d'une rancune de vengeance, parce que je suis passé par là, et que je vois ce que j'y ai perdu de temps et de richesse. § L'ironie qui est défiance de soi et respect de ce qu'elle révèle ? oui. L'ironie qui est jeu et volonté de confusion ? non: car elle galvaude ce qui ne doit pas l'être et, parce qu'elle se sépare elle-même dans une attitude délibérée, elle disjoint les âmes. Parade ? Je ne connais de parade que le silence, qui seul cache sans trahir ni diminuer ce qu'il cache.» [L'auteur à Renée Barbe, le 6 novembre 1928.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 440.
«Il est difficile de se mouvoir dans le monde des âmes avec la maladresse de nos corps. L'idiot, c'est de ne pas me sentir à mon rang parmi les hommes, mais minuscule entre les hommes, impuissant à chaque instant devant une réalisation. Impuissant parfois jusqu'à la stupidité ou l'ataxie. Et la rage me prend devant l'assurance usurpée. La vue des imbéciles me rend plus farouche encore, désireux d'effacement et de silence ....» [L'auteur à Renée Barbe, le 10 novembre 1928.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 440.
«On n'est parfaitement adapté à l'humanité qu'au premier stade, quand on se suffit en elle, ou au dernier, quant on est parvenu à l'aisance suprême (Dieu si vous voulez, et c'est ainsi que je conçois la Providence. Dans l'entre-deux, c'est le déséquilibre, la dispersion, la Croix, Pascal ou la grimace ... Voilà pourquoi vous me trouvez tantôt suave, tantôt grimaçant ... Mais je ne suis pas si intéressant pour me désosser ainsi. Pourquoi m'y menez-vous ?.» [L'auteur à Renée Barbe, le 14 novembre 1928.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 441.
«Mon sujet de thèse ? Je le laisse mûrir, car une thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle. Ce sera quelque chose sur la frontière du domaine moral et du domaine religieux, sur des causes très actuelles.» [L'auteur à Jéromine Martinaggi, le 1er février 1929.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 442.
«... Ne crois pas que je veuille seulement ton bonheur par les paroles qui sont sur mes lèvres. Je veux te le conquérir en perfectionnant ma prière et ma vie surnaturelle, car je suis de plus en plus convaincu que c'est par cela qu'on agit, en faisant marcher les grâces de Dieu, bien plus que par nos petites combinaisons humaines que ne nous achètent pas le mérite des événements. Et que les moyens humains seront nécessaires, je les prendrai par surcroît ...» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 10 février 1929.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 443.
«Je suis parti cet après-midi à Vincennes et j'ai marché comme une brute à travers les bois (j'ai dû faire plus de quinze kilomètres) en pensant à ces tasse de choses. C'était un de ces dimanches très après-midi de dimanche parisien, où la foule que l'on côtoie vous jette la banalité à la figure par bouffées qui vous feraient pleurer. tout cela a été racheté par un enfant de sept ans qui m'a donné un regard dont il ignora où il allait, et une famille d'ouvriers, le père et la mère qui jouaient avec leurs enfants, sains, heureux, isolés, uniques, lumineux dans cette foule terne.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 14 mars 1929.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 443.
«... Là [chez les Davidées] on respire à pleins poumons, sans sentir les barrières et les contraintes d'un esprit de parti, on a l'assurance intime que l'on n'aura jamais à écraser en soi des résistances, à justifier des injustifiables, à faire passer des demi-vérités pour des articles de foi. Tu ne saurais croire la joie avec laquelle je rencontre pareil milieu. Combien de fois ai-je été douloureusement partagé entre ces deux perspectives: rester un homme de cabinet dont l'œuvre ne dépasse le papier où elle s'imprime, ou bien agir, mais être emprisonné dans des cadres ou des partis où il faut mentir et sacrifier un recueillement précieux à l'agitation et à l'éloquence. Voici un premier filon où je vois l'action s'offrir à moi sans meurtrir...» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 18 avril 1929.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 444.
«Seulement, quand ce don [du mysticisme] n'est pas repris par la grâce, il dévie vers l'orgueil et ne donne pas de fruits. Le mystique ne renonce pas entièrement à soi, ce serait du panthéisme, mais renonce à l'égoïsme pour retrouver le moi de nature pure où il rejoint Dieu. Puis il est transporté par un don gratuit dans le surnaturel ....» [Entretien Chevalier-Daniélou, le 23 mai 1929.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1928-Novembre 1929) La thèse est à mes yeux une œuvre humaine plus encore qu'une œuvre intellectuelle». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 447.
«L'histoire nous enseigne que la moralité est l'œuvre de conflits violents entre de hautes individualités et leur milieu, et la psychologie qu'elle se traduit en nous, comme d'ailleurs le travail de l'intelligence, par un effort sur des résistances.» [Rapport sur les projets de thèse au directeur de la Fondation Thiers, le 22 mars 1930.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Je me donne un peu d'air en poussant mon Péguy». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 466.
«Partir ainsi de la personnalité qui est le point d'application et d'impulsion de l'activité morale, et passer de là à ses limites, à ses exigences ou à ses implications, me semble la seule méthode heureuse, l'erreur de la méthode sociologique étant à mon sens d'avoir voulu restituer l'élan primitif avec les résidus qu'il laisse le long de sa route. La meilleure méthode, pour l'étude de ce second aspect du problème moral, m'a semblé être de me placer au point où l'individualité la plus haute déclare n'être arrivée à ce niveau que par un renoncement à soi-même, à savoir au cœur de la psychologie mystique. Dégager cette expérience unique des langages traditionnels dans lesquels elle s'exprime, suivre la fécondité morale de cette expérience (tous les grands mystiques ayant été des fondateurs d'ordres ou de religions ou de spiritualités nouvelles) me semble un élément essentiel de ma recherche.» [Rapport sur les projets de thèse au directeur de la Fondation Thiers, le 22 mars 1930.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Je me donne un peu d'air en poussant mon Péguy». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 466-467.
«J'ai idée que l'inadaptation et l'adaptation parfaite, l'anarchie et le conformisme sont également funestes à l'individualité, qui se développe en proportion des résistances extérieures, ou supérieures qui les stimulent...» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 7 novembre 1930.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Je me donne un peu d'air en poussant mon Péguy». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 471.
«Maritain: [sur la Russie communiste] Ils ont fait tout de même un nettoyage sérieux, et on ne peut pas livrer la Russie à l'ancien régime. Par ailleurs, il est bien certain que leur économie, hors certaines organisations techniques de la vie, est inséparable d'une métaphysique que nous ne pouvons pas accepter. C'est toute une vue du monde, le plus formidable effort pour se passer complètement de Dieu, et c'est ce qui fait leur grandeur. C'est ce qui fait aussi qu'il ne faut pas vouloir guérir de l'extérieur, mais attendre une renaissance des âmes. [...] Déléage: Comment savoir, derrière les événements, ce qu'est la transformation des âmes ? ...» [Entretiens avec Arland, Maritain, Izard et Déléage, le 30 novembre 1930.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Je me donne un peu d'air en poussant mon Péguy». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 473.
«Izard: ... à cet égard il est troublant de voir comme le chrétien, en général, est résigné. § Maritain: Ce n'est pas en cela qu'il est chrétien. Les saints sont révolutionnaires. § Izard: Oui, mais enfin il est bien rare de trouver chez un même homme la profondeur de l'idée religieuse et l'esprit de révolution. § Mounier: La paresse est chez tous, le non-chrétien y échappe parce qu'il n'a rien pour lui être un appui, parce que la voie est libre devant lui ...» [Entretiens avec Arland, Maritain, Izard et Déléage, le 30 novembre 1930.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Je me donne un peu d'air en poussant mon Péguy». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 474.
«Je sais bien qu'on ne cherche pas plus un style qu'un maintien, et que c'est artifice de vouloir une forme qui ne soit pas l'épanouissement, l'expression de la pensée (ou de la sensibilité dans certains cas). Je voulais dire seulement que densité et précision me semblaient aussi essentielles que la clarté, et que je ne m'estimerais satisfait que lorsque j'aurais réalisé entre la simplicité et la plénitude, que je n'ai pas encore accordées, l'union que réalise le diamant entre la dureté et la limpidité.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 8 avril 1931.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Je me donne un peu d'air en poussant mon Péguy». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 475.
«... il n'est pas d'œuvre durable sans insuccès.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 27 février 1931.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Choisir, c'est aussi renoncer». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 478.
«... Nous savons être heureux, inconsciemment, puérilement, certains jours: mais nous ne sommes pas de ceux qui attendent le bonheur des événements, comme une recette, et ce n'est pas un sacrifice bien grand, car nous savons trop que le bonheur ne suffit pas pour être heureux. § Il faut un jour ou l'autre accepter ou vouloir la conversion que nous avons à faire, nous chrétiens d'hérédité, plus violemment que tout autre; ou le parti pris du détachement, de nous décharger en toute démarche du poids de nous-mêmes, de cette obsédante exigence toujours meurtrie qui cherche partout une prise toujours refusée, et d'être heureux de toutes les inventions de la vie dans notre sort, jusqu'aux lourdes fécondités de la souffrance, parce que la vie surnaturelle y fleurira quand nous l'accepterons seule; ou consentir à un petit christianisme d'arrangements et de déceptions où nous nous embrouillerons pitoyablement dans nos propres gambades.» [L'auteur à Madeleine Mounier, le 07 avril 1931.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Choisir, c'est aussi renoncer». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 478-479.
«Nous ne serions pas chrétiens si nous nous croyions, nous ou notre action, indispensables. Tous, nous avons réalisé dans le secret de notre cœur cette désappropration qui est l'âme de toute œuvre qui est foncièrement spirituelle, qui est pour moi la donnée centrale de l'action, comme de la vie intérieure, et qui me crée je ne sais quelle répugnance à jamais employer le possessif de toutes ces choses qui nous dépassent chaque jour de plus haut. Nous ne savons pas les desseins de Dieu: peut-être ne veut-il pas le salut temporel des hommes peut-être ne sommes-nous pas les instruments qu'Il désire: nous sommes prêtes à accepter notre abandon, qui par l'épreuve sera encore un don, s'il est motivé par notre insuffisance. Mais tant que nous sentons en nous une mission, que des signes intérieurs pour chacun de nous confirment, nous ne saurions renoncer. Et surtout nous ne saurions par négligence laisser aux puissance malicieuses le loisir de ruiner notre œuvre par des malentendus...» [L'auteur à Marcel Primard, le 20 février 1932, relativement à la fondation de la revue Esprit.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Choisir, c'est aussi renoncer». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 480.
«Ce n'est pas de nos jours, en effet, que la philosophie a découvert la suprématie du spirituel: j'entends une suprématie incarnée qui porte toutes ses conséquences. D'aussi dangereuses prétentions sont loin de ses soucis. C'est précisément parce qu'elle l'oublie un peu trop et un peu trop longtemps que nous voulons ranimer le miracle.» [L'auteur à Francisque Gay, le 2 juin 1932.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Choisir, c'est aussi renoncer». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 481.
