[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]
VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.
Ferdinand ALQUIÉ. Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008.
PREMIÈRE PARTIE
Le refus affectif du temps et
l'illusion d'éternité
AVANT-PROPOS
«L'étude que nous présentons en ces pages a pour but de définir le désir d'éternité, de découvrir ses sources, affectives et rationnelles, de déterminer enfin sa valeur, et la place qu'il convient de lui accorder en la vie.» — Ferdinand ALQUIÉ. Avant-propos. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 5.
«... l'amour est la nostalgie d'une forme disparue.» — F. ALQUIÉ. Avant-propos. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 5.
«L'éternité du cœur n'est pas celle de l'esprit. La recherche de la première est passion pure, la connaissance de la seconde est la condition de l'action. Encore l'action elle-même s'exerce-t-elle en renonçant à l'éternel, car notre vie est temporelle, et notre moi n'est pas l'Esprit.» — Ferdinand ALQUIÉ. Avant-propos. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 6.
CHAPITRE I
Situation de l'éternité
«Éliminer par le doute, la présence de tout objet revient à découvrir que la conscience est présente à soi-même. Cependant, la conscience humaine apparaît à bien des égards comme une conscience de l'absence: la pensée de ce qu'elle saisit est liée pour elle à la pensée de ce qui lui échappe.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 7.
«L'attente, le regret, la rêverie sont, à des degrés divers, des consciences d'absence. Bien plus, le présent n'est pensé que par son opposition au passé et au futur: dire qu'une chose est présente, c'est signifier qu'elle pourrait ne pas être, c'est l'opposer à son absence possible.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 7-8.
«La pensée de l'absence est le signe que notre esprit est supérieur à tout donné, ce pourquoi chaque objet lui paraît seulement possible, et non nécessaire.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 8.
«Nous n'avons pas de connaissance positive de l'infini ou de la valeur: valeur et infini nous sont pourtant présents, puisque c'est à partir d'eux que nous jugeons trop courts les instants de notre vie, trop bas les instincts de notre nature, trop petits les objets limités et temporels qui sont par nous rencontrés. Ainsi se révèle le caractère métaphysique de l'esprit lui-même: dépassant tout de qu'il connaît, il semble atteindre un autre ordre.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 9.
«Quelle est l'essence de nos désirs ? Jusqu'à quel point ont-ils le droit de s'étendre, sans devenir pures passions, recherches stériles de l'impossible, et tendances vers ce qui n'est pas ? Tel est le problème que nous voudrions poser à propos du désir d'éternité. Nulle idée, en effet, ne montre mieux le double caractère de présence et d'absence, propre aux objets métaphysiques, que l'idée de l'éternité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 10.
«La présence de l'éternité n'est pas donnée à titre de nature, la conscience de l'éternel n'est conscience que d'une absence.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 11.
«L'idée de l'éternité émane de l'attitude psychique niant le devenir, elle naît du refus du temps.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 11.
«Le temps ainsi considéré apparaît essentiellement comme changement. Que ce changement s'opère au sein de la continuité, et sans extériorité réelle de ses éléments, ou que la continuité soit déjà une fiction forgée par l'esprit pour nier le changement premier, la succession discontinue, il est incontestable que, pour l'expérience courante, il y a du changement, c'est-à-dire que ce qui est cesse d'être, et ce qui n'est pas commence à être.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 12.
«... tout changement possède un caractère irréductible et définitif: dans cette mesure, il est temporel. Le temps se manifeste à moi dans l'irréversibilité des changements: il est le caractère qu'ont les changements d'être irréversibles.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 13.
«... le refus du réel peut s'engager en deux voies essentielles: l'une d'action, l'autre de passion pure. Refuser le réel, c'est parfois commencer à lui opposer ce que nous allons faire, et donc ce que le réel sera demain. Parfois, c'est rêver que les choses ne sont pas ce qu'elles sont, c'est leur substituer par la seule imagination un monde plus conforme à nos vœux. Nous sommes ici dans la passion, puisque dans l'erreur et l'inefficacité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 14.
