mercredi 27 avril 2011

Ferdinand Alquié — Le désir d'éternité (Seconde partie)

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VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement,conviction et passion.

Ferdinand ALQUIÉ. Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008.

DEUXIÈME PARTIE
L'exigence rationnelle et
la vérité de l'éternité


CHAPITRE VI
La pensée et l'éternel

«... si nous nous efforçons de penser l'origine du monde, nous sommes conduits ou à le croire éternel, ou à le considérer comme créé, c'est-à-dire à le faire procéder d'une réalité antérieur le contenant virtuellement. Dans l'une et l'autre cas, nous nous montrons incapables de concevoir un véritable commencement.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VI. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 68-69.

«Plus encore que celle des causes efficientes, la pensée des causes finales appelle l'éternité. La fin est conçue comme cause du moyen, et apparaît pourtant, dans le temps, comme postérieure à lui. Si donc on veut rendre la finalité intelligible, il faut la considérer dans son plan et non dans son devenir...» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VI. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 74.

«Comme l'être individuel que nous sommes, l'esprit ne s'affirme d'abord que par la négation et le refus du donné temporel qui s'impose à lui. Le refus du temps est non seulement la source de nos erreurs affectives, mais la condition même de notre pensée. Tantôt il émane des exigences et des désirs de notre personne, tantôt il exprime les nécessités de l'esprit. Sans doute faut-il donc, à côté de l'illusoire éternité dont rêve notre mémoire, reconnaître l'éternité réelle qu'aperçoit notre raison.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VI. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 75.


CHAPITRE VII
Réalité du temps

«La causalité niait le temps du dedans, refusait le devenir, s'efforçait de faire rentrer l'effet dans sa cause. Dans l'explication légale, il s'agit seulement de trouver un rapport constant en quelque sorte extérieur au devenir. L'esprit n'a plus l'ambition de nier totalement ce qui change: aussi l'explication déterministe, succédant à l'explication causale, apparaît-elle comme une capitulation de l'esprit. Elle comporte en effet un abandon et un choix, l'abandon du temporel, le choix de l'éternel. Il semble ici que l'éternité reconnaisse ses frontières, et que l'esprit fasse de la réalité deux parts, l'une réductible à l'identité, l'autre laissée au changement.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 78-79.


CHAPITRE VIII
Nécessité de l'éternel

«À vrai dire, la pensée ne découvre ici que confusion et ne peut rien concevoir clairement entre les deux idées limites d'un mouvement subordonné à une fin qui le transcende et d'un dynamisme pur, d'une évolution où le temps ne crée rien d'essentiel, et d'une évolution où nulle valeur ne se réalise. § Il nous semble donc qu'à ne pas vouloir séparer l'éternité et le temporel comme termes unis dans le donné, mais distincts pour la pensée claire, on se retrouve dans la confusion première d'une expérience, d'une nature.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VIII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 88.

«L'histoire cependant ne saurait être construite a priori: ce n'est qu'une fois réalisée qu'elle peut être comprise comme totalement spirituelle.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VIII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 89.

«Or la mémoire est la faculté par laquelle nous connaissons le temps. Nulle remarque ne peut donc mettre mieux en lumière l'impossibilité de reconstruire le temps a priori.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VIII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 90.

«Toute vérité, même contingente, nous apparaît en effet comme éternellement vraie: ainsi, quelque insignifiant que soit l'événement qui se produise, quelque rapide que soit l'action que j'accomplisse, il sera éternellement vrai qu'à tel instant du temps cet événement s'est produit, qu'à tel autre j'ai accompli cette action: ce n'est qu'à cette condition qu'il y a une réalité du concret, une vérité de la mémoire, une vérité de l'histoire, ces vérités étant précisément celles de ce qui n'est plus et ne peut plus être, mais a été réellement été.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VIII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 92.

«Il nous paraît donc impossible de penser le temps autrement qu'à partir d'une éternité qui le transcende. La moindre réflexion philosophique sur le temps permet du reste de s'en rendre compte. Le temps ne semble se suffire que pour la perception courante ou la connaissance scientifique, opérations où l'esprit, orienté vers l'objet, s'oublie et se confond avec son contenu. Mais dès qu'on veut saisir l'acte de connaissance en sa totalité, c'est-à-dire considérer non seulement l'objet de la pensée, mais la pensée même, on s'aperçoit que la conscience du temps n'est concevable que par l'opposition de l'éternel et du devenir.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VIII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 93.

«L'histoire ne peut être comprise que dans la mesure où l'on pose la permanence d'une même fin durant les périodes plus ou moins longues, permanence entraînant l'orientation vers un but unique d'une multiplicité de faits successifs. À la limite, l'éternité de l'esprit concevant la totalité est la condition de l'idée d'une histoire universelle. La position de l'éternité est donc sans cesse exigée par l'esprit. S'il y a une réalité du temps, il est une nécessité de l'éternel.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre VIII. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 94.


CHAPITRE IX
Subjectivité et objectivité de l'éternel

«Notre propre fragilité nous amène le plus souvent à croire la Nature éternelle. Mais on chercherait en vain dans le donné un objet véritablement éternel: l'éternité objective est tout au plus celle d'un rapport abstrait, d'une forme, d'une loi. Notre expérience la plus quotidienne nous enseigne que tous les phénomènes se déroulent dans le temps, et l'éternité de l'objet ne peut être posée que comme extérieure au donné, comme transcendant l'apparence. Elle est insaisissable comme chose. Aussi a-t-on parfois douté de la réalité, même mentale, des idées éternelles, et l'on s'est demandé s'il n'y fallait pas voir une sorte de rêve de la raison.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IX. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 96.