«... J'ai choisi la pauvreté. Sans héroïsme, elle me plaît. Je n'arrive pas à me trouver le moindre degré de vertu en cela. Mais, diable ! c'est une responsabilité que l'on prend pour soi seul, avec les corollaires. Et le passant est bien bon de vous jeter un regard ou un sou (et une pitié, car il ne sait pas combien les grand-routes sont joyeuses malgré les soirs)...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 25 février 1933.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Choisir, c'est aussi renoncer». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 481.
«... Ah ! il faut parier pour la pauvreté. À deux pas, je n'ai qu'à rouvrir la porte, une belle courbe universitaire m'attend. Je sais aujourd'hui que je ne rentrerai plus dans leur sale machine. L'œuvre commencée à Esprit, je m'y maintiendrai jusqu'à la misère comprise. Cela je n'ai pas le droit de le cacher. Nous allons vers de drôles temps. Renoncer, je ne dis pas aux risques, ce qui serait un peu païen, mais à cette aventure orientée que doit être aujourd'hui une vie chrétienne est une chose impossible : ce n'est pas un chemin bien uni, mon chemin ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 28 février 1933.] — E. MOUNIER. «(Novembre 1929-Avril 1931) Choisir, c'est aussi renoncer». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 482.
«... Comment ne pas être en révolution permanente contre les tyrannies de cette époque ? Nous y détestons: une science trop souvent détachée de la sagesse, bloquée dans les soucis utilitaires; une philosophie honteuse, ignorante de son rôle et des problèmes qui nous importent, mendiant à la science une vérité qu'elle annonce par avance relative, et tout juste capable de démontrer que la science n'y peut atteindre; des société gouvernées et fonctionnant comme des machines de commerce; des économies qui s'épuisent pour adapter l'homme à la machine et ne tirer de l'effort humain que de l'or; une vie privée déchirée par les appétits, désaxée, conduite à toutes les formes d'homicide et de suicide; une littérature que ses complications et ses artifices séparent de notre nature ou qui s'enlise dans le siècle qu'elle devrait inspirer; l'indifférence jusqu'à nos côtés de ceux qui ont charge du monde et l'avilissent, le gaspillent ou le méprisent. Il n'est pas de forme de la pensée ou de l'activité qui ne soit asservie à un matérialisme propre. Partout s'imposent à l'homme des systèmes et des institutions qui le négligent: il se détruit en s'y pliant. § Nous voulons le sauver en lui rendant la conscience de ce qu'il est. Notre tâche capitale est de retrouver la vraie notion de l'homme... Nous nous trouvons d'accord pour l'établir sur la suprématie de l'esprit. Notre premier regard sera celui de l'homme, un regard d'amour. Rien n'est plus contraire à la complaisance comme au dur pessimisme: il est temps d'affranchir l'héroïsme de l'amertume et la joie de la médiocrité.» [Extrait du Prospectus annonçant la publication d'Esprit, février 1932.] — E. MOUNIER. «(Décembre 1930-Septembre 1932) Préface à «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 489-490.
«J'aime que les grandes audaces se présentent sous le vêtement d'une assurance modeste, et que la façade ne précède pas la maison. l'armure n'est nécessaire qu'aux corps vulnérables. Combine mieux j'aime l'innocent qui s'avance dans la lumière: «Ingressus sum in innocentia mea. Res mea stetit in directo.» [Je marche avec innocence. Mon seul intérêt est de parcourir le droit chemin. (Paraphrase du Ps. 26, 11-12)]» [L'auteur à André Deléage, le 4 avril 1932.] — E. MOUNIER. «(Décembre 1930-Septembre 1932) Préface à «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 494.
«Voir grand, c'est voir loin...» [L'auteur à André Deléage, le 4 avril 1932.] — E. MOUNIER. «(Décembre 1930-Septembre 1932) Préface à «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 494.
«Nous avons la foi, il nous faut garder la joie» [L'auteur à Georges Izard, le 19 février 1932.] — E. MOUNIER. «(Décembre 1930-Septembre 1932) Préface à «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 498.
«... l'amitié est née entre nous aujourd'hui comme une grâce.» [Rapport Izard sur la question sociale, le 18 août 1932.] — E. MOUNIER. «(Décembre 1930-Septembre 1932) Préface à «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 500.
«Soirs gonflés d'amour, soirs pacifiques. Oh! mon cœur qui court aux bagarres, n'oublie pas mes retraites. Pauvre cœur simple, que vas-tu faire parmi les haines ? Aimer.» [Entretiens VI, le 3 octobre 1932.] — E. MOUNIER. «(1932) «Esprit» 1932». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 504.
«Nous remuons des comptes [...]. Dans les conditions actuelles, nous pouvons tenir jusqu'en mars. Que vont devenir les conditions prochaines ? Mais ce n'est pas cela. L'argent viendra si nous le méritons. Il faut être plus purs, toujours plus purs ...» [Entretiens VI, le 8 décembre 1932.] — E. MOUNIER. «(1932) «Esprit» 1932». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 514.
«Comment expliquer autrement cette oppression qui pesait sur la joie de ces journées, et le malaise que je ne cessais d'y ressentir malgré l'enthousiasme ? Je manquais d'ailleurs encore singulièrement de résistance et d'attaque à ce moment, et je me sentais dans les mains une chose si fragile que je craignais tout geste qui eût pu la briser. Et puis nous sommes partis là-dedans comme des grands enfants, graves, mais terriblement jeunes. Notre innocence, par grâce, nous sauvait de notre imprudence.» [Entretiens VI, le 3 janvier 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 516.
«J'ai toujours cru que nous devons durer, à cause de ce caractère organique de notre naissance: dans la terre qu'il faut, au moment qu'il faut, un accouchement plein de cris, et (nous a-t-on assez reproché de ne pas avoir encore assez construit) ce sentiment calme de la tâche qui se déroule, des étapes qui viennent, attendues presque sans impatience, avec sécurité (sauf les fissures des jours d'angoisse).» [Entretiens VI, le 3 janvier 1933.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 517.
«Mais l'action comme telle, non pas l'action de masse, au sens où l'on dit action tout court pour signifier action politique avec son débordement verbal et sentimental — même parti d'un cœur généreux — avec sa lourdeur, sa préoccupation du succès, m'a toujours paru grossière. Je veux bien que ce soit une dimension du monde que je ne saisisse pas, que je ne sois pas fait pour saisir. Je ne pense pas être moins humain. Un plus d'humanité, peut-être, mais quantitatif et non pas qualitatif. C'est quand je viens de sortir de la méditation ou de la communion la plus épurée que je me sens le plus proche des hommes, en contact le plus riche avec eux: c'est que les profondeurs à explorer par le dedans sont autrement touffues que les profondeurs de surface.» [Entretiens VI, le 3 janvier 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 517.
«Il faut souffrir pour que ces vérités ne soient pas des doctrines, mais partent de la chair. Je sens bien ce soir que je ne défends pas une position, mais qu'après un jour d'indifférence, se réveille en moi, tout mêlé à la foi que j'affirme, l'homme de ces derniers jours.» [Entretiens VI, le 3 janvier 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 518.
«... Il est facile de s'installer dans la vie avec les lourdes raisons, les conventions et les volontés prétentieuses; facile aussi de s'y livrer au jeu. Mais vouloir tout donner à la fois à la folie qui bouscule la sagesse et à la volonté invisible d'un Dieu (qui se trouve dans laquelle de ces fusées ?) ... ! Je ne puis faire de l'amour toute ma vie, ni un accident de ma vie. Il la pénétrera tout entière, mais comme l'âme pénètre le tableau, et tous deux soumis à la même lumière. Il ne reste qu'une chose: prier, pour que les ténèbres se séparent de la lumière ...» [Entretiens VI, le 25 janvier 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 519.
«Je rêve souvent d'un monde où l'on pourrait arrêter le premier venu au tournant d'une rue, et, égal du premier coup à tout ce qu'il est, continuer avec lui sans autre étonnement sa conversation intérieure. Les quelques fois où j'ai rencontré une âme de qualité assez rare pour pouvoir prendre avec elle cette liberté, je l'ai fait. Ainsi sont nées mes meilleures amitiés ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 5 février 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 519.
«... Idéaliser comme font les âmes sensibles est le grand péché contre la pureté. Mais il s'agit d'autre chose. S'il y a quelque magie divine dans l'amour, c'est de faire pressentir à chacun, en l'autre, par-dessus les vices de forme, le modèle même que Dieu a voulu reposer dans ce corps, la goutte d'amour inimitable dont il a perlé le bord de cette âme. Il n'est pas faux, il n'est pas mensonger de voir cela ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 8 février 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 520.
«L'amour ? C'est jeter toute sa vie dans les bras de l'autre, tout jusqu'à cette chair de son âme et cette chair de ses jours qui n'ont plus de prix pour soi, hors de cette transfiguration que l'Autre y porte ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 7 mars 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 521.
«J'aime que l'amitié d'un homme pour un homme ait une aube de tendresse, de même que l'amour n'est fort, n'a qu'une qualité singulière que s'il est pénétré d'amitié. Dans le plan spirituel où l'un et l'autre s'enracinent quand on y consent, tout en gardant leur visage propre, ils sont moins asservis, ne crois-tu pas, aux catégories psychologiques, et l'on sent passer de furtives parentés sur leurs traits ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 17 mars 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 522.
«Ce qu'il y a d'odieux, au fond, dans toutes ces histoires avec certains, c'est que, sous des questions de personnes, tout se passe entre tendances profondes, et qu'ils ne veulent pas l'avouer; c'est aussi et surtout que tout se dit par-derrière et par-dessous. Tout se fait par sapes silencieuses. Pour moi, je ne cherche pas à manœuvrer. Dieu en moi, autant que possible. Tant d'affections nommées et anonymes autour de moi, P. [Paulette Leclercq ?] à mes côtés, la lucidité toujours plus grande de nos voix: voilà nos armes. Il ne me reste qu'à serrer les amitiés qui se ramassent déjà autour de notre mystique, apeurée des politiques naissantes [...].» [Entretiens VII, le 3 avril 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 525-526.
«Quand les choses ne vont pas (et toute amitié, toute collaboration passe par ces crises), eh bien, on parle, bon Dieu ! au lieu de laisser le silence accumuler les malentendus, et aussi les solitudes. Je te jure que seule une entière confiance entre nous deux, plus que tous les organismes, peut résoudre les problèmes délicats de notre action. Jamais je ne serais peiné de nous trouver d'avis contraires. Je pourrais l'être p-lus profondément que tu ne le crois de sentir disparaître cette confiance profonde qui préside aux engueulades.» [L'auteur à Georges Izard, le 11 avril 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 526.