«Comment refuser le temps autrement que par le rêve ?» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre I. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 15.
CHAPITRE II
Les passions
«Action et passion ne diffèrent que par les sujets auxquels on les peut rapporter, et tout passion subie par nous doit être l'action de quelque autre chose. Si le choix passionnel ne nous apparaît pas comme étant notre choix, il doit émaner d'une réalité agissant en nous et sur nous, réalité intérieur à nous, et pourtant susceptible de nous contraindre.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 18.
«Au reste, ne pouvons-nous avoir l'impression d'être nous-mêmes en agissant contre la règle, ne pouvons-nous, contre le social, nous insurger par volonté ? Il est donc difficile de définir la passion si l'on demeure sur le plan de la science, c'est-à-dire si l'on refuse de l'opposer à une volonté pure, puissance métaphysique de liberté qui, extérieure aux tendances, constituerait un moi par rapport auquel tout désir serait étranger. Aussi la psychologie ne parvient-elle jamais à distinguer clairement passion et volonté.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 19.
«... dans la passion, nous agissons contre notre raison: même si l'on refuse de reconnaître à la raison le pouvoir de poser des valeurs, si on la considère comme une pure faculté de connaissance, si l'on estime que toute valeur est relative à des tendances, la passion s'oppose à la raison: elle nous aveugle sur notre nature réelle, elle est ignorance de nous-mêmes.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 20.
«Le passionné, en effet, semble être celui qui préfère le présent au futur, le passé au présent. Le temps, coulant du passé au présent, du présent au futur, semble au contraire nier sans cesse ce qui fut, construire ce qui sera. La passion s'oppose donc bien au temps, elle veut le contraire de ce que fait le temps. Si donc quelque inconscient révèle ici sa présence, il n'apparaît pas comme une somme de désirs cachés, mais comme le fruit de ce qui, en nous, refuse de devenir.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 21.
«La psychanalyse nous apprend que les émotions de notre enfance gouvernent notre vie, que le but de nos passions est de les retrouver. Ainsi, bien des hommes, prisonniers d'un souvenir ancien qu'ils ne parviennent pas à évoquer à leur conscience claire, sont contraints par ce souvenir à mille gestes qu'ils recommencent toujours, en sorte que toutes leurs aventures semblent une même histoire, perpétuellement reprise.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 23.
«... la passion méconnaît le temps comme tel. Par elle, nous refusons de prendre conscience de ce que sera la futur, des conséquences de nos actions, de la réaction de nos tendances dans l,avenir. La passion se distingue ainsi de la volonté. Le volontaire parvient à se penser avec vérité dans le futur, il connaît assez ses tendances, leur profondeur et leur durée, pour savoir ce qui, plus tard, lui donnera le bonheur.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 25.
«Nul texte [le Sylvie de G. de Nerval] ne semble mieux définir l'essence de l'erreur passionnelle. L'être intemporel qui s'y manifeste est la passion même, objectivée. Ici l'amour refuse le temps, affirme que le passé n'est pas mort, que l'absent est présent; il se trompe d'objet, se montre incapable de saisir les êtres dans leur actuelle particularité, dans leur essence individuelle. Il se souvient en croyant percevoir, il confond, il se berce de rêve, il forge la chimère de l'éternité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre II. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 26.
CHAPITRE III
La mémoire, l'habitude, le remords
«... les images préexistent à la passion, l'expliquent et lui donnent naissance: les images passionnelles ne sont pas des images quelconques, modifiables, arbitraires: le passionné les retrouve à diverses périodes de sa vie avec leur contour et leur poids. Ces images sont des souvenirs. Bien plus qu'elle n'engendre des images, la passion s'alimente donc à des souvenirs; son essence est mémoire.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 27.
«La mémoire suppose, à titre de matière, un retour involontaire du souvenir que nous ne pouvons expérimenter que comme passion. Mais la reconnaissance et la localisation, loin de prolonger le rappel, s'y opposent. Ici la mémoire rejette l'image présente dans le passé, la juge souvenir. Cette mémoire est action, elle est le signe de l'esprit, elle est l'œuvre du jugement qui nous libère.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 28.
