samedi 11 septembre 2010

Oswald Spengler — Le déclin de l'Occident I (Chapitre II)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.


[LE PROBLÈME DE L'HISTOIRE UNIVERSELLE]

«C'est le propre des historiens modernes d'être fiers de leur objectivité, mais ils trahissent ainsi le peu de conscience qu'ils ont de leurs propres préjugés.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 101.

«Une réalité est nature, si elle subordonne le devenir au devenu, histoire si elle subordonne le devenu au devenir.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 102.

«La loi, la formule, est antihistorique. Elle exclut le hasard. Les lois naturelles sont les formes d'une nécessité absolue, donc anorganique. On voit la raison pourquoi la mathématique se rapporte toujours, en tant qu'organisation du devenu par le moyen du nombre, à des lois, à la causalité, et exclusivement à elles.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 103.

«Le devenir pur, la vie, est en ce sens illimité. Il dépasse le ressort de la cause et de l'effet, de la loi et de la mesure. Aucune science historique profonde et vraie n'aspire à la légitimité causale sans méconnaître sa nature intime.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 103.

«C'est ici la cause la plus importante de la querelle sur la forme intérieure de l'histoire. Le même objet, le même fait réel, donne en effet à chacun de ses interprètes, selon son tempérament, une impression d'ensemble différente, incoercible et incommunicable, qui est à la base de ses jugements et qui leur prête leur couleur personnelle.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 103.

«La nature doit être traitée en savant, l'histoire en poète.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 104.

«Plus catégoriques les traits naturels revêtus par une image cosmique, plus despotique dans cette image le pouvoir de la loi et du nombre. Plus pure la perception d'un univers comme en devenir éternel, plus étrangère au nombre l'abondance incoercible de ses transformations.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 105.

«Métamorphose est doctrine du changement.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 105.

«... le devenir étant toujours à la base du devenu et l'histoire une organisation de l'image cosmique au sens du devenir, celle-ci est une forme cosmique originelle et la nature, au sens d'un mécanisme raffiné de l'univers, une forme tardive qui n'est réellement accomplie que par l'homme des cultures mûres.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 106.

«Toutes les méthodes pour entendre l'univers peuvent, en dernière analyse, être nommées morphologie. Celle du mécanique et de l'étendue est une science qui découvre et organise les lois de la nature et les rapports de causalité, elle s'appelle systématique. Celle de l'organique, de l'histoire et de la vie, de tout ce qui porte en soi direction et destin, s'appelle physionomique.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 108.

«Dans chaque science, par le but comme la matière, l'homme se raconte lui-même. Expérience scientifique équivaut à connaissance spirituelle de soi.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 108.

«Tout devenu en général, toute forme phénoménale est symbole et expression d'une âme. Il demande à être vu avec les yeux du connaisseur d'hommes, il ne se laisse pas réduire en lois, il veut être senti dans sa signification. Et l'examen atteint alors cette dernière et suprême certitude: tout caduc n'est que parabole.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 109.

«Forme et loi, parabole et concept, symbole et formule ont un organe très différent. C'est le rapport entre la vie et la mort, la génération et la destruction, qui apparaît dans cette antithèse.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 109.

«L'histoire suppose pour organe une espèce de sensibilité intérieure difficile à décrire, dont les impressions sont comprises dans un changement infini et ne peuvent donc être condensées dans un moment du temps.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 110-111.

«L'image historique — qu'il s'agisse de l'histoire de l'humanité, des espèces organiques, de la terre ou des systèmes de l'étoile fixe — est une image de la mémoire. Mémoire signifie ici un état supérieur, qui n'est point la propriété de chaque être éveillé, qui n'est départi à beaucoup que dans une mesure restreinte, une espèce très précise d'imagination qui fait vivre sub specie æternitatis le moment particulier en le rapportant constamment au passé et à l'avenir; elle est la base de toute espèce de contemplation rétrospective, de toute connaissance et de toute confession de soi-même.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 111.

«Les cultures sont des organismes. L'histoire universelle est leur biographie générale.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 112.

«L'histoire d'une culture est la réalisation progressive de ses possibilités. Leur achèvement est synonyme de sa fin.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 112.

«La culture est le phénomène primaire de toute l'histoire universelle passée et future.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 112.

«Un phénomène primaire est celui où l'idée du devenir est présente à nos yeux dans sa pureté.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 113.