«... Une grande joie est entrée en moi quand j'ai retrouvé de mot de Gide qui est la conviction de ma vie: «Il y a la réalité et le rêve; il y a une deuxième réalité: la vraie vie tout entière est un rêve qui tout entier est une réalité» Ce mot retrouvé s'est répandu comme une fraîcheur, et je suis dans la joie. Car la joie est bien comme une grâce. Elle se lève subitement à la minute la plus inattendue ...» [L'auteur à Paulette Leclerq, le 1er mai 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 528.
«C'est un secret effarant de la Providence. La psychologie intérieure de la Providence, faut pas essayer de comprendre. Ce serait un étonnement répercuté dans l'Éternité. Il y en a que Dieu conduit par les voies de la richesse, d'autres, comme J. [Lefrancq], par les voies du perpétuel échec. Pas d'autre chose pour nous que d'aimer, d'aimer Dieu dans ce qu'il fait, et d'aimer si fort ceux qu'il brise par amour. Moi je me sens si petit devant eux ...» [L'auteur à Paulette Leclerq, le 16 mai 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 530.
«Le salut n'est pas dans les bondieuseries intellectuelles qui remplacent l,effort de penser par des citations édifiantes, le courage d'avancer par une sanctification des douceurs acquises. Il faut jouer des une et des autres. Paraître faible aux premiers quand on leur dit que leurs audaces sont sommaires, qu'il faut aller aux alliances avec des richesses et des armes, sous peine de se faire bouffer. Paraître démagogue aux seconds, quand, pour les stimuler, on leur lance un bon petit Dos Passos [romancier et peintre américain du milieu du siècle dernier] dans les jambes (et faites-en donc autant !) ou pis: honteux du Christ quand on cherche à l'approcher du plus grand nombre.» [L'auteur à Paulette Leclerq, le 7 juin 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 532.
«... Il n'y a que l'amour de Dieu qui ne tolère pas de concurence [sic] égale. Tous ces pauvres bonshommes ridicules: «Jure-moi que tu n'aimes que moi», comme si l'amour que parfois réalisent un homme et une femme n'était pas la réussite de ce que devrait être notre amour pour chaque être. Ignorer la première expérience du vrai amour, c'est l'amour multiplie l'amour et qu'il faut le jeter, le déborder autour de nous ! ...» [L'auteur à Paulette Leclerq, le 29 août 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 536.
«Je suis de toute ma foi pour le petit noyau, parce que le nombre n'est qu'une illusion. Il faut une fois pour toutes discerner et choisir entre les forces réelles et les forces apparentes.» [L'auteur à Georges Izard, le 6 septembre 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 536.
«La vérité seule enfante les avenirs.» [L'auteur à Georges Izard, le 6 septembre 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 537.
«Pas de vraie spiritualité sans hiérarchie, et purification constante des degrés inférieurs aux supérieurs. La vie est plus spirituelle que l'inanimé, mais le spirituel, dès qu'on vit, ce n'est plus la vie (le cran, la verdeur, l'élan, etc.), c'est quelque chose de plus haut, et ainsi de suite. Faute d'établir en lui cette exigence de purification, tout mouvement spirituel, à force d'intégrer sans distinction, dégringole vers le bas.» [L'auteur à Georges Izard, le 6 septembre 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 537-538.
«... Le problème unique des hommes, celui de l'amour qu'ils cherchent, se pose tant et tant à travers leur «moi» qu'on appelle communément amour, à partir de l'amour humain, leur unique expérience (si on leur épargnait de la rater). Coupable négligence de nos théologiens de s'en tenir à des morales de la «bibliothèque Rose» au lieu de faire, de ce côté, un effort pareil à celui qu'ils ont fait par exemple du côté de la curiosité scientifique, qui est tellement moins commune ....» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 22 septembre 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 539.
«... Que c'est difficile, bon Dieu, de savoir parler, de pouvoir parler, juste au moment où les choses naissent, sans créer ce monde de fleurs artificielles dont la seule pensée bloque immédiatement les mots sur les lèvres. Je crois que c'est la dernière conquête de l'amour, quand chacun peut parler presque tout entier tout de suite, même s'il ne le fait pas (et la bouche n'est pas seule à se faire comprendre), quand chacun peut jeter la chanson de ces jours qui n'ont plus de prix pour soi hors de la transfiguration que l'autre apporte.» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 10 octobre 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 539-540.
«Plus je vais, plus je vois qu'il y a deux genres de vocation: les vocations de réalisation, les vocations d'immolation. Les premiers paraissent plus heureux: combien de fois, secrètement, ils envient les seconds ...» [L'auteur à Carmelle R. Dosse, le 28 décembre 1933.] — E. MOUNIER. «(1933) Domine, non sum dignus». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 541.
«Mais nous savons que l'amour ne fait pas de comptes, que l'amour n'est pas notaire, et que l'égalité s'y fera pas le don de soi, sans limite de part et d'autre. Il faut voir ce haut et ce bas, ce centre et cette périphérie pour être en paix ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 30 janvier 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 545.
«... comment accorder la dureté, l'indignation nécessaires et l'amour que nous devons rayonner sur le monde barbare ? Les hommes ne sont ni des héros, ni des saints, mais pleins de commencements, de bonnes volontés, comment faire pour ne pas faire tirer l'échelle ? Et puis aussi pour travailler sans laisser entendre ( comme parfois on l'a dit, et cela se comprend) : «C'est nous les purs.» » [L'auteur à Paulette Leclercq, le 15 février 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 545.
«... L'important est qu'un jour qui ne soit pas trop loin, ils nous laissent tous, archéologues, révolutionnaires, visites, obligations, gagne-pain, cherche le centre de nous-mêmes et ... nous recueillir un peu dans une zone non piétinée, où, quoi qu'ils fassent, toutes leurs saletés, tous leurs bruits, ne pourront pas venir. Qu'ils nous laissent commencer notre part de vie éternelle — non pas de tranquillité, mais d'édification joyeuse. J'en ai une soif au-delà de ce qu'on peut imaginer ces jours-ci ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 29 mars 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 545-546.
«... Cette stupide chose à quoi on bute toujours: ne pouvoir aimer assez pour convaincre le miracle ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 24 avril 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 546.
«... tout le monde est d'accord pour le moment sur la création de cet «Ordre» large, situé hors des partis, quoique au cœur de l'action. Comme un tel «Ordre», par sa définition même , ne peut naître que de la surabondance des cœurs, il convient de commencer sans fracas, avec un petit nombre d'amis sûrs et voués de tout eux-mêmes.» [Entretiens VIII, le 9 mai 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 547.
«... on n'a plus le droit de donner quitus à un mouvement aujourd'hui, pour les générosités ou même les héroïsmes qu'il entraîne, à plus forte raison pour son simple dynamisme: les dynamismes, en ce moment d'exaltation, peuvent servir trop d'erreurs.» [Entretiens VIII, le 25 mai 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 549.
«Ce qui importe, ce sont nos vrais destins, et non pas tant la souffrance nécessaire à les enfanter ...» [L'auteur à Paulette Leclercq, le 19 juin 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 552.
«Ce n'est que par l'intérieur que l'on échappe à la médiocrité; non par le lyrisme ou même par la générosité, mais par un élan appliqué et héroïque vers la perfection.» [L'auteur à Georges Izard, le 16 octobre 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 557.
«Ce ne sont pas les masses qui font l'histoire, mais les valeurs qui agissent sur elles à partir de minorités inébranlables dans leur foi. L'unité n'est pas ce par quoi on commence, mais ce à quoi on aboutit, au bout de longues luttes et de longues solitudes.» [L'auteur à Georges Izard, le 16 octobre 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 558.
«Vouloir forcer le temps par des tactiques, c'est perdre la foi.» [L'auteur à Georges Izard, le 16 octobre 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 558.
«Je griffonne tout cela en quatrième vitesse. N'y vois que la preuve de ma grande amitié, plus fidèle, tu le sais, que toute flatterie.» [L'auteur à Georges Izard, le 16 octobre 1934.] — E. MOUNIER. «(1934) Une nouvelle étape commence pour «Esprit»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 558.
«... il faut laisser chacun jouer son expérience et découvrir son erreur.» [Entretiens VIII, le 15 février 1935.] — E. MOUNIER. «(1935) Partout ailleurs, les positions se cristallisent». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 566.
«Pour avoir essayé d'être juste, je dois me défendre de l'impression que je donne par contraste d'être l'apologiste ....» [Entretiens VIII, le 12 juillet 1935.] — E. MOUNIER. «(1935) Partout ailleurs, les positions se cristallisent». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 575.
«Et si notre ferveur n'était qu'agitation ? notre pureté que raideur rationaliste ? Et si nous détournions, si nous arrêtions sur le chemin de Dieu, après les y avoir un tout petit peu tirés, quelques garçons par la satisfaction, par les enthousiasmes mêmes que nous leur apporterions ? Et si le courage, le vrai courage, était de jeter tout cela aux buissons ? Et si le sacrifice de ce travail en profondeur, que je croyais parfois non dépourvu de quelque renoncement, n'était qu'un consentement aveugle à la plus subtile tentation de divertissement ? ...» [Entretiens VIII, le 24 octobre 1935.] — E. MOUNIER. «(1935) Partout ailleurs, les positions se cristallisent». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 576.
«Nos amis incroyants, qui désirez le Christ plus violemment que tant de nos «frères» habitués, vous êtes les pauvres, dépouillés par les pharisiens de la plénitude spirituelle comme les autres par les riches le sont de la sécurité matérielle: vous êtes le corps du Christ, vous aussi, et si je ne comptais sur votre bienveillante indulgence, pour me relever de la corvée, je ne saurais pas bien sûr que je n'aurais pas à essuyer dans l'autre monde la semelle de vos souliers ....» [L'auteur à Pierre-Aimé Touchard, le 7 mars 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 580-581.
«... devant trouver en face du productivisme capitaliste et du collectivisme marxiste un critère simple, à la fois concret et essentiel de rassemblement des forces spirituelles, nous avons pensé que la sauvegarde de la personne humaine sur le plan temporel où nous nous placions était susceptible de rallier nos travaux et nos énergies. § Elle nous opposait au matérialisme capitaliste aussi bien qu'à l'étatisme. Chrétiens, nous lui donnons comme centre la Personne du Christ incarné. Mais pour tous, chrétiens et non-chrétiens, travaillant à Esprit, elle est située au-delà de l'individu et de ses avarices. Par le dépassement et le don de soi, un tel personnalisme est déjà un apprentissage de la communion: mais il n'est de communion véritable que fondée sur des personnes dégagées des déterminismes économiques et sociaux. Tout notre effort doctrinal a été pour affranchir le sens de la personne des erreurs individualistes et le sens de la communion des erreurs collectivistes. [...]. §Sur ces principes, nous essayons de mûrir toute une conception de la cité, tout un style de vie...» [Extraits du rapport privé sur «Esprit», Entretiens IX, le 10 juin 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 589.
