mercredi 1 septembre 2010

Benjamin Constant — De la religion (Livre X)

[Avec mises à jour périodiques. — With periodical updates.]

VEUILLEZ NOTER: En faisant la publicité de ces pensées, le rédacteur de ce site n'endosse en aucune façon la signification de leur contenu. Si elles sont présentées ici, c'est qu'elles nous semblent offrir une matière importante à réflexion, par la pertinence de leur thématique ainsi que par la clarté de leur énonciation et des implications qui peuvent en découler. Par ailleurs, nous encourageons ceux qui y seront exposés à l'esprit de critique et de discernement le plus développé, afin d'en retirer non seulement la «substantifique moëlle», selon l'expression de Rabelais, mais encore la vérité la plus haute qu'elles pourraient celer, en relevant le défi de retrouver la vérité suprême, là où elle veut bien se révéler, y compris dans son expérience de vie immédiate, à l'esprit qui la recherche avec engagement, conviction et passion.

[DES DOGMES PARTICULIERS AU POLYTHÉISME SACERDOTAL]

«Par cela même que les divinités actives des mythologies prennent intérêt aux destins des hommes, et s'associent à leurs débats, elles contractent inévitablement leurs imperfections et leurs faiblesses. Il y a dans leur caractère de la versatilité; leur nature n'est pas immuable, à l'abri de toute passion, inaccessible à tout changement. Pour se dédommager de cette espèce de dégradation forcée, le sacerdoce place au faîte de la hiérarchie céleste une divinité d'une nature qui semble plus élevée, parce qu'elle est plus vague et plus indéfinissable. Son immobilité a quelque chose de majestueux. Sa complète apathie la distingue des êtres variables.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre I. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 412-413.

«Les dieux de l'anthropomorphisme sont des êtres mélangés de vices et de vertus, parce qu'ils ressemblent à l'homme; ils s'améliorent graduellement. Aucun ne fait le bien sans intérêt, mais aucun ne fait le mal pour le mal. Il n'en existe point dont la vocation spéciale, l'inclination constante, soient de nuire à l'espèce inférieure par laquelle ils veulent être adorés. § D'ailleurs, à mesure que la nature est mieux observée et l'enchaînement des faits mieux saisi, le bien et le mal, le plaisir et la douleur, tour à tour cause et effet l'un de l'autre, semblent plus intimement liés, et n'exigent point, pour être expliqués, qu'on les attribue à deux principes séparés et distincts.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 417-418.

«Les fables reposent toujours sur la même pensée, essentiellement sacerdotale. La première vertu de l'homme est la soumission. Les dieux le livrent au mauvais principe, pour qu'il se résigne à leur volonté.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 421.

«On peut toutefois remarquer l'effort du sentiment religieux contre un dogme qui le désoriente et qui l'afflige. Il ne saurait admettre l'égalité entre le bon et le mauvais principe. Il cherche donc à rendre au premier la suprématie que la dualisme lui conteste.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 422.

«Le travail du sentiment religieux est donc manifeste. Il introduit dans le caractère des dieux malfaisants des modifications, des inconséquences qui mitigent leurs penchants hostiles; il s'élance vers l'époque où ces êtres régénérés doivent se réunir à la divinité apaisée. Il arrache de la sorte au sacerdoce des concessions plus ou moins limitées, et place, à côté du découragement, l'espérance, à côté de la terreur, la consolation.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre IV. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 423.

«La supposition d'une ou de plusieurs divinités malfaisantes entraîne d'importantes conséquences. Ces divinités essentiellement ennemies de l'homme s'efforcent de le rendre, non seulement malheureux, mais criminel. Elles l'entourent de pièges, elles dressent des embûches sous ses pas, elles le troublent par leurs prestiges, elles le pervertissent par leurs tentations.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre V. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 423.

«L'hypothèse d'esprits se consacrant à tenter l'homme et à l'entraîner au mal, pour le seul plaisir de le corrompre, appartient exclusivement aux religions soumises aux prêtres.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre V. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 423.

«Pour peu que l'homme rentre en lui-même, il est averti de sa double tendance et de la lutte constante qu'il soutient dans son propre cœur, théâtre de combats toujours renaissants, dont il est spectateur surpris et misérable victime. En vain travaille-t-il à rétablir une harmonie dont il n'est point destiné à jouir sur la terre. Tandis qu'il s'abandonne à l'une de ses moitiés discordantes, il ne saurait imposer silence à l'autre. L'innocent succombe à la tentation, le coupable aux remords. L'opposition du bien et du mal, dans l'intérieur de l'homme, a donné lieu à l'idée d'une chute, d'une transgression, d'un péché originel. Nous en trouverons les traces dans toutes les mythologies.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre VI. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 424.

«Livré sans défense à l'action capricieuse et malfaisant d'êtres qui se plaisent à lui nuire, victime des embûches que lui tendent les intelligences supérieures qui s'appliquent à le tromper et à le corrompre, ou vicié dans sa nature même par une première faute, dont le crime lui a été transmis et dont la peine lui est imposée, l'homme tomberait dans le désespoir, s'il ne s'attachait à quelque dogme, à l'aide duquel il renoue avec la divinité la communication interceptée. Le sacerdoce qui a fait le mal, parce que ce mal était dans son intérêt, sent qu'il est dans son intérêt de fournir le remède. Une nouvelle combinaison s'offre à lui, et il la met en œuvre. Une médiation surnaturelle réconcilie le ciel avec la terre..» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre VII. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 426.

«Les approches de la mort ramènent d'ordinaire les individus à la dévotion. Le dogme de la destruction du monde tient l'espèce entière dans une longue agonie.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre IX. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 431.

«L'union des sexes doit attirer toute l'attention de l'homme, aussitôt qu'il réfléchit sur lui-même. C'est par là qu'il tient d'une part aux races passées, et que d'une autre part il se lie aux races futures. Il cesse d'exister isolément; il dérobe aux ravages du temps une portion de son être, et prend possession de l'éternité. Tout ce qui se rapporte à l'union des sexes est énigmatique et inexplicable. Cet oubli complet de notre individualité, d'ailleurs si dominante et si obstinée, ce renversement momentané de toutes les barrières qui nous séparent toujours des autres, et dont de chacun de nous son propre centre et son propre but; ce mélange d'affection morale et de délire physique, cette suspension ou cette confusion de toues nos facultés, cet amour impérieux et sans bornes qui s'élève en nous pour le fruit inconnu de la plus vive, mais de la plus courte de nos jouissances, tout fait de l'union des sexes le grand mystère de la nature. Il a fallu toute la corruption de la société pour désenchanter et dégrader ce mystère.» — Benjamin CONSTANT. Livre X, chapitre X. In De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Actes Sud. Arles, 1999. p. 432.

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