«Une culture naît au moment où une grande âme se réveille, se détache de l'état psychique primaire d'éternelle enfance humaine, forme issue de l'informe, limite et caducité sorties de l'infini et de la durée. Elle croît sur le sol d'un paysage exactement délimitable, auquel elle reste liée comme la plante.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 114.

«Une culture naît au moment quand l'âme a réalisé la somme entière de ses possibilités sous la forme de peuples, de langues, de doctrines religieuses, d'arts, d'États, des sciences, et qu'elle retourne ainsi à l'état psychique primaire. Mais son être vivant, cette succession de grandes époques qui marquent à grands traits précis son accomplissement progressif, est une lutte très intime et passionnée pour la conquête de l'idée sur les puissances extérieures du chaos et sur l'instinct intérieur où ces puissance se sont réfugiées avec leur rancune.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 114.

«Quand le but est atteint et l'idée achevée, que la quantité totale des possibilités intérieures s'est réalisée au dehors, la culture se fige, brusquement, elle meurt, son sang coule, ses forces se brisent — elle devient civilisation.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 114.

«Quiconque comprend en général la mesure où l'âme peut être désignée comme l'idée d'un être, celui-là sentira aussi que la certitude d'un destin en est la proche parente et qu'il faut que la vie elle-même, appelée par moi la forme où s'accomplit la réalisation du possible, soit considérée comme un être dirigé, irrévocable en chacun de ses traits et chargé de destin — vaguement et en tremblant par le primitif, clairement et sous la forme d'une intuition de l'univers (qu'on ne peut sans doute communiquer qu'au moyen de la religion et de l'art, non des concepts et des démonstrations, par l'homme de hautes cultures.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 121.

«La causalité, c'est le rationnel, la loi l'exprimable, la marque de notre être éveillé intellectuel tout entier. Le destin est le nom d'une certitude intérieure qu'on ne doit pas décrire. [...]. Le premier demande une discrimination, donc une destruction, L'autre est de part en part création. D'où la relation du destin avec la vie, de la causalité avec la mort.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 121.

«L'idée du destin est révélée par la peur cosmique d'une âme, son désir de lumière et de croissance, d'accomplir et de réaliser sa vocation. Elle n'est étrangère à personne, et seul l'homme tardif et déraciné des grandes villes, avec son des affaires et la puissance mécanisante de sa pensée sur l'intuition originelle, la perde de vue jusqu'au jour où, à une heure profonde, elle se présente à lui avec une clarté éblouissante qui foudroie toute causalité de la surface de l'univers. Car l'univers comme système d'enchaînements causaux est tardif, rare, et seule l'intelligence énergique des hautes cultures en prend possession d'une manière sûre et presque artistique.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 121.

«Destin est à causalité ce que le temps est à espace.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 122.

«... le devenir est à la racine du devenu, donc le sentiment intérieur et sûr d'un destin est aussi à la racine de la connaissance des causes et des effets. La causalité est — si l'on peut dire — un destin devenu, désorganisé, cristallisé en formes intellectuelles.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 122.

«Le nexus causal, dès qu'on va au fond des choses, se borne rigoureusement à montrer qu'une chose a lieu, non quand elle a lieu. Il faut que l''effet' soit posé nécessairement avec sa 'cause'. Quand à sa distance, elle ressortit à un autre ordre. Elle est dans l'entendement même considéré comme un caractère de la vie, non de la chose entendue.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 123.

«...l'idée du destin régit l'image cosmique entière de l'histoire, tandis que toute causalité, manière d'être des objets qui transforme l'univers de la sensation en choses, propriétés et rapports nettement distincts et délimités, régit et pénètre comme forme de l'entendement l'univers-nature, son alter ego.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 124.

«L'espace est un concept. Le temps est un nom pour désigner un Incoercible, un symbole sonore qu'on entend très mal quand on veut le traiter aussi comme concept scientifique.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 125.

«Il y a toujours une haine cachée dans l'acte spirituel par lequel on force une chose à rentrer dans le ressort de la loi, dans l'univers formel de la mesure. On tue le vivant en le resserrant dans l'espace privé de vie et qui prive de la vie. La mort est donnée avec la naissance, la fin avec l'accomplissement. Il meurt quelque chose dans la femme dès qu'elle conçoit; de là l'éternelle haine des sexes, fille de la peur cosmique. En un sens très profond, l'homme anéantit en engendrant, par l'acte procréateur dans l'univers sensible, par la 'connaissance' dans l'univers spirituel.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 126.