«On ne détruit pas l'erreur, pensions-nous, par la force brutale et par la mauvaise foi, mais par la vérité. Et la vérité qui est la plus apte à disloquer l'erreur donnée est précisément cette part de vérité qui en est prisonnière. C'est par elle que l'erreur vit, se propage, gagne les cœurs. C'est en désolidarisant cette âme de vérité de l'erreur qui la monopolise, en lui donnant une issue que nous enlèverons à l'erreur sa puissance d'entraînement.» [Extraits du rapport privé sur «Esprit», Entretiens IX, le 10 juin 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 591.
«Pourquoi le christianisme ne pourrait-il pas, avec plus de ressources que le communisme, opérer dans leur rassemblement cette pesée, ce déplacement d'axe, qui les fera basculer dans un sens ou dans l'autre ? Manquerions-nous de foi ? Mener à bout leur part d'initiative dans ce renversement historique qui annulerait l'œuvre néfaste du XIXe siècle, c'est l'ardent ambition des promoteurs d'Esprit, et de tous ceux chez qui ils ont, un peu partout, rallié la même vocation. § Si demain cet espoir était brisé, un grand désarroi secouerait cette génération. En face de son œuvre, inachevée, le pouvoir établi aurait beau jeu de déclarer qu'aucun mouvement social d'inspiration chrétienne ne peut mener à bien sa tâche. Et sa réaction risquerait d'être terrible. De tout notre cœur, nous souhaitons que ces tristes conjonctions ne se produisent pas.» [Réaction de Malraux à une rencontre sur «Christianisme et Communisme», Entretiens IX, le 10 juin 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 595.
«Sur le plan des philosophies dernières il y a opposition absolue entre communisme et catholicisme. Cependant il [Malraux] voit trois lignes de parallélisme: repoussant tous deux la réduction fasciste de l'homme à sa détermination de race, de sang, de nation, ils sont une philosophie de l'être contre une philosophie de l'apparence. Donnant tous deux leur confiance à l'homme contre le pessimisme fasciste, ils sont une ontologie de l'espoir. Enfin, tous deux veulent étendre le bienfait d'une culture humaine au plus grand nombre d'hommes possibles.» [Extraits du rapport privé sur «Esprit», Entretiens IX, le 3 juillet 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 596.
«Il [Nizan] rappelle les deux principaux griefs du marxisme à la religion: elle couvre le malheur de l'homme (nous voulons, dit Engels (?), arracher les fleurs dont elle couvre ses chaînes); elle pense que l'homme a besoin d'un Autre que lui-même pour se sauver, le marxisme est une volonté de l'homme pour se sauver seul. Pour le chrétien, la vie commence à la mort, pour le marxiste, toute l'aventure humaine est antérieure à la mort.» [Réaction de Nizan à une rencontre sur «Christianisme et Communisme», Entretiens IX, le 3 juillet 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 596.
«... il faut bien avoir le courage de voir que nous devons replier notre amitié dans la dernière réserve du chrétien, celle-là heureusement fidèle par-dessus tout — et fidèle avec humilité — celle de la charité surnaturelle.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 24 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 597.
«...ce qui sans doute nous différencie irréductiblement au temporel, c'est que vous croyez au salut de la civilisation par la bourgeoisie unie, grande et petite, — et que de cette bourgeoisie, la petite (que vous appelez peuple, si éloignée du peuple de Péguy, de Michelet et de Jeanne d'Arc) comme la grande, j'ai, après beaucoup de résistances, de repentirs, de patiences, complètement désespéré. Les meilleurs ne font que maintenir des fidélités dormantes. Plus rien d'humain ne s'y crée. Et chez les autres (la plupart), avarice, dureté de classe, peur, peur, peur, et une complète inintelligence de l'histoire.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 24 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 598.
«Voilà. Oh ! cher ami, je vous parle, sans superbe. Vous ne direz pas que j'ai choisi le succès. Il se présentait à moi par deux voies: une carrière universitaire détachée des engagements passionnels — ou, plus près de l'action, une prise de position partisane. Je sais les avanies que m'ont faites les communistes ou les gens genre Crois-de-Feu-Doriot. Je n'en tire nulle gloire: le plus médiocre intellectuel, ils l'eussent hissé sur le pavois pour avoir un bon traître subtil. Tout cela n'est pas de mon goût.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 24 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 598.
«L'histoire nous donne quelque modestie. Ah ! le politique, quelle petite place elle lui donne aussi ! Les grands remous de civilisation, qui seuls marquent finalement, se font avec autrement de lenteur et de persévérance.» [L'auteur à Guy Malengrau, le 24 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 600.
«Quatre ans après ses premiers écrits, vous eussiez trouvé Marx non pas devant la substance concrète des numéros d'Esprit, mais occupé à la haute voltige sur le Droit historique, le Moi pur, le rationnel et le réel. Et s'il eût continué un peu plus longtemps, non pas sa voltige hégélienne, mais à fouiller l'homme et la civilisation comme il avait fouillé l'économie, le marxisme ne serait peut-être pas cette chose inhumaine qu'il est. Parce que ceux qui détiennent l'éternel ont perdu le sens du temporel, ne perdons pas, dans le temporel retrouvé, le sens de l'éternel.» [L'auteur à Guy Malengrau, le 24 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 600.
«Il ne s'agit pas un instant, faites attention, de couvrir la haine ou le crime, mais de lire derrière eux et de ne pas méconnaître l'histoire. Il n'y a plus rien à attendre de la bourgeoisie prise dans son ensemble. La dureté, l'avarice, la bêtise, ou la molle médiocrité, voilà, hors des exceptions que nous connaissons tous, mais qui sont hors de jeu, tout ce que nous pouvons attendre d'elle. La charité et la ferveur de l'histoire, c'est dans le peuple que nous les retrouverons, une fois de plus. S'il est exploité, détourné par des parasites, eh bien ! distinguons-le de ces pucerons, mais de grâce ! clamons sans ambiguïté que c'est bien lui que nous voulons rejoindre, et allons-y.» [L'auteur à une amie, le 25 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 602.
«... dites-vous que nous devons bien aimer la France, mais que nous devons aimer plus encore ce qui est de l'éternel, par exemple la justice sociale ou la vérité ...» [L'auteur à une amie, le 25 octobre 1936.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 602.
«Chercher pourquoi une doctrine a eu son succès, dénoncer les erreurs et les fautes qui l'ont favorisée, lui arracher les parcelles de vérité dont elle nourrit la positivité qui seule la fait vivre, ce n,est pas concilier avec elle, c'est, contre elle, pour sa ruine, rendre hommage à toute la vérité, et préparer les seules conditions de salut pour un chrétien comme pour un stratège: reconnaître ses fautes, accueillir la vérité même trouvée (et déformée) par d'autres, avoir assez de force pour lui refaire une vie neuve, transfigurée.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 26 mai 1937.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 604.
«Si tu as une donnée nouvelle dans ton chemin, précise comme une rencontre de la mort (toute épreuve est une rencontre de la mort), il faut que dès maintenant tu songes à en faire un instrument de résurrection.» [L'auteur à un ami, le 12 juillet 1937.] — E. MOUNIER. «(1936-1937) Nos amis incroyants». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 606.
«On parle généralement de l'apprentissage du don dans le mariage: l'amour aidant, c'est le plus aisé. L'apprentissage de la liberté profonde de l'autre, que l'amour même menace, me paraît une des plus fortes expériences de la vie conjugale ....» [L'auteur à un Émile-Albert Niklaus, le 6 septembre 1938.] — E. MOUNIER. «(1938) L'enfant, personne neuve, promesse exigeante». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 619.
«... vous ne comprenez plus Esprit. «Recherche de la perfection», il ne s'est jamais agi de cela. Si vous connaissiez un peu mieux l'histoire, la lenteur et les étapes des actions réelles, de celles qui durent, vous ne parleriez pas ainsi et n'auriez pas ces impatiences à notre égard. Je ne dis pas que vous ne faites pas une action utile, vous n'ignorez pas que de nombreux camarades d'Esprit travaillent dans votre sens. Mais ils ne disent pas, eux, que tout le reste est inutile, Ils ont même communément la conviction que, sans le reste, rien ne tiendra. Je ne vous reproches pas autres chose que votre exclusivisme et votre incompréhension d'un secteur immense, essentiel, de l'action. Je ne serais pas votre ami si je ne vous le disais pas.» [L'auteur à M. Royer, décembre 1938.] — E. MOUNIER. «(1938) L'enfant, personne neuve, promesse exigeante». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 622-623.
«De chaque ami vrai, j'attends avec joie le jour où nous nous révélerons l'un à l'autre une grande faiblesse; nous serons alors définitivement hors du mensonge.» [L'auteur à Émile-Albert Niklaus, le 3 janvier 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 625.
«Le courage consiste à vaincre la difficulté ou la peur. Je n'ai aucune peine à envisager ainsi, maintenant. Si c'est beau, attribuez-le à la foi, et non à ma foi.» [L'auteur au Dr. Vincent, le 4 août 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 632.
«Il faut transformer en joie tout ce que le bonheur nous refuse.» [L'auteur à Paulette Mounier, le 4 septembre 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 633.
«La culture a du bon. C'est le moment de faire resservir «Perrette et le pot au lait» pour se donner de la philosophie. Châtenay s'est mué en grange. Une belle grange, ma foi, aux beaux muscles de chênes, qui font une sorte de cathédrale paysanne ... § De braves types dans l'ensemble; pas un intellectuel: ça soulage. Un petit abbé barbu, au lieu de rester avec nous, connaît évidemment le frère du cousin du fils du château, et va ... au village. On se lave moins bien, mais on entend le clairon, on se lève à peu près quand il gueule, on va à peu près aux rassemblements, avec les longues échappées dans les bois où les uns cueillent les champignons, les autres des petites filles, où je cueille des paysages et des camarades .... [...] Tu sais, mon argot fait des progrès quotidiens. C'est ma principale acquisition culturelle depuis quinze jours. Et je parle sérieusement. Le français bourgeois est une langue morte à côté.» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 6 septembre 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 634.
«... Ne nous en faisons pas, l'Éternel entre en trombe dans nos petites durées bien arrangées. Il soufflera les papiers, cassera les tranches, c'est bien. Rendez-vous où Dieu voudra...» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 6 septembre 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 634.
«... Le miracle du vrai amour, de l'homme à la femme, c'est de lever sous des espèces plus sensibles un coinn du voile sur les richesses de tout amour.» [L'auteur à Paulette Mounier, le 13 novembre 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 646.
«Dieu ne compte pas les actes bons, alignés comme des soldats. Une âme a toute la vie: cent sottises, mille heures perdues, peuvent valoir aussi une quantité numérique d'actes «vertueux».» [L'auteur à Paulette Mounier, le 18 novembre 1939.] — E. MOUNIER. «(1939) Dieu se moque un peu, j'imagine, de la matérialité de nos œuvres». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 647.
«Il nous faut, sans souffrir, souffrir de médiocrité.» [L'auteur à Paul Fraisse, le 19 février 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 657.
«Il n'y a pas que l'incroyance pour être élevée dans cette mystique du moment de bonheur absolu.» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 1er mars 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 659.