«Au reste, le rappel du souvenir obéit si mal à notre volonté que le meilleur moyen de retrouver un souvenir qui résiste est souvent de le laisser surgir de lui-même, de se rendre passif vis-à-vis de lui. Le retour du souvenir est donc d'essence involontaire: la mémoire apparaît en ceci une passion.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 28-29.
«... le souvenir n'a pas de date: il se donne, non comme passé, mais comme présent, non comme temporel, mais comme éternel. [...] Et c'est parce qu'il n'a pas de date que le souvenir peut engendrer en nous les passions proprement dites, pénétrer les images du présent, se confondre avec elles, nous donner l'illusion que le détour d'un sentier, ou des traits émouvants, sont le lieu de notre enfance ou le visage d'un ami mort.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 29.
«Mais il est clair que le caractère du passé qui s'attache aux choses vient de l'attitude de conscience que nous prenons devant elles: tout objet perçu existe dans un temps présent, dans le temps que nous-mêmes sommes en train de vivre. Et toute image du passé dont nous avons conscience est, par là même, présente. C'est donc à la lettre qu'il faut affirmer que notre mémoire nous présente le passé: le passé est bien par elle rendu présent. Dire que le passé se conserve , c'est le déclarer éternel.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 30.
«L'habitude suppose la non-reconnaissance, la non-localisation, et l'ignorance de l'acquisition. Aussi prend-elle le visage de l'éternité. au reste, si l'habitude est refus du temps, ce n'est pas seulement parce qu'en elle le passé se donne comme présent: c'est en sa formation même qu'elle nie le changement. L'habitude se constitue contre le devenir, pour le nier, pour ne plus le subir. Elle oppose un mode défini et uniforme de réaction à la variété d'expérience infiniment diverses: l'habitude se présente donc comme le refus du nouveau en tant que tel.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 30-31.
«Sans doute ne saurait-on nier l'utilité de l'habitude. Mais cette utilité ne se manifeste que dans la mesure où l'objet même auquel s'applique l'action comporte quelque éternité. Ce dont l'habitude se charge à bon droit, ce son des éléments anciens que contient la situation présente. Ces éléments représentent en effet une éternité objective, faite de lois, qui sont les lois des choses. c'est pas ce côté que l'habitude imite la raison et, selon certains, l'engendre.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 31.
«Ici nous adhérons à notre passé, et non seulement à ce qu'il contenait d'universel, mais à ce qui était individuel en lui. Ce que nous avons été s'impose à ce que nous sommes, nous interdit de devenir ce que nous devrions être. en ce sens, l'habitude est bien passion. Elle nous empêche de voir, ramène le jugement à la pensée par prévention, l'acte moral à la routine. Et l'on arrive ainsi au misonéisme des névropathes, à la haine de toute création, à l'incapacité de faire un acte qui n'a pas de précédent, ainsi qu'aux tics, aux manies, à la répétition pure et simple et hors de propos de gestes et de comportements.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 32.
«Il n'est pour moi de liberté que dans la mesure où je me délivre de ma nature, de tout ce qui, en moi, est déterminé. La mémoire est donc l'un des instruments essentiels de ma libération: par elle je découvre l'indépendance de mon moi par rapport à ses états, par elle ce que je croyais être devient autre choses que moi. Localiser un souvenir, c'est le distinguer de mon présent, c'est me séparer de lui.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 33.
«Juger qu'un acte ou un événement sont passés, c'est en effet juger qu'ils ne sont plus, c'est affirmer leur néant. Et nous répugnons à cet anéantissement chaque fois qu'il s'agit d'un souvenir, tout souvenir étant nôtre, et représentant un état que nous avons éprouvé, un être que nous avons connu. un épisode de notre vie. Rappeler le souvenir, c'est se retrouver; localiser le souvenir, c'est se nier soi-même.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 34.
«Il n'est en effet de conscience morale qu'orientée vers l'avenir: la conscience tournée vers ce qui est déjà ne peut-être que scientifique, ou esthétique. Car si les valeurs de vérité ou de beauté peuvent être découvertes et contemplées, la valeur morale est à faire.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 36.