«Devant la question Où et comment, le Quand demeure un univers pour soi: c'est la différence entre la physique et la métaphysique. Espace, objet, nombre, concept, causalité sont si étroitement apparentés qu'il est impossible, comme le prouvent d'innombrables systèmes manqués, d'en examiner un indépendamment de l'autre. La mécanique est chaque fois un portrait de la logique, et inversement. L'image de la pensée dont la psychologie décrit la structure fait pendant à l'univers spatial dont traite la physique contemporaine. Concept et choses, principes et causes, déductions et processus couvrent si complètement quant à la représentation, que le penseur abstrait a précisément succombé toujours à la tentation de représenter le 'processus' intellectuel immédiatement par un graphique et un schéma, c'est-à-dire spatialement [...].» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 128.

«Compter et dessiner sont un devenir, les nombres et les figures un devenu.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 129.

«Le temps est une antinomie de l'espace, tout comme on oppose à la pensée non le fait, mais d'abord le concept de la vie; à la mort non le fait, mais d'abord de concept de la naissance, de la génération. Cette antinomie a sa racine profonde dans la nature de l'être éveillé.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 130.

«... ce n'est ni la mathématique ni la pensée abstraite, mais les grands arts, frères des religions contemporaines, qui donnent la clé du problème du temps, lequel ne peut guère être résolu sur le terrain de l'histoire seule.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 131.

«L'aptitude à vivre l'histoire présente et la manière de la vivre, de vivre aussi et surtout son propre devenir, diffèrent beaucoup d'homme à homme.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 133.

«... l'homme antique a extrait d'un sentiment très profond et inconscient de la vie la forme de l'incinération, acte destructeur par lequel il exprimait vigoureusement son être euclidien lié au présent et au tangent. Il ne voulait point d'histoire, point de durée, ni passé, ni futur, ni souci, ni solution, et il détruisait donc ce qui n'avait plus de présent [...]..» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 136-137.

«L'État est la forme intérieure, l'être en forme, d'une nation, et l'histoire, au sens sublime, est la pensée que cet être n'est pas mobilité, mais mouvement. La femme mère est l'histoire, l'homme guerrier et politique fait l'histoire.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 139.

«Destin et hasard forment toujours une antithèse, où l'âme essaie d'inclure ce qui ne peut être que sentiment, expérience et vision intérieures, ce que les créations les plus profondes de la religion et de l'art peuvent seules éclairer pour ceux qui y sont prédestinés.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 141.

«... ce qui résulte réellement et qui est la conséquence de toutes nos décisions, rapides, surprenantes, imprévisibles pour chacun, dépend d'une nécessité plus profonde et est, pour le regard clairvoyant qui plane par-dessus l'image du passé le plus lointain, soumis à un ordre supérieur. L'insondable peut être ici senti comme une grâce, se le destin a été l'accomplissement d'une volonté.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 142.

«L'univers du hasard, c'est l'univers des faits qui sont réels une seule fois, au-devant desquels comme d'un avenir nous marchons avec nostalgie ou crainte, qui comme présent vivant nous élèvent ou nous oppressent et que nous pouvons revivre comme passé en les contemplant avec joie ou avec douleur. L'univers des causes et des effets, c'est l'univers qui reste constamment possible, celui des vérités atemporelles connues par analyse et par discrimination.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 143.

«Seul le regard pénétrant au sein du métaphysique découvre dans les dates des symboles de faits vécus et élève le hasard au rang de destin.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 144.

«L'histoire ordinaire, pour autant qu'elle n'est pas égarée dans ses collections de dates, ne dépassera jamais le hasard banal. Il est le destin de ses auteurs, qui restent psychiquement plus ou moins au niveau de la foule. Les courants de la nature et de l'histoire se congèlent à leurs yeux en unité populaire, et le vulgaire ne connaît rien de plus incompréhensible que le 'hasard', que 'Sa Majesté le Hasard'. Il est le causal derrière le rideau, le non encore démontré substitué à la logique secrète de l'histoire qu'on ne sent point. L'image anecdotique extérieure de l'histoire, arène de tous les champions ès-causalité scientifique et de tous les romancier ou auteurs dramatiques de vulgaire trempe: voilà son correspondant absolu.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 145.

«Le parfait non-sens de la fatalité aveugle qu'incarne par exemple la malédiction des Atrides, révélait à la psyché ahistorique de l'antiquité le sens de son univers.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 148.