«... ce sont d'heureux désespérés, la plus laide grimace qui soit sur un visage d'homme ...» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 1er mars 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 659.
«... Quel sens aurait tout cela si notre petite gosse n'était qu'un morceau de chair abîmée on ne sait où, un peu de vie accidentée, et non pas cette blanche petite hostie qui nous dépasse tous, une infinité de mystère et d'amour qui nous éblouirait si nous le voyions face à face; si chaque coup plus dur n'était une élévation nouvelle qui chaque fois, quant notre cœur commence à être habitué, adapté au coup précédent, est une nouvelle question d'amour. Tu entends cette pauvre petite voix suppliante de tous es enfants martyrs dans le monde et ce regret d'avoir perdu leur enfance au cœur de millions d'hommes qui nous demandent, comme un pauvre au bord du chemin: «Dites, vous qui avez votre amour, les mains pleines de lumière, vous voulez bien donner encore cela pour nous.».» [L'auteur à Paulette Mounier, le 20 mars 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 660-661.
«C'est bien joli d'être chrétiens pour la force et la joie que cela donne au cœur, la transfiguration de l'amour, de l'amitié, des heures, de la mort. Et puis, on se met à oublier la Croix et la veillée des Oliviers...» [L'auteur à Paulette Mounier, le 12 avril 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 662.
«Un de mes plus extraordinaires souvenirs, c'est le visage avec lequel un jour X... m'annonça la mort de son fils qu'il savait depuis deux heures. Une sorte de joie souveraine sur un bouleversement total, mais qui n'était déjà plus du bouleversement, un visage royal, et d'une simplicité, d'une simplicité de petit enfant. Aucun mot sur la joie de la souffrance chrétienne ne la fera comprendre comme d'avoir vu, une fois, un tel visage à un point culminant de son destin. Quoi qu'il arrive, c'est ce miracle que nous pouvons faire pour notre petite fille, pour mériter le miracle qui viendra de toutes façons puisque nous le demandons avec bonne volonté, qu'il soit le miracle visible de la guérison, ou le miracle invisible par le sacrifice d'une source infinie de grâce dont nous connaîtrons un jour les merveilles. Rien ne ressemble plus au Christ que l'innocence souffrante ...» [L'auteur à Paulette Mounier, le 16 avril 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 662-663.
«... la position sur laquelle nous étions spontanément tombés d'accord avec Lacroix: est mort ce qui était mort; un nouveau visage est imposé à l'histoire qui nous attend, un visage autoritaire; nous ne pouvons éluder ces oscillations à grand amplitude de l'histoire, ni travailler à contre-courant de ses données élémentaires; il ne reste qu'à assurer les mêmes fidélités, avec des gestes et des formes nouvelles, dans la matière nouvelle.» [Entretiens X, Lyon, le 4 août 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 668.
«Ce miracle qui s'est un jour brisé, cette promesse sur qui s'est refermée la légère porte d'un sourire aboli, d'un regard distrait, d'une main sans projets, non, il n'est pas possible que ce soit hasard, accident. «Il leur est arrivé un grand malheur» : quelqu'un est arrivé, il était grand, et ce n'est pas un malheur. Nous ne nous sommes pas raconté des sermons, Il n'était que de faire silence devant ce jeune mystère, qui peu à peu nous a envahi de sa joie.» [Entretiens X, le 28 août 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 670-671.
«Tant d'innocents déchirés, tant d'innocences piétinées; ce petit enfant jour par jour immolé était peut-être bien notre présence à l'horreur du temps. On ne peut pas seulement écrire des livres. Il faut bien que la vie nous arrache périodiquement à l'escroquerie de la pensée, la pensée qui vit sur les actes et les mérites d'autrui.» [Entretiens X, le 28 août 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 671.
«L'accord est fait [La rencontre de Montoire, où Pétain et Hitler se donnent la main en signe de la reconnaissance mutuelle que se font l'Allemagne et le régime de Vichy]. La France a vendu le monde, une fois encore, pour la tranquillité.» [Entretiens X, le 28 octobre 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 676.
«... on ne fonde sa présence à l'histoire ni sur un futur indépendant de nous, ni sur une négation. Donc sur la réalité actuelle complexe, en opposant, faute de mieux par écrit (et beaucoup mieux de bouche à bouche et dans l'influence), un silence total à ce qu'on désapprouve, peser de toute sa force dans le sens des déterminations heureuses, être présente à ce qui, indifférent en soi, est dans la ligne de l'histoire et survivra à tous les événements afin d'éviter que cela se fasse sans nous, nous rejette de l'histoire, et se fasse peut-être de manière aberrante. Se refuser, d'un mot, de livrer déjà un régime mixte, comme celui de Vichy (à qui ma position de citoyen français m'attache bon gré mal gré), à ses déterminismes intérieurs, de désespérer à l'avance sur l'événement. Si les déterminismes internes on le dessus, nous n'aurons le droit de jeter l'anathème, ou de nous replier définitivement, que dans la mesure où nous aurons fait effort pour les contrecarrer.» [Entretiens X, le 10 novembre 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 677-678.
«... sur le nécessaire et le superflu. Décidément, ce sont notions boiteuses et insaisissables. Le superflu de l'un est le nécessaire de l'autre. [...] Nécessaire, superflu, une échelle avec des barres, c'est vision quantitative du problème. Je ne vois décidément que trois pôles au problème de la richesse: l'existence de la misère et ses exigences; l'attachement des biens et la nécessité, pour créer le climat de la grâce, de développer la vertu de libéralité, enfin les exigences des objets, qui demandent de nous le respect et l'amour franciscains et de ne point les détourner de leur place, de leur rôle d'hommage...» [Entretiens X, le 13 décembre 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 680-681.
«Je comprends toutes vos peines. Mais il ne faut pas les augmenter de la honte d'être en prison. La honte, en l'espèce, n'est pas pour vous. La prison n'était pas honteuse pour les chrétiens de Rome, elle ne l'est jamais pour l'innocent: bien au contraire, il y porte, permettez-moi de vous le dire, la gloire des Béatitudes: «Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice...» Accepter en vous cette honte, ce serait donner vous-même une raison, une reconnaissance à l'injustice. Vous appartenez en ce moment à cette grande famille où les enfants martyrs des villes bombardées, les persécutés, les errants, les migrateurs, les enfermés forment la grande Passion du monde moderne, travaillent d'une même souffrance à sa Résurrection. Bien mieux que nous, qui en agitons les idées, parce qu'il faut faire son métier et le bien faire, mais qui ne participons pas encore au baptême. C'est tout cela que votre fils a senti, et qu'il y a tant dans votre situation de détresse, d'injustice, de souffrance. Mais qu'une seule chose n'y a pas de part: le déshonneur.» [L'auteur à Walter Silberman, le 13 décembre 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 681.
«Je ne me reconnaîtrai le droit d'avouer l'impossibilité qu'après épreuve faite.» [Entretiens XI, le 20 décembre 1940.] — E. MOUNIER. «(1940) Il faut pour la France que l'épreuve aille toucher jusqu'au dernier de ces petits bourgeois». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 683.
«Qu'il faille, sur les valeurs de base, choisir entre le oui et le non, tu sais aussi bien que moi combien cette formule peut-être [sic] tournée à l'inaction complète. Tu sais ce que nous avons écrit sur l'engagement et l'action, quand les sources possibles d'impureté venaient d'ailleurs: que l'engagement consiste à peser hic et nunc sur la réalité qui nous est donnée, et non pas à se réfugier dans l'absolu en laissant l'histoire couler sans nous.» [L'auteur à Étienne Borne, le 22 février 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 694-695.
«À Esprit, hors d'Esprit, je travaille partout où je pense pouvoir armer l'âme française contre la contamination naziste. C'est peut-être à cause de cette affirmation totale (et oralement sans voiles, croyez-le) qu'un certain nombre de milieux sains n'ont pas été infectés, et sont, jusque dans les sphères officieuses, des milieux de résistance ... Encore une fois, je préférerais la situation nette d'une France non occupée, constituée, mais il faut aussi travailler à ce poste au même but que d'autres poursuivent hors de France ....» [L'auteur à Georges Zérapha, le 9 mars 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 697.
«Trop souvent des réponses dilatoires accueillent nos demandes de collaboration. Leurs excuses, nous les connaissons trop bien par notre propre expérience; nous savons que le temps, pour chacun est plus rare que jamais; mais nous pensons aussi que rien ne survivra de cette époque d'épreuve des volontés, qui ne soit marqué d'une victoire héroïque contre le temps, contre le doute, contre la lassitude.» [L'auteur à quelques collaborateurs, le 18 mars 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 697.
«... je crois que le devoir de l'homme spirituel est de lutter contre toutes les société closes, surtout et principalement contre celles qui tendent à se former autour d'un prétexte religieux. La mission des spirituels dans les temps modernes me semble être une totale présence, extra muros, dans un monde en édification ou en persécution. Je ne veux pas plus du ghetto confessionnel catholique que du ghetto confessionnel juif.» [L'auteur à Rabi, le 18 mars 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 698-699.
«Quoi que l'on puisse dire de l'Angleterre et du capitalisme anglo-saxon, qui payent maintenant les working-houses et les cent ans de dureté de cœur, nous voulons, nous parions la victoire anglo-saxonne (qui sera plus américaine qu'anglaise): nous pensons que toutes nos forces doivent être bandées contre l'invasion subtile des valeurs nazies. Que le monde occidental doive subir une révolution profonde, que certaines des valeurs exaspérées ou déviées dans le nazisme doivent y jouer leur rôle, c'est incontestable, mais il y a des intégrations que l'on pourra faire sans danger, le nazisme une fois vaincu et son venin neutralisé, et qui aujourd'hui nous désarmeraient devant ses entreprises.» [Entretiens XI, le 30 mars 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 700.
«Je suis un homme de conversation, de méditation, de dialogue, qui sent l'étroite responsabilité de sa méditation parmi les hommes, ne veut la poursuivre que dans une communication et un service permanents. C'est en ce sens que je fais de l,action. Je ne vaux rien, rien pour engager une action offensive de style politique, clandestine (il y faut trop de ruse) ou publique (il y faut trop d'éloquence). Je suis trop sensible à tout ce qui, dans l'action, déforme les hommes, trop relativiste en matière de régime politique, trop peu passionné en ce qui les concerne. J'ai conscience que cette position subjective, érigée en doctrine, engendrerait une erreur (l'apolitisme que j'ai plusieurs fois dénoncé pour m'en sentir trop proche). Mais je dois en garder la perception nette de ma vocation et de mes lignes d'efficacité. Je me vois aisément travaillant sur toutes les pentes politiques dans ce qu'elles gardent d'ouvert pour les maintenir ouvertes. [...] Ce n'est peut-être pas une position d'efficience politique, je n'y ai aucune prétention. Mais ce n'est pas non plus une position de dégagement. Je pense bien peser dans le sens d'une efficacité mais dont le point d'insertion est autre que politique.» [Entretiens XI, le 30 mars 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 701.