«Effort pour nier le temps, pour revenir en arrière, pour recommencer le passé, il rêve d'impossibles entreprises, me désespère et m'interdit de devenir meilleur. Le remord n'a de sens que par l'illusion de l'éternité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 37.
«... la véritable action n'est possible que si l'homme accepte le temps, s'il croit que sa réelle liberté est sa liberté temporelle et présente, celle grâce à laquelle il peut modifier l'avenir.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 38.
«Seule en effet la pensée du temps peut nous apprendre que le moi ne peut être tenu pour un état, ou un ensemble d'états, mais qu'il est une pure action.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre III. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 38.
CHAPITRE IV
Sources du refus affectif du temps
«L'expérience du temps est celle d'une privation incessante et d'une perpétuelle compensation. Le temps ne m'enlève un moment de ma vie, un aspect de mon être qu'en les remplaçant par d'autres, et, s'il est source de deuil, il l'est aussi de renouveau.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 39.
«Le refus du temps que nous considérons n'est pas celui par lequel l'évolution vitale s'épanouit et se solidifie, ni celui qui arrête l'évolution sociale. Il n'est pas davantage celui par qui l'esprit affirme l'éternité des lois ou la permanence de l'universel: c'est celui qui amène notre moi à préférer la particularité de son passé à celle de son présent et de son avenir.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 40.
«Le futur suscite la crainte, car il peut contenir le danger. Les espoirs même qu'il nous donne nous apparaissent comme menacés, car les causes qui détermineront l'événement `venir sont si nombreuses et si complexes que le futur ne peut être prévu. Ici nul repos n'est possible; l'acceptation du futur est toujours acceptation du risque, la pensée du futur est toujours angoisse, en tant qu'elle est liée à l'idée du possible, et donc de l'incertain.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 42.
«... le futur met en jeu la totalité du monde, et nulle technique ne peut embrasser cette totalité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 43.
«Il est en effet impossible de se penser dans la futur avec vérité, ou du moins avec certitude, puisque le futur ne dépend jamais tout à fait de nous: il ne peut devenir ce que nous avons pensé qu'il sera sans le concours de hasards heureux.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 43-44.
«Comment aimer l'avenir, s'il n'est pour nous qu'absence, si nous ne savons pas ce qu'il sera ? Mais on peut aimer le passé puisqu'il est déterminé, puisqu'il s'offre comme chose. On peut le concevoir, puisque nos souvenir nous le décrivent, On peut, en lui, éclairer sans cesse des détails nouveaux. Il n'y a ici plus de danger pour notre action, plus d'incertitude pour notre esprit. Le passé ne contient pas de risque, et sa pensée est repos.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 45.
«... la condition de l'homme est telle, que rien ne lui est plus difficile que d'aimer l'avenir sans y rechercher le passé.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 46.
«L'instinct est éternel, et il est inconscient: il ne peut tirer parti d'une situation inaccoutumée, il ne saisit jamais le concret comme tel, il ne s'adapte au temps que parce qu'il néglige la qualité particulière de ses moments.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 47.
«Séparé de la représentation de ce vers quoi il tend, l'instinct se réduit à une tendance pure, virtualité informe, semblable en tous points à une force purement physique et non orientée.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 48.
«... tout désir est comme suspendu entre la représentation qui l'attire et la tendance dont il émane.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 48-49.
«... les grands modes de comportement qui constituent notre caractère sont pour la plupart des généralités affectives extraites de l'expérience: sans doute, leur fixité et leur stabilité dominant notre vie, peuvent-ils paraître constituer une nature intemporelle: mais ils sont nés du temps, ils résultent de notre histoire. Ainsi tout affectivité ramène-t-elle vers l'enfance.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 49.