«Un événement fait époque lorsqu'il marque un tournant nécessaire, un tournant du destin, dans le cours d'une culture. L'événement fortuit en soi, qui est l'image cristallisée de la superficie historique, pouvait [sic] se représenter par d'autres hasards correspondants, l'époque est nécessaire et prédéterminée. La question de savoir si un événement prend le nom d'époque ou d'épisode par rapport à une culture et au cours de celle-ci, est en connexion, comme on le voit, avec l'idée de destin et de hasard et, par conséquent aussi, avec la différence entre la tragédie 'époquale' d'Occident et la tragédie épisodique de l'antiquité.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 149.

«Le tragique dans la vie de Napoléon — il est encore à découvrir par un poète assez grand pour le comprendre et le figurer —, c'est que lui, dont l'être s'est éveillé en combattant la politique anglaise, la plus digne représentante de l'esprit anglais, ait précisément par ce combat achevé la victoire de l'esprit anglais sur le continent, qui était alors assez puissant, dans sa forme de 'peuples libérés' pour le vaincre et l'envoyer mourir à Sainte-Hélène. Ce n'était pas lui le fondateur du principe expansionniste. Celui-ci était un rejeton du puritanisme dans l'entourage de Cromwell, qui avait appelé à la vie l'empire colonial anglais, et c'était aussi depuis cette journée de Valmy comprise au seul Goethe, comme le montre sa parole célèbre au soir de la bataille, grâce à l'intermédiaire de cerveaux éduqués à l'anglaise, comme Rousseau et Mirabeau, la tendance des armées révolutionnaires qui étaient poussées en avant par des idées de philosophes absolument anglais. Ce n'était pas Napoléon qui avait ces idées, mais elles l'ont formé et, quant il monta sur le trône, il lui fallut les poursuivre contre la seule puissance, l'Angleterre notamment, qui les voulait de même. Son Empire est une œuvre de sang français, mais de style anglais.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 150.

«Connaissance des hommes et connaissance scientifique sont par essence tout à fait incomparables.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 152.

«Tout ce que nous saisissons par l'esprit a une cause, tout ce que nous appréhendons avec une certitude intérieure comme organisme a un passé. La cause marque le 'cas' qui est possible partout et dont la forme intérieure est constante, quels que soient le moment, le nombre et en général la possibilité de ses manifestations; le passé marque l'événement qui s'est produit une fois et qui ne se répétera jamais.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 152-153.

«... la jeunesse seule a un avenir, est un avenir. Mais cette énigmatique musique verbale signifie la direction du temps, le destin. Le destin est toujours jeune. Celui qui le remplace par une chaîne de causes et d'effets voit pour ainsi dire quelque chose de vieux et de passé même dans le non-encore-réalisé. La direction y manque.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 153.

«La vie est à l'histoire ce que le savoir est à la nature — à l'univers sensible qui est conçu comme élément, considéré dans l'espace et figuré d'après la loi de cause à effet.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 154.

«Il n'y a donc pas une science de l'histoire, mais une pré-science pour l'histoire, qui constate ce qui a existé. Pour le regard historique lui-même, les dates sont toujours des symboles. La recherche scientifique, au contraire, n'est que science. Elle ne veut, parce que technique d'origine et de but, découvrir que des dates, des lois d'espèce causale, et dès qu'elle jette un coup d'œil sur autre chose, elle est déjà devenue une métaphysique, une sorte de surnature. C'est bien pour cette raison que les dates de l'histoire et les dates de la nature sont de deux sortes. Les secondes reviennent sans cesse, les première jamais. Les secondes sont des vérités, les premières des faits. Les 'hasards' et les 'destins' ont donc beau paraître, apparentés dans l'image de tous les jours, au fond tous deux appartiennent à des univers différents.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 154.

«Connaître l'image de la nature — création et reproduction de l'esprit et son alter ego dans le domaine de l'étendue — c'est se connaître soi-même.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 157.

«L'histoire est caractérisée par le fait une fois réel, la nature par l'être toujours possible.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 158.

«Histoire et nature s'opposent en nous comme la vie à la mort et le destin éternel devenir à l'espace éternel devenu. Dans l'être éveillé, devenir et devenu se disputent la primauté de l'image cosmique.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 159.

«Chaque époque, chaque grande figure, chaque divinité, les villes, les langues, les nations, les arts, tout ce qui a jamais existé et existera est un trait physionomique d'une symbolique suprême, que le connaisseur d'hommes doit interpréter dans un sens tout à fait nouveau.» — Oswald SPENGLER. «Chapitre II». In Le Déclin de l'Occident (Vol. I). Gallimard. Paris, 2007. p. 160.

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