«... il vaut mieux ne pas connaître ces joies éphémères que de les perdre.» [L'auteur à Paul-Louis Landsberg, le 7 avril 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 705.
«Au moment où chacun tend à s'abandonner à la persuasion de la force, tout le poids de notre témoignage public doit peser dans le sens de la fidélité. Quoi qu'il arrive, ni la guerre, ni les régimes totalitaires ne laisseront intact le monde de demain. C'est notre résistance désespérée, aujourd'hui, qui en limitera les dégâts même s'ils remportent une victoire partielle. En nous, autour de nous, multiplier cette tonicité de l'âme qui éliminera le poison.» [Entretiens XII, le 8 mai 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 706.
«Ne pouvons-nous arracher à cette faiblesse d'imagination de souhaiter la victoire anglaise, — quand bien même nous savons qu'elle ne sera pas, que nous ne la laisserions pas être, si l'évolution des choses ne s'en chargeait, un retour à l'état d'avant. C'est le césarisme constantinien qui a frayé les voies au christianisme, Napoléon à la Révolution. Pourquoi ne serait-ce pas le fascisme qui accoucherait l'Europe nouvelle ? Écrire celà ? Les gens comprendraient que nous cédons. Il ne s'agit pas de céder d'un pouce, mais d'être à niveau de l'histoire. Elle manifeste une tactique permanente d'instauration du bien par le mal, de la mesure par l'aberration.» [Entretiens XII, le 18 mai 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 708.
«Anne, un point à la ligne, Marie, Irène est née ce matin. Pendant qu'on la nettoyait, rougeaude, le docteur, qui est venu m'appeler, la prend d'un poing par les deux pattes, têt en bas, comme une dinde que le marchand estime: «Regardez-moi quelle belle pièce !» On dirait avec sa blouse blanche qu'il vient de décrocher le poulet à l'étalage...» [Le livre d'Annette, le 15 août 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 712.
«... Quelle pure joie de n'être pas du côté de la lâcheté, consacré par papier officiel le frère de tous les innocents qui souffrent pour leur foi dans les camps de concentration, de tous ceux qui peuvent aujourd'hui lever leur regard sans biaiser...» [L'auteur à ses parents, le 25 août 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 713.
«Tentation violente de rentrer à Paris, maintenant qu'Esprit ne me retient plus. [ La revue Esprit que dirige Mounier a été interdit de publication par la censure allemande]. On est, malgré la raison, possédé ici par le complexe de l'arrière. Malgré la raison, car toute réflexion faite, la présence des Allemands mise à part qui, d'ailleurs, entraîne l'inaction totale hormis l'action illégale violente, on a ici autant d'embêtements comme replié, et, si l'on veut en prendre, plus de risques. En même temps, je sens le poids, dans une décision, des réalités familiales. Seul, je serait parti. Avec deux enfants ... ce n'est pas un cœfficient qui s'ajoute à un groupe de motifs ou s'en retranche, c'est une situation tout autre dans sa totalité. Je veux que ce soient mes amis de là-bas qui décident. Je leur pose le problème.» [Entretiens XII, le 10 septembre 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 715.
«Ne lâchez rien de ce qui est en vous inquiétude créatrice, acquis informe encore, mais exigeant. Refusez-vous d'être un homme «de droite» comme je me suis toujours refusé d'être un homme «de gauche» parce que je fais métier de fréquenter les avant-postes. Ne vous occupez pas de qui vous approuve (on n'élimine pas les imbéciles) ni de qui vous côtoie (non plus que les salauds et les jean-foutre: ils sont partout), sinon vous ne ferez rien, par pureté illusoire. Poussez votre exigence avec opiniâtreté, là même où votre sensibilité résistera le plus, où vous vous sentirez plus inquiet, plus exposé.» [L'auteur à un ami, éliminé également de «Jeune France», le 27 septembre 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 716-717.
«C'est un paradoxe que ce soit aujourd'hui la mauvaise humeur du pouvoir et l'infortune des temps qui m'octroient ce sort — avec l'aide, il est vrai, de la charité littéraire de mes amis suisses. Joie d'entrer dans la grande pureté du silence.» [Entretiens XIII, le 17 novembre 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 720.
«C'est triste de ne pouvoir se parler et se répondre et d'être toujours condamné à ce monologue incertain, à ce tir sans impact, à ces tâtonnements aveugles. Je n'ai pas à ma disposition de langage logistique et des entrechats bipolaires pour t'expliquer cela. Mais je te l'expliquerai par Françoise. Elle aussi ne me répond pas. Et pourtant nous sommes toujours aussi proches, malgré une impression matérielle d'insaisissable séparation, moins vraie qu'une mystérieuse communion. Je reprendrai aussi notre Gabriel Marcel sur la «Présence»: pas un instant nous ne sentons entamer notre présence réelle à votre vie et la présence réelle de votre vie à la notre ... Je veux dire notre présence charnelle. Car nous pourrions avoir une sorte de fidélité éternelle difficile à tenir avec des mains d'hommes, se posant d'un pied léger à la pointe du cœur, pendant que la vie tournerait ses pages, accumulerait ses étapes. Eh bien ! non, vieux, demain nous prendrions le train de Bruxelles avec naturel (je ne parle pas de la fièvre). Le temps a suspendu son vol, le brave homme. Tout est là sous la main. Il y a seulement cette langue un peu embarrassée, et puis parce que la voix se perd dans un espace qui ne la renvoie pas. Mais voilà que Françoise nous rappelle sa claire leçon de présence cachée, symbolise et récapitule (comme disaient si bien ces bons Pères grecs) tout le sens de notre pauvre vie depuis quelques années, toute animée par une sorte de nœud de silence qui se déplace de situation en situation...» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 28 novembre 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 720-721.
«Je voudrais définir, sur le plan psychologique, le visage de l'homme qui s'efforce de vivre dans l'Éternel — ce qui donne à sa vie, sous son aspect empirique, des traits aussi spécifiques à mon sens que ceux de l'homme qui ne vit que dans l'instant, ou dans le passé, ou dans le rêve de l'avenir. Je voudrais, pour me remettre dans le sujet, retravailler la notion d'«Éternité» opposée à la «Temporalité».» [L'auteur au P. de Lubac, décembre 1941.] — E. MOUNIER. «(1941) Lyon, zone «libre»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 720-721.
«Je n'ai pas violé les articles n et n des lois interdisant la diffusion d'écrits clandestins et une action de propagande au service d'une puissance étrangère tendant à atteindre le moral de la population civile et de l'armée. Mais prendre aujourd'hui position contre ceux qui cèdent leur dignité à la force, leur pays à la tranquillité, le sacré au prestigieux, doit, en bon ordre, impliquer conséquences. La rançon, dans toute l'Europe, serait la prison et la mort, et nous n'écririons que des articles, nous ne payerions que de mots ? Quelque justice perspicace se fait jour à travers une accusation fausse. Et c'est bien dans cette communauté de peine où l'Europe brûle ses erreurs et ses crimes qu'il faut placer ce petit incident personnel pour lui donner quelque grandeur.» [Carnet de prison, le 27 janvier 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 725-726.
«On parle des systèmes de défense des inculpés; il y a aussi les systèmes d'accusation des enquêteurs. Ils ont vite atteint cette cohérence empruntée d'une idée qui se répète sans critique. Et la vérité apparaît alors, à qui la connaît, dangereusement compliquée, fragile, inquiétante, semée d'ambiguïtés que l'on n'y voyait pas, d'invraisemblances qui se cachaient sous la fermeté de la vie, désarmée et comme coupable. Que l'émotion vienne au travers et l'on bafouille: «Ah! Ah!, dira l'autre; on voit alors tout ce que comporte de vigueur physique et présomption hardie l'adhésion aux plus élémentaires vérités de nos actes.» [Carnet de prison, le 27 janvier 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 727.
«Voyez-vous, quand tant d'hommes et de femmes souffrent toutes les morts pour des malentendus, il faut bien faire de tout petits sacrifices au malentendu.» [L'auteur à ses parents, le 2 février 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 730.
«Il ne faut pas dire: «C'est injuste», vois-tu. Dans beaucoup de ces cas, c'était injuste, mais nous savons que la justice ne progresse qu'avec un minimum de persécution par l'injustice ou simplement par le malentendu.» [L'auteur à sa mère, le 6 février 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 732.
«... non loin d'ici, à Gergovie, nous apprenons qu'un pays vaincu ne sauve son âme qu'en l'abandonnant à la générosité civilisatrice du vainqueur, la force étant toujours le signe du droit. Nobles leçons !» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 15 février 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 733.
«Les idées restent, comme dit l'autre, et il faut bien les suivre.» [L'auteur à Émile-Albert Niklaus, le 9 mars 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 736.
«L'essentiel est qu'au moment où la France et le Christianisme et le vrai socialisme se construiront ou se reconstruiront ensemble, tous les hommes de bonne volonté se retrouvent par-dessus tous les malentendus, sans rancœurs, sans récriminations, le regard fixé sur la seule tâche qui est devant eux ...» [L'auteur à Paulette Mounier, le 4 mai 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 739.
«Bergson a raison: c'est la durée qui fait la substance des choses.» [L'auteur à ses parents, le 16 mai 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 739.
««Accepter, c'est endurer», disait Péguy, être dedans, que cela dure, et non courber le dos pour que cela vous passe par-dessus. Vois, il serait pire peut-être en un sens si elle devait redevenir diminuée plutôt que d'être abolie. Le regret global et définitif, quant cela a fait bien mal, cela se tasse. Le regret au jour le jour, ranimé et précis, c'est plus dur. Mais nous trouverons peut-être cela très beau un jour.» [L'auteur à Paulette Mounier, le 23 mai 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 742.
«Je sais bien que les mères supportent tout mieux que de voir leurs fils maltraités à tort et sont plus promptes à leur pardonner les crimes qu'ils peuvent commettre qu'à supporter l'injustice qu'ils subissent. Mais dis-toi tout de même que mon sort actuel comporte plus de désagrément que de souffrance, et qu'après tout, comme disait mon maître Platon, mieux vaut subir l'injustice que la commettre (encore était-ce papa Socrate qui disait cela au moment où l'internement administratif tournait plus mal pour lui que pour moi; il est vrai que c'était à une époque «barbare», cinq siècles avant Jésus-Christ, où il suffisait de dire: «Connais-toi toi-même» pour se voir emprisonner comme rien) ...» [L'auteur à sa mère, le 29 mai 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 743.
«... je veux croire qu'auprès d'un régime qui se dite jeune, un acte de volonté et d'endurance est une introduction meilleure qu'une recommandation impersonnelle.» [L'auteur au Secrétaire général de la police, le 19 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 745.