«La première expérience que l'homme fait du changement est celle de l'arrachement au sein maternel: elle a lieu dans le sens plaisir-douleur, meilleur-pire. Il n'y a à cela nulle nécessité logique ou essentielle, on pourrait concevoir une histoire des hommes commençant autrement; mais il est de fait qu'elle commence ainsi. Aussi la conscience humaine traduit-elle d'abord la naissance en langage de théologie: la séparation d'avec le paradis lui apparaît comme contingente, historique, et donc comme le fruit d'un décret arbitraire, d'une malédiction accidentelle ayant uni la souffrance à l'enfantement. Mais notre désir de bonheur essaie toujours confusément d'échapper à une décision si cruelle. aussi l'homme veut-il renverser le temps, passer à nouveau du pire au meilleur, revenir du risque et des dangers aux douceurs de la certitude.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 54.
«L'individu veut s'éterniser; il redoute un futur qui contient sa mort, il veut retenir des lambeaux de son passé, il refuse de les croire perdus, il les appelle à travers le présent. En cela il exprime sa volonté d'être, son refus de mourir. Mais en cela aussi il laisse échapper le seul être qu'il puisse atteindre, et se condamne à n'aimer que ce qui est mort.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IV. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 55-56.
CHAPITRE V
L'état de passion
«Sans doute l'action n'est-elle concevable que dirigée vers l'avenir. Mais attendre l'avenir, se préparer à le recevoir n'est pas agir: agir c'est le construire, c'est le faire ce qu'on veut qu'il soit. Tendre vers le futur est donc la condition nécessaire, mais non suffisante de l'action. Par contre, tendre vers le passé suffit à entraîner la passion, la question de savoir si nous le modifierons ou l'accepterons tel quel ne pouvant ici se poser, vu la nature immodifiable du passé.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre V. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 57.
«La passion nous éloigne de la recherche de la valeur et semble, à la valeur, préférer l'être. La valeur nous apparaît comme ce qui doit être, c'est-à-dire à la fois comme ce qui n'est pas encore et comme ce à quoi nous devons conférer l'existence. Nous sentons que la valeur n'est pas réelle et que nous devons la faire descendre dans le réel Cette réalisation se présente comme une tâche: elle ne peut donc être conçue que dans le futur: par là, elle implique risque et difficultés, elle exclut le repos, elle nous demande de croire en la valeur et en notre propre puissance; mais cette foi n'est pas savoir, et ne saurait exclure l'inquiétude.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre V. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 60-61.
«... l'amour véritable est action, et, comme toute action, il refuse de se soumettre, veut changer ce qui est, lui préfère ce qui n'est pas encore et, participant à cette constante création qu'est le cours du monde, il entreprend de transformer l'être selon la valeur.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre V. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 61-62.
«... en aimant le passé, nous n'aimons que notre propre passé, seul objet de nos souvenirs. On ne saurait aimer le passé d'autrui; par contre, l'amour peut se porter vers son avenir, et il le doit, car, aimer vraiment, c'est vouloir le bien de l'être qu'on aime, et l'on ne peut vouloir ce bien que dans le futur. Tout amour passion, tout amour du passé, est donc illusion d'amour et, en fait, amour de soi-même. Il est désir de se retrouver et non de se perdre; d'assimiler autrui et non de se donner à lui; il est infantile, possessif, cruel, analogue à l'amour éprouvé pour la nourriture que l'on dévore et que l'on détruit en l'incorporant à soi-même. L'amour action suppose au contraire l'oubli de soi, et de ce que l'on fut; il implique l'effort d'améliorer l'avenir de celui que l'on aime.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre V. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 62.
«Le véritable amour ne s'aime pas lui-même, mais se porte vers ce qui n'est pas lui. Il désire le bien futur de ce qu'il aime, il aime en avant, aime ce qui sera, tend vers cette valeur.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre V. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 64.
«La délibération volontaire, étant appel à la vérité de la conscience future, apparaît ainsi comme un appel à la conscience qui fait l'unité du présent et du futur, et donc comme un appel à la raison. La raison est la condition même de l'action. Par là encore, elle s'oppose à la passion, et à sa logique d'erreur, dite logique passionnelle. Elle distingue l'éternel de ce qui se passe. Elle sait ce qui, du passé, pourra se retrouver dans le futur. Elle connaît les valeurs. Elle atteint la vérité de l'éternité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre V. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 65.
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