«... rien n'est plus difficile à isoler que cette expérience du pur présent...» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IX. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 97.

«Dès qu'un contenu quelconque sera pensé comme lui appartenant, il nous faudra reconnaître que ce contenu n'est pas éternel. Car rien de ce que je pense n'est présent, ou ne demeure présent. tout ce que je pense est objet, et tout objet est affecté d'un caractère d'absence au moins possible. Affirmer que le moi est éternel, c'est s'avouer incapable de s'en faire une idée positive, de dire en quoi consiste sa nature, c'est le poser comme radicalement différent de l'expérience, un alors qu'elle est multiple, identique alors qu'elle change toujours. § Ce n'est donc pas sur la foi de l'expérience, mais en vertu d'une nécessité rationnelle, qu'est posé le sujet intemporel qui soutient le temps.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IX. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 98.

«... si l'expérience où se trouve le moi individuel est tout entière soumise au temps, comprise dans le temps, en sorte que les déterminations que je puis découvrir à l'individu que je suis, les circonstances où il se trouve, les particularités de son caractère ou de son histoire, sont et demeureront toujours temporelles, je puis cependant penser le temps et mon moi lui-même: je puis donc découvrir en moi l'esprit universel pour lequel le temps et le moi sont objets. Cet esprit dépasse le temps en ce qu'il découvre les lois éternelles du donné, et aussi en ce qu'il pense et reconstruit le donné tout entier dans le temps.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IX. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 104-105.

«On ne saurait donc confondre l'éternité spirituelle et l'éternité passionnelle, on ne saurait voir dans l'éternité spirituelle un simple rêve du moi: c'est au contraire à partir de cette éternité que l'on peut penser le moi et le devenir du moi. Loin de se confondre avec le moi, l'esprit universel connaît le moi, le pose comme chose, le pense avec vérité entre les étroites limites qui lui sont objectivement accordées dans le temps.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre IX. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 105.

CHAPITRE X
Action spirituelle et volonté

«Le but de l'esprit est la découverte de l'éternel. Son opération ne consiste pas, comme l'ont voulu certains, à engendre le temps, à créer le devenir. Le temps est donné.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 106.

«L'esprit ne peut engendrer le temps. Mais il peut le dominer, atteindre l'éternité à partir de laquelle le temps devient pensable. Cette éternité, il la découvre d'abord en trouvant les lois du devenir, dont il semble ainsi apercevoir la structure.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 106.

«Mais pourquoi, dira-t-on, le refus spirituel du temps est-il ici tenu pour action, alors que le refus affectif du temps nous parût passion essentielle ? Il faut, pour le comprendre, se souvenir que l'éternité spirituelle est transcendante au devenir. Dès lors, le refus du temps par l'esprit est possible et légitime: supérieur au temps, l'esprit peut le penser: il peut dépasser le donné puisque le donné lui est donné, et qu'il n'est de donné que par rapport à lui. Le refus de la multiplicité temporelle est donc, de la part de l'esprit, acte effectif et véritable.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 107-108.

«... la raison, faculté de l'éternel, semble avoir pour fin pratique de nous adapter au futur, ce en quoi elle s'oppose encore à ce souci du passé qu'est en nous la passion.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 110.

«... la recherche et la découverte des lois sont le fait d'une conscience active tournée ver le futur, et [...] toute conscience tournée vers le futur doit, pour l'atteindre, parvenir d'abord à la connaissance de quelque éternité.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 110.

«... l'esprit conçu, non comme conscience, mais comme ordre de l'Univers, est la seule origine possible de l'action.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 111.

«Chez l'homme, il est vrai, l'action se mêle toujours de passion, car le moi s'oppose à l'œuvre de l'esprit. Le moi a ici une conscience propre. Il peut dès lors s'insurger contre l'action qui construit l'Univers. Il le peut, et, presque nécessairement, il est conduit à le faire. Si, en effet, à mesure que se déroule l'histoire, l'Esprit, et la Vie qui l'exprime, vont vers l'avenir, l'individu va vers sa mort. Le conflit du moi et de l'Esprit est donc inévitable, leurs intérêts sont opposés. aussi, toute conscience tendant par essence à nier le temps, la négation qu'opère la conscience intellectuelle s'oriente-t-elle vers le futur, celle qu'opère la conscience affective vers le passé. L'Esprit et le moi cherchent tous deux à être, mais à aller vers le futur, il y a sécurité pour l'Esprit et danger pour le moi.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 111-112.

«Toujours donc l'individu oppose à la valeur de l'acte le souci de la mort. Et, pressentant l'obscure vérité de la parole selon laquelle perdre sa vie est la gagner, et la gagner la perdre, nous ne parvenons pas à nous décider tout à fait en ce choix: devant le double visage que prend en nous l'éternité, nous restons dans l'incertitude.» — Ferdinand ALQUIÉ. Chapitre X. In Le désir d'éternité. Presses universitaires de France. Paris, 2008. p. 112-113.

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