«Vous admettrez, Monsieur le Secrétaire général, que cette absence totale d'inculpation fondée, jointe à de bourdonnement de rumeurs d'antichambres, toutes-puissantes dans leur anonymat, me rend singulièrement pénible la situation où je suis placé depuis bientôt six mois, de détention en internement, coupé de mon travail et de ma vie familiale, dans l'impossibilité d'assurer les ressources des miens et de rendre à mon pays les services obscurs que je pourrais encore lui rendre.» [L'auteur au Secrétaire général de la police, le 19 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 746.
«L'œuvre que je vois devant moi porte sur des problèmes religieux, philosophiques et sociologiques. Ni les avenues du pouvoir, ni les dogmatismes politiques, ni les opinions brouillonnes, ni les agitations partisanes n'ont aucune chance de me trouver dans les environs. Et vos policiers font fausse route s'ils m'y cherchent.» [L'auteur au Secrétaire général de la police, le 19 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 747.
«Homme de gauche, me classe-t-on parfois, avec d'autant d'irritation que ma foi religieuse et ma fidélité à quelques traditions fondamentales ne sont pas habituellement situées dans cette direction. Je me moque des mots. Si homme de gauche désigne l'hostilité irréductible à la domination de l'argent, à l'inintelligence et à l'égoïsme sociaux, le souci de ceux qui n'ont plus d'espoir, la volonté de se placer dans la zone vivante et non dans la zone morte de son époque, alors je veux bien être un homme de gauche. [...] Mais si homme de gauche évoque une volonté de retour à des formes périmées de démagogie et de parlementarisme, à des partis veules ou décomposés, à des dogmatismes vides ou à certains hommes éperdus de médiocrité, je me compte parmi les jeunes Français, si peu politique que je m'affirme, qui feront en toute circonstance barrage à ces retours.» [L'auteur au Secrétaire général de la police, le 19 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 747-748.
«J'ai contribué à lancer le mot de personnalisme, jadis. Certains aiment le charger aujourd'hui de tous les péchés d'Israël. Hélas ! il n'était point né ... J'entends que l'on fait du personnalisme le refuge d'un individualisme honteux. C'était bien la peine à moi de crier pendant dix ans, jusqu'à la scie, que la Personne n'est qu'anarchie sans les communautés qui l'accomplissent; on en fait encore un libéralisme à noble prétexte, alors que je ne sais pas ce qu'est la Personne sans les structures de la vérité et de l'ordre; ou un vague cléricalisme humanitaire, alors que j'ai mené à l'attaque en tenaille aussi bien de l'esprit «clérical» de ce que je dénonçais un jour sous le nom de «cléricalisme de gauche». Si l'on vous jette votre nom en injure, est-il permis de revendiquer pour ce nom le contenu qu'on lui a choisi et non celui que lui imposent, pour le porter ou pour le combattre, la malice des uns et l'inintelligence des autres ? ...» [L'auteur au Secrétaire général de la police, le 19 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 749.
«Je ne suis ni cocher, ni mouche du coche. Je pense bien que, dans la triste condition où nous nous trouvons et dont les responsabilités seront un jour entièrement dégagées, il faut au gouvernement de la prudence, de la sagesse et, jusqu'à des limites très précises, l'esprit de retraite stratégique. Mais je pense aussi que cette difficile manœuvre n'est possible que s'il dispose d'un pays dont l'âme refuse de se livrer et qui soit assez sûr de sa mission pour croire, sans armes, à des réalités qu'aucune force ne brise. Je suis de ce pays-là. Je ne fais pas l'impression d'être pour autant un hurluberlu, ni un agitateur. Je n'agite au surplus que mes propres pensées et mes propres fidélités. Et je ne doute pas que les meilleurs de nos vainqueurs d'hier préféreraient l'hommage de cette dignité à celui de mes platitudes.» [L'auteur au Secrétaire général de la police, le 19 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 749-750.
«Je ne voudrais pas d'une mesure de grâce, mendiée et accordée avec hauteur. Je demande la fin d'un arbitraire, c'est tout autre choses, et désire montrer la force de l'esprit qui résiste, non la faiblesse de l'intérêt qui quémande.» [L'auteur à Me Gounot, le 21 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 751.
«Je fais appel de l'autorité inférieure à l'autorité supérieure, de l'autorité mal informée à l'autorité bien informée; c'est, me semble-t-il, un acte de confiance dans la justice de l'autorité que je pose là, un appel à son exercice normal en pleine connaissance de cause. Depuis quand l'appel est-il une démarche irrespectueuse ? Je ne crois pas que l'autorité s'affaiblisse quand elle rend la justice dût-elle pour cela revenir sur une décision d'un de ses rouages. Je tiens, au contraire, que cette maîtrise de soi et ce souci de l'équité sont le signe le plus valable de grandeur et de force, Je respecterai l'autorité qui effacera une injustice. Je ne puis donner qu'un respect minimum à celle qui la maintient sur un dossier de légendes et de fantaisies.» [L'auteur au Directeur de l'Établissement d'internement administratif, le 22 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 751-752.
«Autrefois, on se jetait sous le carrosse royal. Il faut bien recourir à ces extrêmes puisqu'on ne fait pas plus attention à un homme qui va perdre la vie qu'à un homme à qui l'on a enlevé les moyens de vivre: «la liberté et l'honneur du même coup».» [L'auteur au Directeur de l'Établissement d'internement administratif, le 22 juin 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 752.
«La Justice est une grande chose éternelle dont l'aiguille est lente.» [L'auteur à ses parents, le 3 août 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 756.
«On espère toujours que cette lumière du réel, qui éclaire si bien les choses quand on la sait réelle, puisse être communicable.» [L'auteur à ses parents, le 3 août 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 756.
«... car de l'intelligence qui ne se traduit que par la parole ou du papier, a forcément à se reprocher quelques petites lâchetés.» [L'auteur à sa mère, le 8 septembre 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 760.
«Il ne s'agit pas d'une retraite, Dieu merci, mais de faire retraite, ce qui est différent. Je ne me pardonnerais pas d'abandonner l'hypothèse d'un service héroïque pour le jour où les événements le commanderaient.» [L'auteur à Me Gounot, le 11 septembre 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 760.
«Comme j'aime ce que tu m'écris qu'il faut être vrai avec soi et ne pas stimuler une sérénité que l'on ne possède pas encore: je ne me cache pas ce désir enfantin [Mounier a trente-sept (37) ans révolus, rappelons-le, au moment d'écrire ceci] d'être libéré dans cinq jours, qui est en moi... [...] Je suis encore plein de vœux et de désirs concernant l'arrangement de cette année qui vient, et ma décision d'être entièrement disponible à ma part de destin telle qu'elle m'est assignée dans cette grande aventure, si c'est une décision ferme, est loin d'avoir conquis tout le terrain intérieur ! ...» [L'auteur à son père, le 16 octobre 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 762.
«Ce que je reproche le plus à ce temps [que dure l'instruction de son procès et le procès lui-même] est de tuer la spontanéité et d'exiger que l'on se mettre toujours en garde contre quelqu'un ou contre quelque chose.» [L'auteur à Me Gounot, le 24 octobre 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 764.
«Je laisse P. [Paulette Mounier, son épouse] arranger tout cela... C'est surtout pour elle que je serais heureux que tout cela ait une fin bien qu'il faille toujours tâcher de ne pas sacrifier l'un à l'autre, quand on est un homme, son devoir public et son devoir privé...» [L'auteur à ses parents, le 28 octobre 1942.] — E. MOUNIER. «(1942) Il manque à un homme de n'avoir pas connu la maladie, le malheur ou la prison». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 765.
«La règle générale, en un sens la seule règle de vie chrétienne qu'elle englobe par la générosité, la charité, est celle-ci: ne jamais sacrifier une possibilité intérieurement assurée de vocation spirituelle à un calcul de moyens si, entre toutes les prudences requises pour s'assurer de l'authenticité de la voix intérieure, elle affirme bien comme une voix du plus être.» [L'auteur à son père, le 11 mars 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 774.
«Et, entre nous, pour clore ce petit chapitre de philosophie, si avec l'avance que nous avons, et que chaque jour doit maintenir, soit même renforcer, nous prétendions ne pas avoir le minimum de sécurité nécessaire à la prudence, aujourd'hui que tant de gens ont tout perdu, c'est alors que jamais nous ne serions mûrs pour l'abandon. C'est ce dont tu ne doutes pas et c'est pourquoi, après le monde tarabusté, tu jouiras de la vie éternelle des siècles des siècles...» [L'auteur à son père, le 11 mars 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 774-775.
«... Je ne veux pas couvrir puérilement la souffrance ... Non, le seul malheur est de souffrir séparément, et comme dos à dos, quand on ne sens plus dans le mal commun cette fraternité cruelle, cette intimité malheureuse qui lui enlève son épine profonde. § ... Quelle qu'ait été la nuance de souffrance chez toi ou chez moi, nous y avons communié dans une vérité plus essentielle que les nuances, dans une vérité éternelle, Éternelle, c'est-à-dire présente, fidèle, ce matin, ce soir même si nous ne lui sommes pas fidèles, même si par quelque partie de nous-même nous pouvions ne pas lui être fidèle, par quelque sommeil, que sais-je ? ... Que nous la sentions présente ou que nous ne la sentions pas, cela n'a, après tout, d'importance que secondaire. Comme il est secondaire que l'on sente ou que l'on ne sente pas Dieu.» [L'auteur à Paulette Mounier, Pâques 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 775-776.
«Le cœur et la vérité ne marchent pas de pair. Il arrive que la haine ou simplement l'agressivité soit terriblement plus lucide que l'affection trop laissée à elle-même. L'affection est douce et arrangeante, prompte aux compromis, à l'illusion bénisseuse. Elle aime se laisser bercer par un ronronnement fleuri de mots trompeurs. Elle devient une morte vivante. Des silences s'établissent, des habitudes de se taire ensemble sur les même choses ou d'échanger sur elles les mêmes mots convenus et usés. Ce vocabulaire a l'air de vivre et faire vivre, en réalité il se fige lentement et, secrétant son tissu, sclérose les fibres mêmes de la vie.» [L'auteur à son père, le 28 avril 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 776.
«C'est ici qu'il faut reprendre avec la vraie nature de l'affection. Elle n'est pas pour que l'on soit heureux ensemble, mais pour que l'on soit plus ensemble. C'est la loi du plus de la croissance spirituelle et de la vérité qui fait mal, le sacrifice qui fait mal, la lutte qui fait mal.» [L'auteur à son père, le 28 avril 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 777.
«Ce qui est grand, c'est le désir de s'aimer et la lutte pour l'amour. La transfiguration de l'amour, la béatitude de l'amour, un miracle la donne de temps à autre. § Je parais être bien loin de la vieillesse. Mais je suis bien près de toi; car ce qui compte dans une ouverture telle que tu me la donnes sur ton expérience de vieillesse, ce n'est pas le sujet subjectivement pris, c'est l'illumination d'un toi aimé dans sa difficulté vraie sous les illusions de la vie et de l'échange.» [L'auteur à son père, le 28 avril 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 777.
«La facilité serait de continuer, comme si de rien n'était, à dire des mots de votre enfance et sous leur babillage lisser mourir une communication intime sans jamais vous l'avouer. Tu laisseras alors cette indifférence, fût-ce une indifférence chantante et caressante, s'établir entre vous. Or, l'indifférence, c'est traiter l'autre comme une chose, fût-ce comme une chose agréable, non plus pour ce qu'il est.» [L'auteur à son père, le 28 avril 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 778.
«Cessons donc de maintenir artificiellement cette première forme de notre affection qui a fait son temps, qui est belle en son temps, qui n'est que grimaçante plus tard, et établissons aujourd'hui cette bien plus belle, bien plus forte chose, l'affection d'un homme debout, d'une femme debout pour un homme debout, issu de leur œuvre et leur revenant avec la sienne.» [L'auteur à son père, le 28 avril 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 778.
«La simplicité se gagne toujours à l'effort, à l'attention, au travail, que ce soit dans la souplesse des gestes du pianiste et du cycliste, dans l'aisance d'une politesse de race ou d'un style de qualité, ou que ce soit dans le style du cœur. Quand le premier effort «d'explication» semble un peu troubler les sentiments spontanés, brouiller les élans directs, élever un nœud de broussailles entre les mains qui se tendent ou les regards qui se cherchent, il ne fut pas s'en émouvoir. Cette apparition confuse de mots inaccoutumés, de problèmes, hérissés de difficultés antérieurement laissées dans l'ombre, s'ordonnent peu à peu en un paysage qui nous donnera son cadre et sa beauté — tandis que laissée à elle-même elle se fût durcie en un écran ...» [L'auteur à sa mère, Mai 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 779.
«Oh! il est autrement critique, près d'un feu de bois, avec sa mère. Dame, quand on dispose d'un docteur en histoire de l'art, on n'a pas des manières souveraines de tout accepter et de fermer les yeux sur les dérèglement de la ligne de fuite... quand on demande au docteur en l'histoire de l'art de dessiner un arbre et que sous prétexte de présenter successivement un tilleul et un peuplier il prend des libertés avec la forme, on laisse tomber — de quel ton — en posant les doigts sur le tilleul: «Tomate» et sur le peuplier : «Carotte».» [L'auteur à Jacques Lefrancq, le 21 novembre 1943.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 783.
«... Que finissent bientôt nos vies sans route, sans repaires, sans entourage, sans buts prochains, et l'épreuve sera diminuée de moitié. Quelle étrange chose qu'un destin ! depuis trois ans j'ai brassé à pleines mains les caractérologies, depuis deux ans de retraite bientôt j'ai énormément lu, réfléchi, mûri je crois, et je me sens plus enfant, plus démuni que jamais devant le mystère d'un destin. Il y a une théologie négative de la Personne comme il y a une théologie négative de Dieu, et elles est sans doute elle aussi la plus vraie.» [L'auteur à Jacques Lefrancq, Avril 1944.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 790.
«... je sens [...] comme une sorte de tremblement sacré en entrevoyant, comme une ombre géante, le sens de ses souffrances accumulées qui n'ont même pas toute la consolation de sentir leur grandeur. Ce sont sans doute les plus grandes, les plus mystérieuses, qui n'empruntent pas la beauté sombre du masque tragique, mais les traits vides de la médiocrité ou de l'inutilité ...» [L'auteur à Jacques Lefrancq, Avril 1944.] — E. MOUNIER. «(1943-Août 1944) «À quinze mètres d'un bourg dont la légende dit que Dieu y mit la main»». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 790.
«Tu es un drôle d'ami, qui ne m'a jamais confié une peine, un amour, qui se tient un peu au garde à vous — gentiment — devant moi quand il me voit, comme si j'étais un directeur de revue, et cependant plus ami que bien des camarades dont je sais tout.» [L'auteur à Adrien Miatlev, le 1er novembre 1944.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 797.
«Dans le ghetto où nous l'avons si longtemps tenu, le peuple n'a pu acquérir que des façons qui nous blessent. Oublions ces blessures. Il monte peu à peu vers le remplacement de la bourgeoisie comme la bourgeoisie est montée peu à peu vers le remplacement de la noblesse. Aidons-le. Il y aura des violences en route — hélas ! que celui qui ne s'y sente aucune responsabilité leur jette la première pierre. Il y aura des démagogues en travers: le champignon pousse partout, la forêt n'en est pas moins belle, les champignons passent, elle croît avec la même majesté, Ne nous hypnotisons pas sur les démagogues. Croyez-vous que dans ce simple sens politique et cette fraternité vraie il n'y ait pas beaucoup à faire ?.» [L'auteur à Jean-Marie Delettrez, le 17 février 1945.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 799.
« ... L'exigence minima d'un dialogue, c'est que la pensée de l'interlocuteur soit écoutée pour ce qu'elle est.» [L'auteur à Pierre Hervé, le 28 janvier 1946.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 802.
«La «sincérité», mon cher Hervé, ne m'intéresse pas plus que votre chroniqueur, mais la vérité qui sauve, et le mensonge qui tue.» [L'auteur à Pierre Hervé, le 28 janvier 1946.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 803.
«J'ai failli vous écrire pendant votre prévention [en raison de sa participation au niveau ministériel à l'intérieur du régime pétainiste de Vichy]. Mais vous apparteniez encore à un système qui faisait écran entre vous et moi. Maintenant que vous n'êtes plus rien, même pas un accusé, je retrouve, derrière tout ce qui nous a séparés, ce que rien ne brise, un lien noué une fois dans la fidélité. Je ne l'avais jamais oublié. Mais il y a des souvenirs qu'on ne peut rejoindre que dans l'Éternité, ou l'extrême misère.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 13 mars 1946.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 804.
«Maintenant, vous êtes seul: sans votre classe, sans honneurs, sans visage public, hors du bonheur. Vous êtes, tout simplement.» [L'auteur à Jacques Chevalier, le 13 mars 1946.] — E. MOUNIER. «(Septembre 1944-Mars 1950) «L'événement sera notre maître intérieur». In Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 805.
«... Je ne m'émeus pas des divergences que je puis a voir avec certains hommes. Sans doute parce que je ne suis pas assez politique pour cela. L'essentiel est le sens de la recherche et la qualité des hommes.» [L'auteur à Bernard Voyenne, le 18 novembre 1947.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 805.
«L'intellectuel a mission (et même sacerdoce) de chercher la vérité et de juger: Homo spiritualis judicat omnia. Non pas de justifier les actes des puissants ou de contreforcer leur puissance, même si cette puissance est «dialectiquement» utile ... Cette autorité morale que l'on nous reconnaît n'est pas un dépôt en banque, c'est un produit corruptible que chacun de nos actes mûrit ou défait...» [L'auteur à Jean-Marie Domenach, mi-septembre 1949.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 817.
«Il ne s'agit nullement, comme vous le dites, de défendre la force ou le pouvoir temporel de l'Église. Dieu seul mesure ce qu'Il veut lui en concéder à chaque temps et lieu. Il s'agit de lire et de défendre l'esprit de l'Église. Si des question de force et de pouvoir sont incontestablement mêlées à une Église chargée de péché, à la transmission de la Parole et à la maturation du Règne, cela ne veut pas dire que là où il y a impureté, il n'y a pas aussi et sur le même champ, agissant, l'esprit même de Dieu. La lutte des papes contre les empereurs n'était pas pure, loin de là, elle était aussi cependant la lutte de l'Esprit contre le pouvoir absolu. L'un et (ou) l'autre présente à des degrés divers selon les actes posés, mais dans l'ensemble le bon grain jaillissant de la même terre que l'ivraie.» [L'auteur à André Dumas, le 9 octobre 1949.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 821.
«... je viens de passer quarante-huit heures, jour et nuit, auprès d'un grand ami qui était un frère, à assister à son agonie... Il m'a appris, comme apprend l'amour, en communiquant son feu, que pour cette merveilleuse grâce qu'est un être humain vivant, il faut lâcher non seulement tout intérêt mais toute convenance.» [L'auteur à une jeune amie, le 24 octobre 1949.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 823.
«Chez les meilleurs de ceux que vous aimez, et en vous-même, vous découvrirez des puits de turpitude, Mais quand vous aurez, non pas barbouillé ces expériences désolantes de consolations sulpiciennes (d'évasion de conforts spirituels), mais quant vous les aurez pénétrées de la lumière de votre charité féminine, vous trouverez aussi l'infinité beauté qui s'y mêle. C'est cela (entre autres choses) la puberté spirituelle, et il faut faire cette mue pour retrouver l'esprit d'enfance. Il faut secouer des deux mains votre simplicité, votre gentillesse, avec la vie, votre pureté de cœur, votre foi même, jusqu'à les ébranler, afin que ces vertus s'ébranlent au lieu de rester assises, le sourire aux lèvres.» [L'auteur à une jeune amie, le 24 octobre 1949.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 824.
«Soyez lucide, écoutez les appels de votre vocation, et tous les vôtres recevront ensuite beaucoup plus de vous, dans la franchise et le dépouillement réciproque. Vous vous dévouerez alors dans la vérité.» [L'auteur à une jeune amie, le 24 octobre 1949.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 825.
«Peut-on refaire séparément une armée, une éducation, une magistrature à un régime qui pourrit de tous côtés ? Malheureusement, de changement de régime, je n'en vois que deux possibles en France à l'heure actuelle: ou un régime fasciste ou pseudo-fasciste, genre managers-généraux-belles-âmes ... mais ne nous y trompons pas, avec les hommes actuellement vivants, ce régime, pour l'armée (outre les autres inconvénients), ce sera le triomphe définitif de ce que vous combattez, avec quelques prototypes amusettes pour les jeunes au cœur flambant. Ou un régime communiste, et en un sens ce serait le mieux, mais hélas ! peut-on encore penser à courte échéance un communisme sans la peste totalitaire et la russification ? Si bien que, comme vous, tant que la situation n'est pas dénouée, comme elle le fut à la Résistance, je pense que beaucoup de ce que vous direz relèvera du vœu pieux. Mais je crois à l'utopie, non pas celle où l'on s'évade, mais celle où l'on se projette avec une volonté de fer. Tôt ou tard, cette force donne son fruit. Ne cédons pas trop nous-mêmes aux ironies réalistes.» [L'auteur à Xavier de Virieu, le 1er mars 1950.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 828-829.
«Tout ce qui est humain a sa face d'ombre et n'est réel, vivant, charnel que par là. Qu'il faille un peu idéaliser le tableau pour l'homme écrasé, qui a besoin d'une sorte de merveilleux espoir, je le pense volontiers. Mais ce n'est pas le rôle d'une étude, d'un livre. C'est celui de la grande presse, de l'orateur. Au surplus, il s'agit de persuader...» [L'auteur à une jeune amie, le 14 mars 1950.] — E. MOUNIER. Œuvres (Recueils posthumes. Correspondance.). Seuil. Paris, 1963. p. 830.
lundi 1 mars 2010
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